Questions et débats sur le droit

Pour parler de tout et de rien : ça ratisse très large, tous les sujets qui ne vont pas dans les autres forums vont là.

Re: Questions et débats sur le droit

Messagepar Supaman le Dim Fév 18, 2018 22:20

Lalilalo,
que veux-tu dire ? Je ne suis pas sûr de te comprendre. Ce que je souligne, c'est l'incohérence des condamnations par rapport aux articles du CP.

Monsieur Panda,
1) le petit résumé que j'ai fait sur le casier de Bendaoud montre qu'il y a déjà un problème sur sa peine de prison prononcée et effectuée.
2) je serais très étonné que personne n'ait évoqué le lien entre le 434-6 et le 421-1. L'autre point étonnant serait de ne pas non plus évoqué les 421-2-1 et 421-5.

Concernant Bendaoud et Soumah, ce qui compte, c'est "ont-ils su qu'ils planquaient/hébergeaient des terroristes avant l'assaut des forces de l'ordre ?"
S'ils ont su mais ont préféré cacher la chose pour leur propre intérêt (à savoir éviter que toutes les emmerdes liées à leurs trafics), alors on est dans l'intentionnel, ou à défaut dans l'entente.
On sait d'après les déclarations de Bendaoud qu'il a rencontré personnellement Abaoud la veille de l'assaut, ainsi qu'Hasna. On sait qu'il les a trouvé vraiment très louches parce qu'ils venaient de Belgique et que ça se passait en même temps que toute cette histoire d'attentats. Il a même plaisanté avec des connaissances qui l'ont prévenu de faire gaffe à ce que ses "locataires" ne soient des terroristes en planques.
Quand l'assaut a été lancé et que tout a été médiatisé le mercredi matin, il a dit lui-même qu'il avait fait le lien à ce moment-là. Ce qui signifie qu'au pire, il se doutait fortement que ce soit les terroristes mais qu'il n'a pas cherché à savoir par intérêt personnel. Et je trouve cette excuse bidon.
Comme si tu passais à côté d'un mec qui prépare une ceinture d'explosif mais que tu faisais semblant de ne pas voir alors que tout te hurle "terroriste !"parce que ça ne t'arrange pas.

Enfin, Soumah a eu moins de contact que Bendaoud avec Abaoud. Pourtant il est condamné au titre du 434-6. Je ne comprend pas.

Je trouve cela très grave.
Après, je n'ai pas vu le jugement, donc j'émets des réserves de prudence concernant tous mes propos précédents.

EDIT
Merci pour les éléments apportés, MP.
Je viens de commencer à lire, mais je m'arrête sur les SMS de Soumah. Ceux-ci n'indiquent absolument rien. Un coupable aurait fait la même chose. N'importe quel imbécile se dirait que la police va remonter jusqu'à lui puisque c'est lui qui est a minima l'intermédiaire. Donc envoyer des SMS du genre "oh mince, ce truc de fou ! Si j'avais su j'aurais jamais fait ça !", en sachant que ces SMS seront lu lorsque son portable sera pris, ça n'indique rien ni dans un sens ni dans l'autre. C'est du même genre que Jawd qui disait à la télé "vous croyez que si j'avais su je l'aurais fait ?"
Dernière édition par Supaman le Dim Fév 18, 2018 23:49, édité 1 fois.
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Re: Questions et débats sur le droit

Messagepar Monsieur Panda le Dim Fév 18, 2018 22:46

J'espère trouver le jugement bientôt et les motivations ! Après j'ai l'impression que tu oublies une chose essentielle, même si Jawad est potentiellement en partie de mauvaise foi sur le moment ou il a réalisé, c'est aux enquêteurs de prouver qu'il pouvait savoir à telle moment et apporter la preuve qu'il ne l'a pas fait, le doute lui profite par défaut. C'est un principe directeur du droit pénal et il reste logique en soit. :> Je continuerai de chercher dans la semaine, le Dalloz.fr doit avoir le jugement.
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Re: Questions et débats sur le droit

Messagepar Supaman le Dim Fév 18, 2018 23:46

Je suis d'accord, mais je ne vois pas comment ils ont pu le prouver pour Soumah sans qu'il y ait les répercussion du 421-2-1 sur Bendaoud, ou même tout simplement 434-6 suivi du 421-1. Enfin, concernant Soumah, pour quelle raison le 421-1 ne s'applique pas alors que le 434-6 semble être établi (je dis "semble" parce que je me base sur les journaux sans avoir lu le jugement).

C'est cela qui semble incohérent.

