Hit up on time

Faîtes-nous partager votre fibre littéraire en écrivant votre propre histoire mettant en scène les personnages de Dragon Ball et, pourquoi pas, de nouveaux ! Seules les fanfictions textes figurent ici.

Hit up on time

Messagepar Imate le Lun Août 01, 2022 23:26

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Bonsoir bonsoir ! Comme toujours je poste à une heure propice (non)

Alors, ça faisait un moment que j'avais rien posté ici, et j'avoue que c'est pas mal du à un manque d'envie d'écrire une histoire longue de crainte de ne pas être lu ou de ne pas intéresser. Mais ça me titillait depuis un moment quand même, alors je me suis lancé sur quelque chose de plus modeste. Je ne sais pas si ce sera un One Shot, il n'est pas totalement impossible que d'autres chapitres voient le jour, mais disons que si ça arrive, ce sera surement sous une forme disons anthologique (bien que toujours autour du même personnage).

Pour faire bref : Chers lecteurs qui avez la flemme de lire une fic à rallonge, ou de commencer une histoire sans être certain qu'elle aura une fin, sachez que ce chapitre se suffit à lui même. C'est pas trop long, ça n'appelle pas de suite obligatoirement, c'est cool (j'espère), alors foncez !

* * *

Volant depuis une bouche d'aération dans laquelle il était resté coincé avant d'en être expulsé en même temps qu'une de ces projections de fumée régulière contribuant à la formation de cette purée de pois nauséabonde qui arpentait les rues de la sombre cité pluvieuse, seulement ensoleillée par la multitude de néons iridescents placardés sur les façades grisâtres des tristes œuvres d'un architecte dénué de talent autant que de goût, il longea le trottoir qu’humidifiaient la brume et un large panel d'échantillons de liquides visqueux en tous genres, jusqu'à passer devant une bouche d'égouts rongée par la rouille, manquant tout juste de s'y faire happer par l’écœurante créature difforme à la gueule garnie de pustules qui parfois en sortait la gueule dans l'espoir de refermer ses crocs sur une proie de passage. Porté plus loin par le vent qui à la longue le froissait et le réduisait à l'état de boule, il atterrit finalement aux pieds du doyen du quartier, assis à même le sol crasseux et collant de ce qu'il avait fini au fil des années par appeler son foyer, à force de le contempler de son seul œil valide, à l'abri de son plus fidèle ami, ce carton dont la surface était peu à peu effritée par la bruine acide arrosant perpétuellement la ville en proie à la pollution. Faiblement, le vieux sage tendit la main vers lui dans l'espoir de le relever du sol, si lentement que parvint avant lui le pied d'un passant trop pressé et trop peu attentif pour se rendre compte qu'il l'avait piétiné, et accessoirement, avait failli écrabouiller le dernier membre du vieillard que n'avait pas encore touché la gangrène. La voie dorénavant libre, il parvint cette fois à l'atteindre, et l'amena à lui afin de le déplier. Ce bout de papier, qui s'avéra être l'affiche d'un de ces combats clandestins se tenant chaque soir dans les caves de Rotten Street, attirant des parieurs en provenance de secteurs plus fortunés et à la recherche de sensations fortes, ainsi que d'argent facile. L'homme qui semblait plus tôt aussi accaparé par le temps qu'un certain lapin blanc était l'un de ces visiteurs de la nuit, marchant d'un pas rapide en direction du local sous-terrain ou se tiendrait dans quelques instants à peine l'un de ces fameux combats illégaux faisant le bonheur de la pègre locale. En proie à l'excitation avant même d'avoir rejoint la salle, il sentit son cœur s'emballer lorsqu'il ressentit, depuis le haut de l'escalier, dès qu'il posa la main sur sa piteuse rambarde, les vibrations en provenance du lieu isolé. Arrivé en bas, il bégaya péniblement le mot de passe qui lui permit d'obtenir le droit d'entrer du videur et de franchir la porte à la peinture jaune tristement écaillée. Un décor peu reluisant, certes, mais qui dissimulait l’attraction la plus en vogue de ce côté du globe, réunissant encore une fois ce soir là une foule des plus denses, à laquelle l'homme se mêla afin de participer à son tour au grondement que pouvait ressentir soir après soir depuis la surface, le vieil homme bien triste de ne plus avoir la moindre pièce à miser dans l'un de ces combats qui lui avaient fait tout perdre des années auparavant.

« Mesdames et messieurs ! La Spicy Company qui vous offre chaque soir le divertissement le plus recherché de la planète vous remercie une fois encore de lui permettre de faire salle comble ! Dans un instant sur ce ring vont nous rejoindre deux des champions les plus prisés de cette saison, afin de s'affronter pour votre plus grand plaisir ! Il ne vous reste plus que quelques minutes pour déposer vos paris, alors mes chers amis, faites vos jeux ! »

Assis dans l'un des minuscules vestiaires de fortune mis à la disposition des combattants, l'un des champions tant attendus, dissimulé sous son sweat-shirt noir à capuche, faisait rouler entre ses doigts sa pièce de cuivre fétiche, exerçant sa dextérité pour se calmer les nerfs, comme il était pour lui coutume de faire avant chaque match. Quand il entendit le présentateur achever la présentation de son adversaire, il se leva finalement, paraissant presque serein, et gagna avec assurance le hall pour être annoncé à son tour.

« Face à cet homme, vous le connaissez tous, il est désormais connu pour son incroyable vivacité et sa remarquable capacité d'adaptation face à chacun de ses adversaire ! Jusqu'à présent invaincu, va-t-il reproduire l'exploit ce soir ? »

Attendu par son adversaire, l'encapuchonné écarta les cordes et se glissa sur le ring, le mains rangées dans les poches de son sweater. Sa respiration était désormais calme, à l'inverse des grondements de la salle qui ne firent que s'intensifier soudainement davantage.

