Tiens, un sujet sur les mathématiques, et plus précisément sur l'infini. Je ne peux pas m'empêcher d'y répondre même si j'arrive après la bataille. Je n'ai pas regardé la vidéo, mais j'ai quand même quelques précisions à apporter concernant certains posts ici.
Tout d'abord, en maths, la notion d'infini se réfère à plusieurs notions assez éloignées les unes des autres. Notamment, j'ai pu voir deux notions différentes qui ne doivent donc pas être confondues:
- l'infini ensembliste, qui mesure la taille d'ensemble donnés. Par exemple, savoir que les ensembles
N,
Z et même
Q (l'ensemble des nombres rationnels, ou fractions) ont la même taille puisqu'on peut associer leurs éléments deux par deux, mais que
R est plus grand. Cette notion relève de la
Théorie des Ensembles, inventée par Georg Cantor à la fin du XIXème siècle, mais dont les prémisses se trouvent chez Galilée.
- l'infini des limites (une fonction qui tend vers l'infini par exemple), qui relève de la théorie des
fonctions de variable réelle et des suites de nombres réels. Dans ce cas, l'infini (+oo et -oo) sont des éléments ajoutés à l'ensemble des nombres réels, qui ne sont pas des nombres (notamment, une fonction n'a pas de valeur en l'infini, et on ne peut pas a priori effectuer les opérations usuelles avec ces éléments). Ils ne permettent pas de compter les éléments d'ensembles infinis, puisqu'ils n'ont rien à voir avec la notion précédente.
Sinon, quelques remarques concernant des posts en particulier:
Et est-ce qu'il existe des cas où il est impossible de créer cette "bijection" ? Ca voudrait dire qu'un ensemble serait plus grand que l'autre ?
Oui c'est possible. Par exemple (comme on t'a répondu) si l'un est plus grand que l'autre. Mais aussi si ces ensembles ne sont pas comparables entre eux. En fait, on peut démontrer que deux ensembles sont toujours comparables (on peut toujours dire lequel est le plus grand, ou qu'ils sont de même taille) en utilisant l'
axiome du choix, qui dit en gros qu'on peut effectuer une infinité de choix simultanément. Mais cet axiome, totalement indépendant des autres, n'est pas accepté par certains mathématiciens, notamment car il permet de définir des objets extrêmement contre-intuitifs.
Une autre vidéo de la série nous dit même que les nombres transcendants sont infiniment plus nombreux que les irrationnels non transcendants, eux-mêmes infiniment plus nombreux que les rationnels.
La deuxième comparaison est fausse. Les nombres non transcendants (on les appelle nombres algébriques) sont aussi nombreux que les nombres rationnels ou les nombres entiers. La démonstration est un peu compliquée et repose sur la définition des nombres algébriques.
D'ailleurs, si cette assertion était vraie, elle contredirait l'hypothèse du continu qui dit qu'il n'y a pas d'infini intermédiaire entre les nombres entiers et les nombres réels. Or, cette hypothèse n'est ni démontrable, ni réfutable.
Mais ce qui est intéressant avec ces considérations, c'est qu'elles permettent de démontrer l'existence de nombres transcendants très facilement (l'infini des nombres algébriques est plus petit que celui des nombres réels, donc il existe des nombres réels qui ne sont pas algébriques, c'est-à-dire transcendants), alors que construire un nombre transcendant est assez difficile, et démontrer qu'un nombre en particulier (comme par exemple pi) l'est encore plus.
mais qu'est-ce qui peut être plus grand que R qui contient déjà tous les autres ensembles ?
Alors,
R ne contient pas tous les ensembles. Un ensemble, ça peut être pas mal de choses. Très intuitivement, un ensemble est une collection d'objets, par exemple le plan euclidien (celui de la géométrie) n'est pas contenu dans
R, et n'est pas un élément de
R.
D'une manière générale, étant donné un ensemble, l'ensemble de ses parties (des ensembles contenus dans le premier ensemble) est un ensemble strictement plus grand. On peut donc définir des ensembles de plus en plus grands, à l'infini.
De manière plus concrète, l'ensemble des fonctions de variable réelle est strictement plus grand que
R.
C (les nombres complexes), n'est plus un ensemble de nombres que l'on peut placer sur une droite, mais il faut un plan (ce sont des nombres à deux composantes). Du coup pour chaque membre de R, on peut lui associer un 2e membre de R. Il y a une infinité (de la taille de R) de nombres appartenant à C et correspondant à chaque membre de R.
Dans la même lignée, on peut imaginer les nombres à 3 dimensions, 4, etc.
Les deux parties en gras sont fausses.
1)
C a la même taille que
R. Par définition, on peut assimiler
C à l'ensemble des couples ordonnés de nombres réels, noté
R². Or, on peut montrer que
R et
R² font la même taille (c'est en fait un cas particulier d'un résultat plus général de théorie des ensembles).
2) On peut imaginer des "nombres" à 1, 2 ou 4 dimensions, mais pas d'autres dimensions. Il s'agit d'un théorème de Frobenius. Après vérification, il semblerait cependant qu'on puisse en définir en dimension infinie. Si on s'en tient à la dimension 4, on définit les
quaternions de Hamilton, dont l'ensemble est noté
H. Dans
H, la multiplication cesse d'être commutative, c'est-à-dire que l'ordre dans lequel on effectue la multiplication compte. Pour les autres dimensions, on ne peut pas conserver les 4 opérations. On peut néanmoins définir des structures intéressantes, notamment en dimension 8 avec les
octaves de Cayley.
Surtout quand on voit que la France risque d'être en manque de prof de maths à la rentrée
Je ne suis pas certain qu'on manque de tant de profs de maths que cela. Certes, les concours sont loin de faire le plein (c'est à la fois un euphémisme et une litote), mais d'une part, le nombre de postes ouverts ne semble pas vraiment refléter la baisse des besoins de profs de maths induite par la réforme du lycée (où les maths deviennent optionnelles en filière générale, ce qui conduit à des suppressions de postes). Par ailleurs, la réforme des concours enseignants s'applique à partir de cette année, où on demande dorénavant d'avoir bac+5 pour se présenter, au lieu de bac+4, ce qui diminue mathématiquement le nombre de candidats. Ce deuxième facteur sera vraisemblablement atténué les prochaines années. Enfin, la baisse des heures d'enseignement en lycée pro pourra amener des profs de lep à enseigner au collège pour pallier les manques d'effectifs.