Kuroki, un autre fic...

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Re: Kuroki, un autre fic...

Messagepar Le Chauve le Ven Fév 20, 2009 1:09

26 avril 1789 - Onmu

Une gigantesque cuvette métallique. Au centre, une surface circulaire herbacée et un homme lançant d'une force ridicule une balle, au milieu d'un carré de terre aux sommets duquel étaient disposés quatre petits piédestaux. Un autre homme frappait cette balle d'une force tout aussi ridicule avec une barre en métal, déclenchant la course mollassonne d'un troisième, pendant qu'une foule innombrable disposée tout autour de la surface herbacée hurlait sans que je comprenne pourquoi. J'assistais à ce spectacle intrigant du haut de la cuvette, accroupi à côté d'un projecteur. Et à côté de...

« ALLEEEEZ !!! PLUS VITE QUE ÇA KOSTADO, T'AS LAISSÉ TES JAMBES AUX VESTIAIRES OU QUOI ??? LES ISOTOPES AURAIENT MIEUX FAIT DE TE LAISSER DANS TA CAMPAGNE !!!

−Dis... essayai-je de placer au milieu de tous les beuglements de Marina. Je peux savoir ce qu'on est venu faire ici ?

−Ce qu'on est venu faire ?! Mais enfin c'est la finale du Championnat du Secteur, j'allais quand même pas manquer ça !

−Tu te rappelles que tu es fugitive, non ? Je n'en ai pas l'impression... »

Elle ne répondit que par une mine boudeuse, et recommença à crier après on ne sait qui... en ce qui me concernait, j'avais assez perdu mon temps comme ça. Maintenant que j'avais traversé le pont, je n'avais plus besoin de son aide. En avais-je jamais eu besoin d'ailleurs ? Alors que je m'apprêtais à descendre elle m'interpela une dernière fois.

« Je redoublerais de prudence si j'étais toi, Dôjô. C'est bientôt la fête de l'Union, tout le monde se prépare... et ça va être la fête pour tout le monde si tu vois ce que je veux dire. »

Pour qui me prenait-elle ? Je savais très bien tout ça. Partant sans dire un mot, je repensai à ce qu'elle venait de dire. La fête de l'Union : une semaine de festivités célébrant le rêve de l'humanité. L'Union dans la diversité. Tout au long de ces sept jours s'effectuaient divers échanges culturels entre les régions de l'Union et d'intenses négociations pour tenter de rallier les derniers pays réfractaires. Rien ne devait entacher cette joie et ce bonheur... rien. Pendant que petits et grands humains riaient, festoyaient et s'engraissaient, les chasseurs redoublaient d'efforts pour faire le sale boulot, le « nettoyage » comme ils disaient. Il allait sans dire que c'était la période de l'année la plus meurtrière pour nous ; Nezumaru y avait perdu sa mère... D'ordinaire nous nous abstenions de nous aventurer dehors durant cette « fête », et on pouvait dire que je ne pouvais pas tomber plus mal. Mais bien peu m'importait, je voulais juste atteindre Kukai le plus vite possible.


Une heure plus tard j'atteignis une petite clairière, où j'allais pouvoir trouver de quoi manger autre chose que des barres compactées, et de quoi m'exposer un peu moins. Très vite je sentis une assez forte odeur de sang non loin de là. Sans doute un animal blessé. Sans baisser ma vigilance, je m'approchai de l'origine de l'odeur. Ce qui semblait être la queue de l'animal dépassait de derrière un arbre. Plus haut, un bout de fourrure brune était visible. En avançant encore quelques mètres je compris que l'animal en question n'était pas ce à quoi je m'attendais. C'était un Sarunin agonisant qui était adossé à cet arbre. Perdant toute notion de prudence je me précipitai vers lui… une plaie béante lui déchirait l'épaule, sa respiration était saccadée et son pouls irrégulier… il ne tiendrait clairement pas longtemps. Sans vraiment savoir si il pouvait m'entendre je lui demandai ce qu'il s'était passé tout en sortant une capsule contenant divers ustensiles médicaux, même si je doutais qu'ils eussent la moindre efficacité sur une telle blessure. Cependant avant que je pus faire quoi que ce fût, deux syllabes incompréhensibles s'échappèrent des lèvres du blessé. Il les répéta plusieurs fois et je distinguai un mot… Chi-ku…

« Un piège ? Tu es tombé dans un piège ?

−Argh ! »

Un autre homme venait de tomber lourdement d'un arbre non loin de là, puis un autre quelques secondes plus tard.

« T'as vraiment rien dans la cervelle mon pauvre. »

La voix cynique de Marina m'interpela : une fois de plus elle venait de me sauver la vie. Pourquoi me collait-elle comme ça ?

« Les Isotopes se faisaient battre à plate-couture, j'étais énervée, j'suis partie avant la fin.

−D'accord… soupirai-je exaspérément. Tu m'as aidé à traverser le pont, c'était très gentil à toi. Mais maintenant je n'ai plus besoin de trainer avec toi, je peux très bien m'en sortir tout seul !

−Ah oui ? Et ça c'était quoi ?

−J'aurais pu me défendre.

−T'aurais rien pu faire du tout. Ils t'auraient tiré dans la queue et tu serais mort à l'heure qu'il est. T'as dû comprendre depuis le temps : les chasseurs sont pas là pour pourfendre les Sarunins dans des combats nobles et équitables. Si ils peuvent utiliser un gibier blessé comme appât pour en abattre un autre en restant cachés ils se gênent pas. »

Pour une fois je ne pouvais qu'être d'accord avec elle…

« En parlant de ça… »

Elle leva soudainement deux doigts en direction de celui qui avait servi d'appât, dont le front fut transpercé la seconde suivante par un rayon de lumière blanche, avant de rendre son dernier souffle. La colère montant brusquement en moi, sans réfléchir, je dégainai mon épée et lançai sa lame en direction de Marina, qui la bloqua avec ces deux doigts désormais tachés d'un sang invisible.

« Pourquoi t'as fait ça ?! J'avais l'intention de le soigner !

−Le soigner…? répondit-elle, impassible. Si ces deux types s'en sont servis comme appât c'est qu'il était déjà foutu. Ça n'aurait rimé à rien de le laisser agoniser.

−Ha ! Tu veux dire quoi ? Que tu lui as fait une fleur ? »

La meurtrière resta silencieuse quelques instant, et baissa légèrement les yeux avant de glisser d'une voix à peine audible, en ne s'adressant à personne en particulier…

« On n'a pas le droit de condamner quelqu'un à vivre…

−… Quoi ?

−Rien, je pensais à voix haute. Mais tu vois bien que les chasseurs ne reculent devant rien. T'as aucune chance d'atteindre ta destination vivant à ce rythme-là. J'irai pas jusqu'à dire qu'on est amis, mais en tout cas… je ne suis pas ton ennemie.

−Tu es humaine, tu restes une ennemie pour moi. Tu viens de tuer un de mes camarades sous mes yeux et tu espères que je vais laisser passer ça ? »

Elle soupira un grand coup, lâcha mon épée et alla s'asseoir contre un arbre, l'air pensif.

« Je suis avec toi ou contre toi, donc… les hommes ont une façon de penser si simpliste. Humains ou Sarunins, vous êtes pareil hein… dire que je t'ai sauvé la mise deux fois…

−C'est la seule chose qui me fait te supporter.

−Ça et le fait que je suis de toute façon trop forte pour que tu puisse me tuer ? poursuivit-elle de son habituel ton sarcastique.

−La ferme… fais-moi une faveur : disparais de ma vue ! Lui criai-je en détournant la tête. »

Je sentis un léger courant d'air et en regardant à nouveau, je constatai avec surprise que Marina avait accédé à ma demande. Je déchantai cependant en me retournant pour constater que cette peste portait désormais le cadavre du Sarunin sur ses épaules.

« Enlève tes sales pattes de ce corps !

−On va l'enterrer. C'est la moindre des choses non ?

−Qui t'a dit que les Sarunins enterraient leurs morts ? Ça ne marche pas comme ça chez nous ! »

À ces mots, elle me regarda d'un air surpris et reposa le cadavre sur le sol, presque délicatement. Je n'avais même pas songé à la signification de ce qu'elle venait de dire… Une humaine, ex-chasseuse qui plus est, qui voulait offrir une sépulture décente à un de ceux qu'elle considérait comme du gibier ? Quelque chose n'allait pas… depuis quelques minutes elle était bien trop compatissante vis-a-vis de moi et de mon espèce, comme si elle cherchait à gagner ma confiance…

« Et donc ? Comment on fait, «chez vous» ? dit-elle d'un ton neutre.

−… Soit on les repose dans un cercueil en pierre après les avoir embaumés, soit on les incinère.

−Je vois. La première solution va être compliquée à appliquer, donc je suppose que…

−Je peux savoir à quoi tu joues ? »

Une fois de plus elle arbora son air surpris…

« D'abord tu me sauves la vie, ensuite tu abrèges les souffrances d'un de mes camarades, et maintenant voilà que tu veux te plier à nos rites funéraires. Pour le peu que je connais de toi, ça ne te ressemble pas, et ça ne ressemble pas aux humains. Tu essaies de m'amadouer c'est ça ?

−Hm… si tu le dis. J'ai rien contre les Sarunins tu sais ? dit-elle en ignorant ma grimace incrédule. C'est toujours intéressant d'en apprendre plus sur vous, tout ça…

−Et alors ? Pourquoi tu tiens absolument à être dans mes pattes ?

−Je te l'ai déjà dit non ? Je suis pas ton ennemie. On est tous les deux traqués, autant se déplacer ensemble. J'ai beau être très forte je peux toujours tomber dans un piège.

−Et tu crois que je n'hésiterai pas à te sauver si c'est le cas, c'est ça ? »

Pour toute réponses elle se contenta de rire aux éclats… reprenant son souffle et essuyant une petite larme elle adopta de nouveau un ton plus sérieux.

« Tu le sais peut-être, mais au nord du continent, entre En, Hoktei et Sino, il y a une zone neutre où l'armée n'est jamais présente. À la base, elle a été instaurée parce que Sino voulait un accès direct à l'océan mais que l'Union ne voulait pas céder de territoire. Ce sont donc principalement des commerçants de Sino qu'on rencontrera dans cette zone, les Sarunins les intéressent pas ; quand à moi ils me connaissent pas, et même si c'est le cas, en tant que traître à l'Union ils m'accueilleront plutôt à bras ouverts.

−En clair, tu veux qu'on aille jusque là-bas ? Pour quoi faire ?

−Moi, pour tout te dire je dois y rencontrer quelqu'un, et toi… c'est un endroit bien moins dangereux pour les Sarunins que le reste de l'Union, tu pourras y faire escale : Kukai est seulement une centaine de kilomètres au sud de cette zone. Mais je vois pas ce que tu veux aller faire là-bas, à part des salles de jeu y a pas grand chose…

−C'est moi que ça regarde. Tu penses qu'on peut l'atteindre en combien de temps ?

−Si on se dépêche on peut y être dans moins d'une semaine je pense. Tu décides quoi ? »

Elle était insupportable ! C'était ce que j'essayais encore de me dire mais… ses conseils étaient précieux et elle m'avait sauvé la vie, je ne pouvais me résoudre à l'ignorer. Après tout, si elle était fugitive c'était bien pour nous avoir aidés, et elle faisait des efforts indéniables pour ne pas dénigrer mon espèce…


« Bon, ça me paraît être une bonne idée… soupirai-je. Ce n'est pas comme si j'avais quelque chose à perdre de toute façon.

−Parfait. fit-elle en souriant calmement. On va incinérer ton « camarade » et on y va. »



Durant le trajet, comme prévu, les chasseurs étaient sur le qui-vive, et l'expérience de Marina m'évita de tomber dans une demi-douzaine de pièges… bien qu'un peu moins désagréable elle était toujours aussi loquace. Elle me parla du recrutement calamiteux des Isotopes de Balma cette saison, de la chaleur suffocante qu'il faisait dans le QG de Son Goku, de la façon dont un certain Commandant l'éblouissait par sa beauté et sa classe, de la meilleure façon de faire cuire les racines des plantes carnivores, et d'autres choses qui n'intéressaient qu'elle… et de Kina. Elle me questionnait sans cesse sur elle, s'inquiétant presque exagérément. Comment pouvait-on s'inquiéter à ce point d'une parfaite inconnue qui avait été son ennemie peu de temps auparavant ? C'était peut-être ça qu'on appelait un coup de foudre… penser qu'une telle chose puisse se produire entre un humain et un Sarunin me paraissait tellement improbable qu'il me fallut du temps pour que mon esprit l'accepte. Comme tout ce qui pouvait me pousser à penser que nos deux espèces n'étaient pas si éloignées. Je ne devais pas y penser, je ne devais pas me détourner de mon objectif !

L'entrée dans la zone neutre se fit en longeant la côte, presque sans accrocs. Nous marchâmes jusqu'à une plage après avoir passé les innombrables magasins qui poussaient sur chaque mètre carré disponible ; et à mon grand étonnement nous venions de marcher à découvert sans provoquer le moindre émoi chez les nombreux passants et marchands, quand ces derniers n'essayaient pas carrément de nous vendre quelque chose (probablement, ni Marina ni moi ne parlions un mot de Sinoïen). Pourtant, j'avais beau avoir coupé le reste de ma queue, moi et Ryûketsu ne passions pas tout à fait inaperçus… Depuis la plage on pouvait apercevoir au loin un gigantesque port et de nombreux navires. Et pas le moindre fusil, ni même le moindre uniforme…

La différence de densité de chasseurs au kilomètre carré étant presque déstabilisante… une semaine à être sans arrêt aux aguets m'avait enseigné la prudence, mais m'avait surtout donné l'impression que chaque recoin sombre cachait une embuscade. Et curieusement, moins le danger était présent, plus je me méfiais, frisant la paranoïa une fois la zone atteinte. Je commençais à me demander jusqu'où nous allions marcher sur la plage quand Marina s'arrêta brusquement, scruta un instant les alentours, puis s'étira sans retenue.

« Aaaaah… Rôjô, c'est ici que nos chemins se séparent. Moi je vais pas plus loin…

−Parfait, je vais enfin être débarrassé de t… »

Ma réponse fut interrompue par une vive douleur dans l'estomac… tombant à genou sur le sable, je ne saisis pas tout de suite ce qui venait de se produire…

« … et toi non plus. »

Marina affichait un visage que je n'avais encore jamais observé chez elle. Un visage glacial, impassible, sans pitié et indifférent. Le visage d'un Chasseur qui achevait son gibier. Petit à petit, les choses s'éclairaient dans mon esprit, sans que j'y comprenne quelque chose…

« Sale garce… lui lançai-je en empoignant mon arme pendant qu'elle me toisait de haut. Tu m'as menti ! »

L'attaque était vaine. Je le savais. L'épée qui m'échappa des mains et alla se planter dans le sable en virevoltant n'était que le reflet de mon impuissance et de mon incompréhension… comment avais-je pu être assez idiot pour faire confiance à une humaine ? Pour croire jusqu'au bout qu'elle était différente, qu'elle ne me trahirait pas ? Ce coup de pied était comme une claque me réveillant d'un profond sommeil. Je n'avais ni la force ni la volonté d'affronter la traîtresse. J'arrivais à peine à percevoir ses mouvements, une fois de plus totalement à sa merci. Un coup dans le dos eut vite fait de me faire mordre la poussière, sans que je ne me relève. Me relever ? Pour quoi faire ? Si il fallait que je meure ici, que pouvais-je y faire ?

« Je t'ai menti, tu dis ? Je me rappelle pas quand. Je ne fais plus partie de l'armée, j'avais quelque chose à faire ici, je devais rencontrer quelqu'un et j'avais besoin que tu m'accompagne. Tout ça était vrai. Évidemment j'ai passé les détails, ça aurait été trop long de tout t'expliquer. Pour faire simple, mon boulot était de te trouver et de te faire venir jusqu'ici. Pour le moment tu vas dormir un peu en attendant qu'il arrive…

−At… attends un peu ! Quelque chose cloche dans cette histoire… »

Une fois encore c'est son pied qui m'interrompit, me laissant déguster le sable blanc.

« T'as pas besoin d'en savoir plus. dit-elle sèchement avant de reprendre en ricanant. C'est parfait, je vais enfin être débarrassée de toi, pas vrai ? Je suppose qu'on se reverra plus, alors adieu… Kyôjô. »


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13 Avril 1789 − Lumis


Une vaste pièce rectangulaire, bordée tout le long de baies vitrées. Au centre de la pièce, une longue table à l'extrémité de laquelle je me trouvais sur une chaise, les poings liés, la tête basse. En face de moi, elle se tenait assise sur le bord de la table : décontractée, indifférente, me fixant de ce regard argenté, magnifique et effrayant à la fois. Cette femme dont les humains parlaient avec tant d'admiration, je lui faisait enfin face. Malgré son apparent relâchement, son aura puissante et chaleureuse emplissait la pièce… c'était une sensation apaisante, confortable, destinée à me mettre à l'aise et à endormir ma vigilance. En ce qui me concernait, ses pensées la trahissaient, mais il eût été tentant pour tout autre Sarunin ressentant les énergies de gagner confiance. À l'extérieur, on ne percevait pas la moindre hostilité ; à l'intérieur elle bouillait d'envie de venger ses hommes tombés sous mes coups. Elle ne pouvait pas me le pardonner… non… elle ne pouvait pas se le pardonner ? Dans cette agréable chaleur emplissant la pièce, je ne fus qu'à moitié surpris de la douceur de sa voix lorsqu'elle commença à m'interroger.

« Nous te tenons enfin, Cue-Limyos. Veuille nous excuser de ce surnom un peu lugubre, mais tes « faits d'armes » ne nous inspirent pas autre chose. Et estime-toi heureux qu'on ait donné un nom un peu impressionnant à une pourriture comme toi. Mais je prône toujours la diplomatie, je n'utilise la force que quand je n'ai pas le choix même si là, tout de suite, j'ai envie de tuer de mes propres mains, et je sais que tu sauras te montrer coopératif. »

Je ne répondis rien. Il n'y avait rien à répondre pour l'heure. Elle ne tournait autour du pot que pour ne pas paraître trop brusque.

« Je vois… tu es plutôt du genre réservé. Moi non plus je ne parle pas aux gens plus que nécessaire. J'espère bien que c'est le seul point commun entre nous deux ! Je vais en venir au fait, alors. Des attaques ont eu lieu dans plusieurs villes de l'Union récemment, perpétrées par des Sarunin, comme toi. Tes agissements sont-ils liés, oui ou non, à ces attaques ? finit-elle d'un ton presque amical. »

Je n'avais pas attendu qu'elle me pose la question pour savoir de quoi il retournait. Et je n'étais pas surpris. Ce genre d'opérations aurait inévitablement lieu dès lors que les membres de Rivina seraient suffisamment nombreux. Je relevai la tête pour fixer les pupilles d'argent, osant soutenir ce regard hypnotisant… Y étais-je lié ? Encore quelques mois auparavant ma réponse aurait été oui. Mais aujourd'hui la justesse de leur cause m'apparaissait de moins en moins évidente. Je n'avais pourtant pas oublié mon rêve. Mon unique rêve…

« Moi… je suis juste Sarunin comme tant d'autres, qui rêve de redonner une terre à son peuple… répondis-je en souriant du coin des lèvres. »

Après un instant de silence, elle soupira profondément.

