Kuroki, un autre fic...

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Re: Kuroki, un autre fic...

Messagepar Le Chauve le Mar Avr 27, 2010 23:50

4 mai 1789 − Quartier général de l'École Son Gokū, Gokumu


Tout s'était bien passé finalement… mais elle me faisait la tête depuis son retour ; qui il fallait le dire n'avait pas vraiment été triomphal. Personne ne semblait comprendre pourquoi je lui avais donné une seconde chance ; en fait, peu comprenaient pourquoi je lui en avais donné une première pour commencer. Certains s'imaginaient que parce qu'elle n'avait que 19 ans elle n'était pas encore assez forte, ou supportaient juste mal qu'une gamine qui avait la moitié de leur âge leur donne des ordres. Mais l'incident de la prison souterraine n'avait rien arrangé. Il était d'ailleurs peu probable que ses subordonnés se bousculent pour l'accompagner en mission ensuite… pour être honnête, moi-même j'avais du mal à comprendre ce qu'il lui avait pris, elle qui n'était pas du genre à être guidée par ses émotions… Depuis que je l'avais initiée à la chasse aux Sarunin elle n'avait jamais manifesté un enthousiasme débordant malgré son talent évident pour ça et le combat. Mais de là à risquer son poste, et surtout sa vie pour sauver une Sarunin… lorsqu'on nous avait signalé des cibles correspondant à la description de Kalza le plan était pourtant simple : faire en sorte de les attirer le plus près possible du QG, puis les capturer. Marina aurait très bien pu s'en charger seule si elle n'était pas tombée sur… elle… j'avais presque été choqué d'entendre autant de tendresse dans sa voix d'ordinaire si dure quand elle me parla de cette «Kina»… il fallait croire que Marina se plaisait à être au-dessus des tabous, et celui-là, l'un des plus grands de notre société, n'avait malheureusement pas fait exception. Les scientifiques pouvaient bien sortir toutes les théories fumeuses qu'ils voulaient pour ignorer le problème, j'avais vécu suffisamment longtemps pour reconnaître de l'amour quand j'en voyais ; et je n'étais pas dupe de la vraie nature de ces gosses à queue qu'on abattait comme des chiens. Au final, ce Kyôjô avait été seul quand elle l'avait rattrapé mais qui sait ce qu'elle aurait choisi, si elle l'avait rencontrée à nouveau… sa famille, ou ses ennemis ?

En attendant, des problèmes plus pressants devaient être traités. D'après Marina justement, Kyôjô avait l'intention de se rendre à Kukai, une ville a priori sans grand intérêt pour un Sarunin. Lyendith elle, était apparemment certaine d'avoir découvert le chef des terroristes, et quel chef… j'aurais franchement du mal à y croire tant que je ne l'aurais pas vu de mes yeux. Mais d'un autre côté j'avais toujours trouvé qu'il y avait eu anguille sous roche avec l'exécution de Jinei : personne n'avait jamais vu son cadavre, et son changement de personnalité avait été pour le moins radical. Avant son pétage de plomb, ça faisait déjà plusieurs mois qu'il sortait des phrases ambigües sur lui et les Sarunin. Mon prédécesseur Kain avait été dégoûté de la Chasse, mais pour Jinei, c'était quelque chose de plus profond encore… quand à Lyendith, elle s'était elle aussi comportée bizarrement lors de sa visite ici, me coupant souvent la parole et me lançant parfois des regards peu sympathiques. Certes, elle avait quelque peu allégé son uniforme vu la chaleur par ici, et comme il était incroyablement difficile de la regarder dans les yeux − même pour moi, à ma surprise − un malentendu était vite arrivé. Mais par moment elle avait eu comme des absences. Même Kalza avait eu l'air perturbé en me contactant pour me remercier et me dire qu'il avait disposé (sans plus de détails) de sa proie.

Faisant tourner sur la table du bureau ma tasse vide depuis longtemps, j'essayais de mettre un peu d'ordre dans ce capharnaüm qu'était la situation actuelle, espérant que la caféine atténuerait un peu la migraine… une organisation terroriste Sarunin semait la pagaille depuis quelques semaines, un type qui y était lié avait massacré une bonne centaine de Chasseurs de Son Gohan, un autre avait fait une déclaration de guerre en pleine fête de l'Union, et leur chef était probablement l'ex-Commandant Jinei, ce qui faisait remonter la création de ce groupe à un peu plus d'un an maximum… Quant à ce Kyôjô, il avait prévu de se diriger vers une ville de plaisirs dans laquelle un Sarunin n'avait rien à faire ; et donc les Chasseurs non plus. Si des Sarunin s'y cachaient vraiment, restait à savoir comment ils passaient inaperçus, mais avec Jinei comme meneur il n'aurait pas été étonnant qu'ils eussent vite appris à dissimuler leur présence et à se fondre dans la masse. Les expériences avaient montré que ces saletés n'avaient pas seulement une force démentielle de naissance, elles pouvaient aussi apprendre des techniques à une vitesse effrayante. Comme si ils étaient naturellement faits pour le combat… ça n'était pas pour rien si les secrets des techniques de l'armée étaient gardés au sein des Écoles, on ne pouvait pas laisser les singes mettre la main dessus. Mais là un ex-Commandant leur enseignait ces secrets. Autant dire que plus le temps passait plus ils seraient dangereux : il n'était donc pas question de rester assis à attendre la prochaine attaque. Kukai était la première piste, mais nul doute qu'ils avaient d'autres bases, Dieu seul savait combien… d'après Lyendith la surveillance autour de Satan était bien trop étroite pour que des Sarunin puissent s'y cacher et y agir librement, surtout depuis l'incident Cue-Limyos… mais si ils pouvaient dissimuler leur aura il y avait plus d'un endroit isolé où ils pourraient s'installer. Des déserts, des forêts, des temples abandonnés… ou même des « villages renégats »… non, même en supposant qu'il y en eût encore, les habitants de ces villages n'apporteraient tout de même pas leur soutien à une chose aussi horrible…

« Commandant ? m'interrompit une voix par l'interphone. Ulsam, chef de la division 7.

−Entre…

−Pardonnez-moi de vous déranger… comme vous le pensiez, les satellites détectent une activité énergétique assez forte, dans une zone très restreinte à proximité de Kukai…

−On est sûr qu'elles ne provient pas de Chasseurs ?

−Et bien… deux Chasseurs de Vegeta y sont en permission actuellement mais le signal ne semble pas provenir d'eux…

−Tss, et ils sont trop occupés à se soûler pour s'en rendre compte je suppose… dis-je en me pinçant l'arrête du nez. Bien, la division 7 va inspecter la ville avec la division 1.

−Ah… fit-il le regard débordant de motivation. Vous voulez dire avec Marina…

−Avec le Lieutenant Marina, oui. Cela te pose-t-il problème ?

−Euh… absolument pas, Commandant ! rectifia-t-il les talons claquant. Seulement…

−Seulement quoi ?

−Eh bien… le problème, c'est la localisation du signal… bien qu'à proximité de Kukai, il se situe de l'autre côté de la frontière… dans le territoire de Sino. »

L'ordure… c'était aussi pour ça qu'il avait choisi cette ville ? Ça nous compliquait la tâche : intervenir là-bas créerait un incident diplomatique à coup sûr, et c'était bien la dernière chose dont on avait besoin. Il n'y avait qu'une personne dans l'Union habilitée à traiter avec les dirigeants des pays indépendants.

« Le Roi doit justement être à Sino pour des négociations en ce moment. Je dois le contacter. »


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17 avril 1789 − Quartier général de l'École Vegeta, région de Nidaku


Voilà déjà deux jours que la protégée de Junkoku avait commencé sa « mission » pour retrouver Kyôjô… je ne pouvais m'empêcher de trouver ce test cruel pour une jeune fille, mais en même temps peu de Commandants auraient été indulgents au point de passer l'éponge sur un tel crime. Kina accompagnait-elle encore Kyôjô ? Je n'en avais aucune idée, mais je frémissais d'impatience à l'idée de revoir enfin mon ami. Cela était probablement une question de semaines. Mon enthousiasme ne manquait pas de laisser perplexe mes subordonnés, dont j'avais déjà du mal à gagner la confiance. À commencer par mon propre Lieutenant, Telim, bien plus âgée que moi mais que j'avais choisie en raison de son goût pour la diplomatie. Participer au meurtre de mes semblables était déjà suffisamment difficile à supporter pour moi, alors au moins essayais-je de profiter de ma position pour en atténuer la violence… j'avais concentré autant que possible les effectifs dans des régions que je savais peu fréquentées par les Sarunin, et l'« efficacité » de mon École avait baissé depuis mon arrivée, au point que certains me remettaient déjà en cause… Kyôjô n'aimerait sûrement pas ça, mais je ferais de mon mieux pour le convaincre de me rejoindre. Quand je deviendrais Roi, il serait facile de changer les lois sur les Sarunin, mais pour les mentalités cela prendrait bien plus de temps. Il faudrait alors quelqu'un pour poursuivre dans cette voie… parfois je me disais que ce plan était absurde, mais j'avais tellement réfléchi, tellement observé pendant des années, et je n'en voyais pas vraiment d'autre. Je préférais ne pas penser à ce qui arriverais si la vérité à mon sujet était découverte. On pouvait dire que j'étais désespéré d'une certaine façon…

Enfin, si mon enthousiasme était mal perçu, c'était aussi en raison d'une situation pour le moins imprévue… mais était-elle imprévisible ? Devant tant de persécutions, il était peu surprenant que des groupes rebelles apparaissent. Pour avoir vécu vingt années au milieu de ce ressentiment, j'étais bien placé pour le savoir. Néanmoins la puissance de ce nouveau groupe était inquiétante, et celui qui les dirigeait avait de fortes chances d'être lié à l'armée de l'Union : bien qu'ayant tenté un nombre incalculable de fois d'observer les entraînements militaires, je n'avais pu apprendre en détail leurs techniques de combat qu'une fois intégré dans l'École. Mes tentatives d'espionnage tournaient toujours court, et sans me vanter il y avait sûrement très peu de Sarunin plus forts que moi, même à l'époque. Et encore moins assez fous pour faire ce que j'avais fait. Le Commandant Lyendith avait justement prévu de me rendre visite à Nidaku ce jour-ci pour en discuter autour d'un café. Lyendith… si le monde extérieur recélait mille merveilles, sa beauté n'en était pas la moindre. Ses yeux argentés pouvaient subjuguer n'importe qui, et j'en avais été victime dès notre première rencontre. Une arme redoutable, vraiment… on disait que peu de gens pouvaient soutenir son regard et que cela l'irritait profondément ; il fallait donc que je fasse cet effort pour ne pas m'attirer ses foudres. Par chance, j'avais la sympathie de Junkoku, et bien sûr de mon ancien Commandant, devenu Roi. Si je voulais atteindre le sommet, il me fallait tisser de bonnes relations avec les élites de l'Union. Et qui savait… non, j'évacuai vite cette idée. Il valait mieux ne pas prendre de risques inutiles. De simples relations amicales étaient préférables. Oui, c'était préférable…





« … voilà ce qui me conduit à penser que Jinei est derrière tout ça. COMMANDANT KALZA !

−Ah ! Excuse-moi, j'avais la tête ailleurs… »

Je n'eus jamais pensé qu'il fût si difficile de la regarder dans les yeux sans s'y perdre… j'avais tout de même réussi à suivre une partie de ses explications ! Mais son accent oriental était craquant…

« Bien… soupira-t-elle. Je suppose que vous n'avez rien écouté.

−Euh… si, tu parlais du Commandant Jinei… je ne connaissais pas bien les détails de cette histoire… j'ai effectivement pensé que leur chef devait être un ex-militaire mais de là à imaginer quelqu'un censé être mort…

−Il me semblait vous avoir dit de me pas me tutoyer. dit-elle d'un ton irrité. Franchement, vous ne m'avez pas l'air de prendre ça très au sérieux. La situation est grave. »

Il n'y avait semblait-il pas que mon tutoiement qui l'agaçait. Elle me toisait du regard sans méchanceté mais avec insistance. C'était insoutenable. Je déglutis un grand coup…

« Que… quelque chose ne va pas…? »

Aucune réaction… je finis par détourner les yeux et elle les siens.

« Rien… je n'arrives pas à savoir ce tu as dans la tête.

−Tu… vous… ne me faites pas confiance…?

−Ce n'est pas ça. Quelle que soit la situation, tu n'as jamais l'air préoccupé… ça m'énerve, mais en même temps ça me fascine.

−Ah… ah bon… c'est… c'est intéressant… »

Comment ça… je la fascinais ? Enfin, pas moi, mon impassibilité… mais pourquoi me tutoyait-elle tout à coup ?

« Hem… bien, nous parlions de Jinei, donc. repris-je pour revenir à une conversation moins perturbante. Avez-vous une idée d'où il peut se cacher, si il est vraiment leur chef ? »

Elle reposa son regard sur moi, toujours en semblant sonder mon esprit… je m'imaginais rouge comme une tomate à ce moment, c'était terriblement embarrassant…

« J'en ai déjà discuté avec le Roi, nous nous accordons à penser qu'ils se cachent soit dans un endroit dépourvu de Chasseurs, soit à l'extérieur de l'Union. Mais cela, c'est une évidence, n'est-ce pas ?

−Euh… oui… ça nous laisse pas mal de choix…

−Ça n'est pas un jeu, Kalza. »

Le ton se faisait de plus en plus familier…

« … bon… fis-je en me levant de mon canapé, à la surprise de mon interlocutrice. Le mieux est peut-être de continuer à récolter des informations chacun de notre côté. Nous avons déjà bien progressé grâce à… vous…

−Si tu le dis… »

En se levant, elle trébucha sur la table basse, maladresse étonnante de sa part. Je la rattrapai même en sachant qu'elle n'allait pas tomber… j'avais lu ce genre de scène dans un roman à l'eau de rose que j'avais volé dans une bibliothèque il y avait longtemps. C'était un peu ridicule comme situation. Elle resta sans réaction pendant quelques instant, avant de se mettre à pouffer et à me repousser lentement mais avec force.

« À quoi tu joues au juste ? sourit-elle. Les gamins comme toi ne m'intéressent pas, autant te prévenir tout de suite.

−Je croyais que vous ne saviez pas ce que j'avais dans la tête ? »

Elle ricana une nouvelle fois en s'éloignant, avant de se retourner, en reprenant un ton plus sérieux…

« Au fait, de quelle région viens-tu, déjà ?

−Moi ? fis-je, un peu surpris de cette question soudaine. Je suis né dans un tout petit village, à l'est du continent… ma langue maternelle a d'ailleurs quasiment disparu aujourd'hui… »

Je ressortais cette histoire à tous ceux qui questionnaient mes origines… il valait mieux feindre de venir d'un trou perdu à la population non recensée pour avoir une marge de manœuvre. Et puis cette histoire n'était pas totalement fausse en un sens… avec une moue dubitative mais sans insister plus, Lyendith se dirigea vers la sortie, enfilant son manteau avec l'élégance qui la caractérisait…

« À plus tard ! Et bonne chance de ton côté… »

Elle m'adressa un dernier salut de la main. Sans me reprocher de la tutoyer, pour une fois. Sarunin ou humaines, les femmes étaient décidément des êtres imprévisibles…



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28 Septembre 1789 – Dorowen

« Hevi ? Que veux-tu savoir sur lui ?

−Son passé… sa naissance, ses parents, ses sentiments… tout ce que je sais c'est que ses parents ont été assassinés et qu'on n'a jamais retrouvé les coupables… il ne parle jamais de lui et j'ai toujours eu peur de lui demander mais…

−Tu cherches aussi à en savoir plus sur toi-même, n'est-ce pas ? »


Je ne le niai pas… à Dorowen je n'avais jamais été vraiment rejetée, et je ne m'étais pas vraiment interrogée sur mes origines. Mais après avoir rencontré Vaki… et elle… j'éprouvais de plus en plus un besoin de savoir. De comprendre. La haine entre humains et Sarunin était-elle une fatalité ? Comment y remédier ? Portais-je vraiment autant d'espoir que le pensait Vaki en me protégeant ? Kain avait veillé sur Hevi depuis son enfance, il avait un temps connu ses parents… et lui-même avait du sang de Sarunin sur les mains. C'était sans doute pour cela que même en ne le chassant plus il se refusait à les aider. Il ne s'en sentait pas digne. Mais sans poser plus de questions il avait accepté de me raconter ce qu'il savait sur cet enfant dont on lui avait confié la garde.

Il n'était pas d'amour plus improbable que celui des parents de Hevi. Son père faisait partie d'un groupe clandestin qui se donnait le nom de Purificateurs. Ces fanatiques traquaient et tuaient les Sarunin aux quatre coins du monde, selon des rituels macabres et usant de méthodes bien plus violentes et cruelles que celles de l'armée. Ils ne se contentaient pas de massacrer les Sarunin qu'ils trouvaient mais aussi tous ceux qui à leurs yeux manifestaient trop de compassion à leur égard, allant jusqu'à forcer des gens à les aider en menaçant leurs proches, voire à harceler et pousser au suicide ceux qui les dérangeaient trop… même l'armée avait essayé plusieurs fois de démanteler cette organisation qui s'apparentait à une secte mais elle finissait toujours par réapparaître. Un groupe pouvait traquer sa proie pendant des jours, parfois des semaines avant de la piéger, lui faisant bien sentir qu'elle était suivie, l'isolant, la mettant en position de stress, puis profitant de sa faiblesse causée par la fatigue et la faim pour sceller son sort. Un jour, cette traque dura trop longtemps, et un grand malheur frappa le père de Hevi : il se prit d'affection pour sa proie. Le moment venu, ce n'est pas elle qu'il tua mais ses camarades… il fit croire à ses supérieurs que le Sarunin était plus fort que prévu, qu'ils s'étaient fait massacrer, et qu'il ne commettrait plus d'erreur. Mais il la commit. Une erreur impardonnable. Lui et elle se revirent. Et ils s'aimèrent. Il quitta l'organisation, se condamnant à vivre dans le secret et signant, il le savait, son arrêt de mort. Neuf mois plus tard, Hevi naquit dans un des refuges secrets des Sarunin… un Sarunin sans queue, ses congénères savaient ce que cela signifiait… la mère de Hevi et son enfant furent reniés et elle dût quitter les siens elle aussi. Alors d'un commun accord, et sans vraiment savoir ce qu'il adviendrait, ils se réfugièrent en dehors de l'Union et, dans la ville de Doun' Kaos trouvèrent, à défaut de regards amicaux au début, au moins un peu de sérénité… sachant que la paix serait de courte durée, ils léguèrent tout ce qu'il purent à leur enfant, à travers des enregistrements en Qakhlen et en Sarunin… une année s'écoula ainsi, puis un soir ils confièrent Hevi à une personne qui saurait le protéger, prétextant qu'ils s'absentaient simplement pendant un moment. Kain comprit trop tard ce que cela signifiait. Les parents de Hevi moururent en ayant enfin trouvé le bonheur, en étant enfin acceptés dans une communauté, et en ayant légué leurs espoirs à leur fils…

Je comprenais à présent mieux les dernières paroles de Vaki, et pourquoi il avait, après avoir tant haï les humains, décidé de me protéger au péril de sa vie. Que ce fût chez les humains ou les Sarunin, notre naissance était une transgression. Comme si nos parents avaient franchi une barrière, si opaque que la plupart pensaient ne rien trouver d'autre que le malheur au delà… mais ils y avaient au contraire trouvé le bonheur. Et une issue alternative au conflit qui déchirait leurs deux espèces depuis cinq siècles. Pourtant, en me remémorant les visages radieux des parents de Hevi sur les vidéos qu'ils avaient laissées, je ne pouvais m'empêcher de penser qu'il ne s'agissait là que d'exceptions confirmant la règle, que lui et moi avions simplement eu de la chance − si on pouvait appeler ça de la chance… mais je voulais être certaine. Cela faisait maintenant près de six mois que j'attendais chaque soir, assise sur le sol rocailleux, près du rocher derrière lequel avait disparu la Sarunin de la dernière fois. Personne n'en était sorti depuis, au point que je me demandais si je n'avais pas rêvé… mais Kain aussi l'avait vu, ils avaient sans doute simplement décidé de ne plus se risquer à utiliser cette sortie. Puis, alors que je m'apprêtais à rentrer, je sentis faiblement une aura inconnue approcher lentement… me cachant hâtivement, j'observai la masse rocheuse qui commençait à bouger… de sous cette masse sortit une tête mal coiffée, scrutant longuement les environs… le Sarunin s'aventura prudemment hors de l'ouverture puis referma la «porte» en prenant soin de faire le moins de bruit possible. Contrairement à la précédente, il semblait jeune, à peu près l'âge de Hevi. En lévitant légèrement, je m'approchai lentement…

« M… Ma… Masoran… »

Si j'avais bien compris, c'était ainsi qu'un Sarunin signalait sa présence à ses congénères…

« Sh… Shôsa…? »

L'intéressé se retourna en entendant mon salut timide, un rien paniqué mais apparemment rassuré en voyant ma queue − qui avait repoussé depuis le temps…

« Ha… kuverin yo. Shôsa den… Mosei kêrato ? »

«Une sœur ? Je te renvoie le bonjour… où te cachais-tu ?»… C'était ce que ça voulait dire… à peu de choses près… sans doute…

« Kôda… omon shukê sa. » me dit-il en enroulant sa queue autour de sa taille.

