Suite à une prise de bec l'autre jour le chat, je me permets de relancer ce topic, non pour poursuivre la querelle, bien sûr, mais parce que je trouve que cette question mérite et nécessite une réflexion sérieuse, et que des messages écrits à la va-vite sur le chat ne peuvent lui rendre justice.
D'après vous, qu'est-ce que l'art ? À partir de quand peut-on parler d'art, et à partir de quand peut-on dire que ça n'en est pas, ou plus ?
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D'après Martin Scorsese, les films de super-héros contemporains « ne sont pas du cinéma ».- Un jour, un professeur de dessin m'a asséné que la bande dessinée n'était pas du dessin.
- Pendant longtemps, et encore aujourd'hui pour bien des gens, le roman policier, le fantastique, la fantasy, ainsi que les livres pour enfants et d'autres genres méprisés que j'oublie, n'étaient pas perçus comme relevant de la littérature.
- Et pour un ami proche qui enseigne le piano et ne jure que par Chopin, la pop, le rock, le métal, la techno, le rap, tout ça, ce n'est pas de la musique, c'est du bruit.
Ce genre de condamnation a le don de m'agacer prodigieusement.
Qu'est-ce que cela implique ? À première vue, cela relève à mes yeux du non-sens. Prenons le cas de mon professeur de dessin : en reprenant ses propres mots, "la bande dessinée, ce n'est pas du dessin", on en arrive à cette absurdité : "ces dessins ne sont pas du dessin". Comme il n'avait pas daigné s'expliquer davantage (et que j'étais trop stupéfait pour le questionner), il m'a fallu interpréter. Je suppose qu'il avait voulu dire : "ces dessins-là sont mauvais ou médiocres ; or, selon moi, le dessin doit être bon". Autrement dit : si ce n'est pas suffisamment bon, ça ne relève pas de l'art.
Entre parenthèses, on pourrait envisager l'idée que cette formulation ne se veuille pas dépréciative et qu'elle vise simplement à distinguer deux arts afin ne pas les confondre : par exemple, affirmer que le théâtre ne relève pas du cinéma et vice-versa. Mais ce n'est (hélas) évidemment pas de ça qu'il est question ici (dans le cas du prof de dessin, sa moue dédaigneuse était on ne peut plus claire).
Ce raisonnement me laisse perplexe. Cela signifie-t-il que l'art est forcément bon ? Qu'il ne peut donc exister ni mauvais artistes ni mauvaises œuvres d'art ? Cette question rejoint celle de la qualité d'une œuvre donnée : les jugements varient toujours selon les personnes, et le jugement d'une même personne peut évoluer. Pour autant, le consensus est qu'il existe des chefs-d'œuvre et des trucs pourris avec une infinité d'intermédiaires, même si les opinions sur la catégorie dont relève telle ou telle œuvre varient énormément. Peut-on en dire autant sur « l'articité » d'une œuvre donnée ?
Ou est-ce que je me prends trop la tête et qu'il s'agit seulement d'une manière raffinée de dire « c'est de la merde » ?
De façon intéressante, la question se pose souvent très sincèrement avec les genres. Si une œuvre réinvente ou subvertit les codes d'un genre donné, relève-t-elle encore de ce genre, ou en crée-t-elle un nouveau ?
Super Mario 64 relève-t-il vraiment du même genre que les
Super Mario Bros. ? On les désigne tous comme des jeux de plateformes, mais ils sont pourtant radicalement différents. L'épithète "2D" ou "3D" peut préciser le sous-genre, laissant penser qu'il s'agit de deux branches d'un genre plus global. Cependant, de par son moteur, le monde qu'il propose et les façons d'interagir avec l'environnement,
Super Mario 64 n'est-il pas en réalité plus proche d'
Ocarina of Time, que personne ne qualifierait de platformer ?
À vous !