« Il aurait agi de son propre chef ? C'est ce que nous avions supposé vu qu'il est seul et qu'il ne procède pas du tout comme les terroristes mais… Connaissais-tu l'existence de ce groupe terroriste ? »

Un peu que je le connaissais…

« As-tu été en contact avec un ou plusieurs de ses membres ? »

Elle n'attendait pas que je réponde. Elle n'en avait pas besoin : la façon dont elle formulait les questions en témoignait. Les liens qui entravaient mes poignets mesuraient mon pouls dans le même temps.

« Sais-tu qui les dirige ? »

Sa voix n'avait pas perdu sa douceur et le ton était toujours amical. Mais le rythme des questions s'accélérait…

« Est-ce que le nom de Jinei te dit quelque chose ? »

… Que faisait cette question au milieu des autres ? Qu'est-ce que ce dénommé Jinei avait à voir là-dedans ?

« Jamais entendu parler…

−Hm… je m'en doutais. Évidemment, Jinei n'est pas idiot. Si il avait survécu et pris la tête de ce groupe, il aurait sûrement caché son identité.

−Qui est ce type ?

−Excuse-moi, fit-elle en souriant, mais c'est moi qui pose les questions ici. Mais puisque tu demandes… ce « type » mesure environ un mètre quatre-vingt cinq, il a la peau noire, un accent des régions équatoriales, il est assez frileux, et a probablement des marques de brûlures intenses sur le corps…ça ne te dit vraiment rien ? »

… Qu'est-ce que ça signifiait ? Non, c'était sûrement une coïncidence, ça ne pouvait pas être possible… des hommes lui ressemblant il y avait sans doute des tas. Et elle ne pouvait de toute façon pas avoir déjà découvert qui dirigeait Rivina. Un traître dans leurs rangs ? Ça ne pouvait pas arriver. Pas depuis ce jour. Et si ça avait été le cas cette femme n'aurait pas eu besoin de m'interroger.

« Ho…? À voir ta tête, ton pouls, et… elle ferma les yeux un instant. … à sentir ton aura, on dirait bien que ça te dit quelque chose finalement. Il semble également que tu connaisse ce groupe. Mais il agit malgré tout de son propre chef… Il y a donc deux hypothèses : soit il est en contact avec le groupe sans y participer directement, soit il en faisait autrefois partie mais l'a quitté pour quelque raison… »

Ça devenait dangereux… je n'avais aucune envie qu'elle en apprenne trop sur eux. Elle allait à présent sans doute rechercher des informations plus précises. Et quelque chose me disait qu'il ne serait pas si simple de continuer à me taire. Le Commandant commença à se diriger vers la porte derrière moi…

« Sois sage et attends-moi ici. Il ne m'en dira sûrement pas plus de lui-même, il va falloir recourir au sérum de vérité spécial Sarunin… mais c'est encore un produit expérimental, on a déjà eu des mauvaises surprises avec ; il est une source d'information trop précieuse, je ne voudrais pas qu'il nous claque entre les doigts…

−Attends !

−… Allons bon. dit-elle d'un ton faussement guilleret en s'arrêtant net. Ne me dis pas que tu vas parler tout seul, comme un grand ?

−Qu'est-ce vous comptez faire si vous trouvez ce groupe ?

−Pardon ? répondit-elle d'un ton offusqué. N'est-ce pas évident ? C'est notre rôle d'éliminer les menaces pour l'Union. Ce sont des terroristes et des Sarunins, lorsque nous les trouverons ça nous fera deux raisons de les exterminer.

−Presque tous les humains semblent penser ça… Vous n'avez jamais pensé à accepter Sarunins dans votre société ? »

Cette fois c'est par un éclat de rire qu'elle répondit. Revenant en face de moi, elle posa violemment sa main droite sur la table. Je commençai à me concentrer… Son regard d'acier ne dégageait plus que des envies de meurtre que son sourire faux dissimulait à peine. Et l'atmosphère chaleureuse dans laquelle avait baigné la pièce jusqu'à présent s'était soudainement estompée.

« Vous accepter ? Mon cher Cue-Limyos, tu vois ce grand parc, en bas sur ta droite ? C'est le cimetière militaire, qui s'est beaucoup rempli ces derniers temps. Grâce à toi cela va sans dire. La phrase que tu viens de dire, tu l'as dite devant la tombe de TOUS LES HOMMES ET LES FEMMES HUMAINS QUE TU AS TUÉS ! Tu aurais pu la dire également devant tous les orphelins que toi et tes camarades ont laissés dans leurs attaques ! Oserais-tu dire, devant ces orphelins : « J'ai détruit votre famille, mais acceptez-moi » ? »

Elle ne souriait plus. Il n'y avait désormais plus que sa rage qui parlait. Et ses paroles reflétaient le cœur du conflit qui déchirait nos deux espèces… je devais me concentrer, encore un peu…

« Tu sais, toutes les espèces du règne animal aspirent à une même chose : survivre. Pour ça elles doivent éliminer les espèces nuisibles à cette survie s'il le faut. Un Sarunin enfant possède en moyenne 10 fois la force d'un humain de même âge. À l'âge adulte, même les plus faibles la possèdent 20 à 30 fois. Que crois-tu qu'il se passerait si on vous laissait proliférer ? »

Encore un tout petit peu, encore un effort et je pourrais…

« Ton espèce est une menace pour la survie de l'humanité, par conséquent nous devons l'éliminer. Ce n'est ni plus ni moins que la loi de la nature à laquelle toute espèce est soumise… c'est aussi simple que ça. »

Oui, j'y étais presque…

« Et en dehors de ces considération d'instinct animal, si ça ne tenait qu'à moi rien ne ferait plus plaisir à mon côté humain que de jeter ton cadavre aux chiens après ta mort… et même si le sérum le tue avant qu'il n'ait donné toutes les réponses, au pire il reste la fille… »

Juste à temps ! Je parvins à laisser échapper de l'extrémité de mes doigts un fin rayon d'énergie ; fin mais suffisamment puissant pour sectionner ma propre queue d'un seul coup. Mon aura s'amplifia brusquement et Lyendith faillit trébucher sous l'effet de la surprise. Il ne me fallut que quelques secondes pour me libérer par la force de mes liens et armer une boule de feu qu'elle contra par une des siennes. Je n'espérais pas la toucher sérieusement avec l'explosion, mais au moins l'aveugler quelques instant. Pour l'heure j'avais autre chose à faire que de me frotter à un Commandant. Traversant les couloirs et détruisant les portes que je rencontrai sur ma route, c'est vers le sous-sol que je me dirigeai : je devais la sauver, c'était tout ce qui comptait à cet instant. J'eus vite fait d'assommer les gardes qui me bloquaient le passage. C'était là : la dernière cellule à gauche. Elle était immobile, recroquevillée, la tête dans les genoux. Je n'avais pas le temps de chercher la clé sur un des gardes… je réussis néanmoins à trouver le bouton pour qu'elle m'entende…

« Ciana ! Recule !

−Hein…? Vous…? Qu'est-ce que…

−Recule s'il-te-plaît, je vais faire sauter cette vitre ! »

Après qu'elle se fut exécutée il me fallut, à ma grande surprise, deux coups de poing pour éliminer l'obstacle. Je me précipitai à l'intérieur pour lui ôter ses entraves…

« Qu… Qu'est-ce que vous faites avec ma queue ?
−Pardon, dis-je en pointant deux doigts sur son appendice, ça risque être un peu douloureux…

−Comment ç… AAAH ! Ça ne va p… qu'est-ce que… mes forces reviennent…?

−Quand notre queue nous gêne, le meilleur moyen c'est couper. Tu ne savais pas ?

−Je n'y avais jamais vraiment pensé… mais monsieur le Sarunin, pourquoi vous…

−On a pas le temps, accroche-toi à moi, je vais te sortir de là. Et appelle-moi Vaki. »

Ciana se cramponna à mon cou, mais à peine sorti de la cellule je fus accueilli par une boule de feu venant de la droite et eus tout juste le temps de me tourner pour ne pas que la jeune fille soit touchée. Je parvins à me ressaisir vite et à poursuivre ma route mais fus sévèrement sonné par la charge. Un projectile aussi puissant ça ne pouvait être que…

« Cue-Limyoooos ! Tu t'en tireras pas si facilement ! »

Elle n'était pas Commandant pour rien, et gagnait rapidement du terrain sur nous… L'escalier suivant débouchait sur une salle remplie d'apprentis en plein entraînement. Tous furent bien trop surpris pour réagir, mais alors que leur professeur s'apprêtait à nous prendre en chasse, notre poursuivante le somma de rester en retrait. Les fenêtre de la salle volèrent en éclat en même temps qu'une ombre me passa devant. J'évitai son coup de justesse tout en prenant mes distances. Nous flottions à présent dans les airs, face à face, un sourire satisfait sur les lèvres du Commandant Lyendith. Tandis que son regard nous perçait, je n'avais pas besoin d'entendre les pensées de Ciana pour comprendre qu'elle était terrifiée. Ses tremblements en disaient suffisamment…

« Mais que vois-je…? Ne serait-ce pas la demoiselle pressées de la dernière fois ? Je n'aurais peut-être pas dû te laisser partir finalement. Ça n'est pas gentil de me fausser compagnie, je ne t'ai pas encore interrogée.

−Elle a rien à te dire. Et puis, je n'ai pas envie te la donner.

−Tu crois que je vais demander ta permission peut-être ? Elle est peut-être faible mais ça reste une Sarunin. L'avoir laissée filer une fois est déjà une faute professionnelle, je perdrais la face si ça devait se reproduire.

−… Ça dépasse votre entendement, pas vrai ? »

Son sourire s'effaça une fois de plus ; l'espace d'un instant elle sembla légèrement surprise.

« De quoi parles-tu ?

−Qu'un enfant naît d'un humain et d'un Sarunin… vous autres vous ne pouvez pas croire. Vous ne pouvez pas accepter. »

La réaction de mon adversaire fut celle escomptée : une mine mêlée d'incrédulité et de dégoût à la simple idée que cela puisse être vrai.

« Qu'espères-tu me dire au juste ? Que nos deux espèces peuvent se mêler, et même s'aimer sans se détruire ? À qui veux-tu faire croire ça ?
−Qu'est-ce que vous en savez ? cria Ciana, la voix tremblante en se libérant de mon étreinte. Pourquoi ça vous paraît si imp… »

Mais elle n'eut pas le temps de terminer sa phrase que Lyendith était déjà devant elle, en train de rassembler une grande quantité d'énergie dans sa main droite, prête à viser Ciana…

« Je ne t'ai pas demandé ton avis, gamine. »

Le rayon transperça mon épaule gauche alors que j'écartai la jeune fille de la trajectoire, tout en agrippant le bras de mon adversaire et en la lançant à terre dans un grand fracas. J'attrapai Ciana par le bras et volai, le plus vite que je pouvais, en direction des montagnes. Elle devait rentrer dans son pays, en sécurité, loin de cette femme. Je ne pouvais de toute façon pas me mesurer à elle, presque choqué de savoir qu'une simple humaine puisse obtenir une telle puissance. Arrivé près de la frontière, je descendis. Ma blessure ne me permettait pas de continuer plus loin.

« Rentre chez toi, petite… et ne remet plus jamais les pieds dans Union…

−Vaki… votre épaule… fit-elle d'une voix terrifiée. Pour… pourquoi vous faites tout ça ? Après tout… ce que vous avez fait… tous ces humains…

−Tss… comment dites, déjà…ah oui… « Il n'y a qu'imbéciles qui changent pas d'avis »… Les gens comme toi… les gens comme toi sont preuve…

−Comment ça ?

−… preuve que la haine n'est pas seule possibilité entre nos deux espèces. Maintenant va-t-en. Elle va bientôt revenir.

−Mais vous, est-ce que…

−VA-T-EN ! Je ne peux pas venir avec toi. Que se passera-t-il si elle sait que je suis dans ton pays ? Je peux m'en sortir tout seul. Elle n'aura pas si facilement. »

C'était probablement une larme que je vis sur sa joue à ce moment-là. Elle s'en retourna et se précipita derrière la frontière, disparaissant de ma vue. J'essayai à mon tour de me relever mais ma blessure était plus grave encore que je ne le pensais… Sur les genoux, je finis face contre terre lorsque le pied de mon bourreau se posa violemment sur mon dos.

« Tss… elle s'est encore échappée, ma réputation va en prendre un coup. En revanche, toi… poursuivit-elle en piétinant ma blessure, m'arrachant malgré moi un râle de douleur. C'est la dernière fois que tu nous cause des ennuis. Une dernière volonté, ordure ? »

Mon ultime geste de résistance fut un sourire esquissé avant de prononcer mes derniers mots.

« Ne faites pas même erreur que moi.

−C'est tout ? »

En regardant devant moi je pus apercevoir une silhouette cachée derrière un rocher non loin de là, qui observait la scène. Le rayon traversa mon cœur… tout devint silencieux… la silhouette derrière le rocher hurla… je partais l'esprit un peu moins confus : ces enfants représentaient l'espoir de nos deux peuples…





à suivre…


----------------------------------------------------------------------------------------------------



Voilà voilà ! Pour tout dire, j'aurais aimé développer Vaki un peu plus longuement et que son revirement soit plus progressif (parce qu'après relecture ça paraît quand même un peu précipité), mais il faut aussi quand même que j'avance un peu… je sais que Ciana semble ne servir à rien pour le moment mais je compte en faire quelque chose :P Elle et Lyendith sont les deux personnages sur lesquels je prend le plus de plaisir à écrire.

J'ajouterais la carte du monde demain soir sans doute.
Dernière édition par Le Chauve le Jeu Mars 05, 2009 20:00, édité 2 fois.
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Re: Kuroki, un autre fic...

Messagepar RMR le Jeu Fév 26, 2009 12:18

Toujours fidèle au poste, le plaisir de lire cette fic est inchangé. Mais il y a tant de personnages et de situations que le seul résumé ne suffit pas à se remettre en condition... Cette fic méritera d'être relu en entier une fois fini, pour bien tout suivre.
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Re: Kuroki, un autre fic...

Messagepar Le Chauve le Mar Mars 03, 2009 22:58

Merci à toi RMR

Pour ceux en manque de repères, voilà une petite carte pour situer les personnages les uns par rapport aux autres :

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Pour l'instant c'est surtout en haut à droite de la carte qu'il faut regarder. :P La carte indique la position de chacun des narrateurs au début du chapitre.
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Re: Kuroki, un autre fic...

Messagepar Salagir le Jeu Mars 05, 2009 13:14

Un chapitre de plus ! En deux parties !
Donc un long moment pour retrouver les personnages, un scénario toujours trop compliqué à mon goût, mais c'est toujours aussi bien raconté.

Ce serai ptet cool d'avoir un post avec la liste des personnages et un bref résumé de leur fonction ^^

Ca fait bizarre de voir Lyendith en gentille enquêteuse au début du chapitre, puis en "méchante" bornée à la fin du chapitre.
D'ailleurs à ce niveau, j'ai encore mis un temps dingue à faire le rapport entre l'interrogatrice de fin et la narratrice du début.. oui c'est la même personne, oui elle est nommée... mais pas très très vite non plus.
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Re: Kuroki, un autre fic...

Messagepar Le Chauve le Jeu Mars 05, 2009 20:23

Bah quand même, la description au début de la dernière partie me semble assez explicite :|

me fixant de ce regard argenté, magnifique et effrayant à la fois. Cette femme dont les humains parlaient avec tant d'admiration, je lui faisait enfin face.


À l'extérieur, on ne percevait pas la moindre hostilité ; à l'intérieur elle bouillait d'envie de venger ses hommes tombés sous mes coups.


Ça plus le

−Arrête de dire des conneries Cue-Limyos, ou dis-les au Commandant Lyendith, elle t'attend. »


Je pensais qu'il était facile de faire le lien…

Bon c'est vrai faut aussi se souvenir que Lyendith a des yeux argentés…

Je devrais peut-être repenser à ta lointaine proposition pour faire des petites icônes des personnages pour indiquer le narrateur *( ¦-3 ]
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Re: Kuroki, un autre fic...

Messagepar Salagir le Sam Mars 14, 2009 11:22

Le Chauve a écrit:Bah quand même, la description au début de la dernière partie me semble assez explicite :| ... Bon c'est vrai faut aussi se souvenir que Lyendith...

Il faut même se souvenir de Lyendith ;) Je me rappelais pas de son nom, et vaguement de son histoire.
Evidement avec beaucoups de persos et un chapitre tous les 6 mois ;p on a du mal à se rappeler de tout...

Bon sang j'espère que ça fait pas pareil avec Hanasia... le dernier chapitre est écrit, je le relis et vous le mets en ligne. La semaine prochaine je dirai.
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Re: Kuroki, un autre fic...

Messagepar Le Chauve le Dim Sep 27, 2009 1:02

Hop hop, attention ça sort du four :o


Kyōjō s'est séparé de Jin et Kina après avoir rencontré Vaki, un Sarunin qui lui indique où trouver le repaire d'un groupe révolutionnaire Sarunin. Il se dirige donc vers la ville de Kukai et reçoit l'aide inattendue de Marina, qui s'est échappée et dit avoir quelque chose à faire près de là-bas. Mais cette "aide" se révèle être une supercherie, Marina n'avait pour but que d'attirer Kyōjō à un point de rendez-vous, mais pour quelle raison ?
Peu après avoir rencontré Kyōjō, Vaki est capturé et fait la connaissance de Ciana, métisse humaine-Sarunin qui a été prise pour une terroriste et a été enfermée avec lui. Alors qu'il est interrogé par le Commandant Lyendith sur un groupe terroriste composé de Sarunin, il parvient à s'échapper et fait tout pour sauver Ciana, au prix de sa vie. Lyendith est, elle de plus en plus convaincue que le chef de ce groupe n'est autre que Jinei, son ancien Commandant qui avait commis une grande trahison envers l'Union un an auparavant et est censé avoir été exécuté.



Chapitre 14
Rêve



11 Avril 1789 – Arata, sous la région de Dumia

Mirie et son fils avaient quitté la pièce pour ne pas nous déranger. Malgré cela, Jin et moi restâmes assis là, face à face, sans prononcer le moindre mot. Nous ne savions pas vraiment par où commencer en fait… après quelques minutes je brisai hasardeusement le silence.

« Alors… Kyōjō est vraiment…

−… Il est parti, oui…

−Est-ce que… est-ce que tu as une idée de ce qu'il compte faire…? »

Il entrouvrit la bouche puis se ravisa, comme s'il n'était pas sûr lui-même de ce qu'il allait répondre. Avant de se lancer.

