Chapitre XXI
Dieu maléfique
À quelques années-lumière de là, deux individus s’entraînaient intensément. D’ailleurs, leurs méthodes pouvaient sembler particulièrement violentes, puisque les deux épéistes combattaient une horde de redoutables babouins armés.
Et visiblement, ils se débrouillaient plutôt bien, chacun surtout préoccupé par l’idée de mieux performer que l’autre plutôt que par la simple idée de survivre.
L’un des deux épéistes était connu comme redoutable chasseur de pirates. Ses cheveux verts contrastaient avec la rousseur de ceux de son rival. Ce dernier avait débarqué sur ce monde par un mystérieux accident, après un entraînement auprès de Son Gokû à l’intérieur d’une dimension liée aux Shinigamis.
Ainsi s’entraînaient Zoro et Ichigo, sous la supervision du regard si perçant de l’homme à “l’œil de faucon” qui se présentait comme nul autre que le meilleur épéiste du monde. Et en dépit de leurs performances absolument hors normes, ils ne semblaient pas vraiment impressionner l’expert, lequel les observait d’un regard passablement ennuyé, apposé contre le rebord de fenêtre du sinistre château dans lequel il demeurait.
***
Passé la surprise, un diabolique sourire déformait les traits d’Ororef tandis qu’il s’avançait en direction de Nappa, intrigué.
– Nous avons déjà échangé, murmura-t-il.
Si mes informations sont correctes, tu es Nappa.Le colossal guerrier fixait Ororef d’un air dubitatif, pas sûr de comprendre. Plissant les yeux, il semblait tenter de se souvenir, visiblement en vain, ce qui amusait beaucoup son interlocuteur.
– T’es qui ? finit-il par demander.
– Oh, c’est vrai, je n’étais que partiellement moi-même, à l’époque, en tant qu’Orochimaru.Nappa fronça les sourcils ; ce nom lui était familier.
– Je suis connu pour être un voleur de vaisseau, glissa alors Ororef avec un coup d'œil en direction de l’Empereur Freezer.
Ce dernier dévoila une grimace. Nappa, en revanche, sembla aussitôt perdre le contrôle en réalisant de qui il s’agissait.
– ENFOIRÉ ! tonna-t-il.
TU AS HUMILIÉ NOTRE PEUPLE !En voyant rouge, le colosse en oubliait où il se tenait. S’il avait l’habitude d’être l’un des plus puissants guerriers qui fût, autour de lui se trouvaient des présences autrement supérieures à la sienne. Sa démonstration de force – celle-là même qui avait complètement bouleversé le monde Ninja quelques mois auparavant – passait pour un cri étouffé de prématuré.
– Calme-toi, conseilla à ses côtés Kinshiki Ōtsutsuki.
Mais Nappa ne l’écoutait pas. Aveuglé par sa rage, il s’élança. Le visage d’Ororef, figé dans un sourire, ne vacilla pas. Peut-être n’en avait-il simplement pas le temps...
Cela fut plus facile à comprendre lorsque le colosse se figea, arrêté dans son mouvement par la queue de l’Empereur, laquelle balaya du même coup l’onde de choc et l’intensité brûlante des émotions du Saiya-jin.
Totalement immobilisé, Nappa abaissa son regard en direction de la petite silhouette de Freezer. La puissance de ce dernier se révélait si écrasante par rapport à la sienne que l'esprit du Saiya-jin peinait à la conscientiser.
Mais l’Empereur se montrait indifférent, son regard ostensiblement clos, une expression dédaigneuse affichée sur son visage qui s’abaissait en direction de ses bras croisés.
Babidi regardait la scène d’un air passablement intéressé, prenant note du seul détail intéressant à ses yeux : le comportement brutal du Saiya-jin en ferait un serviteur de choix.
– Merci, siffla la voix démoniaque d’Ororef, résonnant à travers la pièce.
Vous m’avez sauvé la vie.L’émotion apparente de son timbre sonnait aussi faux que les vibrations menaçantes d’un serpent à sonnettes.
Freezer sembla rester indifférent.
– Je n’aime pas les singes bruyants.Sa queue libéra le colosse qui s’écrasa à même le sol et ne bougea pas plus. Retenant un souffle douloureux, il se recroquevillait dans tous les sens.
– Oups, reprit Freezer, sans daigner même regarder le guerrier gisant à ses pieds.
Ma queue a glissé.* Certaines cotes sont broyées... analysa Kimimaro.
