Allez, en attendant la décision du tribunal administratif de Nice (qui de toutes façons ne tranchera pas la question tant il est certain qu’il fera l’objet d’un recours), j’aimerais discuter un peu du feuilleton de l’été ; à savoir, le port du burkini. Est-il de nature à faire trembler notre société ?
J’ai hésité sur le topic le plus adapté pour poster mon message mais au final, j’ai l’impression qu’on est assez loin des préoccupations religieuses pures et dures. J’opte donc pour ce topic-ci.
Et pour ce faire, je prendrai comme base
ce torchon cet article publié récemment et qui m’a fait dresser les cheveux sur la tête :
http://www.marianne.net/burkini-pourquoi-il-ne-faut-pas-laisser-faire-100245184.htmlQue nous dit donc ce papier :
Ce que sentent bien l'immense majorité de nos concitoyens dans cette affaire, en dépit des plaisanteries à deux balles et des hésitations d'une partie de leurs représentants, c'est qu'il s'agit là d'une nouvelle bataille et que reculer ne mènera nulle part sauf à se trouver un jour le dos en mur.
Et on commence très fort avec un argument d’autorité (la majorité doit avoir raison et quand bien même on ne sait pas ce que pense la majorité, il est évident qu’elle est avec moi).
Tout a commencé à Marseille lorsqu'un parc aquatique et la municipalité divers gauche des Pennes-Mirabeau (Bouches-du-Rhône) ont décidé de retoquer la demande de réservation faite par des femmes des quartiers nord de Marseille ayant prévu une sortie piscine en burkini. Dans la foulée, le maire de Cannes, suivi par d'autres édiles Les Républicains, signa un arrêté interdisant le port de ce vêtement ostentatoire sur ses plages en raison des «risques de troubles à l'ordre public». Samedi 13 août, des heurts ont éclaté à Sisco, en Corse, qui n'étaient pas sans rappeler ceux de décembre 2015, opposant des familles musulmanes, dont les femmes se baignaient en burkini (c'est en tout cas ce qui a été rapporté par des témoins dans un premier temps) et des Corses. Au cours de ces affrontements, il y eut plusieurs blessés dont une femme enceinte.
Il est à noter que cet article est daté du 20 août 2016 à 10h et que deux jours plus tôt, le procureur de Bastia avait indiqué que le port du Burkini ne semblait avoir eu aucun rôle dans la rixe de Sisco. Ça a même été précisé dans le même journal
http://www.marianne.net/rixe-sisco-corse-procureur-blanchit-burkini-100245107.html Il eut été plus objectif de le préciser mais bon, ça n’allait manifestement pas dans le sens vers lequel souhaitait nous amener l’auteur.
S'agit-il d'un épiphénomène, d'une mode vestimentaire comme une autre, d'une polémique montée de toutes pièces par la droite ultra qui fait ricaner les médias étrangers, et notamment anglo-saxons (vous savez, les mêmes qui prétendaient qu'il existait des armes de destruction massive en Irak) ?
Euh… Quoi ?
Le problème est qu'on connaît la chanson car, à moins d'être aveugle, comment ne pas voir que le surgissement de cette question du burkini vient s'ajouter à la longue liste des attaques répétées contre l'indifférenciation et à l'affirmation d'une visibilité radicalement différente. Impossible en effet, à moins d'avoir une mémoire de poisson rouge, de ne pas inscrire cette question dans le droit fil des débats posés par le foulard à l'école, la prière dans la rue, le repas dans les cantines, les programmes scolaires, l'apartheid sexuel dans les piscines publiques, le refus qu'une femme puisse être examinée par un médecin homme à l'hôpital public... Est-il vraiment besoin de continuer quand les coups de canif portés au bon sens républicain sont si nombreux ?
Pas le fameux bon sens républicain qui proclame la liberté religieuse je suppose ?
Article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : «
Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi. »
Article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat : «
La République assure la liberté de conscience […] ».
De même, il est aisé de prévoir ce qu'il adviendrait si la pratique du burkini s'installait le long des plages. Dans la foulée de la nouvelle antienne contemporaine : «C'est ma religion, donc il faut en respecter les recommandations, les commandements, les interdits, etc.», on verrait très vite surgir une nouvelle demande réclamant de prévoir systématiquement des maîtres-nageuses à côté de leurs collègues masculins et si possible vêtues d'un burkini rouge et jaune, comme c'est le cas en Australie.
Ah l’Australie, ce haut lieu du Salafisme le plus conservateur.