Concernant l'intention de Bendaoud, elle intervient à partir du moment où il sait mais ne fait rien par intérêt. Alors on ne peut peut-être pas prouver qu'il savait, mais le mécanisme psychologique qui fait qu'il a tout fait pour éviter de savoir montre une volonté d'éviter d'être confronté au choix. Et qu'il y a in fine une intention par intérêt (je ne suis peut-être pas clair sur ce point).
En gros, tous les voyants sont au rouge (il dit qu'ils sont très louches, il plaisante sur le fait que ça pourrait bien être des terroristes recherchés et une fois dos au mur après l'assaut il admet qu'il aurait dû s'en douter avec toutes les informations dont il disposait) mais s'il se confirme que ce sont bien des terroristes, il aggrave sa situation donc mieux vaut faire semblant de n'avoir rien vu, rien entendu, rien compris ("Mince je me rends compte que j'héberge probablement des terroristes, mais je vais me foutre dans le merde si je les dénonce. Bon je laisse faire et si on m'arrête, je dirais que je savais rien et que j'avais pas vu les infos, si on m'arrête pas j'aurais pas d'emmerdes").
C'est un peu facile et cela pourrait même justifier le cloisonnement futur de réseaux terroristes.
Dernière édition par Supaman le Lun Fév 19, 2018 0:32, édité 3 fois.
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Re: Questions et débats sur le droit

Messagepar Monsieur Panda le Lun Fév 19, 2018 0:19

Je le conçois t"inquiète, la presse est très flou, de ce que j'ai vu le Monde commence à publier des billets un peu plus consistant, mais j'aimerai effectivement par curiosité zieuter à l'extrait de jugement. Tout ce que je peux te dire, c'est que les échos sont positifs dans le monde du droit, donc j'imagine que ça ne s'appliquait pas.
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Re: Questions et débats sur le droit

Messagepar Antarka le Lun Fév 19, 2018 2:28

J ai le droit de changer de sujet et parler de droit du travail ?

EN fait j'ai une pote qui bosse en 12h, et me dit qu'à chaque fois qu'elle pose une journée en maladie (souvent, la demoiselle a une santé fragile et est un peu hypocondriaque), ça lui compte que 7h d'arrêt.

Donc en gros non seulement elle touche que dalle (parce que sous 3 jours d'arrêt en général on est pas pris en charge) mais elle doit 5h à son patron a chaque fois qu'elle loupe une journée. C'est normal ça ?
Ce forum est totalement rouxciste.
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Re: Questions et débats sur le droit

Messagepar Supaman le Lun Fév 19, 2018 10:05

Si je donne de l'argent à un ami qui va ensuite commettre un acte terroriste grâce à ce financement, je savais bien qu'il avait (théoriquement) la possibilité de commettre un acte terroriste, peu importe qu'il en ait commis avant ou non, ça ne fait pas de moi son complice pour autant.

Ici, Soumah pouvait tout à fait penser que les gens logés souhaitaient surtout se barrer pour échapper à la police et n'avaient plus aucun projet terroriste dans l'immédiat.

Je n'avais pas vu cette réponse, Lalilalo.
Sur ce point, nous ne serons pas d'accord.
Si tu aides un terroriste en sachant qui il est (donc en lui donnant de l'argent), tu deviens son complice ou tout du moins, à défaut d'être son complice dans les actes qu'il compte commettre, il y a une participation ou entente avec lui. Et c'est, je pense, ce qui relève du 421-2-1. D'ailleurs, la peine de prison est moins importante.


Antarka,
non, ce n'est pas normal (dans le sens que je n'ai jamais entendu parler de ça).
Le patron ne paye pas 12 heures, et puis c'est tout. Et ta copine perd 12 heures de salaire.
Mais c'est peu courant d'enchaîner des journées planifiées officiellement de 12 heures, quand même.
Supaman
 

Re: Questions et débats sur le droit

Messagepar Monsieur Panda le Lun Fév 19, 2018 10:38

Antarka >

Instinctivement, je te répondrai évidemment non ce n'est pas normal. Mais cela dépend aussi du décompte, les 12 heures par jour contiennent sans doute des heures supplémentaires, dans le calcul. C'est un trick de base souvent utilisé.

Supaman : Je t'ai trouvé le réquisitoire du Parquet :

Spoiler
Après que les plaidoiries des parties civiles, dans ce premier dossier indirectement lié aux attentats du 13 novembre, eurent duré plus de trois jours d'audience, le temps des réquisitions a prévalu. Le procureur Nicolas Le Bris a tout d'abord expliqué que la disjonction de cette partie du dossier à la procédure des attentats de Paris avait pour but de préserver « la gravité du futur procès d'assises » de l'esprit rigolard (« particulier », dit-il) qui a nimbé ce procès. Puis, face aux prévenus Jawad Bendaoud, Mohamed Soumah et Youssef Aït Boulahcen, qui comparaissent depuis le 24 janvier devant la 16e chambre correctionnelle du tribunal de Paris, il a averti le tribunal : « Pour moi, dans ce procès, le plus médiatique n'était pas le plus inquiétant, loin de là ».

