N'hésite pas à faire ton pavé, je suis curieux de voir ce que tu reproches à cette grande série !
Bon,
Lost a tout de l'excellent concept et il serait abusé de dire qu'il n'a pas complètement changé, à l'instar de X Files et de SG-1, la manière dont les producteurs et scénaristes américains envisageaient la production de leurs séries TV, et force est de constater que depuis, on est toujours en attente de l'intégration à ce format des autres bonnes idées de la bande dessinées. En l'occurrence, sauf erreur de ma part, c'est elle qui prendra le risque de réduire au minimum les intrigues propres à un seul épisode pour prendre le risque de tout miser sur la trame principale et ainsi tabler sur un public de fidèle, auquel SG-1 avait ouvert la porte à mesure que la série allait de l'avant.
Afin de réussir ce tour de force, les scénaristes ont cependant dû consentir à certains sacrifices, dont on comprendra aisément les raisons. Je m'y attarde donc un instant.
D'abord ils font fi de la structure essentielle de l'intrigue qui tient traditionnellement en 4 temps : situation, problématique, résolution, intégration. C'est ce dernier point qui manque lourdement aux personnages ; pour l'essentiel, les événements qu'ils vivent les impactent peu, et on en peut donc pas vraiment parler d'évolution à leur égard. S'ils sont établis avec brio au cours de la première saison, ils restent ensuite égaux à eux même et les événements qu'ils vivent les impactent assez peu. On retrouve exactement le même symptôme dans une autre série du "Golden Year", Desperate Housewife, qui table exactement sur le même principe pour tenir le spectateur en haleine. On alterne entre les trois premières phases de la construction scénaristique en sautant d'un personnage à l'autre. Desperate va moins loin, puisque l'intrigue générale est tout-de-même moins mise en avant au profit d'une multitude d'intrigues secondaires constamment relancées sans prendre le temps de montrer comment elles impactent les personnages autrement que par un regard vide, mais le principe est le même.
Évidemment, Lost ne s'affranchit pas de suite du principe de l'épisode, essentiellement parce que c'est une série qui aurait grandement profité d'un format en 12-13 épisodes et qu'elle ne veut pas complètement perdre le spectateur dans la pseudo-complexité de son intrigue (j'y reviendrai). Pour cela, elle utilise la brillante technique du flash-forward, qu'elle déclinera sous différents concepts au cours des saisons afin de renouveler l'intérêt du spectateur, non pas dans le souci d'une construction narrative, mais dans celui de l'empêcher de zapper. Les intirgues et les questions doivent être profonds et WTF-esques, afin de maintenir la tension avant chaque coupure pub et permettre au spectateur de se sentir malin en suivant la série. Cela, il faut bien le concéder, est extrêmement bien foutu, mené de main de maitre par un sens de la mise en scène et des références aux mythologie de toutes les époques (de la fumée de l'Egypte ancienne à l'ours blanc de la fin du XXè siècle, etc…), ainsi que par l'intégration d'un élément nouveau : la surabondance de cliffhangers, largement reproduit par les producteurs des séries de nouvelle génération – et dont, je dois bien l'avouer, j'adore user avec une parcimonie toute relative.
Enfin, les personnages utilisent deux ficelles bien connue de tous les concepteurs de figures stéréotypées et sans relief : le cabotinage et la faiblesse propre inhérente à la quête intérieure. On ne saurait cependant reprocher le coup de génie qui consiste à tous leur filer cette caractéristique qui va permettre à chaque spectateur de s'identifier sans mal à l'un d'entre eux : leur fascination pour l'île – ça aussi, j'y reviendrai.
Au final, on a donc une pléthore de questions ouvertes au cours des premières saisons, plutôt bien fichues, qui tiennent le spectateur en haleine, dans des décors somptueux. Dans son souci de fidélisation à outrance, la série ouvre pléthore de pistes qui, hélas, ne seront jamais refermées. Et c'est bien dommage, car à trop s'éparpiller, elle perd tout son sel.
Et c'est bien là tout le problème.
Ma comparaison avec le Mac Do n'est pas anodine :
Lost, c'est un coup de génie rempli de bonnes idées et de savants mélanges dont la véritable substance a été sacrifiée sur l'autel du profit. Elle a toutes les apparences de la bonne série mais reste savamment superficielle, et quand on arrive au bout du repas, même si on pourrait croire que el contrat a été rempli, on réalise très vite qu'on a toujours faim.