*Le plus puissant disciple d’Orochimaru restait totalement immobile. Ses sens peinaient à suivre. Mais une chose était claire : ces jeux d'énergie dépassaient tout ce qu’il imaginait. Lui qui avait connu la terreur d’un Saiya-jin sur sa planète peinait à croire à la scène à laquelle il assistait.
Suigetsu, totalement liquéfié, ne pouvait néanmoins s’empêcher d’être surpris par leur anormale capacité à supporter toute cette surenchère de puissances. À ses côtés, Karin elle-même restait consciente, en dépit de la proximité de tous ces monstres surclassant totalement Raditz, de quoi a priori totalement saturer ses capacités sensorielles. Mais elle tenait bon. Quelque chose échappait clairement à la plus évidente des logiques ; peut-être s’agissait-il finalement de l’astronomique décalage de puissance...
Le regard de Freezer se posa à nouveau sur Ororef, menaçant.
– Je me réserve le droit de te tuer.– Je l’espère bien, répliqua Ororef,
si vous le pouvez.Freezer resta silencieux. Mais la rage bouillonnant en lui aurait pu brûler la planète. Et tous la savaient uniquement contenue par la présence intimidante et mystérieuse de Dabura.
Le sourire de ce dernier s’étira encore davantage. Le Roi Démon semblait rassasié par ces démonstrations de haine réciproques.
– Cela suffit, grommela Kinshiki d’une voix sourde.
Bien que s’exprimant littéralement dans sa barbe, ses deux seuls mots furent particulièrement bien reçus.
Le sourire provocateur d’Ororef, même devant l’Empereur, se transforma partiellement en une grimace de malaise.
* Pourquoi est-ce que je ressens du malaise, malgré mon immortalité ? *Il fronça les sourcils.
* Les Ōtsutsuki... sont différents. *Freezer lui aussi ressentait une étrange émotion à l'égard de la mystérieuse entité. Comme pour le Saiya-jin, Ororef ou même Babidi, il brûlait d'envie de se jeter sur lui. Mais contrairement aux trois sus-cités, il ne le haïssait pas, aucune raison ne le justifiait. Il s'agissait plutôt d'un ressenti moins conscient, plus primitif : la faim.
Sans prêter attention au flot continue d'émotions inexplicables qu'il générait autour de lui, Kinshiki s’abaissa auprès du colosse gisant, apposa son énorme main contre ses côtes et resta silencieux.
Et le silence s'imposa, pour un temps, jusqu'à ce que le docteur Géro ne tournâ son regard en direction de Dabura.
– Tous ces individus réunis au même endroit, murmura enfin le vieux scientifique, admiratif.
J’ignore quels sont vos desseins mais...– Penses-tu vraiment que je sois le Mastermind derrière tout cela ? réagit vivement Dabura.
– Si ce n’est pas vous, reprit alors le docteur,
qui est-ce ?Le doigt de Dabura se leva lentement. Et il pointa fatalement celui qui semblait à l’origine de tout ce chaos anormalement ordonné : Ororef.
Le concerné ne dévoila aucune réaction excessive, mais le froncement de regard qui suivit révéla que lui-même semblait légèrement surpris.
– Les entités que tu portes possèdent des pouvoirs contradictoires. Il s’agit d’Hakuja, le Sage Serpent de la Connaissance, et d’Ankhseram, le Dieu de la Vie et la Mort issu d’un temps où le Makai vivait ses plus belles heures.– Qu’est-ce que… ? balbutia Ororef.
– Et sais-tu ce qu’il se passe lorsque l’on fusionne des concepts aussi abstraits que la connaissance et le cycle de la vie et de la mort ?Le sourire de Dabura s’étira.
– On manipule le chaos... et par extension, le destin.Le regard du Roi Démon parcourut toute la pièce.
– Le fait que, par coïncidence, nous nous trouvions soudain liés spatialement et temporellement, est justement un hasard parfaitement lié au seul pouvoir qui n’en est pas.Dabura étira ses lèvres.
– Ce pouvoir est capable d’annuler la malédiction lancée par les dieux sur le Makai depuis que certains d’entre eux ont commis le sacrilège ultime : celui de s’unir avec les démons.Son regard se posa alors sur Kinshiki, qu’il fixa d’une intensité comparable à celle de ses si purs yeux blancs.
– La... malédiction ? répéta Freezer, dubitatif.
***
Hagoromo fronça les sourcils.
– N’y a-t-il rien que l’on puisse faire pour stopper ces démons ?, demanda Krillin, désespéré.