Il débute par le plus médiatique et son acolyte, l'ultra volubile Jawad Bendaoud et le débonnaire Mohamed Soumah. Il répond tout d'abord à la demande de requalification de la partie civile, qui voudrait que soit ajoutée à la prévention de l'article 434-6 du code pénal 1 la circonstance aggravante « d'acte de terrorisme », prévue à l'article 421-1 du code pénal, c'est-à-dire l'intention d'agir en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur. La peine serait portée à douze ans. Suivant la position du parquet – qui est également celle des juges d'instruction –, le procureur rejette cette demande, car cela supposerait que les deux prévenus aient hébergé Abdelhamid Abaaoud et Chabib Akrouh en raison des attentats qu'ils venaient de perpétrer, ce que le procureur ne croit pas, alors que l'article 434-6 du code pénal ne demande qu'une chose : que le logement rue du Corbillon à Saint-Denis ait été fourni malgré la qualité de terroriste des hôtes, ce qui est plus vraisemblable, selon le dossier d'instruction.

« Vouloir être hébergé chez Jawad, c'est louche »

À vrai dire, l'article 436-6 du code pénal ne pose qu'une condition : que la personne hébergée soit auteure ou complice d'un crime puni d'au moins dix ans d'emprisonnement (comme tous les crimes). Mais il est implicite, pour l'accusation, que la nature terroriste des crimes commis importe grandement. Le procureur problématise : « Il y a selon moi deux questions qui se posent. Pouvaient-ils ignorer que les deux fuyards avaient commis un crime ? Avaient-ils la connaissance précise du crime commis ? Seule la réponse positive à ces deux questions pourrait m'amener à requérir le maximum encouru, six ans d'emprisonnement ».

À la première question, le procureur répond oui. Il se fonde sur le casier judiciaire des deux prévenus, qui « connaissaient parfaitement le travail de la police, qui savent qu'à ce moment, tout leur travail est tourné vers les auteurs des attentats », et qui, « dans ce contexte, ne pouvaient ignorer que les personnes en fuite avaient commis des faits extrêmement graves ». Soraya, la colocataire d'Hasna Aït-Boulahcen, qui a averti la police de ce qui se tramait, a dit qu'Hasna « avait acheté de la coke à un black et lui avait demandé une planque pour deux cousins recherchés par la police ». À Mohamed Soumah, Hasna a également confié qu'un tiers (Mohamed Belkaïd) devait lui envoyer un mandat cash. Pour le procureur, cela établit la connaissance que Soumah devait avoir, dès ce moment, de l'existence d'une bande organisée.

Autre élément : « Vouloir être hébergé chez Jawad, c'est louche ». Jawad Bendaoud qui, par le passé, a déjà hébergé des « mafieux » russes. D'ailleurs, M. Bendaoud avait confié : « Pour moi, ils pouvaient avoir tiré sur des gens, avoir eu une embrouille de cité », ce qui en fait, dans son esprit, des criminels accomplis. « Ils ne pouvaient ignorer le caractère criminel des deux fuyards », conclut le procureur qui passe à la seconde question.

« Il y a des éléments troublants, mais pas assez d'éléments »

« Pour moi, c'est un dossier dont on pourrait prendre divers éléments sortis de leur contexte pour apporter une réponse positive », poursuit-il, ajoutant : « il y a des éléments troublants, mais pas assez d'éléments ». D'abord, Hasna Aït-Boulhacen n'a pas été explicite sur l'identité d'Abaaoud. Concernant Mohamed Soumah, le procureur fait part de son scepticisme : « Je doute que l'on puisse venir en aide à l'homme le plus recherché du monde et, en même temps, ne penser qu'à draguer la fille qui nous met en relation avec lui. Cela me parait incohérent ». Même circonspection au sujet de Jawad Bendaoud : « Il a noté ”Hasna appart” dans son répertoire, on a tous compris que M. Bendaoud était quelqu'un d'intelligent. Pourquoi enregistrer à son nom la personne qui nous met en relation avec l'homme le plus recherché du monde ? Pour moi, c'est une vraie difficulté ».

Vient ensuite l'argument des traces d'ADN de Jawad Bendaoud, retrouvées sur le ruban adhésif qui a fixé le détonateur de la ceinture d'explosifs des deux terroristes. Le procureur doute : « Je ne vois pas pourquoi Abaaoud aurait permis à quelqu'un comme Jawad Bendaoud de toucher à sa ceinture d'explosifs, alors que, s'il avait besoin d'aide, il avait sa cousine et Chabib Akrouh à disposition ». Puis, il prévient : « À vouloir mettre un costume trop grand à Jawad Bendaoud, on décrédibilise Abaaoud ». Et on ne veut pas atténuer l'immense nocivité du « cerveau » des attentats.

Et puis, enfin, « l'argument le plus général » qui innocente ces deux dealers impies : ce cupide délinquant de Bendaoud « n'aurait jamais loué l'appartement pour 50 €. Soit il adhère à la cause et il le fait gratuitement, soit il demande beaucoup plus », assure-t-il au tribunal. Sur ce propos, il requiert quatre ans d'emprisonnement à l'encontre de Jawad Bendaoud et Mohamed Soumah.