« Le type de tout-à-l'heure… celui qu'on a rencontré à l'entrée de la grotte… je lui ai parlé…

−V… vraiment ? Est-ce qu'il sait où est allé Kyōjō ? dis-je brusquement, sans pouvoir étouffer une note d'espérance dans ma voix.

−Oh oui il le sait… c'est même lui qui lui a dit d'y aller. Mais il n'a pas voulu me le dire. ajouta-t-il en anticipant ma question. Il m'a juste dit qu'il irait là où on lui apprendrait à se servir de sa haine, ou autre connerie dans ce genre…

−Tu veux dire qu'il est parti rejoindre des Sarunin… qui ont tourné comme lui ?

−C'est ce que je crains, oui. Sans doute une sorte de groupuscule révolutionnaire… il faut être cinglé pour s'engager dans ce genre de groupe… j'ai entendu dire qu'il y en avait eu quelques uns mais qu'ils avaient tous fait long feu. Cet idiot risque juste de se faire tuer !

−Mais il nous l'a dit, non ? Il préfère mourir que de rester caché sous terre à regarder notre espèce se faire décimer. C'est comme ça qu'il raisonne depuis la mort de mon frère… »

Jin resta silencieux un moment, le visage fermé, avant de se mettre à regarder en l'air.

« Nezumaru… je comprends toujours pas comment il a pu se faire tuer. C'était le Sarunin le plus fort que je connaissais, même Kyōjō avait jamais réussi à le mettre au tapis. Je sais pas, il paraissait vraiment… invincible.

−C'est parce qu'il ne semblait jamais perturbé. Il était toujours calme, optimiste et joyeux, il ne perdait jamais confiance. C'était étrange, on se sentait apaisé à côté de lui, comme si il dégageait des ondes positives. La seule fois où je l'ai senti en colère c'était à la mort de Maman, il y a deux ans… pendant quelques jours j'ai eu l'impression de voir une autre personne… puis il est redevenu normal.

−C'est vrai, c'était aussi l'impression qu'il me donnait… »

Pendant un instant j'avais cru voir l'ombre d'un sourire sur le visage de Jin, et il semblait avoir remarqué la même chose chez moi. Le simple fait d'évoquer la mémoire de mon frère semblait détendre l'atmosphère, comme si ce souvenir avait conservé ces ondes positives.

« Je me demande ce qu'il dirait si il voyait comment est devenu Kyōjō… reprit-il. Nezumaru était fasciné par les humains, il adorait les étudier. Il aurait sûrement jamais cherché à se venger. Non, il aurait cherché une autre solution…

−Je crois bien qu'il connaissait plus de langues que la plupart des humains, comme pour mieux comprendre chaque peuple. Il volait sans arrêt des livres dans des bibliothèques, ça a lui a même attiré quelques ennuis… dis, Jin… tu crois… qu'il aurait essayé de l'arrêter ? »

Il sembla légèrement pris de court par ma question. Avait-il peur d'avoir compris ce qu'elle sous-entendait ? Son visage se fit soudain plus sombre, plus pessimiste…

« Et toi, Grande Sœur… tu crois encore pouvoir l'arrêter…?

−Je… je ne sais pas… je ne sais plus… il semble tellement déterminé… et puis, on ne sait même pas où il est, comment va-t-on le retrouver ? Mais en même temps je comprends ce qu'il ressent, je ne peux pas rester là à ne rien faire…

−C'est vrai. Nezumaru n'aurait sans doute pas agi comme Kyōjō, mais ils avaient le même rêve au fond. Ils voulaient que notre peuple puisse prospérer en paix… »

Le silence tomba à nouveau. Nos pensées venaient de suivre le même chemin, vers une décision qui peu à peu s'imposait à nous. En un sens, la folie et la disparition de Kyōjō étaient un coup dans le dos qui allait nous permettre d'avancer vers un véritable objectif. Celui de « vivre et non plus survivre »… comme ils le souhaitaient tous les deux… et comme nous le souhaitions tous finalement. Même avec mon corps malade, et même si je savais que mort n'attendrait pas longtemps avant de venir me prendre, je ressentais de plus en plus le besoin d'agir. De changer ce que je pouvais changer. De rendre utiles les quelques années qu'il me restait. Gonflée d'une motivation nouvelle, sans vraiment m'en rendre compte, je me levai brusquement et plaquai mes mains sur la table en la fissurant légèrement…

« Grande sœur… bégaya Jin en esquissant un mouvement de recul. tout va bien, t'es s…

−Tout va très bien ! C'est décidé, moi aussi je vais faire ce que je peux pour changer les choses !

−Euh… oui…

−Quelque chose ne va pas…? demandai-je en reprenant quelque peu mes esprits. »

Le visage de Jin avait semblé intrigué un instant, mais il se mit soudain à pouffer de rire avant de se reprendre.

« Non, c'est juste que… ça faisait longtemps que je t'avais pas vue sourire comme ça. Ça fait vraiment du bien de te voir cette expression, depuis un an tu avais l'air toujours anxieuse. Ça me faisait de la peine.

−C'est vrai… quand Nezumaru est mort je me suis dit que je devais sourire autant que possible pour ne pas qu'il soit triste en me regardant… mais je n'ai fait que me fourvoyer. J'avais beau sourire machinalement, ça ne changeait rien à ma tristesse. Si je veux vraiment qu'il puisse me regarder fièrement, je peux au moins faire perdurer son rêve… je ne veux plus rester sous terre à me morfondre… je ne veux plus me mentir ! »

Jin me fixa, les yeux grand ouverts, pendant quelques instants. Puis, avec un léger sourire il se leva à son tour, contourna la table et me pris dans ses bras sans prévenir, me faisant presque mal. Il était facile de l'oublier, mais Jin était encore un enfant… se séparant de moi, il sourit de plus belle, le regard fier et en croisant les bras.

« Ça c'est ma grande sœur ! Ça me redonne la pêche tout ça ! Compte sur moi pour te suivre… bon, j'ai pas encore d'idée précise de ce qu'on pourrait faire… mais en réfléchissant on va bien trouver !

−Ah non, reviens ici, laisse-les tranquille ! »

Mirie venait d'entrer dans la pièce, à la poursuite de son fils qui avait dû tromper sa vigilance une fois de plus. Mais ses plates excuses étaient teintées d'un ton étrange ; elle semblait s'excuser plus pour avoir entendu notre conversation que pour l'avoir interrompue…

« Ah… Mirie… demandai-je d'un ton un peu hésitant. Ça ne vous dérange pas qu'on dorme chez vous ? Nous repartirons demain… nous avons certaines choses à faire.

−Au… aucun problème, vous pouvez rester tant que vous voudrez… »

Le dîner se déroula sans autre incident que les taches dont se couvrait le petit en dépit des réprimandes un peu désespérées de sa mère. Jin et moi avions vite fini par envisager de nous couper la queue et d'intégrer la société humaine dans notre région natale. Il fallait pour cela connaître parfaitement cette société, ses règles et ses usages : les nombreux livres qu'avait vol… empruntés mon frère de son vivant étaient toujours dans notre ancienne maison et allaient être une précieuse source d'informations pour nous permettre de nous préparer au mieux.

Le lendemain matin, peu avant notre départ, Mirie nous salua de son habituel ton hésitant. Mais quelque chose nous troublait, Jin et moi, elle semblait… encore plus hésitante que d'habitude.

« Quelque chose ne va pas ? demandâmes-nous à l'unisson. »

Elle se tortilla les doigts pendant un long moment avant de lancer d'une voix qui s'apparentait plutôt à un murmure…

« … non rien, j'ai oublié ce que je voulais dire… ce n'est pas grave. Faites bonne route, Kina, Jin… finit-elle avec un sourire. »

Nous partîmes sans poser plus de questions mais… l'espace d'un instant j'avais juré qu'elle allait demander si elle pouvait nous accompagner.



_______________________________________________________________________________________________________



15 Avril 1789 − Base souterraine au milieu des plaines de Chiyuki


J'avais été laissée seule dans ma cellule pendant près d'une semaine, à méditer sur le crime que j'avais commis et à ruminer deux pensées envahissantes : le châtiment qui allait m'être infligé et le visage de Kina. Pourquoi ? Je ne devais plus penser à elle, c'était une ennemie ! Une ennemie au regard envoûtant… non, c'était une inconnue ! Une si belle et si douce inconnue… mais c'était à cause d'elle que j'étais dans cette situation ! Mais je ne pouvais pas la laisser ici, qui sait ce qu'ils lui auraient fait… si seulement… si seulement…! Je devais m'y faire, j'allais devoir croupir en prison jusqu'à la fin de mes jours − je trouverais bien un moyen de m'évader, remarquez. Mes tourments étaient de temps en temps interrompus par les repas que les gardes passaient par l'ouverture dans la porte, mais la plupart restaient intouchés. Je me disais que la faim allait me distraire de mes pensées maussades. Et puis j'étais une dure à cuire, je pouvais bien me permettre de sauter quelques repas. Je n'étais pas comme ces Sarunin qui devaient engloutir des repas de régiments ! Sarunin… Kina… aaah… rien à faire, je n'y arrivais pas.

Ce fut au moment où je m'y attendais le moins que Junkoku entra dans la pièce. Lui il saurait me comprendre, il savais comment j'étais, il me pardonnerait bien vite et tout serait oublié ! C'était ce que j'espérais mais je me doutais que ça ne serait pas aussi simple. Son visage fermée et sa réticence à me regarder dans les yeux pendant qu'il s'asseyait devant moi ne tardèrent pas à me le confirmer.

« Je veux bien te laisser une chance de réintégrer l'armée à mes côtés… »

… Hein ? Je devais avoir mal entendu ?

« … Pour ça il va falloir que tu accomplisses une petite « mission » pour moi. »

C'était bien ce que je pensais : ça ne pouvait pas être aussi simple…

« Je me suis entretenu avec Kalza, et on s'est mis d'accord : puisque tu as laissé ces Sarunins s'enfuir, c'est toi qui va les retrouver et les capturer. En particulier celui avec l'épée − comment il s'appelait déjà…? En tout cas, tu devras les emmener à un endroit précis. »

C'était tout ? Je devais les retrouver, les faire dormir un peu et les livrer là où on me le demanderait ? Ça ne pouvait pas…

« Cependant… »

… être aussi simple…

« … ne crois pas t'en tirer en les assommant, en les ligotant et en les livrant à l'endroit prévu. Une fois que tu les auras retrouvés, tu devras t'arranger pour gagner leur confiance et les y attirer. Une mission qui requerra tout ton culot, ton intelligence et ta fourberie, en somme »

Le culot et la fourberie étaient de son côté, oui ! Comment osait-il me proposer une mission pareille… je ne savais pas si j'allais avoir la force de tromper Kina une deuxième fois après l'avoir aidée à s'échapper… est-ce que par hasard…

« Ça peut te paraître culotté de ma part de te demander ça, mais je veux être sûr que ce qui s'est passé ne se reproduira pas. Tu sais ce qu'il en coûte de faire ami-ami avec des Sarunin. Ou d'avoir le béguin pour eux… »

Pourquoi me regardait-il comme ça ? Je n'y pouvais rien, moi…

« Ta destination se trouve au nord-ouest d'ici, sur la plage de Fenlava dans la Zone Neutre. Peu importe le temps que ça prendra, mais essaie de ne pas trop traîner quand même. Si tu réussis je te jugerai de nouveau digne de confiance et passerai l'éponge sur ton moment d'égarement ; si tu te perds en chemin, eh bien… En attendant moi et Kalza − tu le rencontrera là-bas − serons les seuls au courant. Ne t'attends donc pas à ce que la tâche te soit facilitée, tu seras une fugitive à part entière. »

Commençant à se relever, il soupira un grand coup, l'air de dire que ces explications le fatiguaient… après s'être étiré nonchalamment le cou, il s'avança vers moi et sorti une petite clé, me libérant des menottes faits maison dont j'avais pu constater la solidité durant cette semaine de détention, avant de se diriger vers la porte…

« Je vais assommer discrètement les gardes et créer une ouverture pour que tu puisses t'évader, j'arriverai bien à faire passer ça pour un accident. Je vais aussi te donner une capsule avec quelques vêtements… après ça tu devras te débrouiller. »

Il comptait sûrement faire croire que je lui avais dérobé les clés grâce à un de mes coups fourrés. Comme si j'en étais capable… bah, les soldats le croiraient, de gré ou de force : Junkoku n'était pas vraiment le genre de personne que l'on pouvait contredire sans risquer sa peau. En revanche, moi, si j'arrivais à en revenir, j'allais avoir une réputation exécrable, vous parliez d'un cadeau empoisonné ! Mais une autre interrogation me vint tout-à-coup…

« Ah, j'allais oublier ! dit-il en se retournant vers moi en sortant un petit appareil rond qu'il me lança. Tu vas te servir de ça pour les repérer. Je comprends pas vraiment comment ça se fait, Kalza a dû placer une espèce de mouchard sur l'un d'eux… enfin bon, il m'a dit que tu pourrais les retrouver facilement avec ça. Réjouis-toi, ça va te mâchera la première moitié du boulot. »

Observant l'objet distraitement et en l'allumant, je constatai que ce radar était un peu étrange : le cadran était totalement vierge, si ce n'était de deux flèches en haut à gauche indiquant à peu de choses près la même direction ; la distance de quelques centaines de mètres qui annotait la plus à droite ne bougeait pas, contrairement à l'autre, à plus de deux cent kilomètres… en regardant de plus près, il me semblait avoir déjà vu cet appareil quelque part… dans un musée… c'était un Dragon Radar ? Plus aucun n'était fabriqué depuis la fin de la dernière guerre, près de cinq siècles auparavant. Et pour cause, ils étaient censés être devenus parfaitement inutiles, de simples reliques sanglantes de l'Ancien Monde… alors pourquoi celui-là indiquait-il deux directions, dont l'une n'était même pas un Dragon Ball ? Non, comme l'avait dit Junkoku, ce Kalza devait avoir placé un mouchard spécial…

Le savoir ne m'avancerait à rien de toute façon, j'allais pouvoir retrouver mes cibles facilement, et c'était bien tout ce qui comptait. En levant les yeux je constatai toutefois que pour la première fois Junkoku me regardait en face. Mais son expression était inhabituelle, comme anxieuse…

« Tu reste muette depuis tout-à-l'heure, tu es sûre que ça va ? »

C'était une bonne question. J'avais moi-même du mal à savoir si j'étais heureuse ou sceptique de me voir offrir cette seconde chance inespérée. Dégageant mon visage de mes cheveux dénoués d'un geste lent, je baissai un instant les yeux avant de les relever vers lui, interrogateurs.

« Pourquoi tu es aussi indulgent avec moi ? »

Son expression changea à peine, à croire qu'il s'attendait à cette question. Il n'eut pour toute réaction qu'un sourire esquissé.

« Tu le sais déjà, non ? Tu m'as sauvé la vie il y a seize ans, ça me ferait mal de te voir croupir dans une cellule pour le restant de tes jours.

−Toujours cette histoire… répondis-je avec un léger ricanement ironique. J'aurais pourtant juré que c'était toi qui m'avait sauvée ce jour-là.

−Pour moi ça revient au même. Je te considère pas tout à fait comme ma fille mais…

−Ça risque pas, t'es bien trop vieux pour être mon paternel. »

Sa moue et son air agacé suffirent à m'arracher un sourire, le premier depuis un moment. Dès lors que j'avais parlé, j'avais ressenti le besoin de détendre l'ambiance.

« … mais c'est moi qui t'ai recueillie, mon devoir était donc de t'apprendre ce que je savais. Malheureusement la seule chose que j'aie appris à faire c'est me battre et diriger des hommes, alors j'ai dû un peu déteindre sur toi. Ici c'est ma seule maison, l'armée la seule famille où je me sens bien. Et toi … »

Il se tourna de nouveau vers la porte, mais je le soupçonnais de rougir légèrement à cet instant. Tout indiquait qu'il allait sortir une phrase du genre…

« … tu es la seule chose qui me maintient en vie. Si tu disparais, je mourrai de nouveau.

−… t'as rien trouvé de plus mièvre comme réponse, « Papa » ?

−Pff… y a pas à dire, j'ai vraiment trop déteint sur toi. Bonne chance, idiote. »

La seconde d'après la porte s'ouvrait, les deux gardes à l'entrée s'effondraient, et ma mission débutait. Pour une raison ou une autre cet échange avait décuplé ma motivation… deux semaines et demie plus tard, j'étais sur la plage indiquée, mon colis livré à mes pieds, le Commandant Kalza contenté et ma liberté retrouvée. Par chance ou malchance, je n'avais pas revu ma douce inconnue. Pourquoi avais-je accepté cette mission ? Pour laver mon crime ? Pour m'épargner une vie de fugitive ? Non, si je l'avais voulu j'aurais très bien pu refaire ma vie à Dorowen ou à Sino, et y couler des jours paisibles… mais ça non plus, ça n'était pas si simple. Aussi mièvre que fût la tirade de Junkoku sur sa maison, sa famille, et sur moi, je ne pouvais pas me le cacher : je ressentais la même chose.


______________________________________________________________________________________________________



14 Avril 1789 − Frontière de Dorowen


« Les gens comme toi… les gens comme toi sont preuve…

−Comment ça ?

−… preuve que la haine n'est pas seule possibilité entre nos deux espèces. Maintenant va-t-en. Elle va bientôt revenir.

−Mais vous, est-ce que…

−VA-T-EN ! Je ne peux pas venir avec toi. Que se passera-t-il si elle sait que je suis dans ton pays ? Je peux m'en sortir tout seul. Elle n'aura pas si facilement. »

Lui, devant moi, à genoux, une horrible blessure à l'épaule… et moi, debout mais les jambes tremblantes, une larme perlant sur ma joue… mon cerveau m'ordonnait lui aussi d'aller me mettre en sécurité, mais mon corps refusait de s'exécuter… c'était injuste… ce Sarunin venait de me sauver la vie, je ne pouvais pas le laisser ici, il se ferait tuer à coup sûr… mais que pouvais-je faire face à cette femme ? J'étais faible et terrifiée… et je ne voulais pas qu'il se soit sacrifié pour rien… tant bien que mal, et manquant de trébucher, mes jambes se décidèrent à réagir et me guidèrent une centaine de mètres plus loin, sous le grand panneau indiquant l'entrée à Dorowen… la sentant approcher, par réflexe je me cachai derrière un rocher… je me risquai à jeter un œil depuis ma cachette… elle venait de le plaquer au sol… tout irait bien… elle le laisserait en vie pour l'interroger, et il réussirait à s'enfuir encore une fois… je perçus comme un flash lumineux et l'aura de Vaki s'atténua brusquement… puis s'éteint… c'était une ruse pour mieux la surprendre, à coup sûr… il me l'avait bien dit : il ne mourrait pas si facilement… mais il ne se relevait pas… non… ça ne devait pas se passer comme ça !

