Zhatan a écrit:Et le compromis n'est ici pas du tout le "marchandage", mais simplement le fait d'accepter que l'on puisse perdre une élection, un vote, ce qu'on veut. Ce qu'absolument personne n'a remis en question. Au contraire. J'accepterais volontiers qu'un vrai candidat gagne. J'ai dit plusieurs fois par exemple que si Fillon avait dû gagner, j'aurais évidemment trouvé cela terrible[...], mais j'aurais accepté de bonne grâce. La signification de Macron, c'est qu'il ne devrait pas être là.
Je trouve que tu as l'esprit très sélectif envers le compromis démocratique.
Si Macron a gagné, c'est qu'il devait être là. Point.
Critiquer la légitimité présidentielle de Macron, c'est ne pas accepter qu'il ait gagné et donc ne pas reconnaître sa propre défaite aux élections.
Les primaires, que tu critiquais justement à tort d'être anti-démocratique et une machine à produire des "candidats consensuels", ont permis de faire ressortir des candidats bien à droite et bien à gauche tout en éliminant les centres (gauche et droite).
Grosso modo 1/3 de centristes aux primaires de droite, et 40 % de centristes aux primaires de gauche.
Bien sûr, ce sont surtout les sympathisants qui se sont exprimés, mais cela montre qu'il y avait une vraie demande centriste (insatisfaite par les primaires) lors de cette élection présidentielle.
Il est évident que s'il y avait eu Juppé et/ou Valls parmi les candidats de cette présidentielle, le résultat aurait été très différent.
À mon sens, Macron possède une acuité peu commune de la politique. Nous verrons si son talent se confirme aux législatives.
Pour revenir à l'esprit de compromis, la loi travail est un bon exemple qui représente bien notre société.
La loi travail EST justement le compromis entre les 2 contres (ceux qui voulaient garder le statu quo et ceux qui voulaient aller encore plus loin dans la réforme du travail).
Je t'avais déjà parlé d'une enquête/sondage qui montrait que depuis 2012, une bonne majorité de français veulent que l'état fasse plus confiance aux entreprises et leur donne plus de liberté. Hors, c'est exactement ce à quoi répond, en partie, la loi travail.
De même, dans cette même enquête, on peut voir que 76 % des français souhaitait que les responsables politiques des camps opposés parviennent à s'entendre pour trouver des solutions aux problèmes du pays. Macron s'est justement positionné pile sur cette orientation. C'est d'ailleurs pour cette raison que Bayrou s'est rallié à lui.
Zhatan a écrit:ceux qui ne veulent pas de la paix ou de la concurrence et qui sortent de la démocratie et entrent dans quelque chose d'autre, c'est bien les représentants du système en place qui, par des hold-ups et des coups de force [...] se maintiennent en place contre toute-évidence.
L'élection de Macron laisse augurer un renouvellement de la classe politique française. Tout ne sera pas renouvelé d'un seul coup, mais ça va dans ce sens.
Zhatan a écrit:le compromis démocratique tel qu'il a été envisagé à la fin des années 50 n'est plus acceptable pour une part croissante de la population.
Je n'avais effectivement pas compris que tu parlais de la Vème république.
Je ne partage pas ton avis.
Oui, une part croissante de la population pense que notre système ne fonctionne pas très bien. Mais cela ne signifie pas qu'elle le juge inacceptable.
L'insatisfaction du fonctionnement et l'inacceptibilité du système sont deux deux choses différentes.
Je n'ai jamais prétendu que notre système était parfait. J'ai toujours soutenu qu'il devait être amélioré.
Pour autant, je suis plutôt frileux à l'idée d'un bouleversement de nos institutions.
Et puis, cette part de français qui jugent que notre démocratie ne fonctionne pas très bien est fluctuante. Déjà, il faut la relativiser un peu : 10 % des français manifestent un fort rejet des principes mêmes du régime démocratique. Hors ces 10 % se retrouve dans les insatisfaits du fonctionnement de notre démocratie. Ça me paraît important de le souligner, parce que je pense qu'il faudrait mettre ces 10 % à l'écart de la critique de notre régime démocratique puisqu'ils faussent l'appréciation générale des français démocrates.
En 2009, 48 % d'insatisfaits.
En 2011, 60 % d'insatisfaits.
En 2012, 54 %.
En 2014, 73 %.
En début 2015, 61 %.
En fin 2015, 67 %.
Je n'ai pas les chiffres pour 2016 et 2017.
Pour autant, on peut effectivement noter une tendance croissante entre 2009 et 2015 (même en relativisant).
Mais la fluctuation est tellement importante que je ne sais pas si nous pouvons en tirer une véritable conclusion.
Une fracture des opinions politiques pourrait tout à fait expliquer ce phénomène (sans pour autant être juste). Et comme je soutiens que de plus en plus de français oublient l'esprit de compromis de la démocratie, cette montée de l'insatisfaction ne m'étonne pas vraiment.
On en arrive à ce que tu souhaites à travers la VIème république, c'est à dire l'introduction des référendums révocatoires.
Je ne suis pas contre l'idée de base. Mais, comme on l'a déjà évoqué, j'ai peur que cela apporte plus d'instabilité politique à notre pays qu'autre chose.
Si l'on se fie aux résultats du 1er tour rapportés à l'ensemble du potentiel électoral, aucun des candidats n'atteint 19 %.
Cela signifie que plus de 81 % de la population accepte par défaut le compromis qu'est le résultat de l'élection présidentielle, quelqu'aurait été le vainqueur.
Cela signifie qu'avec l'introduction du référendum révocatoire, l'assise du pouvoir en place serait extrêmement fragile. Se développerait alors chez les politiques, le clientélisme à outrance afin de rester en poste le plus longtemps possible.
Et même, nous voyons avec le résultat du 1er tout qu'il est difficile de contenter tout le monde même avec la meilleure volonté du Monde. Cela paraît donc compliqué dans un pays comme la France.
Au fond, je crois que nous avons une perception différente de la démocratie. Je suis plutôt sur une tendance qui se veut équilibrée entre la liberté et l'égalité, là où tu es sur une tendance beaucoup plus égalitaire et donc autoritaire (puisque moins libre).