« Pour moi, c'est le procès de Youssef Aït-Boulahcen »

Le procureur fronce un sourcil. « Youssef Aït-Boulahcen présente un profil bien plus inquiétant. Pour moi, ce n'est pas le procès de Jawad Bendaoud, mais le procès de Youssef Aït-Boulahcen. »

Le jeune homme de 25 ans, sombre et silencieux depuis dix jours, se rétracte un peu plus dans son coin. « On retrouve dans son téléphone de la documentation djihadiste, des photos d'Abaaoud, des contenus antisémites », énumère le procureur. Il y a ces propos très virulents tenus à l'encontre des homosexuels, qu'il aimerait voir tués – comme il le confie à un ami. Le procureur en déduit : « On se retrouve avec quelqu'un qui adhère parfaitement à l'idéologie de l'État islamique ».

Il y a les éléments matériels. Youssef, qui ne signale à aucun moment la radicalisation de sa sœur Hasna, qui fait preuve, selon le réquisitoire, d'une volonté de se rendre utile (il se présentera en bas de la planque avec un paquet de gâteaux et une brique de lait), et qui échange des messages avec sa sœur. L'un d'eux est parfaitement explicite, évoquant Hamid, le cousin de Belgique. Un autre message, à peine codé, annonce que le cousin qui « dort au parc » prépare un autre attentat.

Pour le procureur, Youssef Aït-Boulahcen est « un personnage qui fait froid dans le dos ». Pour « s'être abstenu d'informer les autorités […] d'un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés, avec cette circonstance que le crime consiste en un acte de terrorisme », le procureur demande la peine maximale : cinq ans d'emprisonnement, avec mandat de dépôt.

Le procès d'achève aujourd'hui, avec la fin des plaidoiries de la défense.

1 L'infraction prévue à l'article 434-6 du code pénal, au visa duquel les deux prévenus sont jugés, prévoit que « le fait de fournir à la personne auteur ou complice d'un crime ou d'un acte de terrorisme puni d'au moins dix ans d'emprisonnement un logement, un lieu de retraite […] est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende » (six ans en l'espèce, car en état de récidive légale, ndlr).
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Re: Questions et débats sur le droit

Messagepar Supaman le Lun Fév 19, 2018 12:57

Merci.

Je viens de trouver la retranscription de la FENVAC.

Et très intéressant, il semble que l'ouverture du procès commence de facto par ce que je disais (lien entre le 434-6 et 421-1).
Je n'en suis qu'au début, je continue de lire dès que j'ai le temps.
Spoiler
Jour 1 - Mercredi 24 janvier 2018
L’audience censée débuter à 13h30 démarre aux alentours de 15h30.
La Présidente rappelle la police d’audience et décline l’identité complète des prévenus ainsi que le nom de leurs avocats. Elle rappelle les chefs de prévention ainsi que les droits des prévenus de garder le silence, faire des déclarations et répondre aux questions posées.
➢ La demande de certaines parties civiles aux fins de requalification des faits
Les questions procédurales et en particulier celles de la requalification des faits devant être introduites in limine litis (avant tout débat au fond), certains avocats des parties civiles prennent la parole pour demander que soit retenu le caractère terroriste des faits. L’idée était de mettre cette question dans le débat, et non pas de la trancher immédiatement.
La Présidente indique que cette question fera l’objet de débats au fond.
 Avocats de parties civiles :
Me HOLLEAUX, avocat de parties civiles, demande que soit acté dès l’ouverture des débats la possible requalification des faits dans un cadre contradictoire. Il demande que soit retenue l’infraction aggravée de l’article 421-1 CP constitutive d’un acte de terrorisme du recel de malfaiteurs aggravé.
A l’appui de cette demande, il fait deux observations :
• SOUMAH et BENDAOUD ont été mis en examen pour association de malfaiteurs terroriste. À la clôture de l’information judiciaire, le parquet n’a pas retenu la circonstance aggravante prévue à l’article 421-1 du code pénal. Les faits ont ensuite été requalifiés par le juge d’instruction, conformément aux réquisitions du Parquet en recel de malfaiteurs terroriste. Il n’y avait pas de volonté de viser la circonstance aggravante d’acte de terrorisme.
Pour passer d’une mise en examen pour «recel de malfaiteurs» à «recel de malfaiteur terroriste constitutif d’un acte de terrorisme », expressément écartée par le juge d’instruction dans l’ordonnance de renvoi devant le Tribunal Correctionnel, il aurait fallu d’après le Parquet que les deux prévenus partagent un début d’adhésion à un projet terroriste.
• D’après Me HOLLEAUX, la simple connaissance des intentions terroristes de celui qu’on héberge suffirait à atteindre une qualification terroriste.
Le Parquet, selon Me HOLLEAUX, a oublié une qualification intermédiaire, celle du délit aggravé qui repose sur la connaissance que l’on a des aspirations terroristes de la personne que l’on héberge.
Cette requalification des faits au profit de l’infraction constitutive d’un acte de terrorisme aurait pour intérêt de faire peser des peines plus lourdes sur les prévenus (douze ans d’emprisonnement). Me HOLLEAUX demande que soit laissée ouverte l’éventuelle requalification et la prononciation d’une sanction plus sévère car les prévenus ne pouvaient se méprendre sur l’identité terroriste des deux receleurs.
 Autres avocats :
Une avocate de partie civile revient sur le débat parlementaire antérieur à l’entrée en vigueur de l’article 421-1 du code pénal.
En effet cet article du code pénal énumère une liste d’infractions qui deviennent terroristes lorsque leur auteur poursuit un but terroriste, c’est-à-dire lorsqu’elles sont « intentionnellement » commises en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur.
Dans le cadre des navettes parlementaires, l’adverbe intentionnellement a été ajouté par le Sénat. Cela signifie que les personnes poursuivies sur le fondement de l’article 421-1 du code pénal doivent avoir agi en connaissance de cause.
L’avocate cite une jurisprudence du 10 janvier 2017 de la chambre criminelle invalidant la décision de la chambre de l’instruction qui avait ajouté des nouvelles conditions au caractère intentionnel de l’article 421-1 du code pénal.
La requalification des faits permettrait aux associations de victimes (Life for paris, 13onze15) d’être parties civiles au titre de leur agrément prévu à l’article 2-9 du code de procédure pénale.
 Le procureur
Il rappelle que la question est d’une grande technicité.
- Juridiquement la question posée par les parties civiles est de savoir si les prévenus
sont des terroristes.
Pour le Parquet la réponse est non.
- Il convient d’établir les éléments constitutifs de l’infraction de base, et notamment la
connaissance qu’avaient les prévenus d’héberger des terroristes pour ensuite savoir si leur action est constitutive d’un acte de terrorisme.
Le Parquet prend acte du fait que la question est mise dans le débat, sans marquer, pour le moment, son soutien à cette requalification.
 La Défense
D’après Me NOGUERAS dire qu’héberger des terroristes caractérise l’intentionnalité de l’article 421-1 du code pénal abouterait à un concours de qualification : deux éléments intentionnels de deux infractions différentes.
- Recel de terroriste de l’article 334-6 du code pénal : Connaissance que les personnes hébergées sont en lien avec un évènement terroriste
- Association de malfaiteurs terroriste de l’article 421-1 du code pénal. La défense de M. SOUMAH ne s’exprime pas sur ce point.
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Re: Questions et débats sur le droit