« Je vous demande de l'accueillir avec tout l'engouement qu'il mérite ! Celui que certains surnomment déjà l'Infaillible ! »

Voyant l'autre combattant déjà en position au milieu du ring, le mystérieux guerrier quitta son coin afin de se mettre lui aussi dans la lumière, découvrant enfin son visage mauve et son crâne luisant marqué en son centre par une ligne de démarcation verticale. Dans l'instant, son opposant se sentit glacé jusqu'à l'âme par ce qui avait frappé en premier tout ses prédécesseurs avant que ses poings ne le fassent. Son regard. Ses yeux d'un rouge écarlate qui appelaient le sang.

-Voici Hitoshi, « Hit », Tokisada !

Les yeux oscillant entre leur ticket de validation de pari et le ring sur lequel allait se jouer leur fortune ou leur misère, les flambeurs composant la foule transpirante et haletante élevèrent la voix si fortement que le tintement de la cloche annonçant le départ resta étouffé. La garde levée, le dernier combattant arrivé s'apprêtait visiblement à en découdre, bien peu décontenancé par la différence de gabarie entre lui, modeste poids moyen, et le super-lourd lui faisant face. D'un simple coup d’œil, n'importe qui aurait estimé qu'environ vingt kilos mais seulement un demi mètre séparaient les deux hommes.

« Ta garde, tu devrais la lever. Tu regretterais de ne pas le faire, crois-moi. »

Ce qui n'était dans la bouche du jeune homme au sweat-shirt noir que de la bienveillance sonna aux oreilles de son adversaire comme de l'outrecuidance et de la vantardise. Sa réponse ? Un répugnant mollard envoyé tacher le ring déjà couvert du sang de gladiateurs passés et de la bière jetée par des supporters en colère.

Vigoureusement, l'armoire à glace décocha un puissant crochet de droit, pensant étaler son adversaire dès les premières secondes du combat. Un coup puissant, oui, mais bien trop ample pour atteindre l'ombre qui ondula sous son poing pour venir planter les phalanges des siens dans le ventre du mastodonte, ne laissant derrière lui qu'une vague traînée lumineuse rougeoyante traçant le déplacement de ses yeux perçants. Avant même de s'en apercevoir, ses deux genoux touchaient le sol, bientôt rejoints par une goutte de sueur pleuvant depuis son menton.

« Je te l'avais pourtant dit. Que tu le regretterais. »

Sitôt, la stupéfaction qui l'avait frappé laissa sa place à une nouvelle vague de hargne, empoignant tout son être qui décida d'ignorer le décompte entamé par l'arbitre qui se stoppa maladroitement à sept, deux secondes trop tard. Il s'était déjà redressé, et sa gauche venait de manquer sa cible qui s'était habilement reculée de quelques pas en sautillant avec légèreté. Avec férocité, l'enragé hurla de tout son soul, propageant sa soif de sang au public qui ne fit qu'accroître sa clameur, puis s'élança à corps perdu tel une bête sauvage. À chaque frappe misée sur une absolue force brute se joignait une esquive puis un jab placé en contre, les coups dansaient et tournoyaient au rythme des pieds tambourinant de l'assistance. Bientôt, toute la surface du corps musclé du Goliath coiffé d'une crête fushia se recouvrit d'impacts, le marquant chacun d'un sceau de souffrance apposé par les attaques répétées et presque chorégraphiées de son opposant taciturne.

À bout de souffle, meurtri par la douleur, le visage enflé et dégoulinant d'un salmigondis de sueur, de sang et d'une écume de salive virevoltant à chaque attaque lui décrochant la mâchoire, le désespoir l'accabla quand le gong résonna. La fin du premier round venait seulement de retentir.

Trônant depuis la loge vitrée surplombant l'arène, l'organisateur de l'événement observait avec attention le déroulement de ce combat. Entouré d'une équipe de gardes du corps malgré son apparence imposante, la figure de proue de la pègre locale aux cheveux noirs ébouriffés lui tombant en pagaille sous les épaules échangea un bref regard avec celui qui s'annonçait déjà comme le perdant de la soirée. Un échange d'à peine quelques secondes, mais dont l'intensité éveilla en lui frayeur et motivation. Soudain, après avoir du faire face à la profondeur des pupilles ténébreuses de l'inquiétante figure d'autorité au visage pour moitié défiguré par les flammes, les yeux froids et sanguinaires de son adversaire lui parurent bien inoffensifs.

Depuis son coin du ring, Hitoshi ne manqua pas de remarquer son opposant glissant quelque chose à l'intérieur de sa bouteille d'eau après l'avoir sortie de son short. Le dénoncer à l'arbitre aurait été une perte de temps. Il savait que celui-ci n'avait pas usurpé sa réputation d'homme le plus corrompu du ring. Rien qu'une magouille de plus, c'était monnaie courante ici. Ce qu'en revanche il ne put s'expliquer, c'est pourquoi immédiatement après avoir ingurgité cette substance non identifiée, il s'était recroquevillé sur son tabouret, ne tenant assis que parce que ses bras étaient emmêlés dans les cordes. Ou pourquoi une fois la reprise annoncée, il ne se redressa pas. Et encore moins pourquoi son corps se mit à trembler frénétiquement, stoppant l'arbitre dans sa tentative de l'approcher pour l'avertir de son élimination à venir s'il persistait à rester cloué à son siège. C'eut été une perte de temps, de toute manière. Quelques instants à peine, et le colosse au cou désormais cerclé de veines gonflées et noires, se releva après avoir expiré un fin mais néanmoins visible souffle de vapeur.

Le mot « Fight » n'avait été qu'à moitié articulé au moment ou le tricheur se rua bestialement sur l'Infaillible, qui encaissa difficilement et de plein fouet le direct qui lui arracha l'arcade sourcilière. Plus difficilement encore, l'uppercut du gauche envoyé dans son estomac. Heureusement pour lui, ses réflexes lui permirent de se baisser à temps pour ne pas se prendre un crochet supplémentaire, qui correctement asséné l'aurait sans aucun doute envoyé au tapis. Élancé à travers les vingt centimètres le séparant de sa cible, le poing assassin de Hit vrilla sur son chemin, effectuant un mouvement de rotation propice à briser la garde adverse et à l'atteindre violemment au cœur, déchirant par la même occasion la peau de la poitrine de son adversaire, sitôt propulsé dans un coin du ring par ce corkscrew punch, le buste ensanglanté. Cette fois-ci, le décompte n'eut le temps d'arriver qu'à deux avant qu'il ne se redresse encore, le regard vide, les yeux blanchis par l'état second dans lequel il se trouvait.