« VAKIIIII !!! »

J'avais crié et était sorti de ma cachette sans même le vouloir… la terreur me paralysait plus que jamais… je savais qu'elle ne me ferait rien tant que je resterais derrière la frontière, pourtant son regard me perçait comme si elle avait été en face de moi… son aura meurtrière était encore vive, mais elle semblait la réfréner, consciente qu'écraser la fourmi que j'étais aurait été imprudent et inutile… finalement, agrippant les cheveux de sa victime, elle s'en retourna en traînant son cadavre derrière elle, s'éloignant lentement… jusqu'à ce que son aura s'évanouisse et que la peur daigne me libérer, me laissant tomber à genoux, en larmes et le regard toujours fixé vers l'endroit tâché de sang où avait git Vaki quelques minutes plus tôt.

Tandis que mon corps marchait sur la route accidentée menant à Doun'-Kaos, mon esprit lui, était resté à la frontière, les images des deux derniers jours se bousculaient dans ma tête, des pensées incohérentes se formaient et se déformaient, et mes larmes coulaient sans discontinuer, comme pour évacuer le traumatisme. Alors que je franchissais les portes de la ville, elles cessèrent finalement, et les lueurs orangées du crépuscule m'éblouirent légèrement, me faisant revenir à la réalité. La rue principale était presque déserte, à l'exception de deux hommes passablement éméchés qui discutaient tranquillement et semblèrent ne pas me remarquer au départ, avant que l'un d'eux ne m'interpelle…

« Ben alors ma jolie, t'as pas l'air dans ton assiette… hoqueta-t-il en s'arrêtant devant moi avant d'arborer une expression ressemblant vaguement à de la curiosité. On s'est pas déjà vus quelque part ?

−Dis Leika, c'est pas la fille qu'on voit sur les avis de recherche depuis hier ? Celle qui a un nom de garçon ?

−Hein…? Maintenant que tu le dis… dis petite, tu t'appellerais pas Ciana des fois ? »

J'écoutais à peine ce qu'ils disaient mais acquiesçai faiblement. Ils proposèrent gentiment de me porter jusque chez moi, ce que j'acceptai en sachant que mes jambes allaient avoir du mal à le faire… le temps d'arriver − la démarche de mon porteur n'était pas beaucoup plus assurée que la mienne − la nuit était déjà pratiquement tombée. La maison semblait vide, Maman parcourant sans doute la ville à ma recherche…

« Héhooo… M'dame Senae, on vous ramène vot' fille… bah, on dirait qu'elle est pas là.

−Ce n'est rien, vous pouvez me poser, je vais l'attendre ici…

−T'es sûre que ça va aller ? »

Ils me laissèrent là, reprenant insouciamment leur discussion…

« C'est quand même dingue cette histoire, même pour un Sarunin, tuer autant de soldats c'est quequ' chose…

−Ouais, mais maintenant qu'ils l'ont capturé il va pas s'en tirer comme ça. J'aime pas beaucoup les gens de Dumia ni les militaires de l'Union mais faut avouer que le Commandant Lyendith inpsire le… inpire… force le respect rien qu'en la voyant…

−Ha ha ! Elle avait l'air de t'inspirer aut' chose la première fois que tu l'as vue !

−Qu'est-ce tu racontes ? C'est toi qui… »

C'était une malédiction. Au moment où j 'avais réussi à éclipser ce visage de mon esprit, il avait fallu qu'ils en parlent. Qu'ils parlent d'elle. Tout le monde était plein d'admiration pour elle mais moi qui avais affronté sa colère, vu son vrai visage, elle ne m'inspirait pas autre chose que de la terreur. Un chat jouant cruellement avec une souris avant de rechigner à l'achever, la considérant finalement sans intérêt en voyant le peu de résistance qu'elle offrait… voilà l'image d'elle qui s'était gravée dans mon esprit.

Sans force, je m'assis sans bouger en attendant que Maman revienne. Une heure plus tard la porte s'ouvrit et elle se jeta sur moi pour me prendre dans ses bras, me demandant ce qui s'était passé, ce qui était arrivé à ma queue, pourquoi mes joues étaient mouillées… je ne répondais pas… pas envie… pas la force… pas le moral… sans un mot, je regagnai ma chambre, même si je ne pensais pas trouver facilement le sommeil…

« Au fait, Ciana… Hevi n'est pas avec toi…? »

Je répondis d'un léger mouvement de la tête. Elle ne me posa pas plus de question, consciente que j'avais pour l'heure surtout besoin de repos. Hevi… c'était à cause de lui que j'avais dû vivre tout ça. Non… je ne pouvais m'en prendre qu'à moi et à ma bêtise… pourquoi avait-il fallu que je le suive ? Hevi pouvait bien aller où il voulait, c'était le cadet de mes soucis à présent. M'effondrant sur mon lit, il ne me fallut en réalité pas longtemps pour m'endormir, peut-être assommée par toutes ces pensées oppressante. Le répit d'une nuit sans rêve me fut même accordé, ce qui me permit de me réveiller aux aurores l'esprit plus léger. Des pensées optimistes daignaient enfin s'immiscer au milieu des tourments : j'étais chez moi, saine et sauve, ma mère à mes côtés, j'allais pouvoir revoir mes amis, profiter du soleil, continuer à avancer. J'étais en vie, tout simplement. Il ne tenait qu'à moi de choisir quelle direction lui donner…

Je sortis prendre l'air sitôt levée, me promenant dans la ville les sens aiguisés. En approchant du marché sur la grande place, où les habitants n'avaient pas encore commencé à à affluer, je trouvai le but de ma promenade. Une aura qui n'était pas celle d'un humain. En survolant la ruelle en question je pus voir une Sarunin se cachant dans l'ombre entre deux maisons, sa queue enroulée autour de sa taille et scrutant les environs, sans doute pour aller chaparder des vivres sur les étalages du marché encore désert. C'était la première fois que je voyais un Sarunin aussi distinctement à Dorowen. Mon cœur palpitait légèrement. Qu'allais-je pouvoir lui dire ? Est-ce qu'elle me comprendrait ? Vaki n'avait pas semblé très à l'aise en parlant Qakhlen… Sans vraiment savoir ce que je faisais, je me glissai derrière elle et l'interpelai poliment…

« Hum… excusez-moi… j'aimerais discuter… un peu… »

Elle se retourna brusquement, l'air paniqué. Il s'agissait d'une femme assez âgée, cheveux châtains noués négligemment et transpirant légèrement. Elle se baissa et souleva un épais nuage de poussière avant de m'écarter violemment et de disparaître de ma vue. Mais je la sentais encore ; elle ne savait visiblement pas dissimuler sa présence et je tentai de la suivre, bien qu'elle allait aussi vite en courant que moi en volant. Je l'aperçus toutefois furtivement, disparaissant derrière un rocher aux abords de l'est de la ville. Elle ne reparut pas. M'approchant de ce rocher, je constatai qu'il n'y avait plus personne derrière, mais sentais toujours son aura, qui s'éloignait rapidement… il y avait quelque chose de bizarre… elle ne semblait pas s'éloigner devant ou derrière moi, mais plutôt en dessous… bientôt je ne la sentis plus. Je jetai un regard à l'imposant rocher à ma gauche. Un humain ordinaire était incapable de le déplacer, même pour moi ça paraissait difficile. Mais un Sarunin… un mélange de peur et d'excitation commençait à monter en moi. Avais-je découvert quelque chose que je n'aurais pas dû ? Si j'avais vraiment découvert l'entrée d'une de leurs cachettes, allais-je pouvoir me glisser à l'intérieur incognito ? Non, c'était de la folie, ma queue ne repousserait pas avant plusieurs mois et si ils voyaient que je ne parlais pas leur langue ils me démasqueraient aussitôt… mais la curiosité avait commencé à me dévorer, je brûlais d'envie de savoir ce qu'il y avait sous ce rocher…

« Tu es revenue saine et sauve ? Ça me rassure, tout le monde était mort d'inquiétude tu sais ?

−K… Kain ? criai-je en sursautant.

−Eh bien oui, c'est moi, à qui t'attendais-tu ? »

L'air un peu contrarié d'être ainsi accueilli, il posa à son tour les yeux sur le rocher suspect.

« Tu as donc remarqué, toi aussi ? Est-ce que ça aurait un rapport avec ta soudaine disparition ?

−Euh… non ! Ce n'est pas à cause de ça… je viens juste de le découvrir… bégayai-je avant de comprendre le sens de sa phrase. Mais attends, si tu l'avais découvert, pourquoi…

−Ça ne m'intéresse plus. Pendant plus de 30 années j'ai chassé le Sarunin, convaincu qu'il s'agissait d'une menace à éradiquer au plus vite. Mais j'ai fini par réaliser l'absurdité de cette façon de penser. C'est pour ça que j'ai quitté l'armée. »

Un silence pesant venait de s'installer. Je sentais que je pouvais lui en parler. Il était celui qui me comprendrait le mieux, lui un ancien Commandant de l'Union…

« Kain… en fait, il y a deux jours… j'ai été capturée par des chasseurs près d'une ville à Dumia. À cause de ma queue ils ont cru que… enfin…

−Tu as quoi…? rétorqua-t-il les yeux soudain emplis d'horreur. Mais enfin qu'est-ce qui t'a pris de t'aventurer aussi loin sans dissimuler ta queue ? »

Ses yeux se plissèrent, comme si il venait de comprendre quelque chose…

« Ciana… est-ce que ça a un rapport avec…

−Évidemment que ça a un rapport avec Hevi. Cet idiot avait encore fugué au milieu de la nuit et j'ai voulu savoir où il allait… et puis avant de m'en rendre compte je me suis retrouvée dans une cellule à Lumis, avec Vaki…

−Vaki…? C'est un Sarunin ?

−Les militaires l'appelaient « Cue-Limyos »… il avait tué beaucoup de gens et il était très puissant… mais il m'a protégée, il m'a sauvé la vie… et puis elle l'a tué… elle l'a… »

Je n'avais pas imaginé qu'il serait aussi difficile de faire remonter ces souvenirs encore trop jeunes. Je m'étais mise à trembler rien qu'en repensant à elle… sa seule image me terrifiait… Kain me prit dans ses bras. Je savais bien qu'il me comprendrait.

« Cue-Limyos… j'en avais entendu parler, il a donc été tué… je peux comprendre ce que tu as pu ressentir si tu as eu Lyendith en face de toi. Je ne l'ai jamais rencontrée en vrai mais le regard de cette femme a quelque chose d'effrayant… »

Oui… effrayant n'était pas un mot assez fort… mais il me comprenait…

« Ciana… connais-tu le principe de la prophétie auto-réalisatrice ?

−La… quoi ?

−La peur infondée de quelque chose, pousse parfois les hommes à provoquer eux-même l'évènement qu'ils redoutent… »


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14 Avril 1789 − Lumis, Dumia


Elle avait dissimulé sa présence mais s'était découverte en criant, quelques secondes après que j'eus porté le coup de grâce. Elle était pétrifiée. Je pouvais la capturer en un tournemain ou la liquider sur-le-champ, sans laisser de trace. Il n'y avait aucun témoin, la frontière qui nous séparait n'était qu'un obstacle insignifiant. Finalement je m'en retournai, traînant le cadavre de Cue-Limyos derrière moi. Le rayon l'avait frappé en plein cœur, et pourtant il souriait. Il me dégoûtait. « Ne faites pas la même erreur que moi » ? Après tous les hommes qu'il avait massacrés il osait me faire la leçon ! J'avais encore une fois laissé filer cette fille, et pourtant ce n'était pas l'envie de l'éliminer qui me manquait. Mais cela m'avait semblé inutile… à aucun moment je n'avais ressenti la moindre hostilité dans son aura, seulement de la terreur. Elle donnait l'impression de ne pas savoir ce qu'elle faisait là. Je n'avais jamais vu une Sarunin comme elle. En fait sans sa queue elle aurait eu l'air d'une humaine tout ce qu'il y a de plus ordinaire… se pouvait-il que…

« … Ça dépasse votre entendement, pas vrai ? »

−De quoi parles-tu ?

−Qu'un enfant naît d'un humain et d'un Sarunin… vous autres vous ne pouvez pas croire. Vous ne pouvez pas accepter. »


Il y avait effectivement eu de rares cas de femmes humaines accouchant d'enfants dotés d'une queue ou développant très jeunes une force anormale, mais il s'agissait de cas isolés, et les mères en question n'étaient pas toujours seules. Officiellement il s'agissait de mutations accidentelles… ils étaient éliminés dans le plus grand secret, puis leur mère était priée de raconter qu'elle avait perdu son enfant dans un accident et avait interdiction d'enfanter à nouveau. Les personnes connaissant la vérité ne l'ébruitaient pas si ils voyaient que l'armée s'en occupait. Bien sûr les parents étaient toujours effondrés après cela, mais c'était une précaution nécessaire, ils le savaient. Cette fille était probablement dans le même cas, et comme Dorowen était beaucoup plus laxiste concernant le problème des Sarunin, elle avait été épargnée. Cela s'arrêtait là. Elle ne pouvait pas sérieusement avoir un parent Sarunin…

Quand bien même, j'avais pris un risque en la laissant retourner à Dorowen, et je ne savais pas ce que ce Vaki avait en tête. Qu'espérait-il en sauvant une bâtarde faible comme un moucheron, qui tremblait rien qu'en me regardant ? Dans tous les cas, la veille elle ne rodait pas seule aux abords de cette ville pour faire du tourisme. La situation devenait préoccupante : une autre attaque avait eu lieu à l'ouest de Drakheim, quelques heures avant que j'interroge Cue-Limyos. Peut-être cette fille était-elle un simple pion envoyé par les terroristes comme appât ou comme diversion… quoi qu'il en fût, il était urgent que je fasse part de mes découvertes au Roi. Je détestais avoir à l'admettre et je m'étais engagé sur cette piste en espérant de tout mon cœur tomber dans un cul-de-sac, mais de plus en plus d'indices m'indiquaient que Jinei était bien vivant et entraînait un groupe de terroristes Sarunins… l'idée que des Sarunins et leur force potentielle bien supérieure à la nôtre puissent suivre notre entraînement m'apparaissait… effrayante ! On ne savait pas combien ils étaient, quand précisément ils s'étaient formés ni quel était leur but. Si Jinei était vraiment à leur tête, ils ne pouvaient recevoir son enseignement que depuis un peu plus d'un an au maximum, pourtant ils avaient déjà une force de frappe suffisante pour priver plusieurs villes d'énergie, et les membres les plus importants devaient tous au moins avoir le niveau de Cue-Limyos… autant dire que si on ne démantelait pas ce groupe très vite, c'est l'humanité tout entière qui serait menacée.

Mon retour en ville fut pour le moins remarqué : je n'avais pas pris le cadavre sur mes épaules pour éviter que mon uniforme soit souillé du sang de ce salopard. Cette fois point d'admirateurs en extase, mais des regards choqués tournés vers le poids mort que je trainais sur le sol, et des passants restant de préférence à bonne distance du spectacle. Les bruits de frottements semblaient surnager dans la rumeur ambiante tandis que je m'approchais de l'École où m'attendait le Lieutenant Dolann, adossé à l'entrée. S'apprêtant à me saluer, il se contenta de grimacer et de détourner le regard en voyant la chose derrière moi.

« Apparemment le problème Cue-Limyos est réglé… »

Le ton désinvolte du Lieutenant n'avait pour effet que de faire empirer mon humeur dans un moment pareil…

« Et la fille ? Apparemment il s'était échappé avec elle, mais…

−La fille… murmurai-je avec une hésitation un peu trop perceptible dans la voix. Elle s'est enfuie, je l'ai perdue de vue.

−Vraiment ? »

Je n'aimais vraiment pas cette ironie dans sa voix ! Je savais qu'il était plus malin qu'il en avait l'air mais un regard suffit à étouffer ses velléités de poursuivre cette conversation. Laissant tomber ce que je trainais, j'entrai dans le bâtiment sans plus de commentaires.

« Débarrassez-moi de ça, même les chiens n'en voudront pas. Et ne venez pas me déranger, j'ai besoin d'être seule un moment. Demain je pars pour l'Île du Centre.

−L'Île du… la situation est si grave que ça ? répondit-il interloqué

−Disons que je préfère prendre les devants. »

Oui, prendre les devants tant que ce groupe n'était pas encore au sommet de sa force. Le lendemain, après avoir contacté les représentants du Roi je partis donc en volant vers Aosoa, où se situait son palais. D'ordinaire c'est à ces représentants que l'on avait affaire : le Roi était rarement présent dans son domaine, il voyageait sans cesse aux quatre coins du monde pour en observer les évolutions, quand il n'était pas en négociations. En fait, même s'il portait le titre de Roi, il n'était pas réellement le souverain de l'Union. Chaque Région était très autonome et les citoyens s'autogéraient pour l'essentiel des aspects de la vie, de la distribution des ressources à l'organisation du travail, les Présidents de ces Régions dirigeant surtout les projets à grande échelle. Quand à nous autres Commandants, outre le devoir de nous assurer de la compétence et de l'intégrité des Présidents nous étions avant tout responsables des aspects sécuritaires et du maintien de l'ordre dans les Régions de notre Secteur. Mais le plus gros des ressources militaires était finalement dédié à la chasse aux Sarunins, seule véritable menace. Malgré notre relative liberté d'action, les directives royales étaient absolues, et sur ce problème-là il nous était demandé toujours plus d'efficacité. Le Roi était désigné d'un commun accord par les Présidents, parmi les trois Commandants. Force, charisme, intégrité, sagesse, intelligence, connaissance, amour de la nature et philanthropie : telles étaient les qualités qu'il devait posséder. Il était le symbole et le garant de cette paix construite depuis près de cinq siècles, le maillon commun à toutes les chaînes, l'incarnation de l'union et de la richesse de l'humanité.

Après une demi-journée de vol, j'atterris enfin devant l'entrée du Palais. Les portes d'entrée des sublimes jardins étaient toujours ouvertes et on ne pouvait pas dire que la garde était infranchissable. Enfin, le Roi étant un ex-Commandant, il savait de toute façon se défendre. Souriant et serein, il se tenait debout devant une fontaine, caressant sa moustache grisonnante, et une robe de soie blanche légère sur les épaules : Tawava Gazikye, actuel Roi de l'Union. La légèreté de sa tenue me rappelait que le climat dans cette partie du globe était autrement plus chaud et humide que dans ma Drakheim natale…

« Vi sowens, Lyendiþ Banmera.

Vi sowens… je suppose que je ne peux plus vous appeler Commandant Tawava ?

−Allons, allons, pas de formalités entre nous. Pour tout te dire, je ne me suis pas encore habitué à ce rôle. Moi qui il y a à peine six mois pensais finir ma vie tranquille dans mon Secteur, voilà que je me retrouve catapulté à la tête de ce monde…

−Ça ne pouvait être que vous. répondis-je en souriant. Moi je venais à peine d'être nommée Commandant, et Junkoku eh bien… c'est Junkoku.