Messagepar Lalilalo le Lun Fév 19, 2018 13:42

Ah super MP et Supaman. J'allais me lancer dans un long post mais les éléments que vous apportez donnent déjà toutes les réponses aux questions posées.

434-6 du code pénal s'applique parce que : On héberge des terroristes (élément matériel de l'infraction) et on sait qu'ils le sont (élément moral).

421-2-1 ne s'applique pas car cela suppose d'agir lors de la préparation des attentats, or, M. Soumah intervient après leur réalisation.

421-1 du code pénal pourrait jouer pour permettre une aggravation des peines de 434-6 si M. Soumah avait poursuivi un but terroriste (mais ce point n'est quand même pas très clair au niveau de la jurisprudence). S'il aide les terroristes malgré le fait qu'ils soient terroristes, on en reste à 434-6. S'il les aide parce qu'ils sont terroristes, on peut appliquer 421-1.
Visiblement, le parquet, le juge d'instruction et le tribunal correctionnel ont tranché dans le même sens sur ce point.

PS: Monsieur Panda, pour le jugement du tribunal correctionnel, ne t'étonne pas si tu ne le trouves pas tout de suite. Les tribunaux correctionnels mettent plusieurs jours voire semaines pour rédiger leurs jugements après leur prononcé (du coup, quand on interjette appel, on ne sait même pas vraiment sur quoi on le fait puisque c'est dans les 10 jours du prononcé).
Cela dit, au regard du caractère exceptionnel de cette affaire, c'est possible que le greffe fasse un effort de célérité.

La Normandie.
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Re: Questions et débats sur le droit

Messagepar Monsieur Panda le Lun Fév 19, 2018 14:02

Yep, je me doute bien ! C'est déjà grâce à la médiatisation que Dalloz a si vite publié le réquisitoire du parquet et des avocats. :>
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Re: Questions et débats sur le droit

Messagepar Supaman le Lun Fév 19, 2018 15:06

Je me permet d'apporter une contradiction.
Lalilalo a écrit:434-6 du code pénal s'applique parce que : On héberge des terroristes (élément matériel de l'infraction) et on sait qu'ils le sont (élément moral).

D'accord. Mais dans ce cas, il convient de se poser la question "s'ils parviennent à échapper à la justice grâce à mon support, est-ce que ces terroristes vont recommencer ?"

421-2-1 ne s'applique pas car cela suppose d'agir lors de la préparation des attentats, or, M. Soumah intervient après leur réalisation.

Soumah ne sait pas s'ils vont s'arrêter là où s'ils vont refaire des attentats. Il sait que ce sont des terroristes, donc il sait que leur objectif est de commettre des actes terroristes.
Donc, en leur offrant un support, il y a entente.

