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Passons.
Bref, je vois que Dungeon Meshi a récemment reçu une adaptation animée et que personne n'en parle, donc je me vois forcé de vous mettre au courant de l'existence de cette pépite, au cas où vous seriez passés à côté.
Alors c'est quoi Dungeon Meshi ? Pour faire très simple, c'est probablement je meilleur manga que j'ai eu l'occasion de lire. Trois précisions : de une, c'est le meilleur, pas mon préféré. Ce titre revient toujours à Dragon Ball pour des raisons purement subjectives. Deuxièmement, oui j'ai lu les chefs-d'oeuvre Berserk, la grande histoire du Chinkel, Donjon, FMA ou Death Note. Dungeon Meshi est quand même au-dessus, à mon sens (c'est très débatable. DM gagne beaucoup de point pour avoir une fin satisfaisante.). Tercio : je n'ai pas vu la version animée et je ne parlerai que du manga. Mais c'est studio Trigger (Kill la kill, Cyberpunk 2077, etc...) qui est aux commandes, avis aux amateurs.
C'est difficile de résumer cette oeuvre en une seule phrase. Pas tant parce qu'elle est compliquée, mais surtout parce qu'elle évolue. En fait, DM se décrit plutôt comme un repas.
D'abord on a les amuse gueule. ça c'est moi, qui vous parle de ce manga. Avec les fanarts, les AMVs, que sais-je... Bref, tout ce qui pourrait atiser l'appétit. Gare à ne pas se
En entrée, c'est une blague. Une bonne blague, par contre. Le manga se situe dans un univers de fantasy inspiré de Donjons et Dragons (dont la mangaka est une énorme fan). Un groupe d'aventuriers se trouve coincés dans un donjon (c'est quoi exactement un "donjon" ? On y répondra en temps voulu.) sans aucune source de nourriture. La solution est toute trouvée : manger tous les monstres qu'ils croisent. Chaque chapitre suit la même formule : on croise un monstre, on comprend son comportement, on le tue et on se cuisine un repas. C'est à la fois barré, stupide et très intelligent : entre les observations écologiques (parce que c'est un message écologiste/naturaliste essez pertinent qui transparaît au fil du temps) et ce que les personnages expriment, on développe doucement un sentiment d'osmose qui va très au-delà du matériel d'origine.
La question qui trotte dans la tête tout le long est : où est-ce que ça va tout ça ? On ne peut pas tenir 100 chapitres sur ce concept, si ? ça va devenir répétitif, à force.
En plat de résistance, l'aventure. Parce que ce n'est pas qu'un manga de cuisine, et ce n'est pas qu'une blague (meme si ça reste drôle, et que ça parle toujours beaucoup de bouffe). Le Donjon est une métaphore de la nature sauvage, de l'adversité du monde en général. Et on ne le vainc pas par la force brute : il faut s'intégrer dans son écosystème. D'autres équipes commencent à graviter autours des héros, l'univers s'étoffe brusquement. La biologie des différentes races qui peuplent ce monde est évoquée dans toujours plus de détails, parce que ces détails importent, soudainement. On comprend, intuitivement et explicitement comment fonctionne le donjon. Et, plus important, comment fonctionnent les gens qui y vivent.
Je précise qu'à ce stade, chaque chapitre tourne toujours autours d'une recette cuisinée à base de monstre. (Mention spéciale au ragoût de griffon.)
Pendant cette partie, on peut prendre la mesure du talent de Kui Ryoko pour écrire et dessiner de nouveaux personnages. Une des meilleures descriptions de ce manga que j'ai entendu est "Il n'y a pas de mauvais personnage dans Dungeon Meshi" et c'est vrai. C'est triste que je doive préciser ce qui devrait être la norme, mais les structures osseuses, les fasciès et les expressions de chaque personnage, principal ou secondaire, ont été réfléchies et approfondies à part par la mangaka. Et ça se sent. L'obsession pour la biologie ressort à chaque case. Au-delà de ça, il y a une vraie capacité à exciter la curiosité pour la personnalité de chaque individu.
Justement, c'est peut-être le moment pour un trou normand !
ça, ce serait les "daydream hours" qui cloturent chaque chapitre. On a des tonnes de croquis des personnages (du plus prohéminent au plus oubliable) dans tout un tas de situations insolites. Plus officiellement, la "bible de l'aventurier" nous gratifie d'une planche de BD pour chaque trublion d'arrière plan. Je sais que je suis assez dityrambique sur les développements en question mais j'en rajoute : condenser autant d'émotion sur une seule page, c'est du génie pur et simple (bon, elles ne sont pas toutes géniales, mais certaines m'ont vraiment touché). Moins contraite par le scénario, Kui peut transmettre d'autres visuels/d'autres idées. Par exemple, c'est en lisant ce tome que je me suis rendu compte d'à quel point le thème du rapport au corps est récurrent dans ce manga.
Plus généralement, on comprend que l'auteure est vraiment amoureuse de son univers et de ses habitants. Et c'est très communicatif.
Donc, on passe au dessert.
La fin est bien faite. Chaque trame est bouclée proprement, on ne sort jamais du thème, pas de dérapages. C'est de plus en plus bizarre et barré, mais toujours dans une ambiance bonenfant... ça me rappelle beaucoup FMA, mais en plus propre (scénaristiquement). C'est tellement rare de voir une fin propre dans un manga. Il y a toujours du "mais en fait XXX est plus balaise, il va falloir te taper au dernier moment" , ou juste des trames narratives avortées. Mais la fin de DM a été écrite des années avant la sortie des tomes, et tout se boucle de manière satisfaisante. Chaque chapitre était une brique mûrement réfléchie. Rien ne manque, et tout ce qui aurait été de trop s'est retouvé rélégué aux satellites suscités.
Pour le café, vous prendrez des fanarts, des débâts houleux sur des romances plus ou moins fantasmées (Kui suggère beaucoup et affirme peu) et encore plus de dessins de Kui, qui a manifestement fini de poncer Baldur's Gate 3 et s'est remise à dessiner du contenu non-officiel sur son blog.
Il y a des points négatifs, mais ça va aller vite :
- La direction artistique est à mon sens médiocre (c'est du D&D, univers que je n'apprécie pas vraiment). Je dirais que Kui a fait "le meilleur avec le pire".
- Ce n'est vraiment pas un manga de combat. D'abord parce que Kui n'est pas très forte pour transcrire la violence, et ensuite parce que ce n'est pas ce que l'histoire raconte. Les affrontements parlent plus de trouver un point faible/surmonter une dynamique entre personnages que du surpassement de soi exhaltant d'un shonen clasique.
-On saute très souvent entre l'humour et la gravité. Quelques transitions sont limite.
-La traduction française n'est pas forcément à la hauteur ("gloutons et dragons", ça sonne super mal)
Voilà, c'est tout. Deux-trois images pour vous mettre en apétit :
Spoiler
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Allsez, bon apétit.