−Bah, j'ai été surpris mais j'aime bien ma vie de Roi, il y a tant de choses à découvrir dans le monde ! J'avoue que je n'étais pas très sûr de moi en nommant le petit Kalza pour remplacer ce pauvre Ginal au poste de Lieutenant, mais je pense qu'il a les épaules pour être Commandant. Il a l'air d'un bambin mais il a déjà une grande sagesse et a un véritable talent pour s'attirer la sympathie des autres. Et puis je n'avais jamais vu un prodige pareil, même Jinei faisait presque pâle figure à côté… »

L'ambiance sembla se tendre quelque peu pendant un instant, bien que le sourire de Tawava ne s'effaçât pas.

« Justement, en parlant de Jinei…

−Mais on ne va pas continuer à discuter debout, entre boire un verre ! En plus je suppose que la chaleur est un peu dure à supporter pour une fille du Nord comme toi, ha ha ! »

L'intérieur du palais royal était incroyablement sobre… certes spacieux, mais moi qui m'étais attendue à toutes sortes de décorations luxueuses, je ne découvris que des murs de bois clair où étaient accrochés toutes sortes de peintures semblant venir des quatre coins du monde. De hautes fenêtres laissaient pénétrer une lumière du soleil agréablement tamisée. Le sol de la « salle du trône » était recouvert d'une moquette moelleuse d'une couleur argentée du plus bel effet, sur laquelle étaient disposés quelques poufs assortis. Cette simplicité dégageait une atmosphère apaisante et rassérénante, finalement à l'image de l'hôte des lieux me disais-je.

« C'est donc ça le palais du Roi…?

−Tu t'attendais à quelque chose de plus clinquant peut-être ? Bah, le Roi n'est pas censé se prélasser ou s'exhiber…

−Mh… et ça, qu'est-ce que c'est ? »

Je m'étais arrêtée devant une vitrine renfermant des coupures de papier vert illustrés, certaines d'un petit homme à lunettes ressemblant à un chien… des inscriptions indéchiffrables et ce qui devait être des chiffres étaient imprimés sur chaque coupure…

« Ah, ça ! C'est une vraie pièce de collection, il a fallu un long travail de restauration pour les faire paraître aussi neufs, mais ils sont bien originaux ! C'est de l'argent.

−De… l'argent…? m'interrogeai-je en plissant les yeux le nez sur la vitrine. Ça ressemble plutôt à du papier…

−Ha ha ha ! Non non, pas cet argent-là : c'est de la monnaie. On l'utilisait pour les échanges dans l'Ancien Monde, mais ce système a été abandonné peu après la dernière guerre. C'était parfois très pratique mais l'argent avait pris bien trop d'importance et il rendait les gens fous. Ceux qui en avaient pouvaient tout acheter, et ceux qui n'en avaient pas étaient promis à une vie misérable… Un système similaire est encore utilisé à Sino mais de façon beaucoup plus restreinte évidemment.

−C'est passionnant, je n'en doute pas mais… vous vous doutez que je ne suis pas venue pour parler d'Histoire. C'est au sujet des attaques terroristes de ces dernières semaines. »

Abandonnant soudainement son ton passionné, il ne sembla cependant pas vraiment surpris ; après tout, en tant que Roi il était sûrement le plus inquiet dans l'histoire.

« Mh… les générateurs d'énergie ont pu être réparés dans certaines villes touchées. C'est une chance qu'ils aient pu être désactivés rapidement, s'ils avaient été détruits en état de marche les conséquences auraient pu être bien plus dramatiques… nous avons été négligents, qui aurait cru qu'ils pouvaient maîtriser de telles techniques ?

−Justement, cela ne vous parait-il pas étrange ? Jusque là les groupes terroristes similaires étaient trop faibles et trop peu organisés pour être dangereux, mais celui-là a une coordination quasi-militaire et des techniques enseignées seulement dans l'armée…

−Tu veux dire qu'ils seraient aidés par un ou plusieurs anciens militaires ? J'ai du mal à imaginer des Sarunins haïssant les humains accepter de l'aide de ces même humains.

−Qui sait, un déserteur qui se serait rallié à la cause des Sarunins aurait peut-être gagné leur confiance. Celui que j'ai abattu hier était un ancien membre de ce groupe, et il semble que l'équipe du Lieutenant Dolann a dû lutter pour le capturer, même en étant préparé. Avec trois entraves sur la queue il pouvait encore bouger… si les membres ont tous son niveau il est clair que leur instructeur n'est pas n'importe qui.

−Mais peut-être que celui-là s'entraînait depuis des années. On ne sait pas quand ce groupe s'est formé, mais je pense qu'ils ont été plus malins et plus patients que les autres. Mais tout de même, je dois reconnaître que contrôler son énergie, la dissimuler, voler… ce ne sont pas des choses qui s'apprennent par hasard, même pour des Sarunin…

−En effet… et d'après mon enquête, je pense que ce groupe s'est formé il y un an tout au plus.

−Si peu ? Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

−Quand je disais que leur instructeur n'était pas n'importe qui… je pensais à un ancien Commandant… au Commandant Jinei pour être exacte. »

L'expression sereine sur le visage du Roi s'effaça soudainement, pour laisser place à un mélange de choc et d'interrogation. Un regard qui semblait me demander si je ne m'étais pas cognée la tête ou si je plaisantais…

« Lyendith… tu sais que Jinei est mort, n'est-ce pas ?

−Il semble qu'il ait survécu. J'ai interrogé le soldat qui déclarait que le corps du Commandant avait disparu après son exécution. Sa version des faits n'a pas changé et il n'avait pas l'air de mentir.

−Ce soldat avait perdu la raison sous le choc de cette affaire. Un corps ça ne disparaît pas comme ça. Tu es trop crédule, ma fille…

−L'interrogatoire de Cue-Limyos allait pourtant dans le même sens. Même s'il n'a pas dit un mot, il reconnaissait clairement la description du Commandant.

−Peut-être qu'il l'avait déjà vu une fois et que cela l'avait marqué, cela ne veut pas forcément dire qu'il le connaissait personnellement.

−Mais Jinei avait clairement renié l'Union…

−Lyendith…

−Il a très bien pu feindre sa mort d'une façon ou d'une autre !

−Lyendith. »

Je m'étais emportée sans m'en rendre compte… Tawava me tendit l'une des deux tasses de thé qu'il venait de remplir, sans un mot. Étrangement je commençais à comprendre ce qu'avait pu ressentir Þika lorsque personne ne voulait le croire…

« Je sais que vous étiez très proches, Jinei et toi, et que sa trahison a été une rude épreuve. Mais tu ne dois pas laisser tes sentiments personnels altérer ton jugement. Il est effectivement probable qu'un ancien militaire fasse partie de cette organisation, mais cette affaire est trop sérieuse pour que nous nous risquions à des conclusions hâtives. Surtout lorsqu'elles sont aussi improbables.

−Vous avez raison, c'est improbable… mais je pense tout de même qu'il ne faut pas exclure cette hypothèse. Ce soldat m'a dit que les Présidents de Dumia et de Qoma-Flain, ainsi que les quatre autres soldats ayant participé à l'exécution savaient ce qu'il s'était réellement passé ce jour -là. Vous pourrez les interroger vous-même…

−Eh bien, soupira-t-il, tu pourras le faire toi-même puisque tu es si sûre de toi. Une piste improbable c'est toujours mieux que pas de piste du tout. Cela dit, même en sachant qu'un déserteur les aide, cela ne nous dit pas où ils sont localisés.

−Probablement quelque part sous terre, comme tous les autres, non ?

−C'est possible oui. Mais j'en doute… Lyendith, as-tu une idée de ce dont rêve un Sarunin ?

−Je suppose… qu'ils aimeraient tous vivre à la surface à notre place, quelque chose comme ça…

−C'est aussi mon avis. Des Sarunin, j'en ai vu beaucoup dans ma carrière, et je ne suis pas sûr qu'une organisation ayant juré la perte de l'humanité fomente ses plans profondément enfouis sous nos pieds. Tu comprends ? Pour eux, cette obligation de se cacher sous terre est une marque d'infériorité, leur égo ne peut pas le supporter.

−Ce n'est qu'une hypothèse… comment pourraient-ils agir à ciel ouvert sans se faire remarquer ? Si ils étaient basés dans les montagnes nos satellites auraient vite fait de les repérer. Ils sont peut-être dangereux mais ils ne sont pas idiots. »

Fermant les yeux et buvant une gorgée de thé, il resta muet un moment, enfoui dans sa réflexion…

« L'armée ne peut pas être partout, la surveillance est moins forte dans les zones où les Sarunins ont peu de chance de se montrer. Celles où il n'y a rien d'intéressant pour eux, ou celles où il leur est impossible d'agir discrètement. Ou alors…

−… une zone en dehors de l'Union. terminai-je, ayant manifestement la même idée que lui à cet instant.

−Tikhras collabore avec nous dans la chasse aux Sarunins, ils ne peuvent pas être là-bas. Sino se contente de protéger ses récoltes mais ne pratique pas de répression massive. Et Dorowen a considérablement adouci sa politique en la matière depuis sa sécession… pour avoir visité ce pays récemment je peux dire que le ressentiment envers l'Union est ancré dans les mentalités… mais de là à ce que des Sarunins puissent y agir à découvert…

−Détrompez-vous, je pense que c'est tout à fait possible.

−Tu penses ? questionna-t-il. Tu peux être plus précise ?

−Peu après avoir capturé Cue-Limyos, deux de mes subordonnés avaient appréhendé une jeune Sarunin près d'une ville au nord de Chiyuki. Ce meurtrier l'a protégée et il semble qu'elle s'est réfugiée à Dorowen. »

J'étais sûre de moi, mais sa moue dubitative me fit soudain douter de mes propres paroles… la sensation désagréable de raconter une histoire que l'on croit passionnante et qui ennuie passablement l'interlocuteur…

« Tu es sûre qu'elle ne s'est pas simplement cachée dans les montagnes ?

−J'y ai pensé mais… cette Sarunin était complètement différente de tous ceux que j'avais vus auparavant. Elle savait voler et dissimuler sa présence, mais d'après son aura sa force était celle d'une simple humaine un peu entraînée, sans compter qu'elle tremblait de peur rien qu'en me regardant. D'après ce qu'on m'a dit et ce que j'ai entendu elle parlait un Qakhlen parfait, avec un accent du sud… et selon Cue-Limyos elle était métisse…

−Métisse…? Murmura-t-il. Tu veux dire qu'elle serait le fruit de l'union entre un humain et un Sarunin ? C'est insensé… c'était une de ces enfants victimes d'une mutation ou bien une Sarunin de faible constitution, voilà tout. Il t'a dit ça pour te perturber…

−Je pense moi aussi que ça ne va pas plus loin. Il n'empêche qu'apparemment ces individus peuvent vivre et grandir normalement à Dorowen. Celle-là était faible mais rien ne dit que des individus plus puissants ne vivent pas là-bas. Dans le pire des cas ce pays pourrait héberger de véritables Sarunins… si c'est le cas…

−Comme je te l'ai dit, me coupa-t-il d'un geste de la main, il faut éviter les conclusions hâtives. Il ne paraît pas si injuste de laisser vivre des enfants innocents, même s'ils ont une queue, du moment qu'ils ne représentent de façon certaine aucune menace. Et si elle est si faible que tu le dis il y a peu de chance qu'elle fasse partie de ce groupe.

−Mais où aurait-elle appris à contrôler son énergie ? »

Il but une nouvelle gorgée et se mit à ricaner légèrement en fermant les yeux, comme s'il se remémorait un vieux et agréable souvenir…

« Oh, pour ça… je connais bien quelqu'un qui a pu le lui enseigner. »



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3 Mai 1789 – plage de Fenlava, Zone Neutre


Seul le son des vagues parvenait à mes oreilles, tandis que j'ouvrais les yeux avec l'impression de n'être qu'à moitié conscient. Une silhouette familière se dressait au-dessus de moi à contrejour. Sa voix me parvenait sans vraiment me parvenir, comme dans un écho. Un rêve…?

« Ça faisait longtemps, Kyōjō…

−Nezu…maru…?

Tu t'es mis dans un drôle de pétrin, non ? »

Je ne voyais pas les détails de son visage, mais je savais qu'il souriait… pourquoi faisais-je ce rêve à un moment pareil…?

« Hum… quelqu'un m'a juste joué un mauvais tour… j'ai été frappé dans le dos. Un peu comme toi…

On n'y peut rien. Toi comme moi aimions trop la liberté pour rester sous terre.

−Tu as raison… j'ai choisi un chemin, et je ne le regrette pas… les regrets sont derrière moi maintenant…

Même si tu dois abandonner ta seule famille ? »

Son ton se fit plus grave. Il ne souriait plus.

« Kina et Jin… je ne les ai pas abandonnés… peut-être qu'ils vont me détester et me renier… mais c'est aussi pour eux que j'ai commencé ce voyage. Ma destination a un peu changé, mais pas ma détermination.

Je vois… c'est ce que je me suis dit aussi… ce jour-là… le jour où je t'ai donné cet anneau.

−Quand j'y pense, je ne l'ai jamais enlevé depuis. C'est un peu comme si une partie de toi survivait à travers ce cadeau…

À ce point-là ? dit-il en riant légèrement.

−J'ai une sensation étrange… est-ce que c'est un rêve ? Ou est-ce que je suis déjà mort ? »

Il ricana à nouveau… Au moment où il se releva, je sentis comme une étreinte sur mes poignets et mes chevilles se relâcher… des bracelets métalliques en tombèrent… je pus ouvrir un peu plus les yeux… mes sensations revenaient progressivement… le sable froid sous mes mains… la brise qui soufflait dans mes oreilles… la voix de Nezumaru qui me parvenait à présent clairement…

« Qu'est-ce que tu racontes ? Tu es simplement ici. C'est la réalité. »

J'étais à genoux, sans dire un mot, les yeux écarquillés. Il se tenait debout, l'air serein, les mains dans les poches du long manteau blanc qu'il portait. Il était vivant.



à suivre…



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Un chapitre un peu moins rempli que le précédent, où j'essaie surtout de développer un peu les personnages et l'univers. J'avais entamé une autre partie après le passage de Jin et Kina, mais elle était un peu hors-propos et je ne suis pas sûr de pouvoir vraiment en faire quelque chose, donc je la mets de côté pour l'instant.

Si vous avez des questions ou des détails incompris, n'hésitez pas à questionner :o
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Re: Kuroki, un autre fic...

Messagepar Salagir le Lun Oct 19, 2009 22:21

Fort heureux de voir un nouveau chapitre, mais je serai bien incapable de le lire maintenant. Il faudra déjà que je me remettre dans le bain des persos et que je me libère du temps :)

(oui et je dis ça sans la moindre once de honte sur Hanasia qui n'avance pas)
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Re: Kuroki, un autre fic...

Messagepar Le Chauve le Mar Nov 17, 2009 23:15

Tiens en attendant le prochain chapitre et comme on voit pas mal Lyendith ces derniers temps j'en profite pour poster un petit texte sur ce personnage que j'ai écrit quasiment sur un coin de table y a un an, que j'aime bien mais que j'aurais du mal à caser dans un chapitre sans l'alourdir. C'est très court, considérez ça comme une sorte d'annexe ou d'interlude…


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Voilà un an que j'habitais à Lumis. J'étais née dans un petit village au nord de Drakheim, mais mon poste de Commandant m'avait obligée à déménager ici. C'était gris… ennuyant… bruyant… je détestais cette ville ! Et pourtant, j'étais bien obligée d'y vivre… je n'avais pas le choix.

«Lyenae sumendiþia», celle qui aime même ses ennemis. En abrégé : «Lyendiþ». C'était le nom de la déesse d'une religion pratiquée dans mon village natal. Lyendith possédait des yeux argentés capables de tout voir. Elle veillait constamment sur nous comme une mère protégeant ses enfants. Ce culte ne s'était jamais vraiment étendu en dehors du village mais il en rythmait la vie.

La tradition voulait que ce soit toujours la mère qui nomme son enfant ; seulement, ma mère fut tellement paniquée quand elle me donna naissance qu'elle ne put trouver un nom convenable… Ce ne fut qu'un peu plus tard, lorsque j'ouvris les yeux, révélant deux magnifiques prunelles argentées, que je fus ainsi baptisée. Je portais le nom d'une déesse. J'avais toujours aimé ce nom et le portais avec fierté, comme pour remercier ma mère de s'être donné tant de mal à élever l'enfant turbulente que j'étais. À présent, même si je n'étais pas une déesse, je tâchais de faire honneur à ce nom en protégeant mes subordonnés comme une mère protégeant ses enfants.


Fin.

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Note : Je préviens au cas où que je viens de réécrire ou supprimer quelques petits passages ou détails des 9 premiers chapitres, qui comportaient des incohérences monstres, que ce soit par rapport à la suite de l'histoire ou à l'univers tel que je le dépeins dans les derniers chapitres. Je croyais avoir corrigé ces passages il y a longtemps mais beaucoup étaient toujours là… et les premiers chapitres datent d'il y a presque 4 ans maintenant…

Pour ceux qui lisent un chapitre tous les six mois en ayant oublié les trois quart du précédent ça passe peut-être inaperçu mais si on lit les chapitres à la suite ça peut être assez perturbant de voir des personnages dire des choses au détour d'une phrase pour ne plus les mentionner ensuite… donc voilà j'ai corrigé des choses pour plus de cohérence.


PS : le chapitre 15 avance bien en attendant. :P
Message tapé avec une disposition BÉPO

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Le Chauve
 
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Re: Kuroki, un autre fic...

Messagepar Le Chauve le Sam Nov 21, 2009 18:15

Tiens… je l'ai fini beaucoup plus vite que je ne le pensais finalement.

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Lyendith veut faire part au Roi de son hypothèse et se rend directement sur Aosoa, l'île du centre, où se trouve son palais. De son côté, Ciana est encore traumatisée par ce qu'elle vient de vivre et commence à être plus sensible à la souffrance des Sarunin. En suivant une Sarunin qui s'enfuit en la voyant, elle découvre sans le vouloir une des entrée secrètes d'Arata.
Jin et Kina décident de renoncer à chercher Kyōjō et pensent à intégrer la société humaine pour sensibiliser les populations…
À Fenlava, Kyōjō qui a été dupé et laissé inconscient par Marina se réveille. En face de lui se tient Nezumaru, qu'il croyait mort un an auparavant…





Chapitre 15
Réveil
目覚め


7 avril 1788 − Plaines de Chiyuki



Le temps des tergiversations était terminé. La passion que j'éprouvais à étudier le monde des humains m'avait, pendant toutes ces années, permis de connaître suffisamment ses sociétés, ses mœurs, ses systèmes politiques, sa technologie, son organisation et ses langues pour pouvoir m'y intégrer. J'avais affronté de nombreux Chasseurs et étudié leur façon de combattre et leurs techniques. Mais malgré l'air serein que j'arborais constamment devant Kina, l'anxiété me gagnait de jour en jour à mesure que mon plan se formait dans ma tête. Il n'était plus question d'hésiter, car le moment était idéal pour commencer mon aventure : deux jours auparavant, un Commandant très respecté avait commis l'impardonnable en trahissant l'Union, laissant la population et l'armée sous le choc. La surveillance des Sarunins dans la région allait sans doute être plus laxiste pendant quelques temps. Tout était fin prêt… ce soir-là, j'allais mourir.