Il venait de parler de ma queue j'imaginais, mais… comme j'aurais dû m'en douter mes maigres notions de Sarunin n'allaient pas me mener bien loin…

« Ahaha… désolée, je ne parle pas bien votre langue en fait… est-ce que… vous comprenez le Qakhlen ? »

Ses sourcils se froncèrent brusquement et son aura se fit moins amicale… une Sarunin − supposée − qui lui parlait dans une langue humaine, je ne pouvais pas lui en vouloir de trouver ça suspect…

« Ah… si vous ne le parlez pas ce n'est pas… si grave… »

Son aura se tendit rapidement… une expression de dégoût profond commençait à lui déformer les traits…

« Perumaza yo… »

Perumaza… j'avais déjà entendu ce mot dans la bouche de la mère de Hevi… je ne me souvenais plus de son sens exact mais je savais que ce n'était pas un compliment ni un mot d'une grande élégance… le Sarunin cracha par terre puis commença à s'avancer vers moi lentement…

« Arata te kosumu oreto shi. Muere ko peruzama chime, eise ? Kuu ron ?!

Je reculai de quelques pas, me sentant de moins en moins en sécurité. Il accéléra soudainement, m'assénant un coup que je déviai de justesse ! Mais je n'évitai pas le second, et fus frappée violemment au visage. Je parvins à me relever suffisamment vite pour parer le coup suivant mais fut projetée en arrière… sentant bien que je ne maîtrisais plus la situation − si tant est que je l'eusse jamais maîtrisée − je me réfugiai haut dans les airs, où le jeune Sarunin ne pourrait pas m'atteindre… de loin je n'entendais pas ce qu'il disait, mais je pus apercevoir un rictus se dessiner sur son visage tendu par la colère…

« CIANA ! »

La voix était assez lointaine… c'était la voix de Kain… il était à une centaine de mètres du rocher… Mais lorsque je reportai mon attention sur le Sarunin, celui-ci avait disparu. Redescendant lentement au sol, je retrouvai mon professeur, immobile mais le visage grave.

« Je peux savoir ce que tu faisais…?

−Je… répondis-je la tête baissé. Je voulais en rencontrer un…

−Eh bien c'est réussi. Regarde-toi, tu saignes… te battre contre un Sarunin, tu as perdu la tête ?! s'emporta-t-il.

−Ce n'est pas ce que je voulais ! Je lui ai pourtant parlé gentiment, je ne l'ai pas agressé…

−Mais tu l'as abordé à un endroit où les Sarunin sont naturellement sur leurs gardes. De plus tu sais bien qu'ils sont de plus en plus agressifs ces derniers temps… tu as eu de la chance de tomber sur un jeune, un adulte aurait très bien pu te tuer. »

Le ton était glacial, le dernier mot accentué. Je ne m'en rendais compte que maintenant… pour la deuxième fois en six mois, je venais d'échapper de peu à la mort. Depuis la disparition de Hevi c'était comme si j'avais perdu la mesure du danger. Comme si j'avais honte de ne pas être aussi forte que lui. Aussi forte que les Sarunin. D'autant plus que depuis la fête de l'Union, la situation n'avait cessé d'empirer, et il ne faudrait sans doute pas longtemps avant que Dorowen soit menacée… je ne voulais pas l'avouer, mais j'avais peur… peur de ne pas pouvoir protéger ceux que j'aimais… peur de voir cette paix brisée pour toujours… peur de mourir aussi… alors je cherchais tant bien que mal un moyen d'établir le contact avec les Sarunin, de trouver une autre issue, comme l'avaient fait mes parents et ceux de Hevi…

« Tikhras a récemment été attaquée… ils ne s'en prennent plus seulement à l'Union. Ce pays commence à envisager une alliance avec le Roi. On n'arrive toujours pas à estimer leur nombre exact, mais ils sont beaucoup plus puissants que prévu. Cette déclaration à Osumar n'était pas du bluff.

−Et nous… qu'est-ce qu'on va faire ?

−On ne peut pas laisser de tels désastres se produire sur notre sol. Jusqu'ici nous avons été épargnés, mais pour combien de temps ? Même moi je ne suis même pas sûr de pouvoir défendre la ville vu mon âge. Le Conseil Central va donc se réunir et les régions vont être consultées…

−On est vraiment obligés de choisir un camp…?

−J'en ai bien peur… Si nous aidons les Sarunin nous serons des traitres et deviendrons les ennemis du Roi ; si nous les combattons avec l'Union, nous courons au désastre des deux côtés. Et une position neutre nous attirerait les foudres des deux camps. Mais ces Sarunin eux, n'ont plus rien à perdre, que nous choisissions l'une ou l'autre option, cela leur convient… Jinei… qu'est-ce qui a pu le pousser à une telle folie ?





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4 mars 1793 − région de Gokumu


Suhltemi… c'était le nom du village qui nous offrait l'hospitalité. Comme beaucoup d'autres, il était assez isolé, mais il s'en distinguait par bien des aspects. Durant les deux premières années de notre vie ici, nous avions pu découvrir de curieuses coutumes comme la fête du conflit. Tous les ans, durant une journée les habitants se querellaient volontairement, pour évacuer les petites contrariétés accumulées dans l'année… « un rituel destiné à purger nos émotions négatives et entretenir la courtoisie le reste de l'année » me disait en souriant Salma − la doyenne du village. Les habitants portaient également des vêtements longs et épais malgré le climat tropical… les robes des femmes étaient très jolies mais vraiment peu pratiques pour marcher… concernant la langue, heureusement les habitants connaissaient tous le Gokumuïen mais nous faisions l'effort d'apprendre la langue locale − vieille d'au moins cinq siècles selon eux ! Mais la chose qui nous avait sans doute le plus déroutés était leur tradition de célébrer les funérailles dans la joie… le défunt était placé au sommet d'un grand bûcher et une danse funéraire très codifiée était exécutée autour du feu par tous les habitants. Une partie de ses cendres était ensuite mélangée à la terre et l'autre partie dispersée aux quatre vents, pour qu'il se mêle et participe aux cycles naturels… des chants-prières rythmés étaient ensuite entonnés pour souhaiter à son âme une réincarnation vertueuse, puis un grand festin était organisé comme hommage final. Des idées morbides m'animaient parfois… aurais-je droit à de si belles funérailles, malgré…? Enfin, ça n'étaient pas seulement ses coutumes qui rendaient ce village si particulier…

« Ah, t'étais là ? Évite de t'éloigner trop du village la nuit.

−Ne t'en fais pas, tu sais bien qu'il n'y a pas de Chasseurs par ici.

−Pour l'instant, mais tu connais la situation, un peu partout… allez, on rentre, faut pas que tu restes là à ruminer des idées noires.

−Qu'est-ce que tu racontes ?

−Ce sont les troisièmes funérailles auxquelles on assiste depuis qu'on vit ici, et à chaque fois tu t'isoles et tu pleures en silence…

−Évidemment, on n'est pas censé être joyeux quand quelqu'un meurt ! J'ai un peu de mal à m'y faire, franchement…

−Bah, c'est un peu pareil pour moi je dois dire… »

En tentant de me lever, je m'entravai comme souvent dans les tissus de ma robe, et cet idiot ne faisait rien pour m'aider à me relever.

« Ha ha ha ! Ça aussi tu as du mal à t'y faire on dirait !

−Jin, arrête de te moquer ! On dirait vraiment pas que tu as 17 ans…

−C'est bon Grande Sœur, te fâche pas… » répondit-il en me tendant la main, sans abandonner son sourire moqueur.

Je ne pouvais pas lui en vouloir. Dans le climat actuel, toutes les occasions de rire étaient bonnes à prendre.


à suivre…




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Très franchement, j'aurais jamais pensé faire 22 pages pour ce chapitre, où je manquais d'inspiration au départ… mais c'est comme ça que ça a fini. Vous l'aurez remarqué, un petit bond dans le temps s'opère à partir de la fin de ce chapitre. L'histoire se déroulera donc essentiellement en 1793 à partir du prochain. Année de la Terreur dans notre Histoire de France, et d'une certaine façon dans cette histoire aussi…
Dernière édition par Le Chauve le Mer Avr 28, 2010 10:40, édité 1 fois.
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Re: Kuroki, un autre fic...

Messagepar RMR le Mer Avr 28, 2010 2:26

Bien! J'ai plusieurs petites choses à dire.

D'abord, j'appuie ce que j'ai dis la dernière fois, j'ai l'impression que les "sous-chapitres" sont vraiment mieux introduits, bien plus fluide! C'est cool!

Ensuite, le résumé personnage/situation est parfait! Pour la première fois depuis longtemps, j'ai pu lire un chapitre en n'ayant pas eu une sensation de rupture. Je me suis d'ailleurs gardé la fiche des personnages dans un onglet à côté de mon onglet de lecture, c'était vraiment sympathique.

Le chapitre était vraiment très bien construit et très sympa à lire. On voit les rouages de ce qui pourrait bien être une guerre proche se mettre en place. Hâte de voir les conséquences sur Kyōjō de ses années passées dans le camps de Jinei (puisque ellipse il y a eu). Je suis très curieux quand à la capacité de lire les pensées de certains. Ce n'est pas un don réputé Saïyen. Une résurgence du don de Goku, qui a put lire une fois les pensées de Krilin, chez ses descendants? Mystère.

J'ai rêvé ou depuis le chapitre 15, y'a une petite référence à Death Note?

Très sincèrement, j'ai toujours autant de plaisir à lire les chapitres qui sortent de cette fic. Kuroki est une valeur sûre!
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Re: Kuroki, un autre fic...

Messagepar Le Chauve le Mer Avr 28, 2010 21:20

À Death Note ? À quoi tu penses :?:
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Re: Kuroki, un autre fic...

Messagepar RMR le Mer Avr 28, 2010 21:24

L'hôtel Theito qui sert de point de rassemblement à l'organisation de Jinei me fait penser à l'hôtel Teito de Death note, hôtel où L se montre pour la première fois à l'équipe d'enquête sur Kira et où Misa fait sa dernière apparition. Mais bon, peut-être que l'hôtel Teito est simplement un vrai hôtel qui a inspiré Ohba et toi de la même manière, je ne sais pas.
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Re: Kuroki, un autre fic...

Messagepar Le Chauve le Mer Avr 28, 2010 22:30

Bah pour tout dire c'est un nom qui m'est venu totalement au pif… j'ai peut-être été influencé inconsciemment, maintenant que tu le dis Image
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Re: Kuroki (DBZ… plus ou moins)

Messagepar Le Chauve le Ven Nov 12, 2010 1:01

Tiens, une nouvelle tête, ça fait plaisir ^^


Rappel des personnages :

SARUNIN

Kyôjô (26 ans) :
Sarunin possédant une grande rancœur envers les humains. Il a rejoint Rivina, une organisation de Sarunin projetant de se venger de l'humanité. Il ne se sépare jamais de son épée Ryūketsu.

Nezumaru/Kalza (27 ans) :
Un Sarunin particulièrement puissant. Autrefois meilleur ami de Kyôjô, il a feint sa mort pour infiltrer l'armée de l'Union et devenir Commandant de l'École Vegeta.

Kina (23 ans) :
Petite sœur de Nezumaru, longtemps amoureuse de Kyôjô. Une maladie pulmonaire très rare la rend plus faible que ses congénères, mais après que Kyôjô les a abandonnés elle décide avec Jin d'étudier la société humaine et de l'intégrer à terme. Ils vivent désormais à Suhltemi, un village humain qui les héberge clandestinement.

Jin (17 ans) :
Petit frère de Kyojo, il considère Kina comme sa grande sœur même si ils ne sont pas liés par le sang.

Vaki (mort à 31 ans) :
Sarunin aigri, un temps membre de Rivina et qui avait la faculté d'entendre les pensées des gens. C'est lui qui apprend à Kyojo l'existence de l'organisation. Peu après, il finit par se repentir, avant d'être tué par Lyendith. Les nombreux humains qu'il a tués lui valent le surnom de Cue-Limyos («rouge-sang»).

Derisya (40 ans) :
Un des tout premiers membres de Rivina, il a supervisé l'entraînement de Kyôjô quand ce dernier les a rejoints. Il a un chien nommé Koka.

Sevani (38 ans) :
Petite amie de Derisya.

Danto & Danki (24 ans) :
Des jumeaux farceurs mais très doués pour le combat. Ils ont accueilli Kyôjô à son arrivée à Rivina.

Nafari (15 ans) :
La protégée de Kyôjô, qu'elle respecte beaucoup. Elle est l'un des membres les plus jeunes de Rivina.

HUMAINS

Junkoku :
Commandant de l'École Son Goku, leader un brin tyrannique au passé trouble. Il devient vite ami avec Kalza à cause de sa force et de son culot.

Marina (23 ans) :
Lieutenant, apprentie et en quelque sorte fille adoptive de Junkoku, avec qui elle entretient une relation ambiguë. Elle est tombée amoureuse de Kina lorsqu'elle l'a rencontrée, ce qui lui a valu quelques ennuis.

Lyendith (36 ans) :
Rendue célèbre par sa beauté et ses yeux argentés, elle est le Commandant charismatique de l'École Son Gohan. Elle a découvert l'identité du chef de Rivina : Jinei, son ancien Commandant, officiellement exécuté pour trahison et qui avait mystérieusement disparu. Après avoir tué Vaki, elle a «hérité» de son pouvoir bien malgré elle.

Dolann (39 ans) :
Le Lieutenant flegmatique mais non moins efficace de Lyendith.

Gando (55 ans) :
Scientifique fasciné par les Sarunin. Il aimerait retrouver Kina pour perfectionner le remède à sa maladie.

Tawava Gazikye (64 ans) :
Ex-Commandant de Vegeta devenu Roi de l'Union.

Kain (76 ans) :
Ex-Commandant de Son Goku qui s'est retiré de l'armée, ne comprenant plus le but de la Chasse aux Sarunin. Il a fondé une école d'arts martiaux dans le pays de Dorowen par la suite.

MÉTISSES

Ciana (21 ans) :
Fille de Senae et d'un père Sarunin qu'elle n'a jamais connu, elle étudie les arts martiaux dans l'école de Kain. Elle vit une vie paisible et relativement ordinaire avant d'être capturée malgré elle par l'armée et de rencontrer Vaki. Ce dernier la protège et lui permet d'échapper à Lyendith. Depuis, elle essaie d'établir le contact avec les Sarunin.

Hevi (17 ans) :
Enfant turbulent et asocial, très doué pour le combat, qui a vécu sous la tutelle de Kain après la mort de ses parents. Il n'aime pas les Sarunin mais parle leur langue. Une nuit de pleine lune, il rencontre Kyôjô par hasard et le voit se transformer en monstre, frôlant la mort. Il a rejoint Rivina pour une raison inconnue.


Résumé des chapitres précédents :

Nous sommes désormais en 1793. Rivina est devenue suffisamment puissante pour s'emparer d'une École et le monde est plus que jamais divisé entre ceux qui veulent en finir une fois pour toute avec les Sarunin et ceux qui cherchent au contraire à nouer des liens avec eux. Certains pays ont quitté l'Union et les frontières ont été fermées. À Dorowen, Ciana rencontre une femme qui semble porter un enfant interdit…




Chapitre 18
Résurrection
生変
(Première partie)


14 avril 1793 − Doun' Kaos


« Senae ? Tu travailles aujourd'hui ?

−Euh, non… je dois rencontrer Kain, il veut me montrer quelque chose apparemment…

−Ah bon… bon anniversaire à ta fille en tout cas ! »

Kelfa repartit avec un salut de la main et un grand sourire… Bon anniversaire… Ciana n'avait pourtant pas eu l'air très enthousiaste en fêtant ses vingt-et-un ans… elle avait semblé ailleurs. Elle m'avait assuré − à mon soulagement… − que ça n'était pas à cause du repas, puis le lendemain m'avait demandé de venir chez Kain. Était-il arrivé quelque chose de grave ? Je n'espérais pas, mais la mine peu joyeuse qu'elle arborait quand je la rencontrai devant l'entrée du dojo n'était pas faite pour me rassurer… cela, plus son silence total lorsqu'elle me guida dans les escaliers et l'après-midi pluvieuse, rendait l'atmosphère particulièrement lourde. Nous étions presque au dernier étage de la tour lorsqu'elle s'arrêta devant une porte en bois en prenant soin de regarder aux alentours et de parler à voix basse…

« Maman, Kain m'a autorisée à te faire venir ici, mais ce que tu verras dans cette chambre, tu ne dois en parler à personne.

−Je… je vois…

−Promets-le moi. insista-t-elle avec un regard étonnamment sévère.

