par Lenidem le Ven Juin 09, 2017 15:29
"Dragon Ball est-il sans fin ?" Il me semble que cette question en combine en réalité trois autres :
1. Dragon Ball a-t-il le potentiel pour continuer indéfiniment ?
2. Dragon Ball continuera-t-il ?
3. Dragon Ball doit-il continuer, ou une fin définitive est-elle souhaitable ?
La première réponse me semble être un oui assez franc : un univers aussi ouvert et plein de suggestions est une invitation à la rêverie et à la suite (ou à la préquelle, au what-if, etc.). Sans même se tourner vers l'officiel, il n'y a qu'à voir les innombrables fanfictions et fanmangas. Le monde de Dragon Ball regorge d'histoires potentielles, longues ou courtes, familiales ou d'ampleur cosmique.
La franchise ayant été relancée, il est assez clair que Dragon Ball Super est parti pour durer, et si cette série-là prend fin, je serais surpris qu'aucune autre ne voie le jour, à moins que ce ne soient d'autres films.
Quant à la troisième question, elle est bien plus subjective que les deux premières. Mon avis là-dessus est assez tranché : j'aurais préféré, et de très loin, que l'histoire s'arrête officiellement à la fin du manga, que Dragon Ball GT sombre dans l'oubli, et que Super et les films associés ne voient jamais le jour. Pourquoi ?
D'abord, parce que j'estime qu'un récit doit savoir s'arrêter, et s'arrêter à temps. Ce qui, pour moi, signifie : avant de tourner en rond. À mes yeux, la saga Boo était en ce sens un excellent dernier chapitre, qui reprenait la formule éprouvée d'un nouvel ennemi surpuissant tout en la subvertissant grâce à l'humour des débuts. Le départ avec Oob laissait la porte ouverte à l'imagination, tout en manifestant clairement, tant par les dialogues que par la mise en scène, qu'un cycle était en train de s'achever tandis qu'un autre s'apprêtait à commencer. Gokû déclare explicitement que dorénavant, ce sera au petit nouveau de protéger la Terre, impliquant qu'il y aura toujours des dangers et que le héros lui-même ne sera pas toujours là pour les résoudre. Or, quelle que soit la façon dont on le tourne, Dragon Ball n'est autre que l'histoire de Gokû (et de ceux qui gravitent autour de lui). L'histoire de Oob, si elle devait être racontée, ce serait... autre chose. Mais doit-elle être racontée ? Personnellement, il me semble que ce n'est pas nécessaire. Tel qu'il est, Oob remplit déjà pleinement sa fonction : par sa seule existence, il nous fait comprendre, à nous lecteur, que même si le récit s'achève, le monde, lui, continue de tourner. Rien ne s'arrête jamais vraiment, les générations se succèdent comme passent les saisons (ou les "arcs" ou les "sagas"), et il est tout simplement impossible d'en voir la fin car ce cycle se poursuivra à l'infini.
Une telle suite, avec Oob au centre, présente donc un risque de redite : un enfant quitte son microcosme pour découvrir le monde et suivre l'entraînement du plus grand maître de la Terre avant d'affronter des dangers de plus en plus grand... Mais elle aurait été préférable à ce que nous avons aujourd'hui : une réutilisation éhontée de la recette qui a déjà marché. Bien sûr, il y a de bonnes idées par-ci par-là : Whis et Beerus sont pleins de caractère, par exemple. Mais un peu d'assaisonnement ne suffit pas à faire passer pour frais ce qui est en réalité du réchauffé. Le fait que l'histoire prenne place avant les derniers chapitres est on ne peut plus révélateur. L'une des forces du manga de Dragon Ball était sa capacité à tourner la page. Le temps, dans Dragon Ball, n'est pas une notion diffuse : les personnages évoluent physiquement entre chaque ellipse, les enfants grandissent. Le héros lui-même est passé brutalement (pour le lecteur) d'un corps d'enfant à un corps d'adulte, il s'est marié, a eu des enfants qui ont eux-mêmes grandi et l'un d'eux est devenu père à son tour. C'est dans l'ordre des choses, les jeunes remplacent les anciens avant de vieillir et d'être eux-mêmes remplacés : ce que Tortue Géniale accepte pleinement, le sourire aux lèvres, au contraire de son alter-ego maléfique et de son frère, qui s'accrochent à leur titre de "maître" et à leur supériorité qu'ils voudraient conserver pour toujours.
Du point de vue narratif aussi, quand une page se tourne, c'est pour de bon. Un ennemi vaincu aura peut-être droit à une revanche, pas plus, et encore aura-t-elle lieu tout de suite après (l'exception étant Gero, sur lequel il y aurait beaucoup à dire), après quoi il sera vaincu définitivement ou rejoindra plus ou moins officiellement le camp des héros (la famille élargie de Gokû ?).
Le temps est une réalité, dans Dragon Ball. Il est incontournable et il faut savoir accepter son passage. Ainsi va la vie.
Dragon Ball Super fait tout le contraire.
Pour commencer, on prend les personnages au top de leur forme. Rendez-vous compte : à la fin du manga, Gokû et Végéta ont... des rides. Elles sont petites, mais présentes. Faire une série sur des personnages presque vieux ? Inenvisageable ! Non : on va se permettre ce que le manga ne s'était jamais permis : on va revenir à un stade antérieur du récit, reprendre les personnages tels qu'ils étaient avant les dernières étapes franchies. Figés dans le temps. On ajoute quand même de nouvelles transformations, parce qu'il faut donner l'illusion de mouvement et que ça avait toujours fonctionné. Et on fait revenir le méchant le plus populaire. Encore et encore. Freezer avait été vaincu une première fois sur Namek, puis s'était fait pulvériser avec son père pour marquer la transition vers une nouvelle saison. Les films nous avaient montré son frère, deux fois. Dragon Ball Super nous ramène Freezer lui-même une première fois. Puis nous présente un de ses doubles d'un autre univers. Puis le fait revenir une fois encore. Y a-t-il vraiment une raison pour que ça s'arrête là ? Dans Dragon Ball Super, Tortue Géniale lui-même oublie sa propre sagesse et s'accroche au combat : il veut rester au premier plan, tel un Taopaïpaï pourtant balayé d'un seul coup par celui qui devait lui succéder.
Le manga avançait sans regret vers l'avant : sa suite revient sans vergogne en arrière, pour tourner en rond.
Certains objectent que Dragon Ball Super a le mérite d'exister et donc "de faire connaître Dragon Ball à de nouvelles personnes". Mais Dragon Ball a-t-il vraiment besoin de publicité ? Des tas de chefs-d'oeuvre restés sans suite sont pourtant toujours lus ou visionnés de nos jours. Et pour une personne intriguée par DBS et qui aura la curiosité d'ouvrir le manga, combien se diront au contraire "C'est donc ça, Dragon Ball ? Très peu pour moi !"
Bref. Vous l'aurez compris, je trouve que Dragon Ball, le manga, est une oeuvre accomplie qui n'a besoin d'aucune suite.
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Lenidem le Ven Juin 09, 2017 15:33, édité 1 fois.
RMR a écrit:Moi, je peux vous dire qui a raison. C'est Lenidem.
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