C'est que la pléthore de sous-intrigues ont été complètement sacrifiées sur l'autel de la productivité et de a fascination pour une mythologie aussi incomplète qu'une bonne partie de ses concepts sont absolument inutiles au bon déroulement de l'intrigue. C'est un foutage de gueule complet des fans qu'on cherchait justement à séduire et à fédérer, et j0en veux veux pour preuve que la "théorie du purgatoire", avancée et développée sur les forums que j'arpentais religieusement à la grande époque de la saison 3, avait été officiellement et vertement démentie par les scénaristes, dans l'unique but de maintenir la tension, alors qu'elle a été reprise quasiment telle quelle dans la conclusion. À se demander s'ils ne s'en sont pas directement inspiré, tant les éléments qui la composent dans ses grandes lignes ont justement été développés à partir de là, et uniquement à ce moment.
Le scénario global tient en effet plus de la construction rôlistique que d'une production globale. Si on peut l'accepter de SG-1, X-Files ou autre Dexter, qui ont un discours et un rapport au spectateur différent, c'est absolument intolérable de la part d'un show qui construit son identité autour de la révélation et des secrets. Ce types de construction narrative typique du roman policier implique avec un pacte tacite avec son récepteur que l'émetteur se doit de respecter sous peine d'être targué d'imposture, et
Lost, c'est très exactement ça. La même histoire aurait pu être raconté en X fois moins de temps, en omettant les éléments superflus qui en font que rajouter une durée de vie inutile à cette œuvre, et tout le savoir-faire en matière de mise en scène ne saura palier ce manque de globalité que l'on pourrait admettre de la part d'un amateur, mais qui est tout simplement inadmissible de la part de scénaristes professionnels.
Le contre-exemple parfait, c'est les séries dont on parlait avec Antarka : Rome et Six Feet Under (ou The Wire et les Sopèranos, dans un style similaire, même si c'est moins ma came).
Des séries qui, au contraire, prennent le temps d'installer leurs personnages et leurs intrigues, les font évoluer au regard des événements, et dont chaque scène, aussi insignifiante put-elle sembler, tend vers l'incroyable final que propose chaque saison, chaque série, qui acquiert une identité propre non pas au travers de ses procédés de mise en scène, mais grâce à la puissance de sa narration, de ses intrigues et des liens que les personnages tissent et défont à mesure que chaque scène remet en question ce que l'on croyait savoir. Des séries qui prennent le temps d'expliquer les choix et qui au-delà de la mythologie qu'elles installent, prennent le risque d'aborder des thématiques complexes et de limiter leurs audiences. Des séries qui n'ont jamais sacrifier leur histoire sur l'autel de l'audience (Rome a même fait le choix de raccourcir son intrigue, en osant des sauts dans le temps complètement improbables). Et on parle dans ce dernier cas de la série la plus chère de l'histoire de la TV américaine (sauf actualisation récente que j'ignorerais).
Bref, il est clair que d'un côté, Alan Ball tenait ses producteurs par les *** alors que dans le cas de Lost, c'était l'inverse, et que les pressions n'étaient pas les mêmes, mais il n'en reste pas moins que dans un cas, on a du fast-food télévisuel dont on ressort avec le cerveau qui crie famine, voire à la trahison, et dans l'autre, un truc qui commet l'incroyable exploit de t'affranchir de toute peur de la mort juste parce que tu l'a maté, et de faire chialer comme une madeleine quiconque aura mené l'aventure à son terme. Avec, cerise sur le gâteau, le meilleur traitement de perso gays et adolescents qu'il m'ait été donné de voir sur un écran -tous médias confondus-, des niveaux de lecture à couche quasi-infinie, c'est "Le Pied" (saison 1, épisode 3).
Bref, matez Six Feet Under ou Rome. Lost n'est pas inintéressante et recèle des qualités indéniables de mise en scène, mais contrairement aux deux autres, elle a clairement raté le coche pour devenir incontournable.
Après, certains préfèrent le Mac Do, je ne leur en veux pas.
Sur ce , je ne me relis pas, désolé pour les fautes de frappe (j'ai essayé de faire gaffe) et je vais finir mon ménage. C'est toujours un plaisir de basher Lost. Merci.