−Hein ? Euh, d'accord… Je ne dirai rien, je te le promets… »

Tournant la poignée avec appréhension, elle signala sa présence et la voix de Kain lui permit d'entrer… je fus effectivement surprise mais ne compris pas tout de suite ce que la situation avait de si choquant. La pièce était assez petite, n'était pas du tout décorée et semblait-il emménagée à la va-vite, avec un lit, quelques chaises et un pichet d'eau sur une table de chevet en bois. Kain se tenait debout près de la fenêtre et le lit en question était occupée par une superbe femme aux yeux noirs et aux cheveux châtains, noués d'une tresse sur le côté droit. Son ventre rebondi indiquait une grossesse déjà bien avancée, et elle me fixait, apparemment avec curiosité.

« Maman… je pense que tu commences à saisir pourquoi tout cela doit rester secret.

−C'est donc vous, la mère de Ciana ? »

Je ne comprenais pas tout… si l'enfant de cette femme était comme ma fille, il n'y avait pas de raison de la cacher : nous étions à Dorowen après tout. Pourtant je commençai à ressentir comme un malaise… ce visage et cette tresse ne m'étaient pas inconnus… et ce regard perçant qui semblait scruter en moi…

« Je… ne vous ai pas déjà vue quelque part… ?

−Il y a des chances, en effet… »

Mes yeux s'écarquillèrent petit à petit, à mesure que je réalisai qui j'avais en face de moi.

« Vous… vous êtes…

−… le Commandant Lyendith, oui. poursuivit Kain d'une voix stoïque.

−Je ne suis plus Commandant, j'en ai bien peur… répliqua-t-elle, toujours en me scrutant.

−Mais… mais, mais, comment… j'avais entendu dire que le Commandant était enceinte, mais… cet enfant, pourquoi est-il…?

−Ne vous méprenez pas. m'interrompit-elle. Votre fille a peut-être un père Sarunin, même si ça me donne la nausée de l'admettre. Mais celui de cet enfant est humain. Et pourtant mon fils a une queue. Une saleté de mutation imprévisible. Il a fallu que ça tombe sur moi…

−Ah, oui… répondit Kain. c'est ça la «version officielle»…

−Vous recommencez avec ça ! Puisque je vous dis que je n'ai jamais copulé avec un de ces foutus singes ! »

Le ton de sa voix était étrange… elle parlait violemment et avec dégoût mais semblait se forcer à les arborer ; comme si elle voulait se convaincre que son enfant ne pouvait pas être… mais il était clair qu'au fond, elle avait des doutes. Peut-être que ce père avait sans le savoir un ascendance Sarunin lointaine, qui avait ressurgi chez l'enfant ? Une amie vivant à Lumis m'avait dit que de nombreuses rumeurs avaient circulé sur son identité ; mais je comprenais forcément mieux à présent pourquoi elle gardait le silence à ce sujet.

« Quoi qu'il en soit… reprit-elle. Je… je ne peux plus assurer mon rôle sereinement…

−Je me demande… dit Ciana, perplexe. même si cet enfant a une queue…

−Est-ce que je ne pourrais pas l'élever comme un enfant ordinaire, si son père est humain ? Question stupide… »

Ciana détourna son regard devant le ton sec du Commandant… cette dernière se leva tant bien que mal, Kain restant sans réaction et ma fille esquissant comme un mouvement réflexe pour l'aider avant de se rétracter.

« Lorsqu'un enfant à queue naît au sein de l'Union, les consignes sont claires : le Commandant et le Lieutenant du Secteur correspondant doivent être prévenus, et la mère doit avoir interdiction d'enfanter à nouveau. Les gens qui savent sont priés de se taire, et croyez-moi ils le font.

−Hein…? fit Ciana. Et… et que devient l'enf…

−Il est éliminé. »

Kain se contenta de fermer les yeux, laissant un silence de plomb régner dans la pièce. Mon souffle fut coupé un long moment. Ma fille plaqua sa main sur sa bouche, semblant se retenir de vomir, en prenant l'une des chaises…

« Excusez-moi… balbutia-t-elle. Je… je ne me sens pas bien…

−Tu sais maintenant à quoi tu as échappé en naissant ici, petite. » finit-elle, sans regarder Ciana.

Mais bien qu'horrifiée par l'atrocité de ces pratiques, je ne pus empêcher la curiosité de poindre dans mon esprit…

« Ah oui… il y a aussi des cas d'enfants développant très jeunes une force physique et un appétit anormaux, sans pour autant avoir de queue. Ils sont supposé êtres traités pareillement mais ils sont plus rares et beaucoup plus difficiles à détecter. Au cours du siècle écoulé, les cas de ce genre répertoriés se comptent sur les doigts d'une main. Certains vivent peut-être même parmi nous sans que nous le sachions… » conclut-elle le regard dans le vide.

Elle se retourna soudain vers Ciana, la bouche entre-ouverte mais sans dire un mot, avant de se tourner à nouveau vers moi…

« Petite… je sais pourquoi tu as amené ta mère ici. Tu espères qu'en tant que mère d'un enfant interdit elle me comprendra, m'aidera à accepter mon fils et à l'élever ? Je n'ai pas besoin de son aide et je ne veux pas qu'elle s'en mêle. Tu n'aurais pas dû lui en parler. »

Quelque peu vexée qu'on parle de moi à la troisième personne, je ne pus cependant pas répondre, une nouvelle fois… elle avait raison sur un point : tout cela ne me concernait pas a priori ! Mais si Ciana m'avait mise dans la confidence, c'était sans doute aussi pour ne pas avoir à me le cacher en permanence et à m'inquiéter inutilement…

« Tu dis que tu n'as pas besoin d'aide, nota Kain, mais c'est bien pour ça que tu es venue vers moi, non ?

−Vous, c'est différent. Vous êtes un ancien Commandant de l'Union, et donc la seule personne à même de comprendre ma situation.

−Et tu penses pouvoir me faire confiance au point de tout me dire ?

−Je sais que vous ne me dénoncerez pas. Vous jouez les repentis, mais vous avez gardé votre fierté de Commandant et une certaine rivalité avec le Roi, je le vois bien…

−Hum… effrayante de perspicacité. Tawava ne m'a pas menti… » finit-il en ricanant.

Me sentant de moins en moins en phase avec ce qui se passait, je ressentis le besoin de dire quelque chose d'inutile… n'importe quoi, ne serait-ce que pour rappeler ma présence…

« Euh… mademoiselle…

−… qu'y a-t-il ?

−Rien… j'avais entendu des histoires à votre sujet sur…

−Ah… ça ? fit-elle en souriant pour la première fois. Certes, si vous y tenez… »

Elle se retourna un instant en baissant la tête, semblant enlever quelque chose de ses yeux, puis posa deux petites lentilles sur la table de chevet… lorsqu'elle se retourna, je les vis enfin… leur réputation n'était pas usurpée, et il n'était guère surprenant qu'elle cherchât à les dissimuler tant ces reflets argentés étaient reconnaissables entre mille… la profondeur de ce regard le rendait aussi sublime qu'oppressant… et au bout de quelques secondes, je détournai les yeux.

« Ils sont magnifiques, n'est-ce pas ? Pourtant personne n'ose les regarder en face. Un seul homme a eu ce courage. Un seul homme a réellement cherché à me connaître… »

Sa voix se fit étrange à la mention de cette personne… presque mélancolique… cet homme dont elle parlait, c'était…?

« Maintenant que tu sais, Senae, il va sans dire que toi et ta fille devrez observer la plus grande discrétion à ce sujet. Lyendith va rester ici au moins jusqu'à son accouchement, nous nous arrangerons pour que personne ne s'aperçoive de son identité d'ici là. En attendant… vous pourrez retourner à votre vie de tous les jours.

−C'est tout ? s'insurgea Ciana. Vous nous mettez dans la confidence et vous nous congédiez comme ça, en nous demandant de faire comme si de rien n'était ?!

−Ne monte pas sur tes grands chevaux, petite ! »

La voix de Lyendith se fit plus menaçante cette fois…

« Nous sommes en guerre ! Kain m'a raconté ce que tu faisais de tes journées ici, à aider tes camarades Sarunin. Vu les récents évènements, l'Union ne pourra plus tolérer très longtemps vos petits élans de solidarité envers ses ennemis, alors n'aggrave pas ton cas et reste à ta place ! Tout ça te dépasse, évite de t'en mêler, c'est compris ? »

Devant ces multiples mises en garde, Ciana n'insista pas… les récents évènements… même si elle ne le montrait pas, la désormais ex-Commandant en avait sûrement été affectée personnellement. Car ce que le monde avait découvert deux jours auparavant risquait bien de fragiliser encore un peu plus la cohésion de l'Union…


____________________________________________________________________


14 avril 1793 − Suhltemi, Gokumu


Une respiration irrégulière et saccadée. Des toussotements. De la sueur. Des spasmes et des mouvements de panique dus au manque d'oxygénation. Puis un coma de quelques heures. Ces symptômes je ne les avais observés que trop souvent. Je pensais y être habitué. Mais à chaque fois une peur irrépressible s'emparait de moi… et si c'était la dernière ? Et si elle ne se réveillait pas cette fois ? Mon esprit envisageait toujours cette hypothèse mais s'efforçait en même temps de la rejeter. Je ne voulais pas y croire. J'étais terrifié… les remèdes étaient de moins en moins efficaces, et les crises de plus en plus fréquentes… comme à chaque fois, je restai avec cette peur au ventre au chevet de Kina, espérant que ma présence l'aiderait à se réveiller. En deux années de vie à la surface, nous avions accompli bien plus que nous ne l'avions espéré, et sans l'aide des habitants de Suhltemi, cela n'eût sans doute pas été possible… mais il restait énormément de chemin à faire pour contrer la haine des Sarunin qui gangrénait l'Union. Keirin s'était faite connaître lentement mais sûrement dans la Région de Gokumu, tout en parvenant à agir discrètement ; mais nous étions encore trop peu nombreux pour agir plus loin. Le temps pressait, et Rivina montait rapidement en puissance, elle. Ça n'était pas si étonnant : soumettre les humains par la force était pour nombre de mes congénères une idée bien plus séduisante que s'acharner à changer leur mentalité. Pour la simple raison que les Sarunin en avaient assez d'attendre. Et en un sens, je ne pouvais pas leur en vouloir. Cet homme leur avait offert l'occasion de prendre leur revanche sans tarder, et beaucoup avaient sauté dans le piège à pieds joints… j'en avais été un témoin direct…

Le professeur Gando observait Kina, perplexe, en prenant des notes comme à l'accoutumée… je n'aimais pas cet homme. Par un heureux hasard, le plus grand expert sur la maladie de Kina travaillait dans une ville à quelques kilomètres du village, mais son attitude… m'écœurait…? Oui, c'était le mot. Il ne haïssait pas les Sarunin mais son intérêt pour eux semblait se limiter aux « données expérimentales » qu'ils lui procuraient. On n'était que de fascinants cobayes à ses yeux… Kina ne bronchait pas mais je voyais bien qu'elle avait la même impression. Sentant peut-être mon regard circonspect sur lui, il détourna un instant les yeux de ses notes.

« Quelque chose ne va pas, jeune homme ? »

Je continuai à le regarder un moment, le rendant semblait-il un peu nerveux.

« Rien. Mais que ce soit bien clair : j'ai pas du tout confiance en toi.

−Il le faudra bien… répondit-il en déglutissant. Il y a quatre ans le Commandant Kalza avait ordonné qu'on protège cette fille si on la trouvait aux côtés d'un Sarunin maniant une épée ; mais aujourd'hui, vue la situation actuelle cet ordre n'a plus lieu d'être. Je ne peux pas laisser un suj… un patient aussi important se faire tuer par les Chasseurs ! Je ne vous dénoncerai pas…

−Mais si ma sœur n'était pas un « sujet aussi important », tu l'aurais déjà fait, pas vrai ? », conclus-je, le faisant reculer craintivement.

Pendant un instant, mes pensées s'attardèrent sur ce Commandant Kalza… c'était la première fois que Gando le mentionnait clairement. Ce type avait beau être Commandant, les gens en parlaient très peu et semblaient ne pas savoir grand chose sur lui… je n'avais jamais vu de photo de lui dans les journaux ou à la télé, comme si il se tenait éloigné de ce que les humains appelaient les « médias »… pourquoi s'était-il intéressé à Kyôjô et Kina ? Peut-être qu'il les avait observés de loin et avait été intrigué par eux ? Parfois j'avais vraiment l'impression que… non, c'était absurde. Je ne devais pas me laisser perturber par des fantasmes ridicules, il y avait trop de choses à faire. Trop de choses…

« Quatre mois… lança soudain Gando.

−… Pardon ?

−Trois ou quatre mois… c'est le temps qu'il me reste pour réussir. En étant optimiste.

−De… de quoi… tu parles au juste…? »

Il se tourna vers moi le visage grave, mais hésita à aller dans le détail, comme par peur de ma réaction…

« Votre sœur n'a plus que quatre mois à vivre. Voilà ce que veux dire. »

J'avais mal entendu… j'avais forcément mal entendu ! Ou il me faisait une mauvaise blague. Il ne pouvait pas lui rester aussi peu de temps ! Sans m'en rendre compte je bondis de ma chaise et l'attrapai par le col. Il tremblait de tous ses membres, et moi aussi… ça ne pouvait être qu'un mensonge !

« Te fous pas de moi, Gando ! Tu as dû te tromper dans tes calculs où je ne sais quoi !

−Je… je je… je ne pense pas… les… les remèdes partiels sont de moins en moins efficaces et… et il me faudra du temps pour analyser toutes les données…

−Alors accélère la cadence !

−Ça n'est pas si simple ! »

Son hurlement fut soudain et me frappa comme un marteau, mais me fit à peine reprendre mon calme…

« Il… il faut voir la vérité en face… même si par miracle j'arrivais à mettre au point un remède définitif d'ici trois mois, il est sans doute déjà trop tard pour elle… la maladie est à un stade bien trop avancé…

−Déjà trop tard… répétai-je inconsciemment. Tu veux dire… que tout ça n'aura servi… à rien…?

−Je… je ne dirais pas ça. Mon intervention a permis de retarder un peu l'échéance… et grâce à elle j'ai plus d'élément que je n'aurais jamais pu en espérer pour guérir cette maladie… on peut dire que Kina a indirectement sauvé des enfants humains à venir. »

Que d'excuses… qu'est-ce que ça pouvait faire ? Notre entreprise n'en était encore qu'à sa construction, ça ne pouvait pas s'arrêter comme ça… elle ne pouvait pas m'abandonner… je finis par lâcher Gando et arrivai à peine à retenir des larmes de perler en m'effondrant sur ma chaise… Kina allait bientôt…

« Qu… qu'est-ce que je dois lui dire…?

−La vérité… en tant que médecin, j'ai déjà été confronté à ce genre de situation. La mort est moins douloureuse lorsqu'on y est préparé… alors… mieux vaut ne rien lui cacher. »

Pour la première fois, j'avais ressenti un semblant de compassion dans sa voix… pour la première fois, il avait parlé de Kina comme d'une personne. Il ne mentait pas. Et il me laissa seul avec mes pensées tortionnaires en quittant la pièce…





Elle souriait. Comme toujours. La nouvelle semblait à peine l'avoir effleurée. Elle n'était même pas surprise…

« Grande Sœur, je…

−Ça ira, Jin. Je m'en doutais un peu, je suis la mieux placée pour le savoir après tout. Et alors ? ricana-t-elle. Je dois me donner à fond pendant le temps qu'il me reste, voilà tout ! Comme ça je partirai sans regrets… et je t'interdis d'être triste ! Ici, on fête les défunts, on ne les pleure pas ! » finit-elle d'un doigt faussement réprobateur.

Décidément, je ne la connaissais pas autant que je le croyais… elle parlait de son destin funeste comme d'un banal sujet de conversation… comment avais-je pu croire que ça allait l'ébranler ? Elle était forte, trop forte pour moi… me rendant compte que c'était finalement moi qui avait le plus peur, je me sentis un peu ridicule, mais… c'était elle qui avait eu l'idée de Keirin, j'ignorais si j'allais être digne de diriger le groupe quand elle ne serait plus là. Quand elle ne serait plus là… Rien à faire, j'étais terrifié !

« N'y pense plus, Jin… même si je meurs, ça ne sera pas la fin. Le chemin est encore long.

−Elle a raison, petit, faut pas se laisser abattre ! »

Je ne l'avais pas senti arriver… Elkehm, la fille des doyens. Ronde, la cinquantaine, toujours l'air enthousiaste, « ne pas se laisser abattre » semblait être sa phrase favorite. Elle était surtout un des premiers membres de Keirin, et foisonnait d'idées pour faire passer nos messages. On lui devait notamment la création d'un journal satirique clandestin − curieusement appelée « le Chaînon Manquant » − et pas mal de dessins sur des tracts…

« Pour notre petite virée en ville de cette après-midi, j'ai demandé aux gars de se presser un peu pour finir le numéro de cette semaine. lança-t-elle en posant un carton sur une table. Dites-moi un peu ce que vous en pensez ! »

Elle lança un exemplaire à Kina, qui à la lecture de la première page éclata de rire sans tarder en toussant. Il était vrai qu'Elkehm avait un style particulièrement incisif, elle savait toujours trouver la formule qui faisait mouche… très franchement, utiliser l'humour comme arme contestataire était une chose qui ne nous aurait jamais traversé l'esprit ; forcément, notre vie sous terre n'était pas ce qu'il y avait de plus gai.

« Ha ha ha ! Un balai-brosse… n'importe quoi…

−Contente que ça te plaise, ma belle ! Par contre on va avoir du mal à le distribuer à la ville de Kennan : ils pensent que leur planque a été repérée, ils ont dû déménager.

−Je vois… répondis-je. Le tunnel vers Sino avance ?

−Comme sur des roulettes. Enfin, pour l'instant, c'est le passage sous la frontière qui va être le plus compliqué.

−Cette fermeture des frontière est vraiment chiante… je me demande vraiment si on ne pourrait pas…

−Jin ! pesta soudain Kina. Tu sais très bien qu'on ne peut pas faire ça ! Même si c'est sûr que ça faciliterait les choses d'avoir des contacts à Sino, ou même Pikie…

−Hm ? Vous pouvez pas faire quoi ? »

Utiliser les réseaux de tunnels d'Arata, dont les entrées étaient si bien cachées qu'un siècle de Chasse n'avait pas permis de les découvrir… mais Kina avait raison : il nous était absolument interdit d'y faire entrer des humains, ou même de leur en parler. Le risque de fuite était bien trop grand, et de toute façon les autres Sarunin ne le permettraient jamais. Ça n'était définitivement pas une bonne idée…

« Euh… Elkehm… balbutia Kina. Puisqu'on va en ville, je pourrais mettre des vêtements plus… euh… confortables ?

−Toutes les femmes d'ici portent la Qimma, c'est nécessaire pour être reconnue comme membre du village. Tu es bien la seule à ne pas t'y être habituée en deux ans ! Regarde ton frère, il n'a aucun mal à porter la Nelma ! »

Moui… si on voulait… il faisait atrocement chaud dans ce truc…

« Mais je ne peux pas marcher avec ça… si au moins Lusah nous apprenait à voler…

−Laissez-le tranquille, vous devriez déjà le remercier d'avoir bien voulu vous apprendre à dissimuler votre aura. »


Le trajet vers la ville voisine se fit sans accroc, comme d'habitude. L'entrée était plus compliquée, des gardes fouillant tous les arrivants. Les capsules avaient comme inconvénient − comme avantage pour nous − d'être très faciles à cacher. Et les Qimma de mettre en valeur les formes féminines, ce qui rendait la fouille quelque peu embarrassante pour les Chasseurs.