Ses yeux étaient clos. Calmement, Hitoshi inspira. Profondément, Hitoshi expira.

Ils étaient ouverts. Et eux seuls rayonnaient encore de leur éclat rouge, tandis que tout autour de lui lui apparaissait privé de couleurs. Il le voyait arriver sur lui avec toute la férocité d'un animal sauvage. Mais le moindre de ses mouvements se décomposait devant ses yeux, un dixième de seconde avant qu'il ne soit réellement effectué.

Un pas large sur la gauche, un mouvement descendant de l'épaule droite, puis une levée de garde. Une gauche ascendante ? Non, une simple feinte. La folie s'était une fois de plus emparée du public. Hit ne se contentait pas d'anticiper les mouvements et déplacements de son adversaire. Il les reproduisait, un à un, avec une précision déconcertante. Tant et si bien que les deux directs droits s'entrechoquèrent, à l'instar des deux séries de jabs qui suivirent. L'oscillation répétée de son corps était vaine. Ce qu'il avait en face de lui n'était plus un ennemi qu'il pouvait duper, mais bien un reflet dont la mouvance était calquée minutieusement sur la sienne.

« La voilà, mesdames messieurs ! La fameuse technique signature de Hit ! Le Tracing ! »

Durant la moitié du round, le mastodonte s'épuisa à combattre un miroir. Puis arriva le moment ou, s'il avait encore disposé de toutes ses facultés cognitives, celui-ci aurait réalisé que le calque de Hit passa à la vitesse supérieure. Ou plus exactement, l'instant ou sans le réaliser lui même, il était celui qui tentait de suivre les mouvements de son adversaire. À chaque seconde, l'anticipation de l'Infaillible se faisait plus précise. Il ne bougeait plus en même temps que celui qu'il imitait, mais avant qu'il ne le fasse. Bientôt, seules ses attaques toucheraient.

À nouveau, son adversaire se trouvait dépassé par sa vitesse, débordé par la pluie de coups qu'il assénait. Une frappe au foie le plia en deux et le priva de l'endurance qui lui restait, une autre au sternum lui coupa la respiration, une troisième sur la tempe le sonna complètement. Mais c'est finalement avec un uppercut au menton qu'il le coucha une bonne fois pour toute.

La fin du second round sonna. Celle du combat également. Acclamé par une foule en délire, le vainqueur quitta le ring tandis que l'arbitre annonça pour le plaisir de la grande majorité des parieurs de ce soir, un nom dont la légende marquerait cet univers à tout jamais.

Spoiler
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Douze minutes. Le temps qu'il fallut au champion de la soirée pour toucher son argent, récupérer ses affaires dans son casier, les enfourner dans le sac de sport qu'il portait d'une main par dessus l'épaule, quitter son vestiaire une fois un pansement appliqué à l'arcade sourcilière qu'avait entaillée son adversaire, et se dérober sans être vu par l'arrière porte débouchant de l'autre côté de la ruelle. Il savait qu'en prenant l'entrée principale, il serait attendu par une horde de fans. Ceux du blessé actuellement alité à l'infirmerie, désargentés et bien décidés à faire raquer le responsable. Non pas qu'il aurait eu une quelconque raison de les craindre d'ailleurs. Mais c'était là un homme qui exécrait au plus haut point le fait de devoir refaire le portrait de quelqu'un alors qu'il ne touchera pas le moindre billet pour ça. Un billet, il en glissait habituellement un, systématiquement, après chaque combat, au mendiant qui se trouvait près de l'entrée. Il lui en passerait deux la prochaine fois. Bien sur, ce soir il ne le ferait pas, puisqu'il avait emprunté la sortie de secours. Mais alors si ce n'était pas pour lui, pour qui s'arrêta-t-il subitement, au milieu de la rue, sous cette flotte amère que l'on penserait presque capable de dissoudre la capuche sous laquelle son crâne s'abritait, à une heure à laquelle il ressentait déjà la hâte de retrouver son lit ?

Pour lui, bien évidemment. L'homme au visage à la moitié calcinée, lui barrant la route accompagné de trois de ses hommes de mains chacun pourvus d'un costume aux manches parcourues d'une ligne de LED aux couleurs changeantes, et dont les yeux demeuraient couverts par une visière de verre rose. Bien qu'arborant tous un sourire des plus communicatif, aucun ne semblait assez malin pour prendre la parole en lieu et place de leur chef, seul à savoir capter l'attention du combattant.

-Boss Choke. C'est chose rare que de vous voir ailleurs que dans votre loge comptant votre recette.

-Allons, c'est normal que je me déplace pour féliciter l'étoile montante de mon club non ? Une victoire acquise sans mal ! Encore une fois.

Se sentant agressé par ce ton bien moins aimable que les mots qu'il accompagnait, le boxeur s'excusa de devoir si vite prendre congé et tenta de contourner ce bien sombre comité apparemment venu le féliciter. Départ sitôt avorté par l'un des hommes qui lui fit barrage.

-Tu sais, j'ai bien peur que le public ne finisse par se lasser de tes combats. C'est vrai, quel suspens y a-t-il à te voir réduire en bouilli le moindre de tes adversaires. Sans parler des paris, ils sont de plus en plus nombreux à miser sur toi, et ça vois-tu, ce n'est pas bon pour mes affaires. Pas bon du tout.

-J'ai déjà refusé de tremper dans vos combines. Pas de combat truqué. Je me fais payer pour briser les os des autres, pas pour les laisser briser les miens.

-Oh oui, bien sur. L'intégrité. Une qualité noble. Rare, surtout dans...ces bas quartiers, peuplés de rats.

-Et de ces rats vous êtes le roi, Choke. C'est de ces sujets que vous estimez si peu que vous tenez votre fortune.

