Avec des années de recul, il y a de quoi s'interroger sur la pertinence de chercher un successeur à Gokû, alors même que ce dernier a... 30 ans. Difficile de croire à la thèse du vieux général fatigué, non ?
On peut se dire qu'aux yeux de Toriyama, Gokû était devenu envahissant, témoin sa volonté manifeste d'évincer systématiquement sa star : à de nombreuses reprises, en effet, Gokû est absent. Retenu sur le chemin du serpent, convalescent, en route vers Namek, malade du cœur... Ces prétextes ont permis aux autres de continuer à briller, et l'auteur s'est montré génial dans sa façon d'entetenir habilement l'illusion que les Piccolo, Végéta, Trunks du futur ou Gohan seraient capables de résoudre les problèmes sans notre héros. Si on regarde bien, chacun a fait son coup d'éclat et eu son moment de gloire, allant jusqu'à surpasser Gokû, par périodes.
Autrement dit, Toriyama a presque toujours réussi à faire briller ses autres personnages au moyen de procédés ingénieux pour laisser Gokû à l'écart sans qu'il ne disparaisse pour de bon.
Du coup, je ne saurais identifier la raison qui motive ce besoin de changer de héros. Le plus simple est encore de se dire qu'il n'avait plus rien à raconter avec Gokû, dont il arrivait au bout du développement, et qu'il fallait du neuf.
De là à choisir d'évincer complètement son héros... c'était délicat. J'aime bien les fanfics où il n'est plus là, laissant la place à Gohan (j'ai même prévu d'en écrire une), mais je pense qu'une suite officielle sans lui ne serait pas viable, tant son charisme (sic) et son aura demeurent écrasants. On le voit bien, quel que soit le niveau des autres, celui qu'on appelle au secours quand ça va mal et dont on implore l'arrivée providentielle, ça reste Gokû. Encore et toujours. Comme un réflexe pavlovien.
Même quand Gohan a été le plus puissant, il le devait en partie à son père, qui l'a formé pendant un an. Gokû a fait figure d'entraîneur, puis de soutien moral auprès de son fils quand il voulait abandonner le combat contre Cell.
Même dans la victoire de Gohan, il reste omniprésent, en fait. Et la seule fois où Gohan lui a désobéi, rechignant à tuer Cell sans qu'il agonise, ç'a eu des conséquences dramatiques...
En définitive, se priver de Gokû semble une gageure, tant il est indissociable de l'histoire, et tant son aura reste profondément ancrée dans toutes les consciences.
Et pour le successeur désigné, qu'importe comment on tourne le problème, arriver après un tel gabarit ne peut être qu'un cadeau empoisonné. ^^
Toutefois, et même si je dois me trouver en minorité sur ce forum, je suis de ceux qui regrettent que Gohan ait subi un tel déclassement dans la saga Buu. Aujourd'hui encore, ça reste une de mes déceptions les plus vives, imperméables au nouveau regard que j'ai sur cette œuvre, les années passant.
Que Gohan ne soit finalement pas le héros annoncé, par manque d'épaisseur, soit. Qu'il ait tout envoyé balader comme ça, avec tant de désinvolture, j'ai encore et toujours du mal à m'y faire.
Bien sûr, ce développement obéit à une forme de logique, car Gohan a toujours clamé sa différence, son désamour envers les combats et sa passion pour les sciences. Ce relâchement - que dis-je, cet abandon pur et simple de l'entraînement - dont il a fait preuve ne constitue pas un coup de tonnerre, vu le profil du garçon.
Seulement, cette fois, Gohan avait changé de statut, il était devenu le meilleur rempart face aux menaces potentielles qui pouvaient débarquer à tout moment, du coup, laisser tomber l'entraînement, c'était faire courir de gros risques, à lui-même d'abord, et au monde entier par voie de conséquence. Et puis, rien que pour honorer la mémoire de son père qui lui avait confié cette mission, il aurait pu essayer de se faire violence.
Car la vie apporte son lot de contraintes, des choses que l'on fait non pas par plaisir, mais par nécessité.
Trunks du futur l'a mieux compris : plus qu'un vrai goût des combats, il a surtout un sens des responsabilités supérieur, dû à ses traumatismes.
Gohan n'était probablement pas aussi mature que ne le pensait Gokû, à sa mort. Le besoin de souffler était trop grand pour le jeune garçon...
Après, si on veut voir les choses sous un autre angle, on peut apprécier que la tentative de Gokû de trouver un successeur n'ait pas fonctionné du premier coup, preuve que même dans un tel univers, tout n'est pas réglé comme du papier à musique. Il y a aussi des échecs, des erreurs de casting (dur à avaler quand on a tant aimé Gohan contre Cell).
Aussi, on peut se réjouir qu'un saïyen élevé dans la violence ait finalement choisi un autre chemin, malgré les risques que ça impliquait. Tout ça, je l'entends. Mais, même dans la forme, j'ai trouvé ce Gohan adulte insipide. Dans le vaisseau de Babidi, quand son père lui demande s'il s'est suffisamment entraîné, c'est comme s'il débarquait de la Lune, sa réaction est celle d'un gamin qui a oublié de faire ses devoirs de maths.
J'aurais mieux vu une réponse mature et honnête, style : <<
Je regrette, papa, j'ai fait de mon mieux pour remplir la mission que tu m'avais confiée, me suis efforcé de m'entraîner un peu chaque jour afin de rester en forme, mais je ne suis décidément pas fait pour ça, contrairement à toi qui adores te battre. >>
Ce Gohan, faisant preuve de bonne volonté mais vaincu par le poids de responsabilités trop lourdes pour lui, ce Gohan aurait tellement plus d'épaisseur à mes yeux. Sérieusement, quitte à le faire dévier du chemin qu'on avait tracé pour lui, il existait moult façons de présenter ça autrement, de sorte à approfondir le bonhomme, et pour qu'on se prenne d'empathie à son égard. Au lieu de nous le ramener en mode branleur qui a complètement oublié ses devoirs.
Sinon, j'ai quand même apprécié Great Saïyaman.
L'ironie, c'est que pour jouer au justicier, il doit faire appel à une fraction du talent qu'il n'aurait jamais développé de son plein gré !