« Bon… dit l'un d'eux en rougissant légèrement tandis qu'il déployait les capsules que nous lui donnions. Qu'avons-nous là…

−Oh, c'est juste quelques vieilles bricoles qu'on allait troquer en ville. Mais allez-y, vous pouvez regarder…

−Hum… je ne vois rien de suspect. Vous êtes de Suhltemi je me trompe ? Bien, circulez… et au passage… vous êtes ravissantes dans ces robes mesdemoiselles…

−Héhé ! Elles sont faites pour ça ! Bonne journée à vous ! »

La bonne humeur apparente d'Elkehm face aux Chasseurs, pour qui elle avait le plus sincère mépris, avait de quoi désarmer… Kina répondit au compliment d'un sourire embarrassé et nous pûmes nous séparer une fois dans le centre ville. Je me dirigeai de mon côté vers un bar tenu par un type qui nous soutenait en secret. Une sorte d'indicateur. Sa bonhommie et ses bonnes relations avec ses clients le rendaient plus ou moins insoupçonnable, même si évidemment on évitait de trop lui en dire sur nous…

« Oh ! Si c'est pas le p'tit Jin… toujours à porter ce machin sur le dos, pourquoi tu t'habillerais pas plus léger ?

−Elkehm m'arracherait les yeux… le patron est là ?

−Ah… euh… non, pas aujourd'hui… il a pris quelques vacances… répondit-il en baissant les yeux. Dis-moi plutôt, ta sœur canon est pas venue avec toi cette fois ?

−Can… elle s'appelle Kina ! Et puis qu'est-ce que ça peut te faire ? fis-je un peu irrité. Bon, si le vieux est pas là, je repasserai plus tard… »

Je scrutai un instant autour de moi… aucun Chasseur ne se trouvait dans le bar, mais je sentais une atmosphère inhabituellement austère dans les environs… les auras des Chasseurs sillonnant la ville semblaient plus nombreuses et plus imposantes… peut-être n'étais-je pas encore assez habitué à les sentir ?

« Dis… il y a plus de Chasseurs que d'habitude aujourd'hui, non ?

−Ah… tu trouves… peut-être… »

Comme lorsque j'avais mentionné son patron, il avait soudainement perdu sa bonne humeur… et une goutte de sueur avait perlé sur sa tempe.

« Il s'est passé quelque chose ici ?

−Je… pourquoi tu me demandes ça à moi ?! J'en sais rien ! Si t'as rien d'autre à faire, bonne journée. »

Maintenant que j'y pensais… tout le monde en ville semblait arborer une mine des mauvais jours, et le serveur semblait mort de peur… à peine fus-je sorti du bar que le téléphone qui me permettait de rester en contact avec Kina et Elkehm sonna.

« Jin ? Tu l'as senti aussi ?

−Ouais… j'espère qu'on a pas été découverts, dis ?

−Je ne pense pas que ce soit ça, non… j'ai croisé des Chasseurs, ils avaient l'air tendus mais surtout…

−Surtout ?

−Ils avaient l'air très puissants, ça n'est pas habituel dans une petite ville comme celle-ci. Apparemment il y a des rumeurs de disparitions ces derniers jours, tout le monde à peur…

−Des disparitions… c'était donc ça. C'est Rivina, tu crois ?

−Il y a des chances, malheureusement… j'ai déjà prévenu Elkehm, on ne devrait pas s'attarder plus longtemps ici. On se retrouve à l'entrée.

−Je te suis… tu as quand même pu en «distribuer» quelques uns ?

−Euh… non, je n'ai pas vraiment eu le temps. Mais peu importe, à tout-à-l'heure… »

Elle avait elle aussi l'air tendu, mais pour une autre raison… mais qu'est-ce qui se passait à la fin ?



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Re: Kuroki (DBZ… plus ou moins)

Messagepar RMR le Ven Nov 12, 2010 3:09

Cool ! J'ai hâte de lire, ça, j'ai toujours énormément de plaisir à lire cette fic !
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Re: Kuroki (DBZ… plus ou moins)

Messagepar Le Chauve le Sam Nov 13, 2010 19:28

Mh... disons que dans un premier temps ils se sont mélangés avec les humains (forcément, avec 2 Saiyens au départ c'est un peu juste...), c'est quand ils commencé à être ostracisés qu'ils sont de plus en plus restés entre eux. Mais il y a aussi des humains qui ont des ancêtres Sarunin sans le savoir, et les caractères Sarunin peuvent ressurgir après plusieurs générations. Mais dans Kuroki le monde d'avant la grande guerre ("l'Ancien Monde") est assez mal connu, de nombreuses archives ayant été détruites. C'est en partie pour ça (outre les raisons idéologiques) que les enfants à queue sont considérés comme des "accidents génétiques" : parfois c'est une relation directe entre une humaine et un Sarunin mais parfois c'est simplement une ascendance lointaine insoupçonnée qui ressurgit.

Après sur le chiffre de plusieurs millions j'ai peut-être vu un peu grand... je ne sais pas si une population peut autant prospérer à partir de quelques individus en "seulement" 1000 ans, surtout quand une politique active d'extermination est menée à son encontre dans le dernier siècle... certes vous me direz, dans la Bible Adam et Eve peuplent la terre à eux deux en quelques années :mrgreen:



Chapitre 18
Résurrection
生変
Seconde partie


5 mai 1789 − QG de Rivina, frontière de Sino


Nos regards se croisèrent. Nous nous scrutâmes. Nous nous reconnûmes. La seconde d'après, comme un réflexe, nous nous élancions l'un à l'encontre de l'autre. Poing contre poing. Le contact produisit une légère onde de choc, sous le regard sans doute médusé de Koyan et Derisya, dont le chien se mit à grogner.

« Oh… vous vous connaissez à ce que je vois ?

−Koyan, arrête-les au lieu de les regarder !

−Ça va, ils se disent juste bonjour… »

Sans prêter attention à ce que disaient les deux autres, je fixai mon adversaire avec un sentiment de colère, mais surtout d'incompréhension…

« Toi… t'es le gamin de la dernière fois !

−Qu'est-ce qu'un faiblard comme toi peut bien foutre ici ?

−Je peux te poser la même question… pour quelqu'un qui haie les Sarunin, tu as de drôles de fréquentations !

−Ça me regarde, et c'est pas à toi que j'ai affaire, dégage de là ! »

Nos poings se séparèrent, et en reculant, instinctivement j'agrippai le manche de mon épée… avant qu'une main saisisse mon poignet.

« Holà, m'interpela la voix profonde de Koyan, c'est un peu exagéré pour un simple bonjour, tu ne crois pas ? »

Sans qu'il dise un mot de plus, son regard m'indiqua clairement ce qu'il me signifiait : « arrête ça tout de suite si tu tiens à rester parmi nous ». Je me retournai vers le gamin, dont le regard était toujours braqué sur moi, malgré sa dernière phrase… mais ce n'était pas le regard arrogant et dédaigneux qu'il avait arboré lors de notre précédent combat : il semblait plein… de méfiance. Il posa ensuite un instant le même regard interrogateur sur Derisya. Puis sur Koyan.

« Si ce n'est pas à Kyôjô que tu as affaire, gamin, je suppose que c'est à moi ? On m'appelle Koyan, tu vas peut-être nous dire comment toi, tu t'appelles ? »

Il sembla hésiter, avant de prendre confiance et de quitter le seuil de l'entrée pour s'avancer vers le chef de Rivina.

« Hevi. C'est le nom que mes parents m'ont donné.

−Original comme façon de se présenter… mais dis-moi, Hevi, comment tu nous as trouvés, sans que je ne m'aperçoives de rien ?

−Ça… il y a quelques semaines, je suis tombé sur un de vos membres qui m'a parlé de l'organisation et d'une base à Kukai. Au début ça m'emballait pas vraiment, mais… j'ai fini par me décider, et j'ai voyagé jusqu'ici. Une fois ici j'ai cherché une aura de Sarunin et j'ai fini par en trouver une. J'ai un peu amplifié mon aura, le type du guichet a réagi et quand je lui ai parlé en Sarunin il m'a dit où aller.

−Tu tu fous de nous ?! m'emportai-je. Pourquoi un humain comme toi aurait…

−Kyôjô. dit posément Derisya. Tu n'as toujours pas compris ? Ce gamin est comme Koyan…

−En effet… Derisya, va présenter d'autres membres à Kyôjô si tu veux mais… laissez-nous seuls. Cet enfant et moi avons des choses à nous dire…

−Mais enfin…

−Kyôjô, tu as entendu ce que le chef a dit. On détaillera ton cas quand ils auront fini, suis-moi. »

Je renonçai à protester et quittai la pièce, mais n'en pensai pas moins… qu'est-ce que ce gamin pouvait bien chercher en rejoignant des rebelles Sarunin ?

« Derisya, ce Hevi ne m'inspire vraiment pas confiance.

−Je vois ça. répondit-il en s'asseyant sur un des bancs de la salle principale. C'est vrai que ça surprend toujours de voir un Sarunin sans queue.

−Il n'y a pas que ça ! Je me suis battu contre lui avant de rencontrer Vaki, à Dumia. Il a peut-être un nom Sarunin et une force de Sarunin et il parle peut-être notre langue… mais il n'avait clairement aucune sympathie pour notre cause la dernière fois que je l'ai vu.

−Ça n'est pas si étonnant… les mères de Sarunin comme lui sont généralement soupçonnées de trahisons et bannies d'Arata pour peu que leur communauté ait des règles strictes. Ça n'a pas dû être facile pour lui.

−Mais alors pourquoi nous rejoindre si il en veut aux Sarunin ?

−Qui sait ? Il en veut peut-être encore plus aux humains. Quoi qu'il en soit il a sans doute ses raisons ; si le chef le juge digne de confiance, je ne vois pas d'objection à l'accueillir. Si il trouve une famille ici, son ressentiment envers ses congénères s'atténuera… peut-être que c'est ce qu'il cherche. Au fait, tu me dis que tu t'es battu contre lui ? Qui a gagné ? »




12 avril 1793 – Olomo, En


Qui avait gagné…? J'avais eu beau essayer de me le rappeler durant ces quatre années, le dernier souvenir que j'avais de ce combat restait toujours le même : une pleine lune resplendissante, et un sentiment total de vide intérieur. Le matin suivant, Jin et Kina m'avaient retrouvé nu dans la neige, et mon adversaire avait disparu… il ne faisait aucun doute qu'il m'aurait tué cette nuit-là si il l'avait pu. Et après nos «retrouvailles» à Rivina, le peu de fois où nous nous rencontrions il était clair qu'il cherchait à m'éviter. À vrai dire Hevi était plutôt distant avec la plupart des membres, mais son détachement était particulièrement marqué à mon égard. J'avais beau être bien moins fort que lui, j'avais la dérangeante impression… qu'il avait peur de moi. Je me faisais sans doute des idées.

En attendant, moi et le reste de l'équipe nous tenions sur le toit de l'École depuis plusieurs minutes, surplombant la ville d'Olomo et les humains qui ne savaient pas encore tous ce qui se passait. Notre victoire avait été plus rapide que prévu, mais Dare avait apparemment été tué. Shiren était folle de rage envers Hevi, qui avait semble-t-il laissé son coéquipier seul au beau milieu de la bataille au lieu de couvrir ses arrières. Elle était folle de rage, mais lui restait impassible, distant comme à son habitude. Je m'aperçus à ce moment que ma méfiance à son égard n'avait pas disparu le moins du monde depuis quatre ans… le seul membre duquel il était vraiment proche, c'était Koyan. Il n'hésitait pas à le défendre dès que quiconque se risquait à émettre la moindre critique à son égard, et ce dernier était clairement plus indulgent avec lui qu'avec quiconque.

« Ha ha ! Regarde-moi tous ces humains, ils seront bientôt à notre botte ! exulta Nefari.

−Du calme, cette ville n'est qu'un début. On est encore loin d'avoir gagné.

−Oh, ça va, monsieur le rabat-joie ! Franchement, qui aurait cru qu'on mettrait une grande École à genoux aussi facilement ? »

Elle n'avait que 15 ans, je ne pouvais pas lui en vouloir de se réjouir ainsi. Mais l'expérience m'avait appris qu'on n'était jamais à l'abri d'une mauvaise surprise qui effacerait notre joie d'un violent revers de main…

« Nefari…

−… oui ? Qu'est-ce qu'y a ?

−Pourquoi as-tu rejoint Rivina ?

−Hein ? Je te l'ai déjà expliqué quand je suis devenue ton élève, non ? Mes parents me parlaient toujours des choses horribles que les humains faisaient aux Sarunin, et parfois j'entendais des conversations entre Chasseurs… quand on a rencontré un informateur, mes parents voulaient pas, mais je suis partie seule, pour devenir plus forte et pouvoir enfin leur résister ! finit-elle malgré elle avec son enthousiasme caractéristique.

−Oui… moi je veux montrer aux miens un autre monde que ces interminables tunnels souterrains. Et aussi prouver à une certaine personne qu'elle se trompe. Tous les membres de l'organisation ont une bonne raison d'en faire partie. Mais lui… poursuivis-je le regard fixé sur Hevi. Je n'ai toujours pas compris quelle était sa raison.

−Lui ? Tu parles de Hevi ? J'ai jamais vraiment discuté avec lui, donc j'en sais rien non plus…

−Nefari, je ne devrais peut-être pas dire ça mais… méfie-toi de lui. »

Elle le fixa quelques instants avant de se tourner vers moi, la mine dubitative.

« Je le déteste pas particulièrement mais… si tu le dis… »

Elle sursauta en hurlant lorsque Koyan apparut enfin sur le toit. De nulle-part, comme toujours. Moi-même il m'avait fallu le voir un certain nombre de fois pour m'y habituer… Comme toujours il salua nonchalamment les membres et comme toujours scruta chacun d'entre eux, en s'attardant sur Hevi. Mais son regard envers son protégé était cette fois moins indulgent qu'à l'accoutumée. Avoir laissé un compagnon se battre seul et finalement se faire tuer n'était pas une faute facilement pardonnable, même pour lui. Mais il n'eut pas le temps de le sermonner, Derisya s'avançant vers lui, parlant à voix basse…

« Koyan… tu vas vraiment tout leur dire ?

−Exact. répondit-t-il, à haute voix. À eux et au reste du monde. Ça ne sert plus à rien de le cacher maintenant. Et puis, je pense que certains ont déjà compris… »

… De quoi parlaient-ils ? Tout le monde avait entendu, et tous nos regards étaient désormais braqués sur le fondateur et dirigeant de Rivina, qui s'avançait vers un micro sur le rebord du toit. L'homme qui nous avait redonné espoir et nous avait permis d'accroître notre force… nous cachait quelque chose ? Un silence pesant tomba sur le toit, mais plus étrange, en bas, des humains semblaient choqués, abasourdis en le fixant. Quelle qu'en fût la raison, l'apparition de Koyan était de toute évidence une très mauvaise surprise pour eux. Que cela signifiait-il ?

« Mera u merae ðens, miqem ómain ehowe. Yokebðanairon… »




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12 avril 1793 – QG de Son Goku, Gokumu


Trois heures de l'après-midi. Je rêvais déjà qu'on soit le soir. La saison sèche était particulièrement dure à supporter cette année, même pour moi… c'était bien la première fois que je regrettais d'avoir installé le QG dans la Forêt de la Nuit Éternelle. Une foutue migraine, une pénurie de café dans l'École, une recrudescence de disparitions dans la région et une inhabituelle montagne de paperasse : tout annonçait une fin de journée pourrie. La bonne nouvelle − ou la moins mauvaise en tout cas − c'était la légère baisse d'activité de Rivina au cours du mois écoulé. Ça n'était pas rassurant pour autant. Je regardais à peine la paperasse suscitée, mais prêtais attention à quelques lettres par intermittence. Une demande de permission pour malaises répétés dus à la chaleur ; la sixième depuis hier. Une demande d'enquête sur les activités du Président de Gokumu par un collectif de citoyens ; comme si on n'était pas déjà dessus. Une lettre d'une admiratrice… une admiratrice… ça devait être pour quelqu'un d'autre. Tout ça me prenait la tête. Je décidai de sortir de mes appartements, sans avoir de destination précise. Arrivé dans la salle commune, où était installé un grand écran de télévision, je constatai un attroupement étrange accompagné d'un silence de mort.

Tous avaient les yeux rivés sur l'écran. La caméra filmait un large toit en vue aérienne avec plusieurs personnes dessus… c'était peut-être une nouvelle série ; je ne suivais pas trop ce genre de trucs. Mais quelque chose clochait. Je reconnaissais ce bâtiment et cette ville… la voix du commentateur était paniquée, et les images étaient manifestement diffusées en direct… la caméra fit un zoom sur le toit… ces types qu'on voyait, c'étaient…

« Commandant, vous êtes là ? me fit un Chasseur. Vous avez vu ça ?! Personne n'y comprend rien !

−Vu quoi ? C'est quoi ces Sarunin ?

−Mesdames et messieurs, si vous nous rejoignez, nous vous informons que l'École d'Olomo a été attaquée par un groupe de Sarunin, et est semble-t-il tombée entre leurs mains ! Je répète…

−Qu… c'est un canular, c'est ça ?

−Apparemment non, Commandant ! Un ami qui est là-bas me l'a confirmé ! »

Impossible… il y avait à peine une dizaine de Sarunin sur le toit, ils ne pouvaient pas déjà être aussi puissants ! D'ailleurs… l'un d'eux ne m'était pas inconnu… ces longs cheveux gris et cette épée… je croyais que Kalza s'en était était occupé personnellement ? Certes il ne m'avait jamais dit clairement qu'il l'avait tué mais de là à le laisser s'échapper… qu'est-ce qu'il avait foutu ?

« A… attendez ! Un homme est apparu de nulle-part au milieu des Sarunin ! Qu'est-ce que ça signifie ?! Il n'a pas de queue, mais… un des Sarunin vient lui parler, il semble qu'ils l'attendaient… »

Le temps s'arrêta sans prévenir… beaucoup devaient sans doute croire à une coïncidence ou un sosie, mais pour moi il n'y avait aucun doute à avoir…

« L'homme s'avance vers le rebord du toit… ce visage… pourquoi est-ce que ce visage m'est familier ? »

Parce que tu le connais, voilà pourquoi !

« Co… Commandant… c'est qui ce type ?

−Tu vas pas tarder à le savoir…

−Un micro est installé sur le rebord du toit, apparemment il va faire une déclaration… on est un peu loin, là, la caméra 2 est prête ? Vite ! »[i]

La scène était désormais filmée depuis le toit d'un bâtiment voisin. Le nouveau plan ne faisait que rendre plus évident ce que la plupart des gens avaient désormais sûrement compris.

[i]« Chers humains et humaines, qu'il est bon de vous voir. Permettez-moi de me présenter… je m'appelle Koyan.