« De belles paroles, comme toujours », fulmina le gérant du club dont les dents grinçaient de rage, « Mais on te paye pour te battre et pas te perdre en poésie. Alors bat-toi, chien ! »

Armés des matraques électrifiés qu'ils dégainèrent simultanément d'un geste sec, les trois individus escortant leur patron obligèrent Hit à reculer de quelques pas agilement effectués. Tout en conservant son calme olympien, celui-ci observait d'un regard ralentissant le temps les trajets des LED de leur costume laissant sur leur passage ces rayons multicolores particulièrement perceptibles par cette nuit. Sans qu'il n'ait le temps de s'en apercevoir, l'un d'eux porta un coup dans le vide, si ample qu'il offrait une immense ouverture à quiconque souhaiterait placer un coup dévastateur. Ce ne furent pas les avertissements de son collègue qui changèrent grand chose. Lui qui, se trouvant en face, pouvait voir l'homme dont la vitesse de déplacement laissait l'impression d'une téléportation, traversant le tracée de lumière vive qui suivait sa cible. Lumière qui se déforma au passage du puncheur, comme un nuage de fumée colorée dans lequel il se serait jeté. Moins d'une demi seconde avant qu'il ne lui assène par derrière un terrible direct dans les cotes, l'expédiant sans attendre dans le caniveau.

L'un d'eux pataugeait dans l'eau croupi du bord de la route. Ils n'étaient plus que deux. Les gouttes de pluie, dont la répugnante apparence à la lisière entre le vert et le jaune était encore davantage altérée par l'éclat de la pléiade de néons décorant la ville, venaient recouvrir leurs matraques électriques, provoquant à leur surface l'échappement de fins filaments de fumée.

D'une pression sur la gâchette, il intensifia le flux d'électricité de son arme contondante, libérant dans sa ruée vers l'ennemi une multitude d'éclairs allant se perdre de tous les côtés, et reflétant leur puissant éclat doré dans le miroir déformé des flaques dans lesquelles s'écrasaient lourdement les pieds du garde du corps dans sa course. Ce qui en revanche se reflétait à cet instant dans la visière rosée du troisième, hormis ces éternels néons, était une série de matraquages aussi vifs qu'inutiles, tous esquivés par un Hit aux mains camouflées dans la poche ventrale de son hoodie. C'est sans doute dans l'emportement qu'il ne vit pas sa main droite sortir et venir heurter son menton en passant par dessous son arme. Tout ce qu'il vit ensuite, ce fut ce ciel parfaitement visible allongé ainsi sur le goudron, puis l'obscurité totale de l'inconscience.

Tétanisé par la peur, le dernier encore débout, déjà fusillé par le regard sanglant de l'Infaillible, préféra conserver ses distance, et braqua en braillant sa matraque qui se déploya alors sous l'apparence d'un canon, libérant une décharge électrique qui perça le rideau de pluie d'un large creux sur son chemin. À mesure que la secousse approchait, son jaune électrique se mélangeait au rouge sanglant des yeux de sa cible, qui malgré le danger imminent ne vacilla pas. Il pouvait voir l'électricité se mouvoir, lentement, centimètre par centimètre, dans les moindres détails, jusqu'à cet instant précis ou son champ de vision se morcela, percevant la réalité au travers d'une mosaïque fragmentée à l'image d'un puzzle dont il n'avait plus qu'à choisir la pièce idéale. Celle qui représentait le dixième de seconde parfait durant lequel frapper. En un éclair. Le choc de ses phalanges contre l'arc électrique projeta ce dernier contre une série de néons qui explosèrent les uns après les autres sous la surcharge, provoquant la panique du tireur qui, alors obnubilé par les éclats de verres et les étincelles projetés au dessus de sa tête et faisant office d'étoiles dans ce ciel nuageux, ne put voir venir ni même pleinement ressentir le coup surpuissant venu s'enfoncer dans son estomac, et dont la puissance donna naissance à une onde de choc qui brisa partiellement la vitrine du magasin dans lequel se reflétait la scène. Morcelée, elle aussi, avant de s'effondrer complètement en même temps que la dernière victime de Hitoshi.

À ses pieds se mélangeaient dans un creux de la route eau de pluie et sang de l'un de ses hommes gisant près de lui. Concoction si trouble que l'on pouvait à peine y voir la réflexion du sourire inquiétant qu'il afficha tandis qu'il ôta son long manteau noir, si peu inquiété par la météo qu'il demeura ainsi, couvert d'un simple débardeur rouge, exposant fièrement sa musculature et le tatouage de lune mauve dessiné sur son deltoïde, soulignée de caractères provenant d'un alphabet étranger.

-J'ai le cœur qui bat la chamade ! Tu me files des frissons, Tokisada. Et pas ceux que me provoquent cette putain de pluie acide ou les effluves de merde qui parfument l'air de cette planète. Ces frissons là mon gars, c'est ceux du combat. Et ça faisait bien longtemps que j'avais pas eu envie de me castagner à en trembler !

Le boss de la « Spicy Company » - un nom bien entrepreneurial pour une organisation clandestine rattachée à la pègre – n'était certes pas célèbre pour sa politesse ou son éducation. Mais il était rarissime de le voir si béotien. Si ce soudain parler cru pour ne pas dire barbare était déjà pour Hitoshi signe de mauvaise augure, son assurance chuta de quelques crans supplémentaires lorsque, après avoir courbé les genoux et contracté les biceps, Choke poussa un terrifiant hurlement bestial et laissa déferler une aura qui distordit le décor, creusa la route, plia les panneaux, fit ployer les lampadaires, déforma les façades.

-Fous moi sur la gueule, Tokisada !

Devant une telle démesure de puissance, Hit dut se résoudre à cette fois prendre le temps d'analyser son adversaire au lieu de simplement l'envoyer au tapis d'un clignement d’œil. Le temps d'inspirer pour se calmer, il l'eut. Néanmoins, celui d'expirer lui manqua, le poing de Choke venait de lui frôler le menton, emporté trop loin dans son élan incontrôlé. Ce manque de précision, Hit le savait, lui fut salvateur. Sa récolte d'informations avait commencé, et voici la première : le moindre coup risquait de lui être fatal. Heureusement pour lui, il ne craignait pas ce genre de déséquilibre. Compter sur sa technique plutôt que sa force avait toujours été son credo. Le gorille l'avait dépassé, freiné sa course en plantant ses talon dans le bitume, et avait fait volte face pour se préparer à une seconde attaque.