421-1 du code pénal pourrait jouer pour permettre une aggravation des peines de 434-6 si M. Soumah avait poursuivi un but terroriste. S'il aide les terroristes malgré le fait qu'ils soient terroristes, on en reste à 434-6. S'il les aide parce qu'ils sont terroristes, on peut appliquer 421-1.
Visiblement, le parquet, le juge d'instruction et le tribunal correctionnel ont tranché dans le même sens sur ce point.

Oui, j'ai vu qu'ils allaient tous dans le même sens. Pour autant, il y a quelque chose de bizarre.
Que le 421-1 ne soit pas opportun, ok. Mais le 421-2-1 semble complètement à propos. Cet article n'est autre que la copie du 450-1 du CP à la sauce terroriste.
C'est le fait de participer à une association de malfaiteurs (terroriste, ici).
Rien ne soustrait un participant parce qu'il rejoint tardivement cette entente, tout du moins s'il a connaissance de ce qu'est cette entente.
S'il n'est pas soumis à cette infraction, alors il n'a aucune raison juridique de dénoncer la situation et donc les membres de cette entente.

Après, j'ai peut-être tort, mais j'ai l'impression qu'il manque quelque chose ici.
Supaman
 

Re: Questions et débats sur le droit

Messagepar Lalilalo le Lun Fév 19, 2018 17:08

Supaman a écrit:Je me permet d'apporter une contradiction.


Mais je t'en prie... Même si j'ai un peu l'impression de tourner en rond.

Supaman a écrit:
421-2-1 ne s'applique pas car cela suppose d'agir lors de la préparation des attentats, or, M. Soumah intervient après leur réalisation.

Soumah ne sait pas s'ils vont s'arrêter là où s'ils vont refaire des attentats. Il sait que ce sont des terroristes, donc il sait que leur objectif est de commettre des actes terroristes.
Donc, en leur offrant un support, il y a entente.

[...]

Que le 421-1 ne soit pas opportun, ok. Mais le 421-2-1 semble complètement à propos. Cet article n'est autre que la copie du 450-1 du CP à la sauce terroriste.
C'est le fait de participer à une association de malfaiteurs (terroriste, ici).
Rien ne soustrait un participant parce qu'il rejoint tardivement cette entente, tout du moins s'il a connaissance de ce qu'est cette entente.
S'il n'est pas soumis à cette infraction, alors il n'a aucune raison juridique de dénoncer la situation et donc les membres de cette entente.

Après, j'ai peut-être tort, mais j'ai l'impression qu'il manque quelque chose ici.


M. Soumah savait que les terroristes voulaient commettre de nouveaux actes terroristes ? Où ? Quand ? Comment ?

Faut quand même un lien entre ce qu'il a fait et un futur attentat. Si les terroristes voulaient retourner en Syrie pour se faire oublier un temps, échafauder un nouveau plan et revenir dans deux ans commettre un nouvel attentat, je suis désolé mais il ne participait en rien à un nouvel attentat. Après tu as peut être en ta possession une information qui m'a échappé mais si ce n'est pas le cas, c'est juste de la spéculation à laquelle tu te livres.

Et puis, il y a deux autres choses sur lesquels je tique.

1) Si je comprends bien ce que tu dis, pour toi, commettre les faits punis par 434-6 (loger des terroristes après un attentat) équivaut à la commission de l'infraction prévue à 421-2-1 (aka participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un des actes de terrorisme). Pourquoi alors le Code pénal prévoit-il une sanction de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende pour 434-6 et de dix ans d'emprisonnement et de 225 000 euros d'amende pour 421-2-1 (qui renvoi pour la sanction à 421-5) ?
C'est illogique. Il devrait dire dans ce cas que la sanction est dix ans d'emprisonnement et de 225 000 euros d'amende et basta ! Pourquoi envisager une sanction minorée ?

2) Si je comprends pas ce que tu veux dire, tu estimes peut-être que le fait de commettre les faits punis par 434-6 (loger des terroristes après un attentat) entraine nécessairement la commission d'une seconde infraction prévue à 421-2-1 (aka participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un des actes de terrorisme). Dans ce cas, comment est-ce que tu t'arranges avec la règle qui veut que lorsque différentes qualifications pour des infractions sont envisageables mais que l'une d'entre elles est la conséquence nécessaire de l'autre, on ne poursuive que pour la première infraction (par exemple, le vol d'une chose entraine forcément son recel, même pour quelques instants, pourtant, la justice retient néanmoins une unité dans l'infraction et ne prendra en compte que la qualification de vol.)

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Re: Questions et débats sur le droit

Messagepar Antarka le Lun Fév 19, 2018 17:55

Bon concernant mon problème de droit du travail, ma pote avait tort et son patron a raison. Curieux.

Et non pas d'heures supp pour 12h d'amplitude, c'est loin d être rare les métiers où tu te bouffes 12h d'affilé (voire pas mal plus).
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Re: Questions et débats sur le droit

Messagepar Supaman le Mar Fév 20, 2018 1:27

Lalilalo a écrit:M. Soumah savait que les terroristes voulaient commettre de nouveaux actes terroristes ? Où ? Quand ? Comment ?