−Ah… il semble que l'homme s'exprime en Qakhlen… il nous faudrait un traducteur… il dit qu'il s'appelle Koyan, c'est ça ? »


En Qakhlen… il nous narguait… il marqua une longue pause en dissimulant à peine un rictus, avant de continuer.

« Ah, mais bien sûr, le monde m'a connu sous un autre nom…

−Qu'est… qu'est-ce qu'il dit, Commandant ? Je comprends rien…

−Tais-toi…

Jinei. »

Il mit fin à l'attente. Lentement, accentuant délibérément chaque syllabe, avec la théâtralité et l'assurance qui le caractérisaient. Traduction ou pas, cette fois tout le monde avait compris. Il ne s'agissait pas d'un simple imitateur, ni d'un mauvais acteur. Jinei était en vie, et l'annonçait à la face du monde. Même Tawava ne pouvait plus le nier à présent. Lyendith avait vu juste. Depuis le début…

« Jinei… Jinei, comme… comme le Commandant Jinei ? me demanda mon subordonné, perplexe.

−Lui-même…

−Mais… ce Jinei n'est pas censé être… »

Censé, oui… mais après avoir vu comment il était apparu sur ce toit, je commençais à comprendre un peu mieux comment il avait disparu. J'ignorais quand ou comment il avait développé cette technique, mais si cet enfoiré pouvait vraiment se téléporter, il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'on eût fait choux blanc à la frontière quatre ans auparavant…

« Je me doute que vous êtes surpris, voire choqués de revoir le traître exécuté revenir d'outre-tombe, à la tête d'une armée de Sarunin, qui attaque vos villes les unes après les autres. « Pourquoi aide-t-il ces monstres ? N'était-il pas censé nous protéger de leur menace ? » C'est sûrement ce que vous vous dites en ce moment. La réponse est simple : j'ai simplement compris où était ma vraie place. Où était ma vraie famille. Et je ferai payer à l'Union toutes les souffrances qu'elle lui a infligées ! »

Il était gonflé ! Combien de Sarunin avait-il exécuté lui-même ! Et d'abord, qu'est-ce qu'il voulait dire par « ma vraie famille » ?

« Cependant, chers citoyens, ne croyez surtout pas que j'ai agi dans le secret le plus total… vos bien-aimés Commandants, certains Présidents de l'époque et même votre Roi : tous savaient que j'étais en vie quelque part, mais ils ont… omis de vous en informer. »

Voilà qu'il arrangeait l'histoire à sa sauce maintenant ! Si ces abrutis de Présidents ne nous avaient pas caché la vérité on n'en serait jamais arrivé là !

« Ils vous ont délibérément caché la vérité pour protéger leur minable réputation… voilà le vrai visage de ces gens en qui vous avez toute confiance ! Alors réfléchissez… nous vous laissons une dernière chance d'ouvrir les yeux et de renier l'Union. Ce que vous venez de voir n'est qu'un infime aperçu de notre puissance réelle. Si vous vous obstinez à suivre vos dirigeants génocidaires, vous serez éliminés. C'est aussi simple que ça. »

Il avait complètement perdu la tête… ça ne pouvait pas être le Jinei que j'avais connu…

« Cela commence par cette ville ! Dès aujourd'hui, elle est sous notre contrôle, personne n'y entrera ni n'en sortira sans notre autorisation. Des Sarunin sont déjà postés à ses entrées. Que ceux qui souhaitent vivre se rendent à l'École dans un délai d'une semaine, nous leur expliquerons quoi faire. Ceux qui ne s'y seront pas rendus dans ce délai seront exécutés. Si vous souhaitez résister et lutter contre l'occupant, aucun problème, nous vous offrirons gracieusement une mort honorable. Ce sera tout pour aujourd'hui. Oh et bien sûr, si l'armée veut venir libérer la ville… elle est la bienvenue ! »

Il s'en retourna nonchalamment, ne laissant qu'une assistance médusée. Il n'avait pas besoin d'en dire plus : son rictus en disait suffisamment long… les habitants d'Olomo étaient désormais ses otages. Il n'y avait plus une minute à perdre, je devais contacter les autres ! Retournant en urgence à mon bureau, je m'empressai de téléphoner à Lyendith, qui décrocha dans la foulée…

« Pour la énième fois ! Non, je ne suis pas le père de…

−Ah merde, j'avais oublié… Dolann, passe-moi Lyendith, tu veux ?

−Hein…? Commandant Junkoku ? Vous savez bien que le Commandant Lyendith est enceinte, c'est moi qui suis en charge en attendant.

−C'est à elle que je dois parler, c'est urgent !

−Désolé… je l'ai vue près du dépôt d'armes ce matin, mais depuis elle est introuvable.

−Comment ça, introuvable ?

−Je ne sens même pas son aura, qui est pourtant difficile à rater d'habitude. Elle a besoin d'être tranquille à mon avis.

−Comme si c'était le moment… bref, regarde les infos sur n'importe quelle chaîne, j'ai pas le temps de t'expliquer.

−Hein ? Comment ç… »

Je raccrochai sans attendre sa réponse. Lyendith, disparue, il manquait plus que ça… Kalza en revanche décrocha en personne. Mais là aussi quelque chose ne tournait pas rond.

« Junkoku… c'est toi ?

−Qui d'autre ? Tu as vu ce qui se passe ?

−Oui… c'est inquiétant… répondit-il d'une voix amorphe.

−Ces salopards contrôlent la ville, on peut pas se lancer sans réfléchir.

−Hm… ils pourraient exécuter beaucoup d'habitants c'est vrai…

−Et avec ça Lyendith s'est volatilisée, ça lui prend tout d'un coup…

−Tout d'un coup, hein ? C'est… surprenant… »

Il n'avait pourtant pas l'air surpris le moins du monde…

« Euh… tu vas bien, t'es sûr ? T'as pas l'air en forme…

−Je ne vois pas de quoi tu parles. répliqua-t-il en se reprenant quelque peu. Bon, on va contacter le Roi, je pense qu'il ne peut plus le nier maintenant. L'ennemi étant ce qu'il est, tu es le plus qualifié pour le combattre à mon avis. Mais il va d'abord falloir le faire sortir de la ville…

−Un sale boulot pour moi c'est sûr… dis-je en riant jaune. Marina devrait pouvoir s'infiltrer dans la ville, mais elle est déjà occupée par une autre affaire, je vais devoir la rappeler… et toi, tu compte aller là-bas aussi ? »

Un silence fit d'abord office de réponse…

« Il serait dangereux d'y déplacer deux Commandants, je préfère rester dans mon secteur autant que possible.

−Hum… ça aurait pas plutôt à voir avec ta précieuse proie d'il y a quatre ans ?

−…

−Qu'est-ce qui s'est passé avec ce Sarunin à la fin ? Tu m'avais dit que tu t'en étais occupé, alors qu'est-ce qu'il fout avec Jinei ?

−Il s'est de nouveau enfui, c'est tout.

−C'est tout ce que t'as à di… »

Il avait déjà raccroché. Je m'étais douté que la journée serait pourrie, j'étais servi… en plus des tuiles qui s'accumulaient, j'avais de plus en plus l'écœurante impression d'être la dernière personne raisonnable à la tête de cette armée…


__________________________________________________________




12 avril 1793. Olomo.


Il descendit du rebord un sourire fixé aux lèvres, remettant ses lunettes noires et passant devant ses fidèles soldats, devant Hevi, son protégé, et devant moi, son bras droit, sans prononcer un mot et sans nous adresser un regard. Fier de son effet. Il continua sa marche solitaire triomphante et s'assit en tailleur au centre du vaste toit de l'École, comme pour attendre notre décision et s'y préparer. Cette théâtralité, je commençais à la connaître chez lui. On ne pouvait pas dire qu'il ne laissait rien au hasard… au contraire : il prenait toujours soin de laisser une part d'incertitude dans ses plans. Et de laisser la chance choisir son camp. Peut-être le faisait-il par jeu, ou par religion, ou peut-être était-ce sa façon de forcer le destin… Toujours était-il que, hors-mis l'incident de Kukai quatre ans auparavant et quelques attaques repoussées, la chance ne nous avait que rarement fait défaut.

En attendant, je n'étais désormais plus le seul à savoir. Hevi et Shiren avaient compris mais leur réaction contrastait : lui resta stoïque, apparemment peu surpris, tandis qu'elle fixait un point invisible, la bouche ouverte, visiblement désorientée. Et les autres ne tarderaient pas. Koyan croyait donc à ce point en la confiance de ses membres pour leur révéler une telle vérité ? Certes, ils auraient fini par le savoir tôt ou tard, mais…

« Derisya ! m'interpela Nefari. Tu sais ce qu'il a dit, le chef ? J'ai rien pipé… »

Je me tournai vers lui, et il me fit un signe de la tête. Je savais ce qu'il me restait à faire.

« Je sais ce qu'il a dit, oui. soupirai-je. Écoutez-moi tous. Comme vous le savez, je suis le premier a avoir suivi Koyan, le premier à qui il a fait part de son projet. Je suis aussi le seul à connaître certains de ses secrets. Ce que je vais vous révéler va peut-être vous dérouter, ou même vous décevoir. Mais il ne sert plus à rien de vous le cacher. »

La tension était palpable dans l'assistance. Et je n'y échappais pas. Je me résolus à poursuivre après avoir inspiré à fond et dégluti un grand coup. Je ne pouvais plus reculer.

« Lorsque vous avez rejoint l'organisation, j'ai dit à chacun de vous que Koyan était un Sarunin né sans queue, qui avait réussi à s'approprier les techniques de combat des Chasseurs en espionnant leurs entraînements. C'est en partie vrai…

−Comment ça, «en partie» ? m'interrompit Nefari. C'est vrai ou c'est pas vrai ?

−C'est… pour commencer, Koyan n'est pas son véritable nom. Les humains le connaissent sous le nom de Jinei.

−Hein ? tiqua-t-elle. Les humains… le connaissent ?

−Jinei… poursuivit Kyôjô. J'ai déjà entendu ce nom quand j'étais à Arata…

−Si vous avez toujours pas compris je peux vous le dire : Jinei, c'est le nom de l'ancien Commandant de l'École Son Gohan, qui a été officiellement exécuté pour trahison. »

Hevi s'était donc chargé de m'enlever ce fardeau… les regards des membres estomaqués oscillaient désormais entre les deux Sarunin sans queue, tous deux impassibles. Shiren sortit de sa léthargie et de ses gonds par la même occasion.

« Vous vous foutez de qui, là ?! Ce type est un humain, et un Chasseur en plus ?! J'ai entendu ce qu'il a dit tout-à-l'heure, mais je peux pas croire qu'il ait juste retourné sa veste !

−Et qu'en déduis-tu ? intervint cette fois Koyan.

−J'en déduis qu'on peut plus te faire confiance ! Qui nous dit que tout ça ne fait pas partie d'un plan de l'Union ?! Et d'ailleurs, ajouta-t-elle en se tournant brusquement vers Hevi, qui nous dit que lui aussi n'est pas pas dans le coup ? Il n'a pas de queue, il est tout le temps dans les jupes de Koy… de Jinei… et il a laissé l'un des nôtres se faire tuer ! »

Évidemment… la suspicion devenait inévitable. Plus inattendu, c'est peu après sur moi que son regard furieux se posa.

« Et c'est pareil pour toi, Derisya ! Tu savais tout ça depuis le début, pourquoi on devrait continuer à te faire confiance ?

−Je… laisse-moi expliquer jusqu'au bout…

−Non ! Non, y a plus rien à expliquer ! Au fond je m'en fous de savoir si ce type est un humain, ou un Sarunin sans queue, ou je ne sais quoi, je sais juste qu'il a participé au massacre des nôtres ! Et cette pourriture a le culot de nous demander de le suivre, il n'essaie même plus de nous le cacher ! Je ne suivrai plus ses ordres !

−Alors pars. conclut le chef.

−Je… hein ?

−Je ne t'oblige pas à m'apprécier, ni même à me suivre, c'est à toi d'en décider. »

Les regards étaient de nouveau fixés sur lui. Shiren se calma en apparence, même si son aura restait instable.

« C'est aussi dans ce but que je vous fait cette révélation. Il est évident qu'aucun de vous ne m'aurait suivi si je vous avais dit tout ça dès le départ. Mais à présent que vous êtes devenus plus forts et que vous avez constaté par vous même de quoi cette organisation était capable, je peux vous le demander clairement : si vous pensez que tout cela est un piège et que vous ne pouvez plus me faire confiance, je ne vous retiens pas. Retournez à votre ancienne vie, parcourez le monde librement, ou créez votre propre organisation. Si en revanche vous pouvez me pardonner mes fautes passées et comprenez que mes intentions sont sincères, alors je vous demande de rester à mes côtés, pour bâtir un monde où nous serons enfin libres. »

Il baissa la tête et se tut, nous laissant à notre décision. J'étais peut-être le seul à vraiment le comprendre parmi nous, mais je ne doutais pas que la plupart des membres continueraient avec nous. Le silence fut cependant interrompu par un ricanement, qui bien vite se mua en éclat de rire.

« Alors comme ça la trahison peut aussi se faire dans l'autre sens, hein ? Je ne m'y attendais pas.

−Ky… Kyôjô…? m'interloquai-je. Qu'est-ce que tu racontes ?

−Hun hun… rien, un vieux souvenir d'enfance… »

Tout le monde s'interrogea sur l'instant, tant ce rire lui ressemblait peu… des rumeurs prétendaient que sa lame était possédée ; je commençais à me demander si il ne l'était pas aussi…

« Koyan ! poursuivit-il. Je ne peux pas te pardonner ce que tu as fait dans le passé, et que tu nous ait menti ne m'enchante pas non plus… mais une chose est sûre : moi et tout le monde ici avons une dette envers toi, et pour la première fois j'entrevois un espoir pour mon peuple. Je n'ai plus rien à perdre de toute façon, alors ma décision est claire : je continuerai à te suivre. »

Le silence ne dura pas : Nefari l'embraya d'un «moi aussi !» suivie de Kamo, Kanâ et Shiruka. Hevi acquiesça en silence. Restait…

« Et ça te fait rire, Kyôjô ? Vous allez vraiment tous continuer à suivre ce type ? »

Elle devait se rendre à l'évidence : elle était la seule à douter encore. Sa colère était de plus en plus difficile à dissimuler. Alors sans un mot de plus, elle s'éloigna du groupe à reculon. Puis décolla brutalement, s'arrêtant tout aussi brutalement au dessus de la ville. Son aura commença à s'amplifier anormalement… elle ne contrôlait plus sa colère… une lumière intense se forma dans le creux de ses main et se mit à grandir à vue d'œil… nous nous précipitâmes vers elle, comprenant soudain ce qu'elle s'apprêtait à faire !

« Allez vous faire foutre ! Je vais faire sauter cette ville et toutes ces saloperies d'humains avec ! »

Mais elle interrompit son geste la seconde d'après. L'homme qu'elle haïssait désormais se tenait devant elle, impassible. La lumière s'atténua… puis s'amplifia de nouveau, libérée dans un dans un hurlement de rage sous la forme d'un rayon d'une puissance inouïe, dirigé non pas sur la ville mais sur lui. Je n'étais même pas sûr de pouvoir encaisser une telle charge ! Mais cette vague d'énergie dans laquelle elle avait mis toute sa haine n'avait même pas effleuré sa cible.

« C'est donc ton choix… »

Entendant la voix de Jinei derrière elle, elle sursauta et tenta immédiatement de le frapper. Son aura était toujours instable, mais c'était à présent clairement la terreur qui se lisait sur son visage tandis qu'il agrippait fermement son poignet. Il se rapprocha lentement d'elle, semblant vouloir la serrer dans ses bras… mais elle savait qu'il n'en était rien…

« J'étais pourtant prêt à te laisser partir… mais tu as tenté de tuer un membre de l'organisation et de compromettre ses plans. Tu es donc une menace pour Rivina à présent. Tu connais la règle. »

Une détonation sourde et un nouveau faisceau lumineux. Celui-là ne rata pas sa cible. Certains d'entre nous détournèrent les yeux. La foule des humains massés en bas criait son incompréhension. Shiren tenta de se cramponner à Koyan, qui empoignait toujours son bras. Sa tête tomba sur l'épaule de son bourreau. Son aura s'éteint lentement. Le chef de Rivina redescendit sur le toit, suivi par nous tous, allongeant délicatement le corps de la renégate. La haine et le regret transparaissaient encore dans ses pupilles à travers leur voile opaque. Il ferma ses paupières. Je n'avais pas voulu ça. Personne n'avait voulu ça… était-ce aussi une partie de la « part d'imprévu » à laquelle Koyan tenait tant ? C'eût été cynique de ma part de le penser…

« Nous l'incinèrerons avec Dare. Elle s'est bien battue. »


La vérité se propagea rapidement dans le monde et chez les Sarunin. Dans les jours qui suivirent, sur les quelques cinq mille membres qui composaient à présent l'organisation, seule une centaine la quitta. J'assistais à l'ascension de notre organisation et mesurais le chemin parcouru depuis ma rencontre avec cet homme agonisant, apparu de nulle-part devant moi en me proposant son aide avant de s'évanouir. Son projet insensé portait ses fruits, petit à petit, succès après succès… il avait déjà imposé sa volonté dans cette guerre psychologique, les Sarunin se ralliant de plus en plus à lui et les humains doutant de plus en plus de l'Union. Pourtant la tournure que prendrait cet affrontement était difficile à prédire. J'étais un témoin privilégié, mais je savais pas encore de quoi…


à suivre…
Message tapé avec une disposition BÉPO

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Auteur de Kuroki, la fic garantie pas comme les autres.
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Le Chauve
 
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Re: Kuroki, un autre fic...

Messagepar Le Chauve le Ven Oct 28, 2011 21:48

Putain, 11 mois… je croyais que ça en faisait à peine 6… :shock: Bref, chapitre 19, avec un bon gros résumé, y en a besoin !


Rappel des personnages :

SARUNIN

Kyôjô (25 ans) :
Sarunin possédant une grande rancœur envers les humains. Il a rejoint Rivina, une organisation de Sarunin projetant de se venger de l'humanité. Il ne se sépare jamais de son épée Ryūketsu.

Nezumaru/Kalza (27 ans) :
Un Sarunin particulièrement puissant. Autrefois meilleur ami de Kyôjô, il a feint sa mort pour infiltrer l'armée de l'Union et devenir Commandant de l'École Vegeta.

Kina (23 ans) :
Petite sœur de Nezumaru, longtemps amoureuse de Kyôjô. Une maladie pulmonaire très rare la rend plus faible que ses congénères, mais après que Kyôjô les a abandonnés elle décide avec Jin d'étudier la société humaine et de l'intégrer à terme. Ils vivent désormais à Suhltemi, un village humain qui les héberge clandestinement. Elle n'a plus beaucoup de temps à vivre.

Jin (17 ans) :
Petit frère de Kyojo, il considère Kina comme sa grande sœur même si ils ne sont pas liés par le sang. Il a fondé avec elle et des humains l'organisation Keirin, qui prône la réconciliation.

Vaki (mort à 31 ans) :
Sarunin aigri, un temps membre de Rivina et qui avait la faculté d'entendre les pensées des gens. C'est lui qui apprend à Kyojo l'existence de l'organisation. Peu après, il finit par se repentir, avant d'être tué par Lyendith. Les nombreux humains qu'il a tués lui valent le surnom de Cue-Limyos («rouge-sang»).