Maintenant, il pouvait expirer. Déjà, la seconde charge du taureau lui apparut bien plus lente. Fusant dans toutes les directions, les viseurs rouges que Hit appelait ses yeux ciblaient dans chaque goutte de pluie le reflet de la ruée de Choke afin de l'analyser sous des milliers d'angles à la fois. Heureusement pour lui, il décela dès la mille-et-unième goutte – bien plus vite qu'il l'avait imaginé – la faille qui allait lui permettre de renverser la vapeur. Poings levés, leurs indexes recourbés avancés au dessus des autres doigts, Hitoshi laissa son corps tout entier vibrer l'espace d'un imperceptible moment, fracturant le temps et l'espace qui l'entouraient pour mieux s'y mouvoir. C'est accompagné d'une dizaine de ses propres reflets qu'il s'élança à son tour vers son ancien employeur sans que celui-ci ne puisse le voir. Hit et ses ombres s'éparpillaient, chacun suivant sa propre trajectoire dans cette dimension miroir dont la surface brisée abolirait la vue de tout être autre que son maître. Tous semblaient effectuer ensemble une chorégraphie martiale envoûtante, s'essayant chacun à une possibilité de victoire, jusqu'à ce que finalement, chacune des silhouettes distordues ne convergent au même point, se rejoignant pour porter de concert le même coup décisif qui ramena le monde à la normal. Dès l'instant ou la phalange de Tokisada percuta depuis sa gauche le flan de Choke alors stoppé net dans sa charge, la pluie reprit sa course, l'air s'écoula de nouveau, et les néons jouèrent de plus belle leur musique de crépitements.

Recroquevillé sur lui même, enveloppant ses hanches de ses deux mains, Choke encaissait péniblement la douleur de ce coup à la précision défiant les lois de la nature. Hit semblait lui même quelque peu surpris – bien qu'il se garda de le montrer à son adversaire – tant de la douleur si incisive qui l'avait gagné que du sourire cauchemardesque qu'il arborait alors.

« Je ne sais pas comment tu as su ou frapper, Tokisada », articula avec mal le baron de la pègre avant de balayer d'un revers du bras l'air à sa gauche, Tokisada ayant déjà disparu quelques mètres plus loin,
« Mais tu l'as su ! Ou plutôt, tu l'as vu, n'est-ce pas ? »

Alors que sa poigne avait enlacé le col de son débardeur, Choke l'arracha d'un geste brusque, laissant le morceau de tissu rouge aller se noyer dans les eaux troubles que formait la pluie dans les crevasses qu'il avait lui même laissé plus tôt derrière lui. Cette fois, Hitoshi ne sut masquer sa surprise, lorsqu'il aperçut ce qui se déroula de la taille de Choke, et était jusqu'à maintenant dissimulé sous son haut.

-Qu'est-ce que tu es exactement ?

« Autrefois... » amorça-t-il en guise de réponse tout en extirpant de la poche de son pantalon une seringue remplie d'un surprenant liquide turquoise rayonnant dans la nuit,
« Les membres de mon espèce en avaient tous une. Avec le temps, la plupart d'entre nous l'ont perdue, on est plus qu'une poignée à encore l'avoir. On peut dire que je suis en quelque sorte une espèce en voie d'extinction. »

Ne sachant que suivre entre le mouvement des lèvres de son interlocuteur et le balancement de son appendice caudal, Tokisada préféra concentrer son regard sur l'aiguille qu'il tapotait alternativement avec son sternum.

-C'est bien vu de ta part de l'avoir frappée alors même que tu ne soupçonnais pas son existence. J'imagine que tu as « vu » quel effet ça aurait de frapper à cet endroit, pas vrai ? Seulement, il faut que tu saches que notre queue, à nous autre saiyans, ne constitue pas seulement un point faible.

Une seconde fois ce soir là, Hit laissa paraître sa stupéfaction au grand jour, lorsque Choke s'enfonça la seringue en plein cœur, et s'injecta lentement le produit.

-Ça t'intrigue pas vrai ? Sur le marché on appelle cette came « Gouttes de lune ». On fabrique ce truc en mélangeant quelques stimulants et accélérateurs à une eau qu'on trouve à un endroit bien spécifique. Dans un lac situé au sommet d'une montagne qui frôle le ciel sur une planète lointaine.

Tandis qu'il se perdait en explications, le mafieux commençait à respirer de plus en plus fort. Il n'échappa à son adversaire que son cœur lui aussi commençait à accélérer dangereusement la cadence.

-D'après la rumeur, le rayonnement de la lune, si proche de ce lac, conférerait à son eau certaines de ses propriétés. Si je devais te sortir leur charabia scientifique, je te dirais qu'elle a la particularité d'être anormalement chargée en ondes Blutz.

« Et en me l'injectant directement dans le palpitant... » continuait-il alors que ses crocs croissaient à la vue de Hit, et qu'un pelage noir commençait à couvrir son corps dont la taille semblait elle aussi prendre de l'ampleur,
« C'est une dose de 17,000,000 zenos que je m'envoie dans les veines ! Autrement dit... »

C'est à peine si Hitoshi nota la tonalité monstrueuse de sa voix, tant il était obnubilé par la transformation horrifiante que subissait son corps, dorénavant plus grand que les bâtiments qui l'entouraient. Choke ne semblait visiblement plus en état de poursuivre ses explications, que Hit n'attendait plus de toute façon. D'un geste de la queue il provoquait un ouragan arrachant les structures hors de terre, d'un hurlement il bannissait de sa vue tout obstacle superflus s'envolant alors autour d'un Hitoshi mortifié, d'un abattement du poing il fendait la terre, réduisant la route à néant et laissant voitures et lampadaires s'engouffrer vers les abysses. Devant la menace de ce cataclysme, Hit se réfugia dans la ruelle la plus proche afin de fuir le titan dont les hurlements si caractéristiques dominaient déjà la ville. Alors que sa course le menait à l'autre bout de cette rue étroite, la lumière au bout du tunnel ne tarda pas à se faire dévorer par l'imposante tête du singe géant qui d'un seul saut s'était hissé au sommet des bâtiments, se suspendant à l'envers pour chercher sa proie dans l'embouchure. Substituant l'air au sol, Hit s'éleva à son tour vers les toits pour ne pas rester ainsi prisonnier, attirant le regard de la créature qui, en le suivant des yeux, perdit l'équilibre s'écrasa sur le dos. Pas de quoi inquiéter ce mastodonte, mais suffisant pour donner une légère avance à sa victime.