Il restait un dernier détail à régler avant de dire adieu à Arata. Une dernière issue de secours à préparer. Kyōjō… alors que nous fuyions nos poursuivants au milieu de ce désert enneigé, il me hurlait dessus, me demandant ce que j'espérais trouver à part des Chasseurs. Je n'espérais rien trouver d'autre, c'était bien pour ça que j'avais proposé de venir dans cette zone. Notre détour par le sommet du rocher où avaient explosé les Dragon Balls cinq siècles auparavant avait produit les effets que j'avais espéré. L'un de ces effets étant d'être rapidement repérés et pris en chasse par les nombreux gardes qui patrouillaient aux alentours… même si ils étaient un peu moins nombreux que prévu… mais peu importait. Kyōjō proposa de se cacher dans une cavité le long d'une falaise. Je savais que c'était inutile, mais je ne devais rien laisser transparaître. Ils semblaient repérer mentalement notre présence, notre aura, une technique dont je n'avais pas encore percé tous les secrets. Lui ne se doutait de rien. Un Chasseur s'approcha imprudemment, et Kyōjō réussit à le maîtriser… mais son bras ne parvenait pas à rabattre la lame de son épée. Il n'était toujours pas habitué à tuer des humains. Sa détermination était encore trop faible… je me saisis de l'arme et achevai la victime d'un mouvement sec et précis. Je ne devais rien laisser transparaître.

Quelques secondes plus tard, une vive douleur électrisa ma queue enduite d'un gel isolant qui atténua le choc. La douleur était supportable mais je conseillai a Kyōjō de s'enfuir tant qu'il le pouvait. Évidemment il refusa. Je ne devais rien laisser transparaître. Très vite, une deuxième balle me frappa dans le bas du dos, accentuant cette fois la douleur. Je m'écroulai, espérant que Kyōjō me croirait mort et m'abandonnerait. Je préférais ne pas avoir à utiliser ma dernière carte aux effets incertains… c'était peine perdue, il commença a m'attraper pour me prendre sur ses épaules… ne comprenait-il donc pas qu'il n'aurait aucune chance de survivre en agissant ainsi ? Allait-il jeter sa vie aux orties, briser notre promesse de changer le monde et de faire accepter notre peuple ? Avait-il tout oublié ? Une troisième charge me frappa, me projetant contre la paroi de la cavité. J'avais mal. Je n'avais plus d'autre choix que d'y recourir : tournant le dos à Kyōjō, j'avalai une pilule que j'avais réussi à confectionner, me plongeant dans un état de mort simulée pendant une minute complète. Une minute pendant laquelle je serais un cadavre. Mais aussi une minute pendant laquelle mon corps serait totalement sans défense. La douleur s'estompa. Plus de lumière, plus de sons, plus de sensations, plus de pensées… plus rien… Cette plongée d'une minute dans le néant sembla durer des jours… mais lorsque je rouvris les yeux, ceux de l'un des Chasseurs me fixaient. Ne comprenant pas tout de suite ce qu'il se passait, il eut à peine le temps d'esquisser une expression choquée que mon bras avait déjà transpercé son abdomen. Son partenaire se retourna soudainement, mais un coup de poing dans le plexus eut vite fait de l'éliminer. Un nuage de neige flottait encore en l'air… Kyōjō avait-il réussi à s'enfuir ? Pour une raison ou une autre, je me sentais bien plus puissant et serein qu'une minute auparavant… je sentais comme de légères vibrations parcourir mon corps, et mon cerveau m'indiquait une direction qui me mena instinctivement au reste du groupe. Les Chasseurs restants semblaient avancer plus prudemment, mais n'eurent pas l'occasion d'aller plus loin après que je les eus rejoints… dans la même direction, je sentis enfin une aura amicale qui semblait s'éloigner.

À cet instant, alors que je sectionnai ma queue, j'acquis la certitude qu'il survivrait jusqu'au jour où nous aurions l'occasion de nous revoir. Quand ce jour arriverait-il, je ne pouvais le dire… l'anneau que j'avais offert à Kyōjō ce soir-là était le symbole de notre amitié, de notre détermination et de notre rêve. Le lien qui nous unissait. Il veillerait sans aucun doute sur Kina, mais je savais qu'il partirait lui aussi tôt ou tard. Je prenais simplement un peu d'avance.


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11 Avril 1789 – Base souterraine au milieu de Chiyuki


Depuis l'évasion de ces Sarunin avec l'aide du Lieutenant Marina, une question me taraudait : qu'était devenue cette jeune Sarunin que mon équipe avait soignée ? Selon le Commandant Kalza elle se portait bien quand il l'a croisée ; j'en avait déduit que la crise était passée et que sa constitution bien plus solide que la nôtre lui avait permis de se rétablir vite… mais tout cela m'intriguait. Son état était vraiment critique quand on nous l'avait amenée, même une Sarunin n'aurait pas pu se rétablir si vite toute seule. Une idée folle s'était mise à germer dans mon esprit : le prototype de remède à cette maladie que je lui avait injecté, et qui avait connu tant de précédents infructueux, était-il enfin le bon ? Depuis la découverte de ce mal incurable cinquante ans auparavant, le nombre de victimes n'avait cessé d'augmenter chaque année. Bien sûr cela restait une maladie très rare mais sa progression inquiétait tous les scientifiques, moi le premier. Et comme aucun humain malade n'atteignait l'âge de deux ans, il était impossible d'étudier un sujet mature ou d'observer une évolution à long terme.

Mais voilà qu'elle était venue, elle, une Sarunin atteinte de la « maladie de la main invisible » et qui avait presque atteint l'âge adulte ! La résistance de cette espèce était peut-être la clé vers un remède… si c'était le cas, l'échantillon d'ADN que j'avais prélevé sur elle était un trésor inestimable. Dans tous les cas, j'ignorais si sa guérison était vraiment due à mon injection et même le cas échéant, le mal étant d'origine génétique, les effets de ce prototype de remède ne sauraient être que temporaires… et quand bien même, rien ne garantissait qu'il soit efficace sur des humains. Mais cela, je n'en doutais pas.

De nombreuses théories avaient éclos au fil des siècles sur l'apparition des Sarunins, des plus plausibles − ils auraient été le fruit d'expériences interdites menées il y a 1000 ans − aux plus cocasses − ils étaient des démons envoyés sur Terre pour nous anéantir, quand ils n'étaient pas carrément d'origine extraterrestre. Mais malgré la propagande de l'Union, moi et de nombreux scientifiques commençaient à appréhender ce qu'ils étaient. Les singes au cours de l'évolution avaient perdu leur queue ; les hommes par rapport aux autres grands singes avaient gagné l'intelligence et la conscience, mais avaient perdu une grande partie de leur force physique et de leur agilité. Mais les Sarunins en plus de garder une intelligence humaine avaient retrouvé leur queue et une force colossale innée, ce qui les rendait en tout point supérieurs à nous. C'était un phénomène encore inconnu dans l'évolution, mais il était difficile d'affirmer qu'il était sans précédent. Si ils représentaient simplement une nouvelle étape de l'évolution humaine, alors leur génome ne devait pas être si fondamentalement différent du nôtre… et si c'était le cas alors peut-être qu'un remède fonctionnant sur cette Sarunin pourrait également guérir des humains normaux !

J'ignorais son nom mais cette fille était un don du ciel ! Grâce à elle, plus qu'un simple médicament, c'était un véritable remède préventif que j'allais pouvoir mettre au point ! Je devais en avoir le cœur net… ces quelques cellules prélevées n'allaient pas suffire, il me fallait avoir confirmation, faire des tests plus approfondis, suivre l'évolution du sujet au quotidien en cas d'effets secondaires tardifs… dans tous les cas il me fallait la retrouver et la convaincre ! Mais l'armée ne devait pas s'en mêler. J'avais pu observer la façon dont ils traitaient les Sarunins qu'ils capturaient, ils risquaient de la blesser et de fausser mes tests… non, elle devait être traitée avec le plus grand soin. Mais il y avait aussi des chances que la maladie l'emporte d'ici peu, toute Sarunin qu'elle fût ; le temps pressait donc. C'était bien ma veine… comment allais-je retrouver une Sarunin parmi les centaines de milliers disséminées à travers le monde ? Je devais me rendre à l'évidence, c'était impossible, d'autant qu'aucun humain ne connaissait l'emplacement ni le moyen d'accéder à leurs cachettes…

« Gando, qu'est-ce que tu fiches encore ici ? »

Sorti de ma rêverie, je sursautai au point de tomber à la renverse… le Commandant Junkoku sirotait un café en me regardant d'un air inexpressif.

« Je pourrais vous retourner la question… qui s'occupe de l'École Son Gokū si vous et le Lieutenant êtes ici ?

−Je me suis déjà arrangé pour ça, ils sont assez grands pour se débrouiller sans moi une semaine ; et puis c'est pas comme si j'avais disparu. Ne m'oblige pas à répéter ma question.

−Ah… mon équipe n'a pas encore tout à fait fini ce que m'a demandé le Commandant Kalza, ce sera prêt dans quelques jours. Quand à moi je repensais à cette Sarunin que vous m'aviez emmenée l'autre jour…

−Quoi, me dis pas que toi aussi t'es tombé amoureux d'elle ?

−… de quoi parlez-vous ? Enfin bref, son ADN va sans doute m'être très utile pour mettre au point un remède à la maladie de la main invisible. J'aimerais la retrouver mais autant chercher une aiguille dans une meule de foin… »

Son regard se porta en bas à gauche et un petit rictus brisa son inexpressivité…

« Avec un peu de chance, tu la reverra bientôt. Enfin, je peux rien te garantir.

−Hein ?! Qu'est-ce que vous voulez dire ?

−Je peux pas t'en dire plus. Retourne bosser ou rentre à Gokumu, mais reste pas dans mes pattes.

−Euh… d'accord… »

Depuis que son Lieutenant avait commis cette folie, il semblait toujours pensif, presque inquiet, chose inhabituelle pour lui. Tout le monde avait remarqué que leur relation était particulière, trop pour qu'une personne extérieure puisse la comprendre réellement… mais il ne semblait même pas envisager de la remplacer alors qu'elle était sûre d'être condamnée lourdement… et pourquoi me demandait-il de fabriquer un objet aussi inutile pour le Commandant Kalza…? Et puis que voulait-il dire par «tu la reverra peut-être bientôt» ? Qu'est-ce qu'ils complotaient tous les deux ? Une curiosité malsaine commençait à monter en moi, que je m'efforçai de réprimer… non il ne valait mieux pas chercher des ennuis au Commandant Junkoku. Des monstres comme le Roi ou le Commandant Lyendith pouvaient peut-être lui faire face, mais moi je n'étais qu'un humain ordinaire et je tenais à la vie ! Finalement je préférais obéir à son conseil, et continuer tranquillement mes études…


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3 Mai 1789 − Région d'Osumar



C'était parti ! Aujourd'hui commençait la Fête de l'Union. Une mosaïque de couleurs, de styles éclectiques, de langues, de cultures animait la ville… tout se faisait dans la joie, l'attention et sans tension malsaine… le nord de la ville que je venais de traverser était baigné d'odeurs d'épices venues des quatre coins du monde et on pouvait y déguster des dizaines de fruits dont j'ignorais jusqu'à l'existence… L'ouest était plus sérieux : plusieurs estrades étaient le théâtre de débats politiques divers et variés. Ici un groupe militant pour l'établissement d'un système monétaire comme à Sino, là un autre s'interrogeant sur le rôle politique des Commandants, ou encore certains réclamant une plus grande liberté d'accès aux méthodes d'entraînement de l'armée. Plus amusant, dans un stand miteux s'agitaient quelques hurluberlus brandissant des tracts «pour la cause Sarunin»… ce qu'ils faisaient frisait l'illégalité mais de toute façon personne n'y prêtait attention.

Les Sarunin, c'était l'affaire de l'armée, il valait mieux ne pas trop s'en mêler. Est-ce qu'ils étaient une menace pour l'humanité ? Je n'en savais trop rien, et je préférais ne pas le savoir. La plupart des gens pensaient sans doute la même chose, et ceux qui avaient perdu un membre de leur famille dans la chasse aux Sarunin ne pouvaient que soutenir l'armée… Et puis quel était l'intérêt de les défendre franchement ? Ils étaient violents, rustres, goinfres et on ne comprenait rien à ce qu'ils disaient… bon de là à vouloir les massacrer c'était peut-être un peu excessif mais quand même, je n'étais pas sûr de vouloir les voir vivre dans la même ville que moi… je ne me serais pas senti en sécurité… et puis il y avait ce groupe terroriste qui avait l'air vraiment dangereux, ça n'était pas comme ça qu'ils allaient se faire apprécier… à ma grande surprise un type s'arrêta devant le stand miteux en question.

Un type louche pour tout dire. Il ricana brièvement et sembla leur demander quelque chose. Les hurluberlus lui tendirent leur micro, le regard un peu interrogateur… le type louche s'avança vers le centre de la grande place et regarda autour de lui, la main sous le menton, comme pour évaluer l'endroit d'où il serait le mieux entendu… je ne compris pas tout de suite… quelque chose sembla bouger sous sa chemise, puis un long et étrange appendice en sortit, et ses pieds semblèrent décoller du sol, soulevant un petit nuage de poussière… cette herbe était censée ne pas être hallucinogène, mais il fallait croire qu'on m'avait menti… du moins c'est ce que je pensai dans un premier temps. En voyant reculer les gens et le silence se faire soudainement, il m'apparut évident que l'herbe n'avait rien à voir là-dedans. Un Sarunin flottait au-dessus de nous et tapait le micro en le testant… Mais bien sûr ! C'était un militaire déguisé en Sarunin qui voulait nous faire une petite frayeur, sans aucun doute… ce genre de surprise arrivait parfois pour pimenter un peu la fête… un vrai Sarunin n'aurait pas pu s'introduire dans la ville sans attirer l'attention des gardes. Et de toute façon il n'aurait pas su se servir d'un micro.
« Bien le bonjour, chers ennemis. commença-t-il avec un accent un peu étrange. Pour ceux qui aimeraient que ce soit un trucage, désolés de vous décevoir mais ce n'est pas le cas. Ne vous en faites pas, je ne suis pas assez fou pour attaquer cette ville tout seul, enfin pas pour le moment… »

C'était peut-être une blague, mais elle était de très mauvais goût… ce farceur savait-il au moins que des personnes étaient mortes dans ces attaques ?
« Je suis juste passé pour profiter un peu de la fête et pour vous transmettre un petit message. Depuis cinq siècles vous vivez dans la paix et les joies simples, pendant que nous avons dû survivre cachés, jusqu'à nous terrer dans des galeries sombres et humides,sans espoir et sans avenir, tenus pour seuls responsables de votre stupidité passée. »

D'accord, une farce de ce genre devait être réaliste pour marcher mais… je commençais à trouver ce type un peu trop sérieux…

« Moi et beaucoup de mes congénères, et peut-être même certains humains ont autrefois cru que nos peuples pourraient cohabiter pacifiquement. Mais nous avons tous fini par nous rendre à l'évidence : trop de chemin à été fait dans le mauvais sens. Il n'est plus possible de faire marche arrière… cette histoire ne sera résolue que lorsque l'un de nous disparaîtra. Notre organisation Rivina grandit de jour en jour, et comme vous avez déjà pu le voir sa puissance est réelle. Nous avons déjà des bases dans la plupart des régions. L'Union et ceux qui collaborent avec elle seront anéantis. Quant à ceux qui ne nous chassent pas mais restent passifs et regardent notre peuple souffrir, ils devront choisir leur camp. Il ne peut y avoir de position neutre dans ce conflit. »

Ça devenait vraiment trop sérieux, là ! Un silence de mort régnait à présent sur la grande place…

« Certains parleront peut-être de race supérieure ou autres idioties dans le genre… moi, je n'y crois pas. Les êtres supérieurs seront ceux qui l'emporteront, ni plus ni moins. Comprenez, chers humains insouciants, que ça n'est pas une question d'infériorité ou de supériorité mais simplement de survie. Alors… que le meilleur gagne ! »

À cet instant, deux Chasseurs apparurent et se ruèrent sur le Sarunin. À présent c'était certain, ça n'était pas une blague ! Ce type venait de faire une déclaration de guerre ! C'était idiot, une guerre ne pouvait pas avoir de vainqueur, par définition… ces cinglés voulaient provoquer la fin du monde ? Le temps que je reprenne mes esprits, le Sarunin n'était plus là, les Chasseurs s'étaient sans doute lancés à sa poursuite… et l'ambiance de la fête s'était considérablement assombrie…


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15 Avril 1789 − Palais du Roi, Aosoa



« Le Commandant Kain ? Ce nom me dit vaguement quelque chose mais…

−Hum… C'est normal que tu ne t'en souvienne pas, cela va faire dix-sept ans qu'il a quitté l'armée. Moi je venais de devenir Commandant et toi, tu n'étais encore qu'une apprentie en pleine crise d'adolescence − l'entrejambe de ton professeur de l'époque s'en souvient enc…

−Et donc, ce Kain, pourquoi a-t-il quitté l'armée ?

−Eh bien, disons… qu'il avait perdu la foi. Il ne comprenait plus le bien fondé de la chasse aux Sarunin, et les désaccords avec le Roi et le Commandant de Son Gohan étaient devenus trop importants ; il a donc préféré se retirer. Depuis il vit à Dorowen où il enseigne les arts martiaux à ceux qui le veulent. Après son départ, Junkoku a pris sa place de manière fracassante, cela en a choqué plus d'un d'ailleurs…

−Mais alors… c'est peut-être l'homme qu'on cherche, non ? »

Tawava sembla hésiter un instant, puis repris après avoir avalé une autre gorgée de thé.

« C'est en effet ce qu'il serait logique de penser… mais je suis quand même resté en bon termes avec lui après cela, je ne pense pas qu'il déteste l'Union à ce point… Non, j'aurais vraiment du mal à le croire… »

Sa dernière phrase avait sonné de façon étrange… je fus aussitôt prise d'un léger mal de tête et posai une main sur ma tempe en fermant les yeux.

« Quelque chose ne va pas, Lyendith ?

−Ce n'est rien, juste une petite migraine… je supporte vraiment mal la chaleur d'ici…

−Quelle idée de venir ici en volant, aussi… enfin, tu devrais peut-être te reposer un peu, pourquoi ne pas passer la nuit ici ? Avoir une jolie fille dans ce palais ça me changera un peu.

−Pardon…?

−Oh, je vois. Je disais juste ça comme ça… au fait, as-tu parlé de tes soupçons à Kalza et Junkoku ?