Derisya (40 ans) :
Un des tout premiers membres de Rivina, il a supervisé l'entraînement de Kyôjô quand ce dernier les a rejoints. Il a un chien nommé Koka.

Sevani (38 ans) :
Petite amie de Derisya.

Danto & Danki (24 ans) :
Des jumeaux farceurs mais très doués pour le combat. Ils ont accueilli Kyôjô à son arrivée à Rivina.

Nefari (15 ans) :
La protégée de Kyôjô, qu'elle respecte beaucoup. Elle est l'une des membres les plus jeunes de Rivina.

HUMAINS

Junkoku :
Commandant de l'École Son Goku, leader un brin tyrannique au passé trouble. Il devient vite ami avec Kalza à cause de sa force et de son culot.

Marina (23 ans) :
Lieutenant, apprentie et en quelque sorte fille adoptive de Junkoku, avec qui elle entretient une relation ambiguë. Elle est tombée amoureuse de Kina lorsqu'elle l'a rencontrée, ce qui lui a valu quelques ennuis.

Lyendith (36 ans) :
Le Commandant charismatique de l'École Son Gohan, célèbre pour sa beauté et ses yeux argentés. Elle a découvert l'identité du chef de Rivina : Jinei, son ancien Commandant, officiellement exécuté pour trahison et qui avait mystérieusement disparu. Après avoir tué Vaki, elle a «hérité» de son pouvoir bien malgré elle. Apprenant que l'enfant qu'elle porte possède une queue, elle choisit de quitter l'armée avant que d'autres le sachent.

Dolann (39 ans) :
Le Lieutenant flegmatique mais non moins efficace de Lyendith. Il devient Commandant de Son Gohan de fait, après la défection de cette dernière.

Gando (55 ans) :
Scientifique fasciné par les Sarunin. Il est le seul à savoir fabriquer le remède à la maladie de Kina et la rencontre régulièrement à Suhltemi.

Tawava Gazikye (64 ans) :
Ex-Commandant de Vegeta devenu Roi de l'Union.

Kain (76 ans) :
Ex-Commandant de Son Goku qui s'est retiré de l'armée, ne comprenant plus le but de la Chasse aux Sarunin. Il a fondé une école d'arts martiaux dans le pays de Dorowen par la suite.

MÉTISSES

Ciana (21 ans) :
Fille de Senae et d'un père Sarunin qu'elle n'a jamais connu, elle étudie les arts martiaux dans l'école de Kain. Elle vit une vie paisible et relativement ordinaire avant d'être capturée malgré elle par l'armée et de rencontrer Vaki. Ce dernier la protège et lui permet d'échapper à Lyendith. Depuis, elle essaie d'établir le contact avec les Sarunin.

Hevi (17 ans) :
Enfant turbulent et asocial, très doué pour le combat, qui a vécu sous la tutelle de Kain après la mort de ses parents. Il n'aime pas les Sarunin mais parle leur langue. Une nuit de pleine lune, il rencontre Kyôjô par hasard et le voit se transformer en monstre, frôlant la mort. Il a rejoint Rivina pour une raison inconnue.

Jinei (46 ans) :
Ancien Commandant très respecté de Son Gohan, il a finit par trahir l'armée. Survivant de peu à son exécution, il parvient à s'enfuir et fonde l'organisation Rivina, enseignant aux Sarunin les techniques secrètes de l'armée, puis prend le nom de Koyan. Il peut utiliser la technique du déplacement instantané.


Résumé des chapitres précédents :

1793 : 4 ans après avoir quitté Kina et Jin, Kyojo a rejoint l'organisation Rivina, et participe à la prise d'une ville humaine. La montée en puissance de Rivina bouleverse peu à peu l'ordre du monde. Et Jinei annonce au monde qu'il est toujours en vie.

Kina et Jin eux, vivent désormais dans le village de Suhltemi et dirigent une organisation pacifique nommée Keirin, aidés par des humains. Aidés d'Elkehm, une membre du village, ils se rendent dans la ville voisine et constatent que l'armée y est présente et les habitants étrangement tendus.

Des membres de Keirin tentent de creuser un tunnel reliant les régions d'En et Sino, les frontières des pays non-membres de l'Union ayant été fermées deux ans auparavant. Sino a en effet adopté une politique d'accueil des Sarunin opposée à celle de l'Union.

À Dorowen, Lyendith, qui a quitté l'armée à cause de l'enfant qu'elle porte, rencontre par hasard Ciana et la charge, elle et sa mère, de garder le secret de sa présence. Elle loge à présent chez Kain.



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Chapitre 19
Keirin et Rivina
ケイリンとリヴィナ


14 avril 1793 – Sanmu, Région de Gokumu.


Déjà trois jours qu'on arpentait la région à la recherche d'informations, sans résultat ou si peu… les habitants de cette petite ville avaient sûrement pas l'habitude de voir un Lieutenant débarquer, mais les rumeurs de disparitions nous indiquaient qu'«ils» avaient frappé ici. Bordel, comme si Rivina faisait déjà pas assez de dégâts, il fallait en plus que les Purificateurs s'en mêlent ! Pour qui ils se prenaient ceux-là ? J'essayais plus ou moins de me convaincre que la Chasse aux Sarunin était une de ces questions de sécurité publique mais eux… ils semblaient pratiquer ça comme une espèce de religion morbide… pour les Sarunin, l'un ou l'autre ça leur faisait une belle jambe ; les problèmes survenaient quand ces fanatiques s'en prenaient aux citoyens pour arriver à leurs fins. Pour une raison ou une autre, cette Région ou celles de Seyäk et Tikhras connaissaient une recrudescence de ces cas depuis quelques mois. Apparemment, selon plusieurs membre du conseil principal de Gokumu, le Président actuellement en poste semblait particulièrement tendu et étrangement peu bavard ces derniers temps… il avait toutefois une réputation de raciste farouche, et beaucoup le soupçonnaient d'avoir fomenté directement avec des Purificateurs. Restait à le prouver… mais ces types n'étaient pas simples à attraper, ils savaient se cacher. Et ils étaient très forts pour prendre la fuite.

« Hé toi ! Qu'est-ce que tu fais ! Reviens ici ! »

Un homme d'assez petite taille venait de bousculer quelqu'un et courait à toutes jambes, tous les regards braqués sur lui et créant une légère panique dans un climat déjà crispé. Mon second me signala qu'il s'en occupait, et bien vite, le jeune homme se retrouva face contre terre, solidement menotté. Alors que je m'approchais, le subordonné en question l'interrogeait avec véhémence sur la raison de sa fuite, mais lui était terrorisé et ne faisait que balbutier des syllabes incohérentes…

« Si tu as quelque chose à cacher tu ferais mieux de le dire tout de suite !

−A… a… attendez, m'sieur, c'est pas moi c'est…

−C'est ça, on lui dira ! En attendant on t'em…

−C'est bon, Sumann… l'interrompis-je. Relâche-le, il est innocent.

−Comment ça ? Il a pris la fuite en nous voyant !

−Justement, si c'était un Purificateur il serait pas assez stupide pour se faire remarquer ainsi. »

Le jeune homme acquiesça fébrilement pendant que Sumann le démenottait, l'air circonspect. On l'interrogea pour apprendre sans surprise qu'un de ces cinglés l'avait menacé et ordonné de détourner l'attention… ils avaient tous un tatouage caractéristique pour se reconnaître entre eux et savaient que l'armée avait l'autorisation de fouiller toute personne suspecte. On avait un train de retard à chaque fois, inévitablement. Même si les Purificateurs ne pouvaient normalement pas sentir les auras, j'atténuai la mienne par précaution.

Alors que la foule se dispersait, Sumann me regarda de travers, comme souvent. L'air de dire : « Je te fais toujours pas confiance, sale garce ». Ils pouvaient bien penser ce qu'ils voulaient, tous ! Moi, depuis quatre ans, j'avais tourné la page… sur ces pensées, mon œil fut attiré par une femme à l'entrée d'une ruelle. Et attirante, elle l'était, même si je ne voyais que son dos. Assez grande, de longs cheveux noirs ondulés, elle était pieds-nus et portait une superbe robe jaune et orangée, typique d'un village voisin − Sul… quelque chose. Elle sembla sortir un petit objet de ses cheveux… une capsule ?

« Excusez-moi, je peux savoir ce que vous faites ?

−Ah ! Euh… rien, je… j'arrangeais mes cheveux… hé hé… »

Elle se retourna vers moi. Mon cœur rata un ou deux battements. Un ange me souriait… cette voix, ce visage, ces yeux pourpres… ça ne pouvait pas être…

« Hum… qu… quelque chose ne va pas…? » dit-elle en suant à grosses gouttes.

Ça devait être quelqu'un d'autre, forcément… des filles qui ressemblaient à Kina, il devait y en avoir des tas ! Des filles avec la même aura aussi ! Et puis, je ne l'avais connue que pendant quelques heures, quatre ans auparavant, ma mémoire pouvait très bien me jouer des tours ! Et puis qu'est-ce que qu'elle aurait fait là… Et pourquoi est-ce que j'arrivais pas à l'oublier d'abord ?!

« Euh… non… vous me rappelez juste quelqu'un que je connais… ne faites pas attention…

−Ah… ah bon…

−Euh oui… vous pouvez circuler… hem… bonne journée ! »

Elle s'en alla en pressant le pas, sans dire un mot de plus… j'avais vraiment l'impression qu'elle m'avait reconnue… et alors quoi ? Des tas de gens connaissaient mon visage après tout ! Et quand est-ce mon cœur allait arrêter de battre comme ça, à la fin ?! C'était forcément… mais si elle, une Sarunin, vivait vraiment au grand jour, en tant que Lieutenant je ne pouvais pas laisser passer cette chan… cet affront ! Peut-être avait-elle volé ces vêtements mais je ne pouvais pas exclure que le village en question pût être un village renégat… dans tous les cas je ressentais un irrépressible besoin de la suivre… ça ne faisait pas partie de ma mission actuelle, mais mes subordonnés sauraient bien s'en charger… il me fallait juste trouver une excuse…

« Sumann, tu me reçois ? J'ai… repéré un type suspect qui se dirigeait en dehors de la ville, je le prends en filature.

−Vous voulez qu'un de nous vous accompagne ?

−Non, je m'en charge seule, il pourrait nous repérer si on est deux. Tu prends le commandement de l'unité le temps que je tire ça au clair. N'essayez pas de me contacter d'ici-là.

−Bien reçu… » soupira-t-il.

Il semblait un brin agacé mais au moins il ne me collerait pas aux basques. L'aura de Kin… de la mystérieuse jeune fille était heureusement toujours perceptible. Si elle se dirigeait vers ce village, la suivre discrètement ne serait pas le plus dur : la ville de Sanmu était entourée de bois et de petits chemins rocailleux, assez fréquentés. Il me suffirait ensuite de me camoufler le visage pour ne pas qu'elle me reconnaisse si elle se retournait par hasard. Au milieu de cette réflexion, je sentis un objet rigide sous mon pied, qui n'était pas un caillou… une petite boîte en métal heureusement solide, qui après vérification contenait du matériel d'injection et plusieurs petites capsules en verre… est-ce que cette fille l'avait faite tomber ? Dans tous les cas, je la rangeai dans ma poche et passai chez un fournisseur prendre une cape et un foulard me dissimulant le bas du visage après avoir détaché mes cheveux. Revenue dans la rue principale, je pus apercevoir la jeune fille saluer poliment les gardes à l'entrée, accompagnée d'un homme et d'une petite femme rondelette portant tous deux le même genre de vêtements. Ces idiots de vigiles avaient l'air plus occupés à la reluquer qu'à se demander ce qu'elle faisait ici. Mais j'avais pas le temps de leur taper sur les doigts.

« Halte ! Je dois vous demander de découvrir votre visage mademoiselle.

−C'est moi abruti. murmurai-je en abaissant mon foulard.

−Li… Lieutenant ?!

−Shhht ! Je suis en pleine filature. Et vous concentrez-vous un peu sur votre travail au lieu de mater les filles.

−D… désolés ! » répondirent-ils au garde-à-vous.

Ah, avec des gardes pareils aux entrées les Purificateurs avaient pas grand chose à craindre ! Enfin, peu importait pour l'instant. Je pressai le pas pour rattraper les trois suspects tout en veillant à ne pas trop m'approcher. Je pouvais à peine entendre leur conversation, qui semblait assez animée, mais plus étrange… je ne ressentais plus l'aura de la fille et celle du jeune homme était assez instable, parfois faible et parfois assez forte, plus forte que le quidam moyen en tout cas… si elle dissimulait son aura, lui avait semble-t-il du mal à la canaliser… mais des civils n'étaient pas censés savoir faire ça. Ça devenait de plus en plus suspect. J'avais donc bien fait d'atténuer ma propre aura. Car si elle avait fait ça de peur d'être suivie, elle était sur le qui-vive. Elle s'arrêta sans prévenir, me forçant à ralentir. J'entendis faiblement sa voix puis leurs pas reprirent… j'allais devoir être plus prudente. Mais elle s'arrêta à nouveau, cette fois brusquement, en s'appuyant contre un arbre et en se tenant la poitrine. Elle tomba à genoux, semblant étouffer, sous le regard paniqué des deux autres qui fouillaient dans sa robe. En m'approchant, je pouvais enfin les entendre…

« … être quelque part ! Me dis pas qu'elle l'a perdu en route, y a que ça qui peut contrer ses crises ! Elkehm, t'as pas une dose de secours ?

−Je pensais pas qu'on en aurait besoin, ça fait même pas douze heures qu'elle a eu sa dernière crise ! »

Cette maladie… c'était exactement la même… il n'y avait plus aucun doute ! Mais alors…

« Kina ! Tu m'entends ? Où est-ce que tu es allée quand on étais en ville ?

−Est… est-ce que c'est ça que vous cherchez ? »

J'avais parlé sans réfléchir. Leur tendant la boîte que j'avais ramassée, je gardais mon visage couvert mais n'osais pas regarder Kina, dont les mouvements de paniques s'amplifiaient, donnant l'impression qu'elle était possédée…

« Euh… j'avais trouvé ça par terre, elle a dû le faire tomb…

−C'est ça ! cria la femme en m'arrachant la boîte des mains. Jin, tiens-là bien, il faut faire vite ! »

La tenir immobile ? Dans cet état ? Pourtant, le dénommé Jin y arriva sans trop de peine, alors qu'elle avait de plus en plus de mal à respirer… Elkehm pendant ce temps lui injecta le contenu d'une des capsules dans le bras avec une extrême précaution malgré l'urgence de la situation.

« Tout va bien Grande Sœur, c'est fini… »

Sa… sa sœur ?! Après quelques secondes où tout le monde retint son souffle, celui de Kina reprit enfin un rythme lent et régulier. Elle s'était endormie. Mais ce Jin n'avait pas l'air soulagé pour autant. Je crus même voir des larmes perler… avant qu'il ne s'essuie les yeux en se tournant vers moi.

« Je sais pas qui vous êtes, mais merci bien. Si vous étiez pas passée par là je sais pas ce que ma sœur serait devenue… On a eu de la chance cette fois.

−Oui… de rien… bon, et bien, je dois y aller.

−Attendez ! Vous… si vous êtes libre, vous pouvez venir avec nous à Suhltemi, qu'on vous remercie comme il se doit. C'est à deux pas d'ici.

−Ohlà, Jin ! Je suis d'accord qu'on lui doit une fière chandelle mais inviter une étrangère au village comme ça, c'est un peu…

−C'est bon, Elkehm… je sais qu'elle est pas dangereuse. »

Ils m'invitaient dans leur village ? C'était inespéré… mais chamboulée par la scène qui venait de se dérouler sous mes yeux, je commençai à peine à me rendre compte de la situation. Kina, une Sarunin et son frère vivaient dans un village humain où ils avaient appris à contrôler leur aura. Si j'en informais le reste de l'armée, c'en était fini de ce village… je comprenais alors mieux l'objection de cette Elkehm − peut-être était-elle aussi une Sarunin. Que faire ? Le mieux était peut-être de répondre à leur invitation et de voir de mes propres yeux ce qu'il en était.

« Euh… pourquoi pas ! Je n'ai pas grande chose à faire aujourd'hui alors…

−Bien, suis-nous. »

Est-ce qu'il venait… de me tutoyer ?! Les hommes Sarunin connaissaient pas la politesse ou quoi ? Mais c'était pas le plus dérangeant : il avait beau dire qu'il voulait me remercier, il n'avait pas l'air de me faire confiance pour autant. C'est à la sortie de la forêt que le village de Suhltemi apparut sous mes yeux. Entouré d'arbres, il n'était pas très grand, les maisons semblaient essentiellement faites en terre glaise et les habitants étaient tous habillés plus ou moins de la même façon que les trois que j'avais rencontrés… la première chose qui frappait était l'omniprésence des sourires et des jeux. Tout semblait respirer la joie et la chaleur humaine. Ici des enfants se renvoyaient une balle à l'aide d'une raquette en bois, là des vieillards abattaient des cartes, ailleurs un couple d'âge moyen se taquinait… jusqu'à ce que tout ce beau monde s'aperçoive de ma présence. Tous les regards fixés sur moi, le visage toujours couvert, j'hésitai un instant à continuer ma marche derrière Jin et Elkehm qui ne semblaient pas vraiment s'en soucier. Cette pression était déroutante mais en même temps trop familière : la sensation, malgré mon rang, d'être une étrangère dont il fallait se méfier. La chaleur humaine s'était estompée bien vite.

« Jin, Elkehm, vous revoilà ! cria un vieil homme. Qu'est-ce qui vous prend d'amener des étrangers ici ?

−Elle nous a aidés, sans elle Kina aurait pu…

−Kina… murmura-t-il en regardant la belle endormie. Elle a encore eu une crise aujourd'hui ? C'est de pire en pire…

−… en tout cas, laissez cette femme rester un peu, on veut juste la remercier.

−Elle pourrait au moins découvrir son visage…

−Pas la peine. Tu dois avoir autre chose à faire, Lisomm, laisse-nous s'il-te-plaît. »

Le vieil homme resta un instant interloqué, apparemment peu habitué à un ton aussi sec. Il sembla vouloir protester mais s'en alla, non sans m'avoir fusillé une dernière fois du regard. Je me surpris à baisser les yeux, moi… étonnant comme le regard des autres pouvait vous faire vous sentir insignifiant, quelle que soit votre puissance…

« Désolé, les gens d'ici se méfient des étrangers qui débarquent sans prévenir. Mais ils ont leurs raisons, crois-moi. »

Je n'avais effectivement aucun mal à le croire. Des étrangers… je m'en apercevais à peine, mais la peau blanchâtre de Jin et surtout Kina contrastait avec la mienne ou celle des autres habitants. Ils semblaient pourtant être acceptés, eux… ça ne faisait que confirmer mes soupçons sur les raisons de cette méfiance. On entra enfin dans une petite maison, où le jeune homme déposa délicatement sa sœur sur un matelas à même le sol. Il recouvrit au passage la porte en bois d'un étrange et épais tissu qui semblait vaguement métallique…

« Bon, et maintenant Jin, tu vas peut-être m'expliquer pourquoi tu l'as amenée ici. Je doute que ce soit pour boire un verre de ra-suhn. Et tant qu'à faire, la demoiselle pourrait nous dire son nom.