N'apparaissant que par intermittence en se déplaçant de toit en toit, Hit semblait se téléporter sur de petites distances pour rendre plus difficile sa traque. Mais il n'était pas simple pour une souris d'échapper à un énorme félin. D'autant plus lorsque le dit félin détruisait l'intégralité du quartier sur son passage pour réduire les possibilités de déplacement de sa proie. Le voyant s'approcher dangereusement, Hitoshi décida de prendre de la hauteur afin de ne pas finir enseveli.

Allez savoir si le vent soufflait particulièrement fort ce soir là, ou si les gesticulations incessantes du primate géant en avaient déchaîner les courants, mais pour la première fois depuis des années, le volet de nuages toxiques dévoila une fenêtre sur le ciel, donnant directement sur la lune. La pleine lune. Rayonnante, d'un éclat mauve intense et envoûtant, dans lequel se perdit Hit alors qu'il passait devant l'astre. Un bref instant, suspendu dans le temps, pur, apaisante accalmie offrant aux habitants des rues les premiers rayons de lumière naturelle de la saison. Comme une once de miracle, sitôt obscurcie par le passage du démon velu venu s'agripper à la voûte céleste pour rattraper l'objet de sa traque. De tout son corps il éclipsa l'étincelle lunaire, et renvoya Hit à la réalité, et à la terre ferme. Au même moment cette nuit là, tout le monde pu apercevoir la pleine lune pour la première fois depuis bien longtemps. Pourtant, ce qui marquerait les esprits, ce serait cette apparition d'un diable en fourrure venu engloutir la lune en poussant un cri venu d'un autre monde. Bien vite, les nuages recouvrirent à nouveau ce hublot donnant sur l'espace.

Prenant son appuie sur la surface métallique à laquelle il tournait le dos, Hitoshi, de retour au sol, tentait d'y tenir à nouveau sur ses deux pieds. Venu s'encastrer directement dans un camion transportant du carburant, lui même entraîné par le choc dans la façade du centre commercial devant lequel il passait, le boxeur accusait le coup, découvrant pour la première fois, et il l'espérait la dernière, la sensation de se faire écraser par un être de plusieurs dizaines de fois sa taille. À en juger par la douleur, il estima sans peine l'état de plusieurs de ses os. Il savait qu'il allait devenir difficile de se mouvoir suffisamment vite pour échapper à la bête. Il savait aussi que les instincts meurtriers de cette dernière allaient rapidement la conduire à lui. Il allait devoir vite réfléchir, le moindre de ses mouvements à venir deviendrait crucial. Ignorant totalement les appels du chauffeur, miraculeusement rescapé de l'accident, lui demandant si tout allait bien, Hit boitilla jusqu'au milieu de la route, avertissant simplement le conducteur corpulent qu'il ferait mieux de ne pas traîner plus longtemps dans les parages. « Il » arrivait.

Devant lui, une voiture laissée à l'abandon en plein milieu de la voie, portières ouvertes, phares allumées, et clés sur le contact. L'urgence avait évidemment appelé une fuite rapide. D'après les traînées de sangs s'éloignant du véhicule, cette dernière n'avait pas du l'être assez.
Derrière lui, l'énorme réservoir du camion dont s'écoulait le précieux sésame noir.

Et au loin, déchirant la nuit, un hurlement effroyable, reconnaissable entre mille, et venant précisément de la partie de la ville en proie à la terreur depuis quelques minutes. Hit tenait sa hanche de la main droite depuis plusieurs secondes sans même s'en apercevoir. Celle-ci, couverte de sang, ne l'informait de rien de bon. Dans la panique, le conducteur prenant la fuite perdit sa casquette, répétant en s'éloignant qu'« il » arrivait, qu'ils étaient fichus, qu'il était trop tard. Il ne se serait certainement pas expliqué le visage impassible de cet étranger, blessé, seul, minuscule, malgré le danger que représentait l'arrivée imminente du titan.

-Navré, mais je ne sais pas ce que ça veut dire, « trop tard ». Il est au moins une chose dont je ne manque jamais.

L'orage grondait à cette heure. À moins qu'il n'eut s'agit du fracas de chaque pas de Choke traversant la cité à grandes enjambées. Pisté à l'odeur, Hit observait dans le reflet des vitres de la voiture les déplacements du prédateur qui sembla accélérer lorsqu'il l'aperçut. Alors que le monstre s'élança sauvagement vers lui, Hitoshi, toujours sans se retourner, avança de quelques pas vers le véhicule dont le moteur ronronnait encore, et dont la radio diffusait toujours une chaîne musicale urbaine. Puis, enfin, il l'entendit. L'ondulation tant attendue. Celle qui se forma dans la vaste flaque de carburant dans laquelle le gorille venait tout juste de poser un orteil.

À peine un soubresaut, tel une figure fantomatique, Hit venait de traverser la voiture pour se retrouver de l'autre côté, une volte face réalisée dans le même temps. Suspendu dans l'air, et dans le temps ; l’œil de Tokisada perça la carrosserie de l'automobile, avant qu'il ne fende l'air vers elle en frappant de sa phalange. L'onde de choc transperçant le métal, atteignant les composés moteurs et électroniques dissimulés à l'intérieur, pour mieux ressortir de l'autre côté de la carcasse métallique en direction de la marre inflammable dans laquelle l'animal trempait désormais un pied tout entier. Emportée par l'onde de choc, les étincelles chirurgicalement extirpées de la voiture vinrent peindre une mer de feu sur la toile d'essence servant de support à l'art de Tokisada. En un éclair, la déflagration enveloppa de ses bras ardents le corps gigantesque de Choke, dont le terrible cri se trouva partiellement couvert par l'explosion.

Un coup à la précision terrifiante. Décisif. Frappé à temps.