– Pour l’instant, ils se cachent. La nature du Makai est une anomalie pour ce monde. Cela génère une singularité.– Vous voulez dire…, commença Bulma,
comme la théorie des trous noirs ?– Précisément, confirma Hagoromo.
– Mais alors, qu’est-ce que cette énergie ?, interrogea Piccolo.
Tous les regards se tournèrent vers ce dernier, surpris. Hagoromo marqua une pause.
– Je vois... Ce n'est pas surprenant que tu l'aies senti. Après tout, ce démon est né d’un processus similaire à celui de ton père.Le Rikudо̄ Sennin poussa un bref soupire.
– Il est le côté maléfique de Enma, le gardien des Enfers, expliqua-t-il alors.
Et il avait trouvé refuge sur mon monde à une époque lointaine, via le Ryûchidô.– De qui... parlez-vous ?, interrogea Haku, soucieux à l’idée qu’une entité suffisamment démoniaque pour inquiéter le Rikudо̄ Sennin eût déjà foulé sa planète natale.
***
Sauf qu’en l'occurrence, il semblait que le démon eût trouvé un autre monde comme cible...
– Ce Haki... sinistre, remarqua aussitôt Dracule Mihawk, pour la première fois sorti de son indifférence.
Sa pupille si spéciale s’ouvrit grand de stupeur.
***
Une perturbation se faisait sentir à travers le vaste océan. Il s'agissait d'un frémissement presque imperceptible, comme une ombre effleurant brièvement la lumière. Le vent, pourtant calme, sembla se suspendre.
Dans un coin isolé de toute terre, une silhouette gigantesque, semblable à une montagne vivante, s’arrêta soudain dans ses mouvements. Le sol trembla légèrement sous son poids, mais ce n’était pas ce qui attira l’attention. Ce qui semblait déranger cette créature colossale, qui portait la vie d’un peuple tout entier sur son dos, était un rien, un presque rien. Mais cette sensation d’une présence déstabilisante parvint à briser son rythme habituel.
Les créatures qui peuplaient son dos, vivant dans une harmonie silencieuse avec la nature, s’arrêtèrent, une vague de malaise effleurant tous leurs instincts. Ce n’était pas un vent naturel, ni une menace évidente. Il y avait quelque chose dans l’air, une pression intangible, qui semblait chercher à s’infiltrer dans les esprits. C'était comme un poids supplémentaire, insidieux, qui alourdissait l’atmosphère sans qu'aucun des êtres vivants présents ne puisse en saisir la source.
L’immense créature leva la tête, les oreilles repliées sous l’invisible influence de cette sensation qui persistait.
***
Loin de là, dans un immense château et par ailleurs le bâtiment le mieux gardé du monde, une entité se tenait face à un trône protégé, plongé dans un silence glacial.
Sa posture restait calme, mais ses yeux, d'une acuité rare, se fixèrent sur un point invisible. Ce n’était pas un phénomène qui pouvait s'expliquer, mais une fluctuation, ou peut-être un appel...
* Cela n'a rien d’une volonté humaine... *Le ressenti était plus sombre, plus ancien...
***
La brève tension de Dracule Mihawk n’échappa ni à Zoro, ni à Ichigo, lesquels tournèrent aussitôt le regard en direction de leur maître improvisé.
Mais ce dernier semblait avoir repris toute sa contenance, renforçant le mystère de son étrange tension.
– Vous devriez vous arrêter là, conseilla alors le corsaire légendaire.
– Hein ?, bougonna Zoro, autant surpris qu’agacé.
Pourquoi s'interrompre, je suis à peine échauffé...– Fais ce que tu veux, répliqua Dracule Mihawk,
si ton souhait est simplement de mourir.– Comme si des babouins ou cette espèce de primate roux pouvaient m'abattre !, grommela Zoro.
Ichigo serra les dents de colère devant l’insulte gratuite. Mihawk soupira, abaissant ses paupières avec lassitude, avant de rouvrir ses pupilles scintillant dans la nuit, fixant un point au loin derrière les deux jeunes épéistes.
– Je ne sais pas pour eux, déclara-t-il alors calmement.
Mais l'homme qui vous observe le peut sans aucun doute.– Hein ?, grommela encore Zoro.
Tournant son regard à l'endroit précis où pointaient les yeux de son mentor, il ne vit rien d'autre que quelques arbres dont les silhouettes se perdaient dans les ténèbres.
Il remarqua alors qu'à ses côtés, Ichigo plissait les yeux, fixant un point droit devant lui. Il semblait avoir remarqué quelque chose et le faisait remarquer tout haut. Zoro grimaça en réalisant qu'il était en retard.