−Pas encore… je voulais d'abord avoir votre avis en fait… »

À cet instant je ne pus m'empêcher de jeter un regard en biais à ce Roi prétendument si sage et si noble…

« Il vaudrait mieux que tu le fasse, peut-être pourront-ils obtenir des informations par eux-même. D'ailleurs je devrais peut-être interroger les Présidents dont elle a parlé moi-même finalement…

−Je pense aussi que… c'est une bonne idée… »

La migraine s'intensifiait… et j'avais eu l'impression que ses lèvres n'avait pas bougé lorsqu'il avait prononcé la dernière phrase… que se passait-il, bon sang ?

« Écoutez… je dois partir, je ne me sens vraiment pas très bien…

−Déjà ? Il y a un bon médecin dans la ville à côté, je peux t'y emmener si tu veux…

−Ça ira… je demanderai en chemin… »

Lorsque je quittai le palais la migraine s'atténua… mais repartit de plus belle lorsque je posai le pied en ville. J'entendais de nombreuses voix mais c'était étrange… c'était comme si elles raisonnaient directement à l'intérieur de mon crâne, que tous ces gens me hurlaient dans les oreilles… je tentai de demander mon chemin à un passant…

« Excusez-moi, pourriez-vous me dire où trouver un médecin ici ?

−Ah, euh, eh bien… Une déesse ! Une déesse est en train de me parler ! Qu'est-ce que je dois faire ?! Qu'est-ce que je dois lui dire ?!

−Rah, laissez tomber ! »

Écartant l'idiot d'un geste brusque, je m'envolai pour m'éloigner de cette ville le plus vite possible. Je commençais à comprendre que ça n'était pas un mal qui passerait en allant voir un médecin… comme je le pensais, en survolant la mer, la compagnie des dauphins était bien moins importune. La migraine et les voix s'estompèrent. Sur le continent, je pris soin de voler suffisamment haut pour être tranquille, tout en espérant que ce ne fût qu'un malaise passager dû à la chaleur. Le climat de Qakhmius était tellement plus doux et plus agréable, je m'y sentirais mieux… ce fut vrai pour la température, pas pour la migraine.

Une ville aussi animée que Lumis n'était vraiment pas ce dont j'avais besoin à ce moment ! Le jour commençait à peine à tomber mais je me sentais déjà assommée de fatigue. Une fois revenue à l'École, je m'empressai de rejoindre mes appartements sans saluer personne. Un lit et un peu de calme : c'était tout ce dont j'avais besoin… quelle ironie, je venais de battre un puissant et redoutable Sarunin, mais j'étais terrassée par une petite migraine… c'était ridicule. La voix du Lieutenant Dolann sortit du haut-parleur et interrompit ma rêverie. N'ayant pas envie de me déplacer, chose inhabituelle, j'ouvris la porte par la télécommande…

« J'espère que vous avez fait bon voyage, Commandant.

−Si on veut…

−Je viens vous voir à propos de… Le Président de Dumia peut la rencontrer demain mais… elle a pas l'air de bonne humeur, c'est peut-être pas le bon moment pour lui parler… En fait, je reviendrai plus tard, vous devez être fatiguée.

−Merci. C'est tout ce que je voulais savoir.

−… hein ? Comment ça ? Elle voulait savoir si elle était fatiguée ?

−Si vous n'avez rien d'autre à me dire, partez s'il vous plaît. »

Je n'aimai pas sa façon de me regarder comme une bête curieuse à cet instant mais je ne pouvais pas non plus lui en vouloir. Cette phrase m'avait totalement échappé, sans que je sache vraiment si il avait dit ce que j'avais entendu… non, il ne l'avait pas «dit»… ce qui m'arrivait n'était pas un simple malaise… je ne comprenais plus rien… pourquoi m'étais-je mise à entendre les pensées des gens ?!

Fermant les yeux je m'abandonnai au calme… j'essayais de ne ne penser à rien… et en les ouvrant je me retrouvai debout, au milieu de la Montagne aux Oiseaux. Devant moi, de dos se tenait un homme aux cheveux rouges et hirsutes, arborant une queue de singe dans le bas du dos. Cue-Limyos était immobile, entouré de cadavres de ses congénères, tandis que des dizaines de soldats se ruaient sur lui, disparaissant comme de la poussière en s'en approchant… les uns après les autres… la haine montait en moi… je souhaitais le combattre mais mon corps était paralysé… alors que des soldats continuaient à affluer vainement, il se tournait lentement vers moi… je ne pus m'empêcher de crier…

« Tu vois bien que nos deux espèces ne peuvent que se détruire ! Elles ne peuvent pas s'aimer ! »

Pourquoi avais-je dit cela…? Lorsqu'il me fit face, son visage était étrangement juvénile, féminin… et il pleurait… tremblait même… il répondit d'une voix plaintive…

« Qu'est-ce que vous en savez ? Pourquoi ça vous paraît si impossible ?! »

Son apparence avait changé et les soldats avaient cessé d'attaquer sans que je ne m'en rende compte… j'avais à présent devant moi une jeune fille au cheveux gris et courts, elle aussi dotée d'une queue, et dont les yeux noirs étaient emplis de détresse… elle commença à s'avancer vers moi, en répétant un seul mot… « Pourquoi… pourquoi… pourquoi… pourquoi… » Arrivée en face de moi, elle me regarda fixement dans les yeux, toujours la mine désespérée, en agrippant mon visage de ses deux mains… la seconde d'après, avec le même regard, c'était une adolescente aux longs cheveux châtains et tressés, et à l'iris argenté qui me fixait…

« Crois-tu vraiment que c'est impossible ? »

Un frisson me parcourut. J'étais à présent allongée sur mon lit, la respiration quelque peu saccadée. Dehors il faisait déjà nuit noire. Je n'arrivais même pas à savoir si je venais de faire un rêve ou un cauchemar. Dans tous les cas, c'était un rêve absurde. Et il m'amena à me poser une question absurde. Ma rencontre avec Cue-Limyos avait-elle quelque chose à voir avec les voix que j'entendais depuis quelques heures ? Il n'y avait aucune raison…



« … bleu… rouge… vert… pourpre… blanc… ocre… votre chat…? »

Le médecin que j'avais appelée le lendemain matin laissait choir un peu plus sa mâchoire chaque fois que je devinais à quelle couleur elle pensait. De toute évidence, cette «maladie» n'était pas de celles qu'elle voyait souvent.

« Je… je connais un concentré de plantes très efficace contre la migraine mais… pour votre autre problème, je suis totalement démunie… en dehors des romans je n'ai jamais entendu parler d'une telle faculté, je ne comprends même pas comment c'est possible… vous dites que ça n'a commencé qu'hier…?

−Oui… en fait la migraine a un peu diminué, comme si je m'y habituais… je n'entends que des pensées très superficielles, mais j'ai peur que cela crée des problèmes.

−En tout cas, cela dépasse mes compétences… tout ce que je peux vous conseiller, c'est d'éviter les endroits trop fréquentés… et éventuellement, essayer de le «contrôler» si vous pensez que c'est possible… comme vous dites que vous vous y habituez…

−… Merci, et pardon de vous avoir dérangée. Et ne parlez de ça à personne pour le moment, je vous prie.

−Je comprends… désolée de ne pouvoir rien faire de plus… »

Le contrôler… pouvait-on vraiment contrôler un tel pouvoir ? C'était souhaitable si je ne voulais pas devenir folle, mais cela s'annonçait difficile. En attendant, plus personne ne pouvait me mentir ou me cacher des choses sans que je le sache immédiatement. C'était peut-être là une occasion inespérée d'obtenir certaines réponses. « C'est un don de la déesse Lyendith ! ». C'était sans doute ce que dirait ma mère si elle l'apprenait. Moi je n'étais pas très croyante, mais je me plaisais à le penser… typiquement le genre de cadeau empoisonné que les dieux offraient aux humains. En allant voir le Président de Dumia qui avait accepté de me rencontrer, j'en aurais enfin le cœur net.

Le déjeuner était copieux, les mets raffinés. Et lui le plus détendu du monde, pensant que j'étais venue pour une simple inspection de routine sans rapport avec les récents attentats. Il craignait donc que je lui parle des attentats…

« Délicieux ces pamplemousses. lançai-je le plus naturellement du monde. Aussi sucrés, ils doivent venir de Tumai si je ne me trompe pas.

−Tout à fait, haha… Tumai… Du calme, elle ne se doute de rien….

−Oui… c'est exactement ceux qu'adorait le Commandant Jinei.

−O… Oui… Pourquoi elle me parle de lui ? Qu'elle change de sujet, par pitié !

−Quel dommage qu'il soit mort, surtout ainsi…

−Te… terrible, en effet… bégaya le Président qui commençait à suer à grosses gouttes. Je ne dois pas paniquer, elle ne fait que parler de lui… elle n'a pas pu découvrir la vérité…

−Pas encore, mais vous allez pouvoir me renseigner, je n'en doute pas. »

J'avais à présent devant moi une statue à l'effigie du Président, tenant une fourchette, la bouche entrouverte et l'air terrifié. J'esquissai un mouvement pour porter un morceau de pamplemousse à la bouche, ce qui le fit tomber violemment à la renverse et ramper pour s'éloigner de moi. Þika n'avait pas menti : ce Président cachait des choses. Et il allait me révéler ce qu'il savait, qu'il le voulût ou non.


________________________________________________________________________________


3 mai 1789 − Plage de Fenlava, Zone Neutre.


« Ça fait plus d'un an… heureux de te revoir, Kyōjō. »

Il était souvent difficile de différencier le rêve de la réalité… Mais si ma conscience me clamait de toutes ses forces que j'étais encore évanoui, mes cinq sens m'assuraient du contraire… Ce visage serein, ce ton toujours empli de compassion, et ces yeux pourpres pleins d'assurance étaient bien ceux de Nezumaru. Mais l'impression qu'il dégageait avait changé, sans que je pusse expliquer en quoi. D'une certaine manière sa présence semblait plus imposante…

« C'est impossible… tu étais mort cette nuit-là, j'en suis certain ! Comment as-tu…

−Effectivement, je l'étais… répliqua-t-il avec un sourire en coin. Enfin disons que j'ai usé d'un petit artifice pour te le faire croire. C'était nécessaire.

−Nécessaire… mais enfin pourquoi as-tu fait une chose pareille…?

−Dans ton intérêt. J'aurais pu me contenter de disparaître mais tu aurais risqué de passer ton temps à me chercher, et cela t'aurait empêché d'avancer.

−Mais enfin… qu'est-ce que… »

Le choc n'était pas encore tout à fait passé, mais ses paroles et celles d'une autre personne instillaient un doute plus grand encore dans mon esprit…

« Il paraît que Kalza s'intéresse beaucoup à toi, et lui et Junkoku sont bons copains... »

Kalza… s'intéresse à moi… ami avec Junkoku…

« En clair, tu veux qu'on aille jusque là-bas ? Pour quoi faire ?

−Moi, pour tout te dire je dois y rencontrer quelqu'un, et toi… »


Rencontrer quelqu'un…

« Pour le moment tu vas dormir un peu en attendant qu'il arrive… »

Nezumaru voulait que je le croie mort… ce quelqu'un, c'était… lui ?

« Nezumaru… qu'est-ce que c'est que ce manteau, que tu portes…? »

Son sourire s'élargit sensiblement. De toute évidence il attendait que je lui pose cette question.

« Disons que j'ai décidé d'agir à la source du problème.

−Ne me dis pas que… bégayai-je. Tu n'as quand même pas…

−J'ai infiltré l'armée et suis monté jusqu'à prendre la tête de l'École Vegeta. Il faut m'appeler Commandant Kalza maintenant.

Ma conscience criait plus fort que jamais de ne pas croire un mot de ce que je venais d'entendre, que tout ceci n'était qu'un cauchemar ou un malentendu… mais les pièces du puzzle s'assemblaient d'elles-mêmes dans ma tête, me faisant comprendre l'intolérable réalité… Nezumaru avait vraiment…

« Tu… Tu mens… dis-moi que tu mens ! »

Son sourire s'estompa progressivement. Ma réaction semblait le décevoir mais pas le surprendre outre-mesure…

« Kyōjō, tu dois essayer de comprendre…

−Comprendre…? Tout ce que je comprends c'est que tu as nous as trahis…! Tu as participé au massacre de ton peuple ! Comment oses-tu te montrer devant moi avec cet uniforme ?! Réponds-moi, Nezumaru ! »

Stoïque, il me fixait d'un regard condescendant… non, plaintif…?

« En effet, je collabore à l'assassinat de mes congénères depuis un an, et ne crois pas que j'en sois fier. Mais c'est le moyen le plus rapide d'y mettre fin. C'est la conclusion à laquelle je suis parvenu durant mes années de réflexion.

−Y mettre fin…? Tu te rends compte de l'absurdité de ce que tu dis ?! Tu comptes nous massacrer jusqu'au dernier ? C'est ça que tu entends par «y mettre fin» ?! »

Cette fois son visage se crispa dans une expression d'énervement. Emporté par mon indignation cette phrase m'avait échappé, mais je savais bien que ça n'était pas son intention. Si il avait vraiment voulu faire une telle chose il lui aurait suffi de révéler les entrées secrètes d'Arata à l'armée. Mais il avait gardé ce secret, alors qu'avait-il en tête ?

« Je t'ai dit que j'avais pris la tête d'une des trois Écoles, mais ne crois surtout pas que ce soit mon objectif final. Bien que les Commandants aient un pouvoir conséquent chacun sur une partie de l'armée, ils ne peuvent pas tout se permettre. Mon objectif se situe donc plus haut encore…

−Tu veux… prendre la place du Roi…? »

Son sourire refit surface. Pourtant affirmer une telle chose avec autant de légèreté semblait surréaliste… c'était donc ça son objectif ? Être désigné Roi pour mettre fin à la Chasse aux Sarunin ?

« Tu as perdu la tête, Nezumaru… tu dis ça comme si c'était une formalité ! Et même si tu réussis, tu penses tuer tes frères pendant encore combien d'années avant que ça arrive ?

−C'est évident que cela prendra du temps. Mais si personne n'a cette volonté cela n'arrivera jamais. Et que ce soit moi ou un humain qui perpétue la Chasse, cela ne change rien au fond. Alors j'accepte de couvrir mes mains du sang des Sarunin du présent, si cela peut me permettre de sauver ceux du futur.

−Arrête de te chercher des excuses ! Tu crois vraiment que les humains qui nous haïssent depuis cinq siècles l'accepteront si facilement ?! »

Il ferma les yeux en baissant légèrement la tête… ma question était idiote, je savais bien qu'il était conscient des difficultés à surmonter… mais tout cela paraissait tellement absurde ! Il n'avait jamais montré de véritable haine à l'égard des humains, mais comment pouvait-il leur faire confiance à ce point après tout ce qu'ils lui avaient pris ?

« Nezumaru… demandai-je sans pouvoir retenir une note de rage dans ma voix. Pourquoi tu me dis tout ça… et pourquoi maintenant ?

−Tout d'abord, pour te faire comprendre que la paix entre humains et Sarunin ne se fera pas sans sacrifice et qu'il n'y a pas de raccourci. Ensuite parce que je voulais que tu m'aides dans ce projet en suivant la même voie et en devenant mon Lieutenant. Ainsi si je deviens Roi tu seras Commandant à ton tour et nous aurons d'autant plus de…

−Te fous pas de moi !! Comment tu as pu croire une seule seconde que j'allais accepter ?! Et Kina ? Tu as pensé à elle ?! Tu m'avais fait promettre de la protéger si tu mourrais ! Est-ce que tu pourras te regarder dans une glace si elle se fait tuer par les soldats sous tes ordres ?!

−Je… ça n'arrivera pas… je leur ai ordonné de ne pas la tuer si ils la voyaient, et j'ai demandé au Commandant Junkoku de faire de même…

−Tu m'as l'air bien sûr de toi… »

Pour la première fois depuis le début de cette conversation il semblait perturbé. Apparemment le sacrifice d'une partie de son peuple lui importait peu, mais quand cela concernait sa petite sœur bien aimée, c'était une tout autre histoire… il ne se rendait même pas compte de l'hypocrisie de sa position…

« Tu me déçois, Nezumaru… je croyais qu'après tout ce que nous avons traversé tu te rendrais enfin à l'évidence, mais tu continues à croire en tes chimères… »

Son visage changea soudainement. Il me fusillait du regard à présent… une sensation étrange m'envahit… une sensation oppressante que j'avais déjà ressentie récemment… celle qui me faisait ravaler ma fierté en un instant… qui me faisait me sentir inférieur… impuissant…

« Kyōjō… tu ne le sais peut-être pas, mais l'anneau sur ton bras est fait en spiritane, un métal qui s'imprègne de l'énergie la plus dense qu'il rencontre…

−Et… et alors…?

−Il se trouve que lorsque les Dragon Ball ont explosé il y a plus de 500 ans, l'énergie particulière qu'elles renfermaient n'a pas disparu… aujourd'hui encore, au sommet du rocher par lequel nous sommes passés cette nuit-là, on peut entrevoir un faible halo orangé la nuit. Cette énergie n'est pas puissante mais elle est d'une densité peu commune, incomparable avec celle de l'énergie des êtres vivants.

−… C'est donc pour ça que le Dragon Radar indiquait ma position… tu avais vraiment tout prévu…mais qu'est-ce que tu veux que ça me fasse, maintenant…?

−Kyōjō… cette nuit-là, quand je t'ai dit que cet anneau serait-le lien entre nous et qu'il symboliserait notre rêve, je ne faisais pas seulement référence au fait qu'il me permettrait de te retrouver. Je le pensais vraiment.

−«Notre amitié» et «notre rêve» sont morts…! Tu as trahi notre peuple…!

−Si tu as une meilleure solution, je t'écoute ! répliqua-t-il en s'emportant soudainement. Qu'est-ce que tu ferais à ma place ? Hein ?! »

Je brûlais d'envie de lui dire sans détour le fond de ma pensée mais la pression venait encore de s'accentuer… ma détermination finit toutefois par l'emporter…

« Si… si une espèce doit disparaître… ça ne sera pas la mienne… »

Ses yeux s'écarquillèrent, et il entrouvrit la bouche, sans qu'aucun mot ne parvienne à en sortir… le dernier mot de ma phrase ne lui avait pas échappé… la pression se relâcha d'un coup.

« Je vois… murmura-t-il en retournant sur ses pas. Tu as donc choisi cette voie.

