Supaman a écrit:San999 a écrit:Nous sommes déjà sur le terrain de la sémantique. Rien que la liberté d'expression. L'invoquer à tout bout de champ pour défendre son discours puant, comme si la simple critique ou la simple dénonciation d'un discours constituait déjà une atteinte à cette liberté. Le simple fait de dire "Votre discours est intolérable!" c'est déjà être anti-démocratique pour certains. De même que de qualifier les anti-racistes, les féministes ou les activistes LGBT de fascistes et de racistes, misandre ou hétérophobes/cisphobes.
Je n’ai vu personne ici faire ceci. J’ai jamais dit à Axaca que son discours était intolérable. Juste que je le trouvais dangereux (et j’y reviens après).
Non, mais je parle du discours dans la place publique. Pas ici. Je crois que grosso modo, malgré des différences, toutes les personnes s'étant exprimées ici sont du même bord politique.
Supaman a écrit:San999 a écrit:Et vous ne relativisez rien du tout. De même, nous ne nuançons pas grand chose. J'estime juste que parler des attaques haineuses envers les blancs en Occident, c'est un sujet totalement différent que de traiter du système d'oppression qui s'attaque aux minorisés. Les deux problèmes ne sont pas de même nature.
Pas du tout. D’abord, c’est toi et Axaca qui relativisez et nuancez.
Au contraire, nous restons factuels. Nous ne nous plaçons pas d’un seul point de vue.
Parce qu'Axaca et moi ne sommes pas factuels? C'est un peu prétentieux de prétendre avoir l'apanage du factuel. Les faits d'agression sur les blancs pour leur couleur de peau en Europe ou ailleurs n'est niée par personne. Le fait de qualifier quelque chose n'a rien de factuel, mais descriptif, interprétatif et du coup, éminemment politique. (C'est ironique, parce que comme je l'ai dit, on semble être tous du même bord à peu de choses près, mais on peut être d'accord sur le fond et avoir des idées différentes sur la forme.) Ensuite, on répondait à la question du racisme anti-blanc
en Europe. Parce que c'est de cela qu'il s'agissait au départ. Cela a ensuite été étendu au reste du monde. Ce qui n'est pas un problème. Mais il serait bien aimable de ne pas ignorer le point de départ de la conversation en nous accusant de partir d'un seul point de vue, alors que nous avons très aisément accepté que le racisme anti-blanc à Madagascar ou au Zimbabwe était bel et bien une réalité sociale. On a juste rappelé que ce n'était pas le sujet de départ.
Supaman a écrit:Ensuite, l’esclavage au XIIIème siècle n’a plus rien à voir avec le commerce triangulaire à partir du XVIIème siècle. Ce sont bien deux sujets qui méritent chacun d’être développés Différemment. Et pourtant, ces deux sujets sont regroupés sous celui plus général de l’esclavage.
C’est exactement pareil pour le racisme qui inclu toutes les formes de racisme, des plus reconnues et reconnaissables aux plus subtiles et méconnaissables.
Sauf que l'esclavage est défini comme le fait que des individus humains soit considérés comme la propriété d'autres individus. Peu importe les différences entre le XIIIe et le XVIIe siècles, ceci reste commun aux deux formes. À noter que sous cette définition, des féministes considèrent que certaines formes de mariage s'assimilent à de l'esclavage pour les femmes. Il y a d'autres définitions de l'esclavage qui excluent les femmes, mais la définition de l'esclavage peut elle-même être débattue pour des raisons politiques. Il y a également des définitions de l'esclavage anti-capitalistes qui vont très loin et incluent le salariat dans l'esclavage. Un employé serait donc un esclave. Bref! Ca se débat aussi. Mais à ma connaissance, il n'existe pas de définition qui exclurait les formes d'esclavage auxquelles tu fais référence.
En revanche, pour le cas du racisme tel que discuté dans ce topic, il y a deux définitions du racisme qui sont confrontées.
1) Le racisme est une forme d'attitude de haine, de peur ou de mépris d'individus membres d'un groupe considéré comme socialement pertinent à l'encontre d'autres individus d'un autre tel groupe. Du coup, cela fait totalement tout reposer sur l'intention et les sentiments des individus.
2) Le racisme est un ensemble de mécanismes sociaux provoquant l'oppression de certains groupes sociaux, ceci au-delà de l'intention, des sentiments, des opinions conscientes, et même des appartenances sociales mêmes des individus (qui peuvent être porteurs de racisme envers leur propre groupe).
Supaman a écrit:San999 a écrit:Je n'ai en revanche aucune réponse satisfaisante quant au fait que la définition de racisme en tant que système oppressif et non comme une psychologie individuelle haineuse, ignorante ou méprisante, puisse être peu accessible au grand public. Si ce n'est que jusqu'il y a peu, l'idée même de parler de racisme anti-blanc ou de misandrie aurait paru risible et pourtant, l'extrême droite à réussi à faire de ces deux concepts, des piliers de leur idéologie qui sont apparemment acquis pour tout le monde, maintenant. Alors, pourquoi pas.