Faut quand même un lien entre ce qu'il a fait et un futur attentat. Si les terroristes voulaient retourner en Syrie pour se faire oublier un temps, échafauder un nouveau plan et revenir dans deux ans commettre un nouvel attentat, je suis désolé mais il ne participait en rien à un nouvel attentat. Après tu as peut être en ta possession une information qui m'a échappé mais si ce n'est pas le cas, c'est juste de la spéculation à laquelle tu te livres.

Je vois ça comme si on te passait une boîte à stocker en attendant que quelqu'un vienne la récupérer. Tu comprends que c'est une boîte contenant une ceinture explosive avec un compte à rebours. Tu sais que c'est une bombe qui va finir par exploser car tu entends le compte à rebours et tu sais qu'elle servira à tuer des personnes. Tu te rends comptes que t'es en train de participer à quelque chose.
Eh bien pour moi, à partir du moment où tu ne dis rien et que tu stockes comme convenu la bombe à retardement et comme cela a été prévu par les commanditaires, tu deviens complice et tu as une part de responsabilité car tu peux empêcher que cette bombe tue quelqu'un.

Et puis, il y a deux autres choses sur lesquels je tique.

1) Si je comprends bien ce que tu dis, pour toi, commettre les faits punis par 434-6 (loger des terroristes après un attentat) équivaut à la commission de l'infraction prévue à 421-2-1 (aka participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un des actes de terrorisme). Pourquoi alors le Code pénal prévoit-il une sanction de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende pour 434-6 et de dix ans d'emprisonnement et de 225 000 euros d'amende pour 421-2-1 (qui renvoi pour la sanction à 421-5) ?
C'est illogique. Il devrait dire dans ce cas que la sanction est dix ans d'emprisonnement et de 225 000 euros d'amende et basta ! Pourquoi envisager une sanction minorée ?

Pourquoi le code pénal prévoit-il 3 ans pour le 434-6 et 30 ans pour le 434-6 découlant du 421-1 ?
Le 434-6, dans notre cas, on peut résumer l'infraction au "fait de fournir à un terroriste tout moyen de se soustraire à la justice ou l'arrestation". Donc c'est un support logistique, en fait. C'est donc une participation ou une entente.
À mon avis, le 434-6 n'est pas en adéquation avec le reste des articles concernant le terrorisme. Il manque une précision à cet article. Pareil pour le 421-2-1. Ça donne l'impression qu'on a copié collé le 450-1 en y glissant la notion de terrorisme.



2) Si je comprends pas ce que tu veux dire, tu estimes peut-être que le fait de commettre les faits punis par 434-6 (loger des terroristes après un attentat) entraine nécessairement la commission d'une seconde infraction prévue à 421-2-1 (aka participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un des actes de terrorisme). Dans ce cas, comment est-ce que tu t'arranges avec la règle qui veut que lorsque différentes qualifications pour des infractions sont envisageables mais que l'une d'entre elles est la conséquence nécessaire de l'autre, on ne poursuive que pour la première infraction (par exemple, le vol d'une chose entraine forcément son recel, même pour quelques instants, pourtant, la justice retient néanmoins une unité dans l'infraction et ne prendra en compte que la qualification de vol.)

En fait le 434-6 n'entraîne pas nécessairement la seconde infraction prévue au 421-2-1 puisque le 434-6 ne concerne pas que le terrorisme. L'entraine-t'il soit pour le 421-2-1 soit pour le 450-1 ? Je pense que la question a déjà été tranchée pour le lien entre le 434-6 et le 450-1.
Je pensais qu'on gardait la plus lourde infraction et peine. Mais je n'y connais pas grand chose.
Supaman
 

Re: Questions et débats sur le droit

Messagepar Lalilalo le Lun Mars 26, 2018 14:05

Le jugement concernant cette sombre affaire:

https://fr.scribd.com/document/372448274/L-integralite-du-jugement-Bendaoud#fullscreen&from_embed

Vue la teneur du dossier le jugement est extrêmement long mais pour avoir un résumé concernant J. BENDAOUD c'est en pages 94/95.

----

Zhatan a écrit:Sur la question des hommes célèbres impunis, il y a une bonne BD du commando culotte :
http://www.mirionmalle.com/2016/09/limpunite-des-hommes-celebres.html
Et cela pose une question assez clair sur le droit, d'ailleurs, j'aimerais bien l'avis de Lalilalo. J'avais vu passer des propositions pour traiter plus sérieusement ou mieux les affaires d'agressions sexuelles.


Je poste ici du coup.

Sur l'impunité relative des hommes célèbres, auteurs d'agressions sexuelles, je n'ai pas grand-chose à en dire. La BD émet l'idée que ce n'est pas spécialement commun aux hommes célèbres. Je pense que la célébrité n'arrange souvent pas les choses cependant. En général, la célébrité va de pair avec la richesse et cette dernière permet de s'offrir les avocats les plus compétents, de s'expatrier vers des pays n'ayant pas d'accord d'extradition, d'acheter le silence des victimes, de transiger (aux USA), etc.