Pour information, je n’ai pas trouvé de décisions de justice imposant aux hôpitaux du personnel soignant féminin pour satisfaire aux éventuelles desideratas des usagers, bien au contraire :
http://www.lepoint.fr/actualites-societe/2008-06-11/un-musulman-condamne-pour-avoir-refuse-qu-un-homme-accouche-sa/920/0/252050Dès lors, on peut raisonnablement penser que « si la pratique du burkini s'installait le long des plages » il pourrait y avoir des réclamations afin de demander des sauveteuses en Burkini, ce qui est tout à fait admissible, tout comme il serait tout à fait admissible que les autorités municipales répondent par une fin de non-recevoir en arguant que « on a pas que ça à faire ». Suite à cela, il serait tout aussi admissible que les Ayatollahs du Burkiini agissent en justice et il serait enfin tout particulièrement admissible qu’ils perdent lamentablement leur procès.
Bref, une application tout à fait normale de l’état de droit. Si vous n’êtes pas satisfait de l’état des choses, vous pouvez faire tous les procès que vous voulez mais si vous n’avez pas la Loi de votre côté, ben vous irez vous faire voir.
S'agissant des tissus religieux, aucun argument ne tient la route face à cette mise en garde de Mona Eltahawy, aucun : «Les femmes du monde occidental portant un voile contribuent à asservir les femmes ailleurs dans le monde pour lesquelles le port du voile est une contrainte.» Il faut une forte dose de cynisme ou de bêtise, voire des deux, pour revendiquer de se couvrir toujours plus alors qu'au même moment des images nous proviennent des zones libérées de Daech, où l'on voit des femmes brûler leurs geôles de tissu en étreignant des combattantes kurdes et arabes tête nue.
"Aucun argument ne vaut pour militer pour le droit des femmes à porter un Burkini, d’ailleurs, je ne vais en évoquer aucun, ça ira plus vite pour les démonter et vous prouver que j'ai raison"!
Certaines musulmanes clament que c'est leur droit, que c'est leur choix ? Grand bien leur fasse. Nous savons depuis plusieurs années déjà combien les fondamentalistes religieux sont habiles à revisiter les idéaux de 1789 et des Lumières pour les retourner à des fins obscurantistes.
Ouais, on va leur apporter la liberté à ces bonnes femmes, qu’elles le veuillent ou non, et la première chose qu’on va faire, c’est leur interdire de faire ce qu’elle veulent au mépris de de notre propre Déclaration des droits de l'homme et du citoyen !
Dans un entretien à la Provence, mercredi 17 août, Manuel Valls a apporté son soutien aux élus à l'origine de ces décisions, «s'ils sont motivés par la volonté d'encourager le vivre-ensemble, sans arrière-pensée politique». On ne peut dire mieux. Et d'expliquer que les plages, comme tout espace public, doivent être préservées des revendications religieuses. Un peu de sable estival pour faire grincer quelques dents à gauche.
Et c’est là que le bât blesse. Dans cette conception très Foenidisienne de la laïcité qui relève en fait plus d’un athéisme forcé.
La laïcité n’a jamais eu pour objectif d’interdire à chacun d’exercer ou de démontrer sa foi hors de son domicile ou de son lieu de culte. La seule limite doit être le trouble à l’ordre public. Or, que troublent ces femmes vêtues d’un Burkini à part les seules conceptions morales de ceux qui les conspuent ?
Deux petites réflexions pour en finir :
- Tout d’abord, ceux qui verraient un quelconque lien entre Daesh et l’arrivée du Burkini en France se trompent selon moi fondamentalement. Daesh n’encouragerait certainement pas les femmes à se rendre à la plage. Même habillées en Burkini. Même en Burqa en fait. La place d’une femme n’est pas à la plage pour un fou de Dieu.
- Ensuite, je n’ai pas réussi à trouver l’avis d’une seule intéressée dans la presse. C’est quand même fou ! A croire qu’elles ne seraient vraiment que quelques-unes… Méritent-elles tout ce cirque ? Et que feraient ces femmes sans Burkini ? Viendraient-elles seulement à la plage ? Le Burkini n’est-il dès lors pas une sorte de compromis pour elles, leur permettant d’aller vers des activités éminemment occidentales (prendre du bon temps à la plage) tout en satisfaisant leur entourage ou leur conception stricte de leur religion ? Dans ce cas-là, tous ceux qui luttent contre cette nouvelle pratique auront tout gagné en renvoyant ces femmes dans leurs maisons, où je doute qu’elles pourront alors se tourner vers le modèle de société que certains souhaitent leur imposer au nom de leur morale.