Tout simplement parce que ce n’est pas sa définition. Ni pour les sociologues, ni pour les dictionnaires, ni dans la législation.
Contrairement à Axaca, je ne vais pas aller au point de dire qu'il y a actuellement consensus des sociologues sur le sujet, car je n'en sais rien. Mais la définition qu'il a évoquée et que j'essaie aussi de défendre existe bel et bien. Alors l'affirmation péremptoire sur un concept politique hautement débattu... Bof.
Supaman a écrit:Et je n’ai pas attendu l’extrême droite pour apprendre que le racisme contre les blancs existait. J’ai des amis noirs qui m’expliquaient plus jeune être racistes’ des blancs en général (exactement comme certains amis blancs qui m’expliquaient plus jeunes qu’ils étaient racistes des noirs). Dans les 2 cas, c’était de l’essentialisation.
Et là, je te parle de 1995.
Tu t'appelles "grand public"? :p (Oui, parce que j'ai parlé de grand public, j'ai pas dit que PERSONNE n'avait accepté ça avant.)
Supaman a écrit:Et je le répète encore. Bourdieu affirme lui-même qu’il existe de nombreuses formes de racisme dont certains sont subtiles et méconnaissables comme le racisme de l’intelligence aka le racisme de classes.
Or, le racisme contre les noirs est malgré tout incomparable par rapport au racisme de classes. Encore ce week-end, un de mes très proches amis est venu dans ma région fêter mon anniversaire et a subi une remarque d’un restaurateur des plus racistes alors qu’il était en famille (suite à une question sur les dessert, ce restaurateur répond avec un accent africain qu’il aime bien manger des bananes... Exemple de racisme ordinaire qu’aucun "pauvre blanc" ne subit que ce soit par son statut social ou sa couleur de peau).
Mais malgré la différence d’intensité par rapport au racisme contre les noir.e.s, le racisme contre les blancs existe factuellement.
Sauf que pour nous, il ne s'agit pas d'un problème d'intensité. On pourra trouver des attaques discriminatoires envers les Blancs en France plus violentes que certaines attaques discriminatoires contre les Noirs. (C'est factuellement bien moins fréquent, mais cela n'est toujours pas la question.) De notre point de vue, il s'agit de savoir s'il s'agit d'un mécanisme d'oppression généralisé ou non. Et la réponse est non. Ca veut pas dire qu'à l'échelle individuelle, c'est moins grave. Mais qu'il s'agit d'un phénomène social différent. On peut évidemment considérer que la discrimination anti-blanche est une forme de réaction au racisme. Mais juste parce qu'un phénomène est une réaction à un autre phénomène, cela ne signifie pas que les deux sont de même nature. Si un riche se fait voler dans la rue par des pauvres, cela ne fait pas de lui une victime du capitalisme. Pourtant, il est très probablement victime d'une agression parce que le capitalisme a mis ces personnes au bas de l'échelle, et qu'ils en sont arrivés à la conclusion que voler était la meilleure solution pour survivre. Et si en plus, il se fait planter un couteau dans le ventre, on va pas dire "'c'est pas grave, c'est pas un problème capitaliste". C'EST GRAVE. Et son agresseur mérite d'être mis en prison. Mais c'est juste pas un enjeu social de lutte contre le capitalisme.
Supaman a écrit:Votre raisonnement est dangereux car vous niez la réalité des racismes subtils et méconnaissables en restreignant le sens du terme.
En quoi?
Supaman a écrit:Vous niez le lien évident entre l’essentialisme et le racisme.
Et vous, vous niez l'expression du racisme en l'absence de cet essentialisme sous forme consciente.
Supaman a écrit:Vous niez une des conséquences du racisme systémique (c’est à dire un racisme des minorités envers le groupe dominant).
Non. On l'appelle juste autrement.
Supaman a écrit:Vous niez l’existence du racisme entre arabes et noir.e.s.
Ah ben non. Si j'ai précisé que le racisme peut-être porté par les personnes qui sont elles-mêmes victimes du racisme, c'est pas pour qu'ensuite tu viennes me dire que je nie l'existence du racisme entre arabes et noir.es. Tu seras bien aimable.
Supaman a écrit:Vous niez les comportements individuels racistes
Non, on appelle juste ça autrement.
Supaman a écrit:et donc la cause du racisme institutionnel.
Et vous, en subordonnant le racisme institutionnel entièrement aux intentions et sentiments individuels, vous passez complètement à côté de mécanismes racistes bien plus complexes.
Supaman a écrit:Et en niant tout cela, vous relativisez une énorme partie de ce qui compose le racisme
Comme quoi?
Supaman a écrit:on en arrive à trouver acceptable voire à banaliser la mixophobie de certains kabyles en expliquant que c’est culturel ou la discrimination ethnique de papy envers les allemands parce qu’il a connu l’occupation allemande il y a 60 ans.
