Zhatan a écrit: comment fait-on pour vérifier qu'il a bien eu viol ? Parce qu'un des argumentaires lorsqu'il y a des campagnes sur le viol, c'est que ce crime est peu puni : mais peut-il en être autrement ? J'imagine qu'il faut au moins prouver (au delà de l'évidence) la culpabilité pour condamner quelqu'un ? Et donc dans quelle mesure le taux de punition des viols est bas de façon obligatoire ?
Avant toute chose, je te donne la définition légale du
viol, j'y reviendrai en fin de post: Article 222-23 du Code pénal: "
Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol.
Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle".
Le
viol implique donc un acte de pénétration, par le
sexe ou dans le
sexe, commis sur autrui par les moyens suivants: violence, contrainte, menace ou surprise.
Les raisons qui peuvent expliquer pourquoi les viols sont peu punis sont multiples:
1) Tout d'abord, il y a des raisons qui font que les viols ne sont même pas connus des services de police et de justice.
Le
viol n'est souvent pas révélé par les victimes qui ont honte de ce qui s'est passé, ou même peur de représailles en cas de dénonciation, selon l'endroit où elles vivent et l'auteur du crime. Cette honte est très présente chez les femmes mais encore plus chez les hommes. Personnellement, je n'ai d'ailleurs aucun souvenir d'une affaire de
viol, médiatique ou non, dont la victime serait un homme (disons une personne de
sexe masculin de plus de quinze ans). Je ne pense pas que des viols sur des hommes n'arrivent jamais, dès lors, je suppose que ce sont des crimes très peu dénoncés et donc, très peu punis.
J'ajoute que statistiquement, les victimes connaissent généralement leur violeur. C'est un membre de la famille, un voisin, ou une personne proche de l'entourage et respectée (enseignant, professeur particulier, religieux, ami de la famille, etc.). Du coup, à la honte de dénoncer les faits s'ajoute la peur de ne pas être cru et/ou de faire voler en éclat un équilibre familiale.
Il y a donc un problème de connaissance de l'infraction qui empêche d'entrée de jeu toutes poursuites et donc toutes sanctions.
2) Comme dans toute infraction, il y a ensuite un problème de démonstration de l'infraction, une fois que celle-ci est dénoncée, c'est le point que soulevait Denax. L'"avantage" (si je puis dire) dans ce genre d'infractions, c'est que comme je le disais, dans de nombreux cas, la victime connaît l'auteur. Il est donc facile pour la police de le retrouver. La difficulté est ensuite de démontrer l'infraction. Plusieurs éléments peuvent permettre de rapporter des preuves. La victime présente-elle des traces de nature à rendre probable un rapport sexuel contraint ? Reste-t-il de l'ADN de l'auteur ? Existe-t-il des témoins ? Etc. Ces preuves sont souvent difficiles à rapporter car la victime doit souvent attendre des mois, voire des années pour avoir le courage de déposer plainte. Certaines preuves ont-alors disparues.
Dès lors, il reste la technique suivante: placer le mis en cause en garde à vue et lui mettre la pression pour le faire avouer. J'ai personnellement assisté une personne en garde à vue soupçonnée de
viol. J'ai constaté, au vu des éléments qu'on m'avait fourni que cette personne faisait l'objet d'une enquête
préliminaire (cette qualification implique que, contrairement à l'enquête de
flagrance les policiers enquêtaient depuis longtemps sur la personne. Ils pouvaient donc avoir beaucoup d'éléments contre lui, mais cela pouvait également indiquer que la victime avait tardé à déposer plainte et donc, que des éléments de preuves pouvaient avoir disparu), je lui ai dès lors conseillé, non pas de nier les faits, mais de refuser de répondre à toutes les questions des policiers, même les plus innocentes, car la possibilité de mettre la pression résulte du fait que les policiers rebondissent à chaque réponse du gardé à vue pour lui faire prendre conscience (ou en tous cas le persuader) que sa position est peu crédible, et donc pour le pousser à avouer. Bon, ça a été chaud avec les policiers mais je reste convaincu que c'était la meilleure stratégie de défense à ce stade.
Concernant le
viol entre époux, ces preuves, déjà difficiles à rapporter le sont encore plus car les conjoints sont censés avoir des relations sexuelles entre eux, rendant le
viol d'autant moins probable, la honte de la victime encore plus présente et la recherche des preuves toujours plus difficile.
Il n'en reste pas moins que toutes les méthodes que j'ai énoncées peuvent être utilisées pour démontrer la réalité du
viol.
Denax, je ne suis donc pas d'accord avec toi. Ce n'est pas parole contre parole. Pour les viols conjugaux, comme pour toute infraction d'ailleurs, une enquête a lieu. Elle est particulièrement poussée en matière de
viol puisqu'après l'enquête de police ou de gendarmerie, une instruction, dirigée par un juge a lieu et à l'issue de celles-ci, si les éléments rapportés ne sont que la parole de l'un, contre la parole de l'autre, sans qu'il n'y ait de preuves venant corroborer l'accusation, il n'y aura pas de procès mais un non-lieu.
3) Enfin, les viols ne sont parfois pas jugés comme tels. Il arrive ainsi que la justice qualifie un
viol, qui est un crime (la catégorie d'infractions la plus grave), comme délit (une infraction de gravité moyenne) d'« agression sexuelle ».
J'en reviens à ma définition du
viol donnée en début de post. Les agressions sexuelles n'ont pas de définitions pour leur part et se caractérisent par opposition au
viol. Article 222-27 du Code pénal: "
Les agressions sexuelles autres que le viol sont punies de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende". Les autres agressions sexuelles vont donc de la main aux fesses à l'introduction d'un strapon dans l'anus en théorie.
La requalification a plusieurs objectifs: le prévenu sera jugé en correctionnelle donc sans jury, et non devant les assises pour des raisons de coût.
La preuve est également plus facile à apporter (par exemple, le prévenu aura plus volontiers reconnu avoir tripoté sa victime que l'avoir
violée).
Enfin, il y a une peur des jurés populaires qui seraient moins enclins à sanctionner les violeurs. Dans une Cour d'assises, il y a une majorité de jurés populaires et dans les cas un peu limites, on a parfois peur qu'ils refusent de condamner car dans l'inconscient collectif, la victime serait parfois responsable de son
viol: "Elle l’a mérité" car elle était habillée de manière trop sexy ou car elle marchait seule la nuit. Ou bien encore "si elle avait vraiment voulu se défendre, elle aurait pu s'échapper, etc". On estime - à tort ou à raison - que des magistrats professionnels sont moins sensibles à ce genre d'arguments.
La requalification en agression sexuelle implique cependant que le violeur ne sera pas puni comme il le mériterait, les peines maximales étant inférieures.
Voilà toute une série d'arguments qui explique pourquoi la punition des viols resterait faible.
Cela dit, je te renvoi à un de mes précédents posts sur lequel tu avais d'ailleurs débattu et qui explique pourquoi, par nature, les chiffres de la criminalité et de sa répression ne sont que très approximatifs.