−Moi ? fis-je en enlevant enfin mon écharpe du nez. Euh, je m'appelle…

−Je sais qui t'es… me coupa Jin. Ma sœur est pas stupide, elle se doutait qu'on était suivis, et tu avais comme par hasard ramassé sa boîte de médicaments. Si j'en crois ce qu'elle nous a dit elle a rencontré en ville une personne de l'armée qu'elle aurait préféré éviter : si elle a paniqué et a perdu sa boîte ça peut être qu'à ce moment-là.

−Euh, Jin… qu'est-ce que t'essaies de dire, au juste ? Me dis pas que…

−Si, Elkehm. Tu as en face de toi le Lieutenant de l'École Songoku, Marina. »

Co… comment il avait deviné cet avorton ?! Il m'avait emmenée ici en sachant qui j'étais ?

« Je me souvenais plus de ton visage, mais on s'était croisés brièvement y a quatre ans. Ce qui s'est passé ce jour-là j'ai pas pu l'oublier, et je pense que toi non plus. À l'époque c'est bien toi qui a aidé Kina à s'échapper après tout. Elle en tout cas, elle s'en souvenait parfaitement. » finit-il en se tournant vers sa sœur.

Ça me revenait ! Je m'étais souvenue que de Kina et de l'autre, mais ce jour-là, un troisième était venu les chercher, un gamin… c'était donc lui ?

« À voir ta tête, tu t'en souviens aussi. C'est donc vraiment toi… Ça a dû te causer quelques ennuis à l'époque.

−La… la ferme! Où est-ce que tu veux en venir au juste ? M'emmener ici alors que tu sais qui je suis et me rappeler tout ça, qu'est-ce qui va pas chez toi ? Pourquoi tu fais tout ça ?

−Je comprends mieux… intervint Elkehm. J'aurais pas pu deviner mais je vois ce que tu veux faire Jin. D'habitude je veux bien être optimiste mais là tu te fourvoies à mon avis.

−Qu'est-ce que vous racontez, vous aussi ? lançai-je dans le vide avant qu'elle poursuive.

−Il y avait une rumeur une rumeur y a quelques années que l'armée avait pas réussi à étouffer. On disait que le Lieutenant Marina s'était entichée d'une Sarunin et l'avait aidée à s'échapper avec d'autres. Comme elle avait vite réintégré l'armée, je me disais que c'était que des racontars, mais… qui eût cru que les Sarunin en question étaient ceux que notre village hébergeait… Jin, tu crois vraiment que parce qu'elle a trahi l'armée une fois elle gardera le silence si tu lui dis tout sur nous ? »

Pardon…? C'était vraiment ce qu'il s'imaginait ?

« Elle le fera crois-moi. Je vois bien dans son regard qu'elle doute. Qu'elle nous déteste pas.

−Tu… t'es vraiment à l'ouest, toi ! Les Sarunin et tous ceux qui les aident sont une menace pour l'humanité, mon rôle est de les empêcher de nuire ! Cette femme a raison, j'ai peut-être merdé y a quatre ans mais j'ai mûri, je laisserai pas passer cette occasion !

−Et c'est moi qui suis à l'ouest ? »

Mais… c'était pas possible d'être aussi borné ! Il osait douter de ma conviction ? Trahir Junkoku une fois ça m'avait suffi, j'avais aucune envie d'aggraver mon cas !

« Tu parles de nous empêcher de nuire ? Regarde un peu autour de toi. Les habitants de ce village t'ont l'air de dangereux terroristes ? De criminels assoiffés de sang et de conflit ?

−Ça, c'est… et ce Kyôjô alors ! tentai-je désespérément. J'ai discuté un peu avec lui dans sa cellule, il vomissait les humains plus que tout, et tu as dû le voir comme moi sur le toit de cette École, avec les types de Riv…

−Je vois pas de qui tu parles. me coupa-t-il. J'avais un frère qui s'appelait comme ça mais il est mort. »

On croyait rêver. Il se foutait de moi…

« Et Kina ? reprit-il en me prenant de court. Tu la considère vraiment comme dangereuse ? Tu trouves qu'elle ressemble à ces bêtes féroces dont parlent vos livres ?

−C'est… c'est pas…

−J'ai bien vu les regards que tu lui jetais pendant le trajet. N'importe quel idiot peut comprendre que tu t'inquiètes pour elle. »

Mes yeux se posèrent à nouveau sur elle, toujours paisiblement endormie. Même ses yeux cernés et son visage pâle dégageaient une sérénité déroutante. J'avais beau nier de toute mes forces, je n'arrivais pas à la considérer comme une ennemie. Je… c'était juste… mais où est-ce qu'il voulait en venir à la fin ?

« Alors c'était vrai… lança Elkehm, désormais abasourdie. Ma pauvre, t'as vraiment tiré le mauvais numéro… »

Ça n'avait rien à voir ! J'étais qu'une gamine à l'époque, c'était juste un coup de foudre passager… ça pouvait pas être… j'avais pas le droit !

« Qu… non mais avez oublié qui je suis ! Je suis Marina ! Lieutenant de l'école Songoku ! Je suis…! Je suis…

−Tu n'es pas faite pour être dans l'armée. Rejoins-nous à Keirin, on a besoin de gens comme toi.

−Ji… alors là je dis non ! protesta Elkehm. Y a des limites à la folie ! »

Keirin ? Qu'est-ce que c'était que ça ? Les rejoindre… il avait perdu la tête… Mais c'était une occasion rêvée d'infiltrer un groupe ! Non… ce n'était pas à ça que je pensai à ce moment…

« AAAAAAH !!! J… Jin, Elkehm ! Qu… qu… qu'est-ce qu'elle fait là ?! »

Tous les regards se tournèrent soudain vers Kina, qui venait de se réveiller. Sa sérénité avait disparu. Assise par terre, elle esquissait un mouvement de recul, me regardant l'air terrorisé…


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20 avril 1793 − Sous la frontière de Sino



Ça n'avançait plus. Le matériel qu'on utilisait était capable de percer n'importe quelle roche naturelle, mais là on était tombés sur un os. La poisse, on avait pas creusé ce tunnel pendant un mois pour être bloqués juste avant la frontière ! Peut-être que les barrières se prolongeaient sous le sol… on avait été négligents… un de mes coéquipiers m'interrompit dans ma réflexion.

« Celenäk, file-moi la foreuse, je vais voir si je peux faire quelque chose.

−Essaie donc, mais c'est pas de la roche ordinaire. Quelqu'un a fait des travaux là-dessous. »

Pourquoi j'avais répondu à l'appel de ces deux Sarunin ? Peut-être bien pour la même raison que les autres… quand mon pays, Tikhras, avait rejoint l'Union, j'étais réticent mais pas vraiment en colère. Jusqu'à ce je voie ma ville envahie par les uniformes, qui n'étaient déjà pas discrets avant l'adhésion. Moi, un simple ouvrier, j'avais l'impression d'être devenu un suspect parmi d'autres.

« Hum… je vois, y a peut-être un moyen d'augmenter sa puissance… »

Avoir de l'empathie pour les Sarunin, à Tikhras plus que n'importe où, c'était pour le moins mal vu. Du coup je me contentais de me taire ou de faire semblant d'être d'accord quand y avait une discussion sur le sujet. Mais la délation s'intensifiait, des rumeurs fondées ou non circulaient sans cesse, et des gens que j'appréciais ou pas étaient arrêtés, disparaissaient ou étaient tués sans autre procès. Il fallait donc que je décolle vers des contrées moins hostiles avant que ça me tombe dessus, à moi et ma famille. Gokumu était une Région moins densément peuplée avec beaucoup de petits villages pas forcément connectés, les rumeurs se propageaient moins facilement. Avec ma femme et nos trois enfants, on s'était installés dans un de ces villages.

« OK, je pense que ça va le faire ! Reculez-vous un peu ! »

C'était là que j'avais rencontré Kina, un an auparavant. Plutôt grande, de longs cheveux noirs ondulés, une robe orangée qui semblait la gêner un peu, et un teint pâle pas vraiment rassurant. Et un sourire inébranlable. Certains la prenaient pour un ange, d'autres comme moi pour un fantôme. Dans tous les cas, on avait l'impression qu'elle pouvait s'évaporer d'un instant à l'autre. Alors qu'elle prenait un verre à côté de moi elle s'était mise à parler de Rivina, de cette espèce de guerre qui se préparait, à quel point elle trouvait ça absurde et de me demander si j'essaierais de l'arrêter si je pouvais. Son drôle d'accent m'indiquait qu'elle n'était pas plus d'ici que moi mais à ce moment-là j'étais loin d'imaginer qu'elle était…

« Ça y est, je crois que ça marche ! Ça commence à avancer ! »

Quand je lui dis que j'aimerais bien l'aider, elle me fit confiance immédiatement. Comme si elle pouvait sentir que je mentais pas. Au début, pour tout dire, j'y croyais pas vraiment à son idée de groupe dissident pacifique. Même si j'approuvais pas les méthodes de Rivina, j'avais du mal à en concevoir d'autres en me mettant à leur place… mais elle elle insistait, elle était persuadée qu'on pouvait éveiller la conscience de ces milliards de gens et leur montrer que nos deux espèces pouvaient cohabiter. J'y croyais pas vraiment, non. Mais pour une raison ou une autre, j'ai saisi cette occasion. Aujourd'hui savoir qu'elle était elle-même une Sarunin et qu'elle résistait malgré tout au ressentiment ne faisait que renforcer ma conviction.

« Gh ! Purée, il est vraiment épais ce mur… »

Je l'avais pas revue directement depuis, je lui avais juste parlé au téléphone une fois. À ce qu'on m'avait dit, elle avait un petit frère et vivait à Suhltemi, un petit village isolé près le Forêt de la Nuit Éternelle. Comme ils avaient une longue tradition d'héberger des Sarunin, ils se méfiaient énormément des étrangers ; ça pouvait se comprendre. À Sino aussi, il semblait que les Sarunin étaient de plus en plus accueillis et acceptés : entrer en contact avec ce pays était donc primordial pour assurer la continuité de notre projet. J'avais eu moi-même cette idée de tunnel. Comme quand je l'avais rejointe, elle m'avait fait confiance sans hésiter. Et voilà comment on se retrouvait là, à essayer de percer un mur construit là par on ne savait qui et qui débouchait sur Dieu savait quoi…

« Ah… je sens un courant d'air… qu'est-ce que… »

Eiþuna était enfin venu à bout de l'obstacle. Visiblement ce mur faisait pas partie de la frontière : le trou percé donnait sur une salle immense, autant en superficie qu'en hauteur, et quasiment plongée dans le noir. La décoration était pour le moins austère : la salle semblait imiter une sorte de désert rocailleux. Des éclats de rochers, des fissures et des cratères jonchaient le sol et les parois. Un vrai champ de bataille. En regardant bien, et malgré l'obscurité, on pouvait apercevoir une porte entrouverte, étrangement haut-perchée. Aucun escalier ni aucune prise ou échelle ne permettaient de l'atteindre. Enlevant nos masques anti-poussière, on commença à explorer la pièce sans rien trouver de bien intéressant. Tout ce qu'on pouvait dire, c'est que ça ressemblait à… une aire d'entraînement… et comme il fallait pouvoir voler rien que pour sortir de la salle…

« Vous en pensez quoi ? lançai-je histoire de dire quelque chose.

−C'est clair, y a que l'armée ou Rivina qui peuvent faire ce genre de dégâts. répondit Eiþuna.

−Pas forcément. répliqua Teisim, une de mes amies. On est près la frontière, non ? Sino teste peut-être de nouvelles armes, ils sont plutôt en pointe dans ce genre de trucs… ils sont bien obligés. »

On avait donc trois possibilités… la seule façon d'en savoir plus c'était de monter. En fouillant dans mes capsules je trouvai par chance un grappin, pas forcément idéal mais mieux que rien. J'avais toujours eu un peu le vertige mais c'était pas le moment de jouer les petites natures. Un par un, on monta sur le rebord, et je poussai la lourde porte métallique pour découvrir… pas grand chose, finalement. Une grande pièce circulaire avec quelque bancs en pierre et entourée de portes moins massive que celle qu'on venait de franchir. À gauche, l'accès le plus large était bloqué par un éboulement. Plusieurs portes étaient entrouvertes, et on entendait pas un son. Y avait pas âme qui vive là-dedans.

« Il reste de la nourriture ici… périmée depuis longtemps… ajouta Teisim en se pinçant le nez. On dirait que les occupants sont partis en catastrophe.

−Si c'est le cas, c'est probablement pas l'armée alors. Mais si c'est des Sarunin je vois mal comment ils auraient pu construire un truc pareil incognito. Tiens, y a même une salle de réunion ici… »

On se serait cru dans un mauvais film d'espionnage : c'était une véritable base secrète ici. La dernière pièce ressemblait à une salle du trône un peu fauchée. Un fauteuil était disposé au fond sur un piédestal en pierre entaillé, auquel menait un tapis miteux. La pièce était poussiéreuse, comme tout le reste : tout indiquait que personne y avait mis les pieds depuis des mois, peut-être des années. Le plafond commençait même à se fissurer dangereusement… et c'est en le regardant longuement qu'un détail attira mon attention… un carré d'environ deux mètres de diamètre semblait se détacher, mis en évidence par lesdites fissures… pris d'un irrépressible besoin de voir l'anomalie de plus près, je montai sur le rebord du trône et essayai en vain de toucher le plafond… mais je perdis bien vite l'équilibre lorsque je sentis le fauteuil basculer sous mes pieds. J'avais pris un peu de poids ces derniers temps mais tout de même ! Chutant lourdement et me réceptionnant tant bien que mal, je n'eus pas le temps de gémir de douleur que j'entendis un long bruit de frottement au-dessus de ma tête.

« Eh bah, Celenäk, ironisa Teisim. T'as touché le gros lot aujourd'hui ! »

Je regardai rapidement autour de moi. Le trône était penché en arrière, légèrement enfoncé dans le sol. Et le carré suspect avait laissé place à une trappe qui en s'ouvrant libéra d'abondantes chutes de poussière. Génial, il allait encore falloir «voler». Mon fidèle grappin aida mes deux sveltes compagnons à atteindre l'étage supérieur, avant qu'ils ne me hissent à mon tour. Tout ça pour arriver à un escalier en colimaçon. Un long, très long escalier. Interminable. C'était vraiment plus de mon âge tout ça ! Même la lampe de poche finit par être à plat. J'avais depuis longtemps renoncé à compter le nombre de marches quand enfin ce qui ressemblait à une trappe de sortie se présenta à mes yeux. Peu importait ce qu'il y avait derrière, ça ne pouvait être qu'un doux paradis à côté de ce que nos guibolles et notre dos venaient d'endurer. En forçant un peu, la gredine s'ouvrit enfin, offrant mon visage soulagé… au contact glacé d'une pluie nocturne. Au moins, on ne risquait pas d'être éblouis par le soleil.

« C'est pas vrai, vivement que cette foutue mission se termine, j'en ai ma claque moi ! »

Il allait falloir tout recommencer ! Refermant la trappe d'un coup de pied qui me brisa sans doute un ou deux orteils, je partis avec mes deux compères dans le sol boueux au milieux de ce qui semblait être une clairière, en quête d'un abri de fortune qu'on trouva sous une paroi rocheuses érodée. Mais avant même de pouvoir se demander où on avait atterri, on s'endormit tous les trois comme des masses, bercés par le bruit de la pluie…




« … eg… theweg…

−Hum… hmm… quelqu'un…

−Nehatheweg !

−HA !!! Où… où je suis ?! On s'est endormis ?!

−Hefando, nehathe ?

−Qu'est-ce qu'y baragouine, çui-là… »

Un type en casquette et manteau bleus me parlait sans que j'y comprenne un traitre mot… on était toujours à la clairière, et les deux autres se réveillaient à peine eux aussi, Eiþuna le premier…

« Hmm… Celenäk… ah oui, je me souviens, le tunnel… c'est qui lui ?

−Kuventerraq, moexe !

−Euh… excusez-nous, mais… on est où au juste ?

−Ha… Qumsino miwel ? Miramfal ?

−Cette langue… intervint Teisim. Je l'ai déjà entendue quelque part…

−Il a pas dit «sino» à l'instant ? »

Du sinoïen… je ne réagis pas tout de suite, soit parce que j'étais pas réveillé, soit parce que ça paraissait trop beau pour être vrai… on avait… réussi?


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16 avril 1793 − Doun' Kaos, Dorowen.


La ville de Doun' Kaos était la « porte d'entrée » de ce pays : avant la fermeture des frontières les allées et venues d'étrangers n'étaient donc pas rares et nombreux étaient ceux qui s'y installaient pour commencer à découvrir Dorowen. C'était en partie pour ça que notre ville abritait la plus grande bibliothèque du pays. Mais depuis deux ans, sa fonction avait un peu changé : c'était ici qu'étaient rédigées et archivées toutes sortes d'enquêtes et d'informations sur nos hôtes « particuliers ». Langue, culture, comportements, structure sociale, alimentation : tout ce que les Sarunin de la ville nous avaient appris sur eux-même était consigné ici. En échange on promettait de ne rien leur demander sur l'endroit où leurs congénères se cachaient. Le plus gros du travail résidait dans l'apprentissage de nos langues respectives. Apparemment les enfants Sarunin apprenaient deux langues : celle que leurs ancêtres avaient développée et la langue humaine principale de la région où ils vivaient. Mais à mesure que la défiance envers les humains grandissait, beaucoup de parents avaient abandonné cette pratique qu'ils jugeaient inutile voire dégradante pour leur espèce… et je m'étais portée volontaire pour apprendre le Qakhlen aux nouveaux venus qui n'en connaissaient que des rudiments, étant au départ la seule personne à parler un tant soit peu le Sarunin.

Cependant ! Moi aussi j'avais encore beaucoup à apprendre, et certains de mes « élèves » pouvaient se révéler particulièrement têtus. L'orgueil des Sarunin n'était pas une légende. Mais puisque j'étais à moitié l'une des leurs, il fallait bien que j'arrive à leur tenir tête. Pour ça il me fallait les connaître le mieux possible. Après m'être assise, accompagnée d'une pile de livres et lunettes sur le nez, je fus rapidement absorbée par un chapitre sur les rapports hommes-femmes dans leurs communautés et leur gestion des conflits mineurs − autrement dit je cherchais comment me dépêtrer d'une prise de bec avec un Sarunin. Au cours de ma lecture, j'avais toutefois la désagréable impression d'être scrutée… en levant les yeux, je pus voir en face de moi une femme d'âge moyen, la peau légèrement mate, les yeux noirs et de longs cheveux d'ébène détachés. Elle me regardait l'air à la fois curieux et ennuyé, comme si elle observait une scène vaguement inhabituelle, avant de retourner à sa lecture. N'y prêtant pas attention plus que ça, je fis de même.