Hit était à bout de souffle, incertain de pouvoir un jour rentrer chez lui pour enfin retrouver son lit. Après un combat, l'épuisement causé par l'effort avait chez lui tendance à s'éclipser, surplombé par le plaisir de la victoire. Mais à cet instant, il se sentait irrémédiablement fatigué. Il voulut être sur. De son regard scrutateur, il perça le rideau de feu qui s'était tout juste refermé sur ce grand final. Mille-et-une fois, le brasier affamé avait avalé la bête sans la laisser en réchapper. Hit faisait face à la mille-et-deuxième nuit. Celle ou, gonflé par la rage, le visage de Choke sortit des flammes en hurlant, indemne. Titubant à reculons, Hit faillit ne pas voir pleuvoir sur lui le poing enflammé du singe qui s'abattit de plein fouet sur le bitume. Quelques mètres en amont, la trace d'une main se format sur la vitre d'une voiture, une seconde avant que n'y apparaisse physiquement celle de Hit, appuyé contre elle, son autre main lui servant à essuyer le sang qu'il venait de cracher. Devant lui, revenu de l'enfer, le pelage encore couvert de ses rejetons, Choke le défia du regard. Son visage animal pour moitié calciné depuis des années attestait de son acoquinement passé avec le larcin de Prométhée. Il se pensa alors stupide d'avoir pensé l'arrêter ainsi. Maintenant qu'il avait jeté ses dernières forces dans la bataille, il ne lui restait qu'une mince poignée d'options, et aucune d'elles ne lui paraissait viable.

Depuis toujours habitué à ne compter que sur lui même, il répugnait à avoir recours à une aide extérieure. Mais incapable de se déplacer par lui même dans son état, il ne vit d'autre choix que celui-ci. Hit s'empressa d'entrer par effraction dans la voiture qui lui servait d'appui, et d'en fouiller les câblages pour la faire démarrer, comme dans ces vieux films qu'il regardait en cachette dans le cinéma du quartier de son enfance, quand il ne se faisait pas jeter dehors avant la fin pour être une fois encore entré sans payer. Bien conscient qu'il ne suffisait pas en réalité de simplement relier un fil rouge à un bleu, Hitoshi étudia toutes les éventualités, toutes les issues à cette situation, afin de déceler celle qui allait lui donner une chance de s'enfuir. Une chance qu'il sut garder son sang-froid, et se garda de vérifier son rétroviseur, au risque de voir au bout de la rue le souffle d'énergie que le monstre s'apprêtait à libérer. De justesse, il parvint à démarrer et à s'éloigner du secteur, bientôt réduit à néant par ce crachat dévastateur.

À nouveau sur pieds, l'immense Choke avançait inexorablement sur le chemin de cendres qui s'était formé devant lui. L'odeur de brûlé trompait ses sens, mais il n'en aurait pas pour longtemps à s'accommoder pour retrouver la piste de Tokisada. Ce dernier en ayant parfaitement conscience poussait à plein régime son moteur, bifurquait le plus souvent possible dans une autre allée, empruntait chaque raccourci qui s'offrait à lui. Le chaos régnant en ville, personne ne lui reprocherait sa conduite peu orthodoxe. Sans doute était-ce du à son extrême concentration sur la direction du volant – lui qui n'avait jamais conduit auparavant – à moins que cela ne soit imputable à son actuel état de stress intense, mais Hit ne remarqua pas le volume assourdissant de la radio diffusant une frénétique musique électronique depuis qu'il avait démarré le véhicule. Son intense concentration manqua même presque de lui faire occulter l'immeuble qui passa au dessus de lui pour aller s'écraser quelques pâtés de maisons plus loin. Définitivement déconcentré, alors qu'il venait de suivre du regard la folle course aérienne de ce bâtiment volant, c'est cette fois l'imposante patte velue du singe qu'il faillit ne pas voir piétiner le bus qui roulait devant lui, l'obligeant à freiner si violemment que le moteur s'enraya. Ce ne fut pas l'insistance du conducteur qui arrangea les choses. Comprenant bien que ce tas de ferraille ne l'emmènerait pas plus loin, Hit s'éjecta par la vitre arrière avant d'être piégé dans ce tombeau d'acier que venait d'enterrer Choke d'un coup écrasant.

Fortement diminué physiquement, trouver refuge dans le bâtiment le plus proche lui sembla sur le moment être envisageable, le temps de reprendre son souffle. Mais la vitrine, à peine passée par son visiteur en quête de repos, céda sous le poids de l'immense primate, soufflant les restes de son corps de verre à travers la salle, obligeant Hit, écorché au passage, à déjà prendre la tangente par l'issue de secours, qu'il parvint à emprunter de justesse alors que la main de Choke, qui venait de traverser ce grand hall sans même que son bras n'ait à se tendre entièrement, tenta de l'empoigner avec véhémence. Réalisant en rouvrant sa main devant ses yeux qu'elle ne contenait rien d'autres que des mannequins affublés de vêtements bon marché, la bête cria sa rage avant de se remettre en chasse.

Cette nuit là, plusieurs heures durant, le diable en fourrure qui avait – beaucoup l'affirmèrent plusieurs semaines après l'incident – avalé la lune, laissa libre cours à sa colère, marquant à jamais la surface de la planète de l'empreinte du démon. D'où il se tenait, il pouvait le voir, suspendu à une tour, balayant des secteurs entiers de la ville de son crachat lumineux, furieux de ne pas retrouver sa proie. Fou de rage d'avoir perdu son odeur. Si la porte arrière de ce magasin n'avait pas débouché sur une ruelle donnant directement sur une plaque d'égouts ouverte, s'il n'avait pas eu le temps de s'y jeter sans être vu, s'il n'avait pas eu la présence d'esprit de s'immerger entièrement dans ses eaux nauséabondes, sans nul doute, il aurait terminé sa nuit au fond de l'estomac d'un grand singe. Alors qu'il observait les flammes danser autour de Choke dans un cabaret macabre contaminant la ville de sa folie, il comprit qu'il allait devoir quitter cette planète. Il s'agit de la dernière fois que Hit s'inquiéta de sentiments tels le regret, le manque, ou la solitude. Quand il réalisa après avoir fuit le seul foyer qu'il avait jamais connu que rien ni personne ne lui manquait, il comprit.