Les personnes ayant des langues maternelles différentes qui se marient n'apprennent généralement pas la langue de leurs conjoint.es. Du coup, ils parlent une langue commune avec leurs enfants. Il serait très étrange de commencer à parler avec son enfant une langue que son conjoint.e ne parle pas devant lui/elle. Cela fait toujours ça de moins comme temps à consacrer pour enseigner cette langue à son enfant. Bien sûr, cela ne se vérifie pas systématiquement, mais très souvent concrètement dans les couples mixtes. Les enfants, eux-mêmes, s'ils ne sont pas forcés, ne vont que rarement s'intéresser à ce qui ne les aide pas à s'intégrer à leur environnement social immédiat. Dans le cas d'une culture minoritaire et dévalorisée, surtout après le colonialisme, que crois-tu qu'un enfant va choisir? Je ne connais pas la situation des Kabyles, mais à ton avis, combien d'enfants choisissent d'apprendre la langue native de leurs parents natifs américains (surtout s'il n'y en a qu'un), pour peu que les dits parents parlent eux-mêmes une langue native? Pourquoi crois-tu qu'il y a plus de cinq millions de natifs américains, dont la moitié sont métis, et pourtant il y a moins de 400'000 personnes parlant un langage amérindien aux États-Unis? Le gouvernement fait absolument zéro effort pour promouvoir ces langages ou les inclure dans des programmes scolaires (même spéciaux). Soyons clairs, les cultures amérindiennes sont mourantes, et les jeunes descendants amérindiens n'ont pour la plupart aucun intérêt à les faire vivre, et souvent même leurs parents ont déjà abandonné cette culture depuis longtemps. Crois-tu toujours que la question de la mixophobie est si facile à condamner? Je ne dis pas: "Oui, c'est okay d'être mixophobe quand on n'est pas blanc, ni dominant!" Je dis: "C'est complexe, quand on veut conserver sa culture, mais que rien ne nous y aide." Mais je trouverais toujours dégueulasse que des parents rejettent des enfants pour un mariage mixte, ou pire qu'ils essaient de l'en empêcher. Mais le fait de faire ce choix pour soi-même, c'est plus compliqué à condamner, si en fait t'as à coeur que ta culture ne disparaisse pas. En plus, ce n'est pas comme si ces cultures disparaissaient de façon "naturelle", du genre, c'est juste un hasard culturel. Des tas de cultures et de langues disparaissent. D'autres s'en créent. C'est totalement okay. Mais le contexte de colonisation, et la racine de comment cela se passe, c'est ça qui est problématique. Et c'est pas comme des Européens qui fantasment sur leur culture qui va disparaître parce qu'oh mon dieu, il y a des migrants.
Ensuite, je suis allé en Bosnie récemment. En 1994, à Srebrenica, ville de 8'000 habitants, des soldats serbes ont capturé puis aligné tous les mâles (de 0 à 90 ans, donc des gamins et même des bébés aussi), les ont TOUS fusillés d'une balle en pleine tête, puis brûlés et jeté comme des ordures dans une fosse, avant de les recouvrir, puis de les déplacer ailleurs totalement au hasard, sans même faire attention que chaque corps garde toutes ses parties à des endroits différents pour cacher le massacre. Quand t'as été témoin de ça et que tu y a survécu, même en imaginant qu'après vingt ans, tu as pu croisé des Serbes très bien, et que tu as pu un petit peu voir que c'est pas forcément tous des monstres, je comprends que tu l'aies un petit peu mauvaise si ton fils ou ta fille ramène un.e Serbe comme futur.e conjoint.e. Je pense pas que ce soit une bonne chose. Mais si quelqu'un qui n'est pas de ta famille et/ou qui n'a pas ton vécu, vient te faire la morale pour ça, ce sera lui le connard, pas toi.
Supaman a écrit:Qui croire ? Celui qui me dit que le caca ayant l’apparence, l’odeur et le goût du caca, c’est bien du caca ? Ou bien celui qui me dit que malgré l’apparence, l’odeur et le goût du caca, c’est caviar (voire que ce caca n’existe pas) ?
Non, c'est pas caviar. C'est vomi.
Supaman a écrit:San999 a écrit:De même, nous ne nuançons pas grand chose.
Bah en fait, si. Et c’est énorme.
Ah non, non. J'insiste.
Sinon, oui, l'argument en premier évoqué par Antarka, sur la faible compréhensibilité de cette définition pour le grand public, est le seul point qui me dérange effectivement sur cette définition. Peut-être faudrait-il du coup laisser la racisme à la psychologie pour ne pas heurter les sensibilités des gens trop habitués à cette définition et qui seraient peu enclins à entendre ce qu'on a à dire, même si on reconnaît parfaitement leurs mauvaises expériences, mais qui seraient incapables de l'entendre, juste parce qu'on change de vocabulaire pour le définir. Cela dit, cela serait aussi violent pour ceux qui subissent eux-mêmes le racisme qui ne correspond pas à cette définition psychologique d'adopter cette dernière aveuglément. Et cela demande de trouver un mot qui a un impact tout aussi fort. Ce qui rend la chose un peu compliquée quand même.