Puis un mouvement attira son attention. Il était un peu décalé. Et la silhouette d'un homme se dévoila, pas vraiment au niveau de l’endroit où fixait le Shinigami – qui avait simplement voulu se montrer le plus brillant.
– Tu m'as grillé, enfoiré !, avoua alors l'individu d'une voix agacée à l'adresse de Mihawk.
Zoro et Ichigo froncèrent les sourcils. Cet homme s'était particulièrement bien dissimulé. Certes, aucun d'eux ne montrait d'aptitude particulière pour déceler des individus – le fameux Haki que Zoro devait développer en vue d'accéder à la suite de son voyage – mais leurs sens restaient particulièrement affutés, surtout dans un environnement presque désert comme celui-ci. Réussir à échapper à leur vigilance dénotait d'aptitudes particulières combinées à une motivation qui ne pouvait pas être amicale.
– T'es un ninja sensoriel ?, supposa l'autre en se grattant la tête.
Argh. Pas le choix...* Ninja ? s'étonna Zoro.
*Ichigo fronça les sourcils, repensant au seul Ninja qu'il eût connu.
L'homme sortit de sa cachette, dévoilant son corps totalement nu dans l'obscurité.
– Mais c'est quoi ce type ?!, s'exclama Ichigo, dégoûté.
Zoro détourna les yeux qui avaient eu le temps d'en voir trop.
– Ah, c'est ça qui vous choque, les enfants ? Je vois...Effectuant quelques pas en avant, l'individu fut aussitôt attaqué par l'un des redoutables babouins. Alors, avec une agilité et une facilité déconcertante pour un homme à mains nues, il se défendit.
Le verbe était en revanche mal indiqué. L'homme ne se contenta pas d'éviter ou de repousser les assauts de l'animal. Parler de massacre fût plus approprié.
Tous les babouins qui l'attaquaient y passèrent, défigurés avec une violence sauvage que l'on n'aurait instinctivement pas attribuée à l'espèce humaine.
Recouvert de sang – un mélange du sien et des quelques primates qu'il avait terrassés – l'homme ne s'arrêta pas là. Ramassant un animal agonisant, il lui arracha violemment la peau qui le recouvrait.
– Je reste sur ma faim, reprit alors l'homme.
Lequel d'entre vous voudra bien me laisser goûter à son sang ?Comme pour répondre à sa folie meurtrière, Mihawk leva son verre de vin rouge et but une gorgée.
– Les visites s'enchaînent, commenta-t-il à voix haute.
Cette île n'est pourtant pas un festival.* Le fait qu'un tel individu ait échappé à mes sens jusqu’au dernier instant m'interroge... *– Qui êtes-vous ?, interrogea alors calmement Mihawk à l'adresse du fou.
L'homme leva son regard dans sa direction. Observant son verre de vin, il pointa l'épée qu'il avait dérobée à l'un des babouins dans sa direction.
– Un type qui a hâte de briser ta croix et remplir ton verre de sang... murmura-t-il en se léchant les babines tout en s'approchant d'un pas vif.
– Bonne chance pour cela, répliqua Mihawk, esquissant le simple geste de poser son verre contre le rebord de la fenêtre, visiblement prêt à répondre aux attentes de l’ennemi.
Mais un autre mouvement attira son attention.
– Non,, grommela Zoro, qui s'était avancé.
Il n'est pas digne de vous. Je vais lui faire sa fête.– Moi aussi, ajouta Ichigo, à ses côtés.
Ce type est louche, va falloir que je te protège, le nul.– Ne me gêne pas... Mais tu n'as pas tort sur un point : il est pas net.– T'es qui ?, reprit le Shinigami à l'adresse de l'homme face à eux.
T'as pas répondu. Je commence à en avoir marre de ce monde où je connais personne !– À qui le dis-tu, répliqua leur dangereux ennemi.
Je pige pas grand chose non plus... Même moi, je me pensais mort. J'ai failli perdre la foi... !Un sourire fou déforma son visage tandis qu'il s'agenouillait par terre, bras et visage ensanglantés levés en direction des cieux. Zoro et Ichigo dévoilèrent une même expression de dégoût face à cette démonstration religieuse complètement dénaturée.
– Pour me faire pardonner, laisse-moi t’offrir... une souffrance d’extase ! hurla l'individu.
Alors, il releva la tête en direction des deux jeunes, son regard fou semblant encore en plein échange mystique avec l’entité démoniaque qui lui avait vraisemblablement redonné vie.
– Ô, Jashin !