par San999 le Jeu Jan 09, 2014 15:36
Tenchi => Et si dans la tête du père (ou de la mère, d'ailleurs), il est plus un poids pour sa famille qu'autre chose? Je l'ai dit plus haut, vous vous plantez complètement sur ce qu'il se passe dans la tête d'un suicidaire.
Je crois qu'il y a une vision un peu manichéenne de ce qu'est la force ou la faiblesse. Déjà, cela évolue dans le temps. On est pas dans le même état psychique tout au long de sa vie. Il y a des moments où on est plus solide que d'autres. Et on n'a pas tous la même résistance selon les situations et les contextes. Par exemple, quelqu'un pourra très bien vouloir se suicider à cause d'un échec professionnel, alors que ce sera inconcevable pour une autre personne, qui elle pensera au suicide en cas de chagrin d'amour, alors que la première personne n'y penserait jamais.
C'est pareil pour ce qui concerne le harcèlement scolaire. Il y a une diversité de réactions, et pas forcément toujours en accord avec ce que l'on imaginera. Quelqu'un de timide et de passif subissant un harcèlement pourra devenir dépressif et s'isoler, sans pour autant jamais tenter de se suicider. Alors que quelqu'un d'au départ plus extraverti et grande gueule, et qui avant le harcèlement avait un grand réseau d'amis et de copains, qui se retrouve soudainement harcelé et isolé (il peut y avoir mille raisons à ça, coming-out, fausse rumeur déplaisante lancée par quelqu'un qui le déteste et qui est crue par un grand nombre de gens, avoir soudainement une réputation de "pute", etc.), se mettra peut-être à résister, à beugler contre ceux qui le harcèlent, puis soudainement, un jour, il craque et commet l'irréparable.
Comme je l'ai dit, il est simpliste de croire qu'il suffit de trouver le leader et de lui foutre sur la tronche. Ca marchera probablement assez bien si c'est simplement un mec qui se forge une individualité en écrasant quelqu'un de plus faible (à partir du moment où l'agressé se défend, il n'est plus considéré comme un faible ou une cible facile), mais déjà il faudra réagir assez vite (si la dynamique est installée, il sera plus difficile d'en sortir), et surtout il y a des tas et des tas d'autres configurations que celle-ci.
De plus, il y a des personnalités qui tout simplement n'arrivent pas à se résoudre à user de violence. C'est comme ça. On peut voir ça comme de la faiblesse, mais je ne suis pas trop d'accord avec cette vision. La faiblesse est toujours relative à une situation. Il y a des situations où la passivité et la tranquillité permettent de désamorcer une situation de violence. Et d'autres cas où les réactions violentes ne peuvent qu'empirer la situation. Demander à tout un chacun de réussir à dépasser son propre caractère pour avoir la bonne réaction dans la bonne situation, c'est quand même un peu difficile. Et on peut aller loin avec ce raisonnement, après tout, il n'y a pas que notre propension à l'agressivité ou à la passivité qui peut nous mettre dans des situations délicates ou nous en sortir (je ne parle pas uniquement de la situation de harcèlement). Or, on est tous capables de mieux gérer certaines situations que d'autres. Je ne crois pas que l'on doive se considérer comme faible de façon générale, chaque fois que l'on se retrouve face à une situation qu'on ne parvient pas à gérer de la bonne façon à cause de notre caractère.
Après, il y a le fait d'en parler à d'autres. Cela peut être une solution. Cependant, il y a la difficulté à en parler qu'éprouvent quasi toutes les victimes dans les situations d'agression sortant du cadre de l'imagerie que l'on se fait d'une agression. L'agression telle qu'on se l'imagine, c'est un inconnu qui nous attaque dans la rue ou ailleurs, s'il pénètre par effraction ou sans autorisation chez nous ou un endroit où nous sommes. Tous les cas qui n'y correspondent pas, on a du mal à reconnaître notre droit à demander de l'aide. Il y a le cas de la violence domestique, des abus sexuels commis par des proches, mais le harcèlement par des pairs entre également dans cette catégorie. Dans toutes ces situations, le fait de dénoncer et d'en parler, fait que l'on crée une rupture dans "l'ordre établi" en quelques sortes, ou encore on peut se sentir en trahison par rapport au groupe concerné. En plus, dans ce genre de cas, il faut aussi pouvoir s'identifier comme victime et pas comme quelqu'un qui reçoit ce qu'il mérite ("je suis pas assez ceci ou cela" ou "je suis trop ceci ou cela"). Il y aurait énormément de choses à dire sur le silence des victimes dans certaines situations. Mais j'espère être clair.
De plus, comme dans chacune de ces situations, il faut trouver quelqu'un qui nous écoute. Or, dans chacune de ces situations où la victime a du mal à se reconnaître comme telle, les autres aussi ont du mal à la percevoir ainsi. Il y a du mieux du côté des institutions, dans certaines situations actuellement, par exemple dans le cas de la violence domestique subie par les femmes (si la victime est homme, ce sera nettement moins évident), et dans certains cas d'abus sexuels faits par des proches (pas tous, malheureusement), mais ce sera nettement moins facile pour les proches de reconnaître qu'il y a un problème, en revanche.
Dans le cas du harcèlement scolaire, l'institution est apparemment mal formée à déceler d'elle-même les problèmes, ou même à réagir correctement quand on la met face aux faits (élèves qui dénoncent ou autres). De même, les autres élèves auront une propension importante non à sympathiser avec celui ou celle qui dénonce, mais plutôt à le/la considérer en traître, rapporteur, fayot, tout ce que vous voulez (ceci pourrait être arrangé si on sensibilisait les enfants à ce problème assez tôt, en adaptant évidemment à leur âge, ou en parler aux parents pour qu'ils soient attentifs à ça, etc.). Du côté de la famille, cela va un peu mieux, vu qu'ils sont hors de l'institution (contrairement aux cas de violence domestique, par exemple). Cependant, même de ce côté, tous les parents ne sont pas très réceptifs ("ça forge le caractère", "faut bien que jeunesse se passe", "ce sont que des trucs de gamins", etc.).
Bref! Après tout ça, si la victime en parle quand même, mais qu'elle tombe sur la ou les mauvaises personnes, et fait donc face à une réaction négative ou qui minimise ce qu'elle endure, cela la bloquera pour tenter d'aller plus loin dans la recherche d'aide.
Ah! Sinon pour les tentatives de suicide ratées qui sont des appels à l'aide, c'est pris de façon un peu trop littérale, là. Ce sont des actes manqués (au sens psychologique du terme) pas des ratages planifiés. La personne croit vraiment vouloir mourir. Mais en fait, sa peur de mourir (qu'elle ne se rend pas compte avoir ou qu'elle ne comprend pas pourquoi elle la ressent, parce qu'elle croit vouloir mourir) l'amène toujours à faire quelque chose qui aura des chances de faire rater son suicide.
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San999 le Jeu Jan 09, 2014 19:09, édité 1 fois.