San999 a écrit:Je souhaiterais avoir l'avis de Lalilalo, notre spécialiste en droit, sur cette affaire:
Sigurico d'Eastblue a écrit:Bah disons que dans l'optique de l'atteindre, il s'agit d'un bon moyen de toucher à ses proches, nan ?
Sinon, vous avez entendu parler de
l'affaire Jacqueline Sauvage ? Je la trouve intéressante au niveau des problématiques qu'elle peut poser.
(Cela dit, tout le monde peut donner son avis.
C'est juste que je vous lirai pas. Rooooh! Je déconne!)
Disons-le sans ambages, au regard de ton lien, cette décision parait parfaitement légale.
Avant toutes choses, je précise que 3 conditions sont nécessaires pour qu'un acte commis par un individu puisse être qualifié de crime ou délit.
Il faut une condition préalable; le fait doit être envisagé et réprimé par un texte de loi avant sa commission. Ici: "le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre. Il est puni de trente ans de réclusion criminelle (article 221- 1 du Code pénal)". Ce texte a été codifié par la Loi n° 92-684 du 22 juillet 1992 et existait déjà bien avant cela. La première condition est bien remplie, l'incrimination existant déjà avant même la naissance de Mme SAUVAGE.
Il faut ensuite un élément matériel. L'agent doit commettre l'acte incriminé. Ici, Mme SAUVAGE a bien tiré trois coups de fusil mortels sur son époux Norbert MAROT, le 10 septembre 2012.
Enfin, un élément moral. L'agent doit avoir la volonté de commettre l'infraction. Ici, je n'ai pas l'impression que Mme SAUVAGE ait prétendu ne pas avoir voulu tuer son mari.
Les trois conditions étant remplies, la condamnation pour meurtre est donc logique.
Il existe certes des causes d'irresponsabilité pénale qui permettent de ne pas condamner l'auteur bien que les faits constituant l'infraction soient établis mais ici, aucun ne tient, y compris la légitime défense.
Article 122-5 alinéa 1er du Code pénal: " N'est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit,
dans le même temps , un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d'elle-même ou d'autrui,
sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte ".
Apparemment, les débats ont permis d'établir que dans les minutes ayant précédé la mort de M. MAROT, celui-ci n'avait pas agressé Mme SAUVAGE ou ses enfants ou qu’en tout cas, il ne menaçait pas leur vie.
Pire, tout l’enjeu du procès était de savoir s'il y avait eu ou non préméditation, ce qui de fait, exclut une réaction face à une agression.
En l'occurrence, la préméditation était envisagée car fort curieusement, M. MAROT a été tué le lendemain du suicide de son fils. Il ne parait pas contestable que M. MAROT (père) était un tyran domestique et on peut imaginer que le suicide de son fils n'a pas été étranger à son comportement. Dès lors, la tentation est grande de penser que cet acte désespéré a été l'horreur de trop et qu'après des années de sévices et d'humiliation, Mme SAUVAGE aurait décidé de se venger.
La question est importante car le meurtre prémédité devient un assassinat et les peines encourues sont plus importantes que pour le meurtre simple. Article 221-3 du Code pénal: "Le meurtre commis avec préméditation constitue un assassinat. Il est puni de la réclusion criminelle à perpétuité".
Le résultat obtenu est donc déjà notable.
Concernant enfin la peine, celle-ci peut effectivement apparaitre choquante. Ce n'est plus du droit, ça dépend de la morale de chacun et ça reste à ta libre appréciation.
Je te donne les premiers mots du réquisitoire de l'avocat général (le représentant du ministère public): "Quelle peine infliger à cette femme ?". Puis s’adressant aux jurés : "Vous aller devoir fixer le prix d'une vie. Vous allez envoyer un message fort aux hommes et femmes battus qui font le choix de dénoncer un conjoint. Votre peine doit aussi avoir un sens pour Madame Sauvage, la mettre face à ses responsabilités".
http://france3-regions.francetvinfo.fr/ ... 79662.htmlMme SAUVAGE n'était apparemment pas séquestrée. Elle a sans doute eu à de multiples occasions la possibilité de dénoncer à la police les actes perpétrés par son mari (en tout cas, il est précisé dans ton lien que la Présidente de la Cour d'assises s'est interrogée à plusieurs reprises sur la passivité de Mme SAUVAGE). Elle a choisi de ne pas le faire et de se venger.
Certes, les actes commis par feu son époux méritaient sans doute vengeance mais notre société ne tolère pas celle-ci et met en place des procédures pour mettre hors d'état de nuire les individus comme M. MAROT (avec plus ou moins de succès mais ces procédures existent).
Certes, les tyrans domestiques exercent parfois une telle emprise sur leur famille que celle-ci est tétanisée et n'ose s'échapper alors que la porte est grande ouverte. Mais notre droit ne reconnait pas cela comme une cause d'irresponsabilité pénale justifiant une vengeance, sauf à considérer que Mme SAUVAGE n'avait plus toute sa tête ce qui n'était apparemment pas le cas.
Pour finir, d'autres forumeurs ont donné des contre-exemples. Ceux-ci peuvent s'expliquer par le fait que la Cour d'assises est une juridiction très particulière. Elle est une émanation du peuple souverain (jurés populaires tirés au hasard) réputé ne pas pouvoir se tromper (à tel point que l'appel des arrêts de Cour d'assises n'a pas été possible pendant longtemps. Glaçant quand on sait que cette juridiction pouvait décider de la mort d’un accusé). Ce caractère particulier permet à la Cour de prendre des décisions parfois aberrante d'un point de vue juridique (culpabilité évidente non reconnue ou culpabilité reconnue mais sans peine, etc.) et ce, d'autant plus que les arrêts des Cours d'assises n'avaient pas à être motivés jusqu'à il y a peu. Ajoutons à cela des circonstances très particulières (Ida BEAUSSART, la parricide à laquelle Admiral Mos fait référence, était mineur au moment des faits) et on comprend que la Cour d'assises puisse juger parfois curieusement.
Quoi qu'il en soit, l'appel interjeté par Mme SAUVAGE me parait logique. La peine me parait assez sévère et elle n'a pas grand-chose à perdre en la contestant.