Ce ne pouvait alors pas être un sentiment de nostalgie qu'il ressentit en regardant par la fenêtre, sa ville partiellement reconstruite depuis l'incident. Cette ville toujours aussi sombre, froide, et d'une puanteur atroce. Tout aussi insalubre que l'appartement dans lequel il venait d'entrer.

Étaient-ce simplement les spectres d'un passé trouble, perdu depuis des décennies, tentant de jouer avec ses souvenirs d'une jeunesse à arpenter ces rues, à s'illuminer le soir à la lueur des néons pour seul apprendre à lire ces romans qu'il récupérait dans la décharge qu'il avait pour habitude d'occuper les hivers les plus rudes, à se réchauffer au coin de barils allumés par les soins d'un voisin de caniveau qui l'invitait à venir boire une gorgée d'une mixture beaucoup trop forte pour un enfant, mais beaucoup trop chaleureuse pour la refuser. Des nuits à se battre pour remporter le contenu d'une poubelle, et des jours à se remettre de la perte du butin. Des heures à imiter geste par geste ces artistes martiaux dont les combats étaient diffusés sur les vieux écrans cathodiques exposés derrière la vitrine du revendeur du quartier. Et ces années à les reproduire. C'est à cette ville, à la rue, qu'il devait ce qu'il était devenu aujourd'hui. Pour ça, il la chérissait autant qu'il la haïssait.

« C'est moi qui croit voir un fantôme ou c'est toi qui en voit un ? »

Ramené à la réalité, Hitoshi, entièrement vêtu d'une sorte de bure noire au textile rigide, répondit à son interlocuteur par un regard muet. Il peinait à le reconnaître, même le poids des années n'expliquait pas une telle décadence. Pas seulement son apparence, mais aussi cet endroit, la moisissure sur les murs, les rares meubles branlants, l'écran de télévision daté du siècle dernier, cette insupportable néon crépitant dans la cuisine dont l'état douteux laissait penser que rien de comestible n'y avait été cuisiné depuis bien trop longtemps. Pas seulement elle, mais son apparence restait le coup de pinceau le plus triste de ce tableau tout droit sorti d'une galerie des horreurs.

Ses cheveux blancs et sa barbe mal entretenue, il pouvait le comprendre. Pour n'importe qui d'autre que lui, soumis à l'emprise du temps, les soixante dernières années avaient forcément laissé des traces. En revanche, ce bras mécanique, cet œil cybernétique, et par dessus tout, cette queue robotique s'agitant de gauche à droite, laissaient penser qu'il avait vécu l'enfer, alors que, il le savait, il en avait au contraire été l'instigateur.

« Fais pas attention à ça, je risque plus de me transformer avec ce gadget, c'est juste pour l'esthétique. Une relique qui me rappelle ce que j'ai été. »

-Comment un homme comme toi a pu finir dans cet état ?

« Eh ben, figure toi... » articula difficilement le vieux saiyan en se relevant, contrôlant au mieux la quinte de toux qui essayait de s'inviter dans la conversation,
« Que les forces de défense de la planète ont pas particulièrement apprécié le grabuge qu'on a laissé après notre petite altercation. En temps normal ces guignols auraient pas du être de taille, mais quand je me change en oozaru, j'ai la fâcheuse habitude de perdre le contrôle. Ça a pas du être compliqué de me couper la queue dans ces conditions. Le reste a suivi. Et cette saloperie a jamais voulu repousser. »

Si les années avaient laissé une chose inchangée, c'était bien la vanité de Choke, qui n'hésita pas à tourner le dos à son visiteur pour ouvrir nonchalamment le placard devant lequel il était assis plus tôt pour en sortir un verre, ainsi qu'une bouteille d'un alcool bien trop coûteux en comparaison avec le reste du mobilier.

-Toi en revanche, t'as pas pris une ride. Remarque, ça me surprend pas. Je l'ai toujours su. Que t'étais à part. C'est pour ça que je voulais autant me battre contre toi. Même au sommet de la pègre, un saiyan reste...un putain de saiyan.

Toujours le dos tourné, le vieillard remplit son verre jusqu'en haut, ne s'inquiétant pas de la quantité renversée à côté par les tremblements incontrôlés de son faux bras défectueux.

-Je sais pourquoi t'es là, Tokisada. T'es pas du genre rancunier, la vengeance intéresse pas les gars comme toi, surtout après si longtemps. C'est eux qui t'envoient, pas vrai ?

Muré dans le silence, la seule peine que prit Hitoshi fut de sortir les mains qui jusqu'à maintenant étaient restées logées au fond de ses poches.

-Alors c'est ce que tu fais maintenant ? L'homme de main ? Le collecteur de dettes ? Tu disais quoi déjà à l'époque ? « Mon métier c'est de briser des os » ? On dirait que ça non plus ça a pas changé.

-Ils m'ont donné un message à te transmettre. Tu veux l'écouter ?

Inspirant les effluves de son précieux nectar, Choke marqua à son tour un long silence avant de donner sa réponse.

-Je suis fatigué, Tokisada. À la gueule de cette piaule, tu dois avoir compris que je l'ai pas leur argent. Et je...je suis vidé.

En levant le verre à sa bouche, Choke peinait encore à contrôler ses tremblements. Ceux de sa vraie main cette fois. Mais plus le breuvage ambré s'écoulait dans sa gorge, moins ils se firent vifs. Lorsque enfin il acheva d'en boire la dernière goutte, il regarda son verre, immobile, stable. Il sourit.

Au creux de sa main, comme un millier d'étoiles filantes, le verre éclata, en même temps que sa poitrine se contracta brusquement, traversée par quelque chose d'ineffable. Lentement, le saiyan se laissa glisser à terre. Inerte, le cœur figé, tout comme l'horloge du salon. Doucement, les LED de sa queue cybernétique s'éteignirent. Il gisait seul, sur le sol de cet appartement minable, une bouteille d'alcool entamée non loin. Personne n'était là. Le néon de la cuisine expira, donnant naissance à l'obscurité et au silence.
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