« Ça marche plutôt bien apparemment. »

De quoi elle parlait ? Et cette voix… je l'avais déjà entendue… en m'approchant d'elle, en ajustant mes lunettes et en me concentrant bien…

« AH ! VOUS ÊTES…!

−Petite, tu es dans une bibliothèque je te rappelle.

−Ah… désolée… mais enfin qu'est-ce que vous faites ici ?! murmurai-je.

−Il me reste deux mois avant l'accouchement, je n'allais quand même pas rester enfermée dans cette chambrette pendant tout ce temps… du coup Kain m'a proposé ça. Je dois dire que ça me va plutôt bien. ricana-t-elle en contemplant sa main.

−Vous avez du culot franchement… vous montrer comme ça devant moi, après m'avoir dit de ne pas m'en m…

−Pas la peine d'être aussi nerveuse, petite. Enfin, je peux comprendre que tu ne me portes pas dans ton cœur mais… tu n'as qu'à faire comme si j'étais une simple étrangère. Tu peux m'appeler Elivae − j'aime bien ce nom. »

Son déguisement n'était pas que physique. Elle semblait être une toute autre personne… à moins que ce ne fût une facette de sa personnalité que je ne connaissais pas…

« Ah, c'est vrai. poursuivit-elle sans se départir de son léger sourire. Tu n'as connu que mon côté le moins aimable, tu n'imaginais sans doute pas que je pouvais sourire et plaisanter comme n'importe qui.

−… En effet. répondis-je entre mes dents. Dois-je vous rappeler que la dernière fois qu'on s'était vues vous aviez essayé de me tuer ?

−Ah… ça. »

Si elle continuait à se moquer de moi, j'allais… je n'allais pas faire grand chose en fait, elle pouvait m'écraser sans forcer et sa présence ici devait rester secrète. Mais quand même… elle n'avait donc aucune empathie pour parler de ça aussi légèrement ?!

« Je suis désolée, petite.

−… pardon ? balbutiai-je, pas sûre d'avoir bien entendu.

−Savoir que tu es à moitié Sarunin m'avait choquée au début. Mais je te vois là au milieu de tous ces gens, vivant et étudiant sans même cacher ta queue, comme si de rien n'était. Tu ressembles tellement à une jeune fille ordinaire, c'en est déroutant pour moi… »

Cette note dans sa voix… c'était de la gentillesse ?

« Hum… vous commencez à évoluer un p…

−Ne te méprends pas. Je veux bien admettre que je t'ai jugée un peu vite, mais je considère que ce que vous faites avec tous ces Sarunin est totalement inconscient. Toi tu as peut-être vécu une enfance tranquille ici, mais eux, sois sûre qu'ils ne rêvent que de revanche. Tôt ou tard ils se retourneront contre vous. »

Encore cette rengaine… elle ne comprenait donc rien.

« Ne fais pas cette tête-là, je sais bien à quoi tu penses. Bien plus que tu ne le crois… Tu vis dans un monde merveilleux qui ne connaît ni conflit ni vengeance. J'ai intégré l'École Son Gohan à l'âge de dix ans parce que je voulais protéger les faibles, comme des militaires avaient protégé la petite fille que j'étais d'un Sarunin. Je crois bien que durant mon adolescence j'avais des idéaux un peu semblables aux tiens, j'espérais qu'un jour nos deux espèces pourraient s'entendre. Mais aujourd'hui j'ai bien conscience qu'on ne peut plus faire marche arrière. Je n'ai pas de haine pour les Sarunin, mais si nous ne les éliminons pas, c'est nous qui disparaîtrons. C'est aussi simple que ça. »

Je bouillais d'envie de lui répondre… de la remettre à sa place ! De lui dire en face que ce genre de raisonnement ne faisait qu'alimenter le conflit, que beaucoup de Sarunin aspiraient aussi à se réconcilier avec nous, qu'il ne fallait pas avoir qu'une vision à court terme ! Mais les mots ne sortaient pas… j'avais l'impression que ça ne servait à rien… ils ne l'atteindraient pas… pourtant…

« … Vaki avait compris lui…

−Vaki… s'interrogea-t-elle doucement. Tu veux dire… Cue-Limyos ?

−Il était comme vous, il tuait des humains pour survivre, sans se poser plus de questions. Mais lui avait fini par comprendre que ça n'avait aucun…

−Ne me compare pas à lui. grogna-t-elle soudainement. Pendant des mois il est resté aux abords de cette grotte en tuant froidement des soldats. Il n'avait aucun motif ni aucun remord. C'était un meurtrier, le pire que j'aie rencontré même parmi les Sarunin. Et alors quoi, si il a eu un accès de moralisme au dernier moment ? Je n'ai rien en commun avec lui. Rien en commun… » répéta-t-elle le regard dans le vague.

Elle semblait essayer de s'en convaincre elle-même mais je sentais qu'elle n'était plus aussi sûre d'elle. Et malgré le ton, je m'aperçus que la conversation s'était nouée peu à peu… je ne ressentais plus autant cette crainte et cette méfiance qu'elle m'inspirait encore quelques jours auparavant… ce n'était pas seulement à cause de son apparence… j'avais l'impression de commencer à la comprendre un peu. Et je me surpris à me demander pourquoi j'arrivais aussi bien à communiquer avec les meurtriers…

« Je t'ai dit de ne pas me comparer à lui ! »

Elle avait crié sans prévenir, attirant tous les regards à elle ainsi qu'une réprimande d'un des bibliothécaires. Qu'est-ce qu'il lui avait pris ? Elle semblait soudain embarrassée et paniquée…

« Euh… tu as bien parlé à l'instant, rassure-moi…?

−Pas… que je sache… »

Avais-je pensé à voix haute ? Non, j'étais à peu près sûre que mes lèvres n'avaient pas bougé… et maintenant que j'y pensais… cette façon qu'elle avait depuis tout-à-l'heure de me couper sans cesse la parole, ça me rappelait… à l'instant où je formulai cette pensée son visage se tendit un peu plus…

« I… il faut que j'y aille, je suis fatiguée. dit-elle en se levant brusquement. C'est qu'il prend sa part d'énergie le bougre. »

Son ventre… je venais juste de me rappeler qu'elle portait un enfant. Quand j'y pensais, ça paraissait tellement incongru… tellement en décalage avec le «personnage»…

« Euh… ça va aller ? Tous ces escaliers à monter pour vous c'est un peu…

−Je suis peut-être enceinte mais n'oublie pas qui je suis : il faut plus qu'un petit escalier pour m'abattre ! »

Évidemment… mais qu'est-ce qui me prenait ? Je n'allais quand même pas avoir de la sympathie pour elle maintenant ?! Je devais me ressaisir ! Je tournai mon attention sur les deux livres qu'elle avait pris… « Les secrets de l'esprit humain » et « Les mésaventures de Weisan le télépathe »… voyant où se posait mon regard, elle s'empressa de les ramasser.

« Bon, et bien bonne soirée, petite. Et évite de penser trop fort.

−… de quoi ?

−Euh… rien, oublie. »

Elle partit précipitamment, me laissant à mes questionnements… c'était pour le moins un drôle de conseil qu'elle me donnait. Et les livres qu'elle lisait ne faisaient que renforcer ma suspicion…

Weisan le télépathe… ce roman racontait l'histoire d'un homme fourbe qui s'immisçait dans la vie des gens et volait leurs secrets pour les faire chanter et les dépouiller. Pour le punir un sorcier lui infligeait une malédiction : le pouvoir de lire dans les pensées. Au début Weisan s'imaginait pouvoir lire dans l'esprit des gens comme dans un livre, mais il n'avait aucun contrôle sur son pouvoir et se retrouvait bien vite submergé par des pensées en tout genre, lui causant d'insupportables migraines et l'obligeant à se tenir à l'écart de la société pour ne pas devenir fou. Il commençait alors une quête pour apprendre à maîtriser son pouvoir et ne plus faire irruption dans l'intimité des autres, faisant de lui un homme meilleur. C'était une histoire très célèbre sur tout le continent mais c'était plutôt un roman pour adolescents… ce livre, les coupages de parole, cette réponse à une remarque que je n'avait fait que penser… pour une raison ou une autre j'avais peur d'en tirer une conclusion…






Un violent coup de la paume frappa mon poitrail et me projeta en arrière, me sortant brusquement de ma rêverie.

« Tiens… c'est la première fois que j'arrive à te battre. Y a quelque chose qui va pas ?

−Aïe… désolée, je rêvassais. On continue, ça ne comptait pas !

−… T'es bizarre aujourd'hui, t'es pas du tout concentrée. Vaut mieux en rester là. »

Il avait sans doute raison. Si même Rensa pouvait me faire tomber, c'était vraiment que je n'avais pas la tête à l'entraînement.

« Alors, quelque chose qui te tracasse, Senpai ?

−Non, Rensa, je suis fatiguée, c'est tout. Et c'est quoi ce « Senpai » d'abord ?

−C'est comme ça qu'on appelait son aîné en apprentissage dans l'Ancien Monde ! Enfin c'est ce qu'on m'a dit… en parlant d'apprentissage… tu te serais pas rapprochée d'un de tes «élèves» plus que prévu des fois ? C'est pour ça que t'as la tête ailleurs ? ricana-t-il.

−Tu te fais des idées.

−Ah ? J'ai toujours une chance alors ?

−Tu te fais encore plus d'idées. »

Comme si c'était le moment de m'engager dans des amourettes. Je ne pouvais pas nier cependant qu'Elle me préoccupait. Elle avait joué les bonnes mères sympathiques à la bibliothèque mais maintenant que j'y pensais, l'invasion d'Olomo quatre jours auparavant, si c'était vrai, avait dû la chambouler plus qu'un peu… qu'une chose aussi horrible survienne juste quand elle avait décidé de quitter l'armée, elle qui disait l'avoir intégrée pour protéger les faibles… la culpabilité devait la ronger…

« Ciaaaanaaaa…

−Ah ! Je rêvassais encore…

−T'es sûr que t'es pas amoureuse ?

−Lâche-moi avec ça ! Je rentre, je suis décidément pas d'humeur à m'entraîner aujourd'hui. »

Je décidai de rentrer… ou pas. Presque inconsciemment, c'est vers l'escalier principal et le dernier étage de la tour que mes pas me guidèrent. Cette conversation avec Elle avait vraiment piqué ma curiosité, et j'avais à présent une irrépressible envie d'en savoir plus. Je ne pouvais plus la considérer comme une tueuse impitoyable, il fallait que j'arrive à comprendre, comme je m'y efforçais pour les Sarunin. Et je devais aussi éclaircir un détail au passage…



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26 mars 1788 − Région de Dumia


Dix ans… dix ans que je faisais ce sale boulot, et j'en étais probablement dégoûté pour de bon. La paix, la sureté, la prospérité humaine… toutes ces idées que j'avais promis de défendre lorsque j'avais accepté cette mission ne sonnaient plus que comme des formules creuses à mes oreilles. Des mensonges. Je faisais encore semblant de sourire aux personnes qui me saluaient chaleureusement dans la rue, mais le cœur n'y était plus. Ou plus de la même façon. Quand est-ce que j'avais commencé à douter ? Difficile à dire… tout petit déjà je me posais des questions, mais ma mère m'avait toujours rassuré, toujours dit que j'avais simplement une constitution exceptionnelle. Même si elle s'assurait toujours que je ne mange pas trop en présence des autres. C'était aussi sans doute pour ça qu'elle m'avait inscrit à l'École militaire aussi jeune : pour que ma force ne soit pas perçue comme trop anormale une fois adulte et que j'apprenne rapidement à la contrôler. Quand après être devenu Chasseur j'avais appris l'existence des enfants interdits, j'avais sans doute déjà compris ce que j'étais. Mais je le refoulais. Après tout, j'étais persuadé comme les autres que la menace des Sarunin était réelle. On me l'avait enfoncé dans le crâne, jour après jour. Et les remerciements quotidiens des gens ne pouvaient pas me laisser indifférent.

Mais après cette affaire, l'autre moitié de moi avait resurgi. Et peu à peu, tous ces gens que j'avais juré de protéger, je m'étais mis à les haïr. Tous autant qu'ils étaient. De victime, ils étaient tous devenus bourreaux à mes yeux. Des bourreaux inconscients, persuadés de leur bon droit. Et moi, de protecteur, j'avais compris que je n'étais rien d'autre qu'un fratricide. La seule personne que je ne pouvais me résoudre à détester était ma mère. Elle n'avait toujours recherché que mon bien-être et avait tout fait pour me protéger, moi et mon sang impur. Tout fait pour que je ne subisse pas le même sort que cet enfant… Si je me confiais à elle, elle me comprendrait peut-être… me baladant seul dans la Montagne aux Oiseaux, je fus interrompu dans ma méditation par une faible aura non loin d'ici. Un Sarunin. Peut-être était-ce dû à mon sang, mais j'étais une des rares personnes, peut-être la seule, à pouvoir distinguer les auras humaines et Sarunin, non pas à leur intensité mais à leur nature. Celui-là était blessé ou affaibli… regardant autour de moi, j'aperçus vite une jambe dépassant de derrière un rocher, suivie d'une longue trainée de sang. Lorsque je découvris son visage, il ne paraissait pas surpris ni angoissé. Non. On y lisait uniquement de la haine et du mépris. Sa jambe était vraiment en piteux état, son visage pâle transpirait abondamment et sa respiration était lourde… Sarunin ou pas, il ne tiendrait probablement pas plus d'une journée…

« Tss… tu m'as… trouvé… tant mieux, j'en ai marre de… ramper… »

Cynique jusqu'à la fin… je n'avais aucun mal à le comprendre… contrairement à l'ancien moi.

« Qu'est-ce… tu attends… achève-moi…! »

Il abandonnait trop vite… son état était critique mais il pouvait encore être sauvé. Bien sûr aucun hôpital n'aurait accepté. Et il ne voulait sans doute pas non plus. Pas de la part d'un humain.

« Je ne vais pas te tuer.

−Hein…? Je veux pas ta… pitié… urgh… saloperie d'humain…!

−Et si je te dis que je ne suis pas humain ?
−Tss… hé… héhéhé… avec ces vêtements ? Tu te fous de… qui… héhéhé…

−Tu parles beaucoup pour un type à moitié mort.

−C'est justement… parce que je suis moitié mort…

−Je te dis d'économiser tes forces. Je vais soigner ta jambe. Que tu puisses au moins te déplacer par toi-même. »

Il ne riait plus… ou plutôt, il n'était pas sûr que j'étais sérieux. Tous les Chasseurs avaient en permanence un kit de premier secours sur eux, les Commandants ne faisaient pas exception. Bien sûr je ne pourrais pas faire grand chose de plus… alors que je m'apprêtais à arrêter le saignement, sa main écarta la mienne, apparemment par pur réflexe. Il ne parlait plus. Quelques minutes plus tard, alors que je serrais le dernier pansement, sa respiration s'était faite moins saccadée mais il n'avait pas repris beaucoup de couleurs pour autant. Il resta un long moment silencieux et immobile, mais les yeux ouverts.

« Tu comptes me raconter histoire… pour dormir peut-être…? »

Je n'allais pas gagner sa confiance aussi facilement… il valait mieux le laisser se débrouiller à présent. Moi aussi je devais rentrer. Le lendemain, j'allais faire une chose à laquelle je n'étais pas sûr de survivre… non… le Commandant Jinei était d'ors-et-déjà mort.




5 avril 1788 − Prison secrète dans les plaines de Chiyuki


J'étais mort… c'était ce qu'ils pensaient… et il fallait bien avouer que personne d'autre que moi n'aurait pu survivre à ça… la décharge avait contracté chacun de mes muscles et les avait emplis d'une douleur insoutenable… le temps semblait s'être arrêté, faisant perdurer la souffrance dans chaque recoin de mon corps… une sensation mêlée de brûlure et de déchirure continue… ma conscience restait faiblement accrochée au rebord mais menaçait de lâcher à tout moment… j'usais de mes dernières forces pour me concentrer… retrouver cette aura que j'avais imprimée dans ma mémoire… je n'étais pas sûr qu'il ne me laisserait pas crever mais… c'était ma dernière chance… soudain, la douleur s'évanouit. Tout devint sombre. Je ne sentais plus rien, comme si mon corps avait pris une forme éthérée. Cela dura quelques instants. Et puis elle revint, plus atroce que jamais… j'étais désormais à genoux, appuyé sur la paroi d'un tunnel sombre et rocheux… un homme aux long cheveux noirs noués me toisait avec une expression mêlée d'horreur et d'incompréhension… c'était lui… j'avais réussi… m'agrippant à lui, je murmurai tant bien que mal les quelques mots cohérents que j'avais encore la force de formuler…

« Je peux… t'aider… je peux… vous aider… »

Je lâchai prise en même temps que ma conscience et m'effondrai, le cœur soulagé autant qu'empli de doutes. L'image de cette queue se balançant au bas de son dos gravée dans mon esprit.





à suivre…
Message tapé avec une disposition BÉPO

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Re: Kuroki, un autre fic...

Messagepar RMR le Ven Oct 28, 2011 23:03

Moi, je trouve toujours ce récit captivant et en apprécie grandement la narration, le style littéraire qui, à chaque nouveau paragraphe, à chaque changement de point de vue, me fait vite raccrocher au nouvel angle par lequel on poursuit l'histoire. Continuez comme ça, je resterai au rendez-vous !
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Re: Kuroki, un autre fic...

Messagepar Thib64 le Sam Oct 29, 2011 16:57

Hey ! ça fait plaisir de voir la suite ! Je vais devoir tout recommencer depuis le début, même si j'ai une bonne mémoire je ne me souviens que des grandes lignes... EN tou cas content de revoir ta fic !
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Re: Kuroki, un autre fic...

Messagepar Le Chauve le Sam Juin 30, 2012 14:16

Hum… le dernier chapitre date de plus longtemps que je pensais, ça passe trop vite…

J'étais complètement absorbé dans une série de romans sonores ces derniers mois, du coup j'ai un peu négligé Kuroki. Et comme j'essaie en ce moment d'écrire le scénario plusieurs chapitres en avance pour éviter les incohérences, je patauge un peu. En tout cas je suis toujours dessus, et je vais avoir du temps là, donc j'essaierai au moins de finir avant "l'anniversaire" du précédent chapitre !

Désolé pour la lenteur, vraiment.

Bonjour, je viens vous donner des nouvelles. Enfin, pas vraiment… Ça va faire deux ans et demi que le chapitre 19 est sorti, les quelques lecteurs doivent se dire que j'ai abandonné la série. Eh bien pendant un temps j'y ai pensé, pris que j'étais par mes études et par le scantrad, mais malgré ça elle est toujours dans un coin de ma tête et au final je n'ai vraiment pas envie de la laisser inachevée. Cet univers et ces personnages, je m'y suis pas mal attaché mine de rien.

Seulement, j'ai vraiment du mal à me décider sur la direction à donner à l'histoire… j'ai des idées éparses sur quoi faire de certains personnages, mais sans encore arriver à lier tout ça de façon cohérente…

Alors cette année, je ne vous promets rien mais je vais essayer de me remettre dans le bain et de finir le chapitre 20, qui est déjà entamé. :o
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Le Chauve
 
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