Sur l'impunité relative des hommes (tout court), auteurs d'agressions sexuelles en revanche, le faible taux de condamnations semble s'expliquer par un grand nombre de facteurs:

- la honte des victimes qui ne dénoncent jamais les faits ou la peur de représailles.
- l'absence fréquente de témoins.
- l'absence de volonté des témoins de collaborer (un grand nombre d'agressions sexuelles interviennent dans un cadre domestique. La mère de famille témoin des gestes déplacés de son mari envers le fils des voisins n'est pas dans une situation évidente à gérer).
- la disparition des preuves (on ne compte plus le nombre d'affaires où la victime dit avoir "effacé" de sa mémoire l'évènement traumatique, revenu à la surface des années plus tard. Si l'allongement régulier des délais de prescription permet aux victimes de déposer plainte de plus en plus tard, le temps, lui, fait son œuvre et la disparition des preuves rend le travail des enquêteurs plus difficile).
- les "on-dit" sur l'attitude des policiers et gendarmes lorsqu'une victime vient dénoncer (ne croiraient pas les victimes voire les accuseraient même d'avoir provoqué l'agression).

Sur ce dernier point, je n'ai pas trop d'avis. Personnellement, je n'ai pas été témoin d'une attitude aussi grave de la part de policiers. En revanche, il m'apparait sain qu'ils ne croient pas sur parole toute personne venant dénoncer un crime ou un délit. Leur travail n'est pas d'être un soutien de la victime mais d'enquêter sur les faits dénoncés et d'en établir la réalité ou non.

Concernant la BD, je pense donc que le soutien auquel on droit les victimes ne doit pas se rechercher particulièrement auprès de la police. C’est à tout un chacun, mis au courant de faits de cette nature d'apporter son soutien à la plaignante, de l'aider dans les démarches qu'elle souhaite entreprendre (ne serait-ce que par un simple soutien moral).

L’organisation judiciaire elle, en raison de son devoir d’impartialité, doit rester en dehors de ces considérations.

La seule solution légale réellement efficace pour aider les victimes d'agressions sexuelles serait de mettre en place une présomption de culpabilité de la personne désignée par la plaignante. Dans ce cas-là, ça ne serait plus à la plaignante de prouver qu'elle est victime mais à la personne désignée de prouver qu'elle est innocente.

Le problème, c'est que ça pose de graves problèmes juridiques et techniques (comment prouver que X n'a pas violé son ancienne élève qui l'accuse 25 ans après ?).

La statistique sur les « seulement » 2 à 8% de déclarations mensongères ne change strictement rien à ce sujet. Dans toutes les infractions, la majorité du temps, quand le plaignant vient déposer plainte au commissariat, il dit la vérité. C’est sans doute plus difficile à entendre quand on a été victime de viol que quand on s’est fait voler son chapeau mais inverser la charge de la preuve aurait, pour la société, des effets pervers supérieurs aux avantages attendus.

Et puis, je note plusieurs approximations dans cette BD aussi. Par exemple, dans une case, on prétend que les enquêteurs ont tendance à croire plus volontiers une victime d’un autre crime/délit qu’une victime d’agressions sexuelles. Et on illustre cela avec un individu qui en pointe du doigt un autre, tenant dans ses bras un objet indéterminé, le tout, sous le regard désapprobateur d’un troisième personnage. Donc, si je dis qu’on m’a volé, la police me croira tout de suite mais pas si je dis qu’on m’a violé.
Manque de pot, outre la charge de la preuve qui reste, in fine, à celui qui accuse, il y a une règle de droit civil qui veut que pour les biens meubles, la possession vaille titre.
En d’autres termes, celui qui a l’objet entre les mains en est présumé en être le propriétaire. A l’autre de prouver le contraire. J’avais vu ainsi une scène hallucinante dans une gendarmerie ou un type, visiblement très énervé avait choppé son voleur et l’avait trainé de force chez les gendarmes en hurlant à qui voulait l’entendre qu’il lui avait volé son casque de moto. Le premier réflexe des gendarmes avait été de rendre le casque au « voleur » (l'autre essayait de le récupérer) avant de commencer à discuter. La victime tirait quand même une drôle de tête.

Autre point aussi, ne pas se prononcer sur la vérité des accusations d’une personne qu’on ne connaît pas (être neutre), ce n’est pas être du côté de l’agresseur.
Franchement, je ne connais ni Amber Head ni Johnny Depp personnellement et je ne vois pas pourquoi je penserais que le second est violent parce que la première l’affirme. Surtout quand mes sources pour m’informer s’appellent Voici ou Biba.



Pour les autres mesures qui pourraient être mises en place pour aider les victimes (spots de publicité sur le harcèlement, meilleure formation des enquêteurs, associations de victimes pour accompagner dans les démarches, etc.), elles tiennent plus du changement des comportements que d’un véritable changement de l’organisation judiciaire.

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