−Où tu vas comme ça ? C'est trop tard pour regretter, viens en découdre ! »

À ces mots il s'arrêta net. Pendant quelques secondes, nous demeurâmes silencieux… Puis une énorme massue s'abattit sur moi ! Ou du moins ce fut mon impression sur l'instant… j'étais tombé à genoux sous le choc, pendant qu'il me tournait toujours le dos, statique… le sable sembla se mettre à tournoyer autour de ses pieds, puis de ses jambes, et de son corps tout entier… ses cheveux semblèrent se soulever et mes yeux commencèrent à me jouer des tours… d'un noir de jais, ils se décolorèrent soudainement… et Nezumaru se retourna vers moi, me fixant avec des yeux d'émeraude et baigné d'un halo doré d'une terrifiante beauté…

« Tu ne comprends vraiment rien, Kyōjō…

−Nezu… maru… c'est bien toi…? »

Le temps que je pose la question, il n'était déjà plus devant moi. Il murmurait désormais à mon oreille…

« Tu me déçois, Kyōjō… après tout ce que nous avons traversé je pensais que tu comprendrais que la voie de le haine ne mène à rien, mais tu te complais à croire à ces chimères… »

Incapable de formuler la moindre phrase, je ne pus répondre que par un coup du tranchant de la main, qui heurta de plein fouet sa tempe. Sans que cela se traduise d'une quelconque manière sur son visage. Alors qu'il n'esquissa pas l'ombre d'un mouvement, je fus frappé en plein abdomen et roulai longuement dans le sable de Fenlava. Sonné, le souffle momentanément coupé, je n'eus pas le temps de reprendre mes esprits que la personne prétendant être Nezumaru était déjà devant moi, m'attrapant par le col et me soulevant sans ménagement.

« Alors comme ça, tu veux en découdre ? Laisse-moi rire ! »

Et je fus jeté comme une poupée de chiffon contre la façade en pierre, sans plus de ménagement.

« Tu présumes beaucoup de tes forces. N'espère même pas te mesurer aux Commandants avec ton niveau, et encore moins à moi ! »

Je fus sorti, amorphe, de la façade dans laquelle j'étais encastrée et fus jeté à plat ventre, n'ayant toujours pas vraiment compris ce qui venait de se passer… je fus ensuite retourné sur le dos par le pied du type aux cheveux dorés…

« Récemment, un Sarunin aux cheveux rouges a tué un nombre incalculable de Chasseurs près de Satan. Il a été éliminé il y a un peu plus de deux semaines. Il était réputé particulièrement puissant, mais même lui n'a pas fait le poids face à Lyendith. »

Aux cheveux rouges… près de Satan… ce Vaki s'était donc fait tuer…? Et apparemment quelques jours après que je l'avais rencontré…

« Quand au groupe terroriste auquel il était lié, grâce à elle nous avons déjà une idée de qui est son chef. Ça n'est qu'une question de temps avant qu'on découvre où ils sont localisés. Si tu t'apprêtais à les rejoindre, abandonne cette idée. Je dis ça pour ton bien. »

Mon bien…? Il venait de m'humilier en bonne et due forme et prétendait encore vouloir mon bien… jusqu'où pouvait-il aller dans le cynisme…?! Nezumaru reprit son apparence normale… ou peut-être ne l'avait-il jamais perdue… je ne comprenais plus rien… reculant de quelques pas, il s'envola précipitamment et disparut de ma vue. Avant cela, je crus percevoir le mot «Adieu».

Ma conscience était toujours là, en train de me hurler que je venais de faire un horrible cauchemar et que je pouvais à présent me réveiller. J'aurais préféré, vraiment. Mais il n'y avait là que la réalité, insupportable et impensable. Nezumaru nous avait trahis… moi, Jin, Kina, son peuple… peu importait les prétextes qu'il pouvait se trouver, ce qu'il avait fait était impardonnable ! Non loin de là, la lame de Ryūketsu reflétait les rayons du soleil déclinant. Elle semblait m'appeler, m'attirer… lentement, n'essayant même pas de retenir des larmes de rage, je rampai puis me relevai, guidant mes pas vers ce point lumineux… j'arrachai de mon bras cet anneau qui n'avait plus de sens et le jetai de toute mes forces dans l'océan. Au moment où j'agrippai la poignée de mon arme, ma détermination se trouva renforcée. En un sens il avait raison : la haine ne me mènerait nulle-part. Seule la rage me permettrait d'avancer. Si il avait choisi la voie de l'hypocrisie alors je choisirais la voie de la revanche. Nous verrions bien laquelle des deux l'emporterait !



En prenant la direction du sud, le lendemain, la ville de Kukai était en vue. Elle était relativement isolée, et plus étonnant encore : pas un seul Chasseur dans les environs… après tout comme me l'avait dit Marina, il n'y avait pas grand chose d'intéressant pour nous autres Sarunins. C'était peut-être pour ça que l'endroit était idéal pour nous cacher. Cela ne me dispensait toutefois pas d'avancer prudemment, je ne connaissait que trop bien le talent des Chasseurs pour nous tendre des piège où l'on s'y attendait le moins…

« Ne te retourne pas et écoute-moi. »

… Merde ! Je m'étais encore fait avoir ?!

« T'es un nouveau apparemment. Je vois que tu t'es déjà coupé la queue, parfait. Tu vas entrer dans la ville et chercher l'hôtel Theito. À la réception, demande où se trouve la chambre d'un certain Niravi. Pour la suite, on te guidera. Et tâche de ne pas trop attirer l'attention. À tout-à-l'heure… »

Je me retournai brusquement pour connaître le visage de mon indicateur… mais il n'y avait personne derrière moi.



à suivre…


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Vous aurez sans doute remarqué que Kyōjō se fait démolir à quasiment chacun de ses combats depuis le chapitre 5… c'est à moitié volontaire de ma part et à moitié de la scoumoune, parce qu'il faut avouer qu'il tire souvent le mauvais numéro :mrgreen:
Le prochain chapitre sera probablement le dernier de ce que je désignerais comme la première partie de l'histoire… en tout cas l'entrée de Kyōjō dans Rivina symbolise une certaine rupture dans le déroulement, vu que jusqu'ici il était un peu baladé de région en région en subissant des évènements qui le dépassent. Et en se faisant démolir.
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Re: Kuroki, un autre fic...

Messagepar RMR le Dim Nov 22, 2009 14:23

C'est génial!

On sent vraiment bien l'évolution de l'histoire dans le dernier chapitre. Entre la télépathie de Lyendith, la transformation de Nezumaru et le choix de Kyōjō, on se laisse totalement emporter!

Par ailleurs, j'ai le sentiment que les différents "sous-chapitres" sont mieux introduits. On repère vite de qui il s'agit et on visualise bien la situation.

Bravo!
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Re: Kuroki, un autre fic...

Messagepar Tomgoku le Mar Déc 01, 2009 21:32

Par contre, je comprend toujours pas le rapport avec les bratisla boys ! :shock:
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Re: Kuroki, un autre fic...

Messagepar Le Chauve le Mar Déc 01, 2009 22:20

Ça faisait longtemps :o
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Re: Kuroki, un autre fic...

Messagepar Le Chauve le Mar Avr 27, 2010 23:46

Rappel des personnages :

SARUNIN

Kyôjô (22 ans) :
Sarunin possédant une grande rancœur envers les humains, il a décidé de rejoindre Rivina, une organisation de Sarunin projetant de se venger de l'humanité. Il ne se sépare jamais de son épée Ryuketsu.

Nezumaru/Kalza (23 ans) :
Un Sarunin particulièrement puissant. Autrefois meilleur ami de Kyôjô, il a feint sa mort pour infiltrer l'armée de l'Union et devenir Commandant de l'École Vegeta.

Kina (19 ans) :
Petite sœur de Nezumaru, amoureuse de Kyojo. Une maladie pulmonaire très rare la rend plus faible que ses congénères, mais après que Kyôjô les a abandonnés elle décide avec Jin d'étudier la société humaine, et de l'intégrer à terme.

Jin (13 ans) :
Petit frère de Kyojo, il considère Kina comme sa grande sœur même si ils ne sont pas liés par le sang.

Vaki (31 ans) :
Sarunin aigri qui apprend à Kyojo l'existence de Rivina. Peu après, il finit par se repentir, avant d'être tué par Lyendith. Sa tignasse écarlate et les nombreux Chasseurs qu'il a tués lui valent le surnom de Cue-Limyos («rouge-sang»)

HUMAINS

Junkoku :
Commandant de l'École Son Goku, leader un brin tyrannique au passé trouble. Il devient vite ami avec Kalza à cause de sa force et de son culot.

Marina (19 ans) :
Lieutenant, apprentie et en quelque sorte fille adoptive de Junkoku, avec qui elle entretient une relation ambiguë. Elle est tombée amoureuse de Kina, ce qui lui vaut quelques ennuis.

Lyendith (32 ans) :
Rendue célèbre par sa beauté et ses yeux argentés, elle est le Commandant charismatique de l'École Son Gohan. Elle soupçonne son ancien Commandant Jinei, officiellement exécuté pour trahison, d'être le chef du groupe terroriste de Sarunin.

Dolann (35 ans) :
Le Lieutenant flegmatique mais non moins efficace de Lyendith.

Gando (51 ans) :
Scientifique fasciné par les Sarunin. Il aimerait retrouver Kina pour perfectionner le remède à sa maladie.

Tawava Gazikye (60 ans) :
Ex-Commadant de Vegeta devenu Roi de l'Union.

Kain (72 ans) :
Ex-Commandant de Son Goku qui s'est retiré de l'armée, ne comprenant plus le but de la Chasse aux Sarunin. Il a fondé une école d'arts martiaux dans le pays de Dorowen par la suite.

MÉTISSES

Ciana (17 ans) :
Fille de Senae et d'un père Sarunin qu'elle n'a jamais connu, elle étudie les arts martiaux dans l'École de Kain. Elle vit une vie paisible et relativement ordinaire avant d'être capturée malgré elle par l'armée et de rencontrer Vaki. Ce dernier la protège et lui permet d'échapper à Lyendith.

Hevi (13 ans) :
Enfant turbulent et asocial, très doué pour le combat, qui vit sous la tutelle de Kain depuis la mort de ses parents. Ses fugues de plus en plus fréquentes inquiètent Ciana, jusqu'à ce qu'il disparaisse complètement. Il n'aime pas les Sarunin mais parle leur langue.



Résumé des précédents chapitres :

Depuis sa visite au Roi, Lyendith commence à entendre les pensées des gens, sans comprendre ce qu'il lui arrive. De plus en plus sûre d'elle, elle interroge à présent le Président de la région de Dumia, pour lui faire avouer ce qu'il sait sur Jinei.
Alors que la fête de l'Union commence, un Sarunin s'introduit dans une ville et lance une déclaration de guerre à l'Union, tout en sommant les pays indépendants de choisir leur camp.
Sur la plage de Fenlava, Kyôjô subit une double désillusion : trahi une nouvelle fois par Marina, il découvre surtout que son meilleur ami Nezumaru est devenu Commandant de l'École Vegeta, participant ainsi au massacre des siens. Ce dernier espère atteindre le sommet de l'Union pour mettre fin à la Chasse, mais Kyôjô refuse de le rejoindre dans cette entreprise. Épargné et plus déterminé que jamais, il rejoint la ville de Kukai, où un mystérieux informateur lui indique le chemin à suivre…
Dernière édition par Le Chauve le Mer Avr 28, 2010 10:46, édité 2 fois.
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Re: Kuroki, un autre fic...

Messagepar Le Chauve le Mar Avr 27, 2010 23:48

Chapitre 16
Découvertes
発見



4 mai 1789 - Kukai

Encore un ! Ils étaient de plus en plus nombreux ces derniers temps. C'était d'autant moins surprenant que la Fête de l'Union était une période propice à attiser la rage des frères et sœurs. Koyan l'avait senti aussi évidemment, assis dans un fauteuil qu'il se plaisait à prendre pour un trône. Nostalgique de son ancienne vie peut-être ? Pour tout dire, j'étais un peu dubitatif quand il avait proposé de lancer un message aux humains, surtout de cette façon… cela me paraissait prématuré ; certes nous nous renforcions chaque jour un peu plus mais nos effectifs étaient encore limités. Il avait beau dire que ça ne changeait rien puisque nous nous étions déjà découverts avec nos précédentes attaques, je me demandais parfois si il savait ce qu'il faisait…

« T'en penses quoi ?

−… j'allais te le demander. Je ressens bien quelque chose mais d'ici j'ai un peu de mal à juger précisément. Je suis pas encore aussi habile que toi pour jauger les puissances.

−Il ou elle m'a l'air d'avoir un bon potentiel. Son aura est assez brûlante par contre, ça m'a l'air d'être le genre impulsif.

−T'en sais des choses dis donc… »

Il se contenta de ricaner et se leva nonchalamment de son fauteuil en s'étirant. Peu de gens osaient faire remarquer que les marques de brûlures intenses qui parcouraient son torse toujours nu n'étaient pas une vision des plus agréables. Mais il en était probablement conscient, et ne savait que trop bien l'impact qu'une telle blessure de guerre pouvait avoir chez ceux qui le rencontraient. Une manière de leur faire comprendre qu'il était bien le guide de cette organisation.

« Au fait, me lança-t-il, on a toujours pas de nouvelles de ce gamin que l'un de nous avait rencontré il y a un mois ? Si je me souviens bien il avait l'air prometteur…

−À ce qu'on m'avait dit il n'avait pas l'air très chaud pour nous rejoindre… d'ailleurs je me demande qui est l'informateur de notre nouveau candidat.

−On le saura bien vite. Dis à Danto et Danki de se préparer à l'accueillir.

−Euh… répondis-je d'un air dépité. Pourquoi c'est toujours eux qui…?

−Tu veux t'en charger ?

−Euh non c'est pas ça mais…

−Allons, fais pas d'histoires, et prépare-toi toi aussi. »

Effectivement j'allais devoir le guider mais ces deux-là n'allaient sans doute pas pouvoir s'empêcher de faire comme d'habitude. Enfin, vu leur caractère je pouvais pas leur en vouloir de trouver ça drôle, c'était la faute de mes parents pour commencer…

« Ah, au fait Koyan, t'aurais pas vu mon… chien… »


Évidemment, en me retournant je constatai qu'il avait disparu. Décidément, pas un pour rattraper l'autre…

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------


16 avril 1789 – Dumia


Que venait-elle de dire…? Peut-être le stress m'avait-il fait parler à voix haute sans m'en rendre compte… pourtant elle n'avait pas l'air surprise le moins du monde… comment avait-elle pu savoir pour le Commandant Jinei ? Non, elle ne savait pas encore tout… avait-elle interrogé ce Þika qu'on avait fait interner ? Nous avions apparemment été trop naïf de croire que cela suffirait à le faire taire… mais qui eût cru qu'elle le prendrait au sérieux ? Elle esquissa un geste, me faisant tomber à la renverse. Instinctivement je me mis à ramper à reculon, même si je savais que je ne lui échapperais pas si aisément… je suais en la regardant déguster avec délectation le melon de Tumai, sans réaction aucune…

« À votre réaction, répondit-elle d'un ton presque amical, je crois comprendre que vous avez omis de m'informer de certaines choses le jour où j'ai endossé ce manteau.

−Je… je ne vois pas de quoi vous parlez !Pourquoi vous aurais-je caché quoi que ce soit ?! »

Son tendre sourire masquait mal le durcissement de son regard. D'accord, nous lui avions caché que Jinei avait disparu, mais…

« «… les gens n'avaient pas besoin de savoir», c'est cela ? À moins que vous n'ayez craint que personne ne vous croie ?

−Non… je… je ne sais rien ! Jinei est mort, qu'est-ce que vous voulez de plus ?!

−Malheureusement pour vous, poursuivit-elle en se levant, je suis très douée pour déceler les mensonges. Il serait peut-être temps de vous comporter en adulte. »

Elle ne comprenait pas… quelle image aurait-on donné de l'Union au peuple et aux pays réfractaires si ils avaient appris qu'un criminel aussi dangereux nous avait échappé ? Nous avions juste fait ça pour…

« Tout ça pour sauver votre misérable fierté. Cherchez-vous des excuses autant que vous voudrez, vous avez dû comprendre ces dernières semaines, que Jinei n'était sans doute pas étranger à toute cette agitation.

−Mais enfin… on ne peut pas être sûr qu'il est derrière tout ça… c'est juste…

−C'est la sécurité de l'Union et de l'humanité qui est en jeu ! s'emporta-t-elle avant de reprendre son calme. Vous devez me dire ce que vous savez, c'est la seule piste que nous ayons pour l'instant… »

Et puis zut… elle avait raison, à quoi bon le cacher à présent ? Elle m'avait percé à jour et moi-même m'étais lassé de porter ce fardeau. Avais-je gardé ce secret par pur égoïsme ? Peut-être bien ; dans tous les cas l'homme qui avait disparu un an auparavant était peut-être en train de fomenter un sombre complot pour détruire l'Union… je ne pouvais plus échapper à mes responsabilités.

« … bon, d'accord, je vais vous raconter ce qui s'est passé.

−Bien ! répliqua-t-elle avec un sourire qui aurait pu paraître tendre. Allons, ne vous arrêtez pas, cela vous fera du bien. »

Elle n'était vraiment pas crédible quand elle essayait de jouer la gentille femme empathique. À peine eus-je formulé cette pensée que son sourire se teinta à nouveau d'une expression irritée.

« Comme vous le savez sans doute, c'est le Commandant Tawava et l'ancien Roi qui ont maîtrisé Jinei tant bien que mal quand il a perdu la tête… il répétait des mots incohérents en se débattant… quelque chose comme « vous n'aviez pas le droit ! » ou « Je ne vous pardonnerai jamais ! »… aujourd'hui encore je ne sais pas ce qu'il a voulu dire. »

En effet… il devait tout à l'Union, il aimait cette terre, aimait l'humanité, qu'est-ce qui avait bien pu provoquer un tel revirement chez lui ?

« … le Commandant Kain. dit-elle sans prévenir.

−Le Commandant Kain ? Ça fait presque 20 ans qu'il s'est retiré, qu'est-ce qu'il vient faire là ?

−Le Roi m'a dit que ce Commandant avait perdu la foi, qu'il avait fini par être dégoûté de la chasse aux Sarunin. Peut-être que c'est ce qui est arrivé à Jinei. Sauf que sa réaction a été un peu plus… violente…

−Violente ?! Il a bien failli détruire la Pyramide ! Ça ne peut pas être la seule explication !

−Ça n'est pas le plus important pour le moment. Continuez. »

Elle avait beau feindre le calme, sa tension était palpable. Assise sur le rebord de la table les bras croisés, son index tapotait son biceps pendant qu'elle fronçait les sourcils, cherchant sans doute malgré elle les raisons, même si elle disait que ça n'avait pas d'importance.

« On a finalement réussi à l'anesthésier, mais il était encore conscient. Le lendemain, dans l'avion qui l'emmenait à l'échafaud, il est resté immobile et silencieux. Il avait presque l'air serein. Finalement, pendant qu'on le trainait dans les couloirs il a légèrement sourit et il a dit… »

Devais-je le lui dire ? Elle risquait de ne pas aimer… moi-même venait à peine de comprendre la signification de ces mots… Le Commandant commençait à s'impatienter… Son expression se crispa un peu plus et sa bouche s'entrouvrit l'espace d'un instant…

« Si vous ne vous en souvenez pas, ce n'est pas grave. Poursuivez.

−Euh… d'accord… C'était une phrase assez banale de toute façon. Enfin bref, avec les autres Présidents on l'a laissé aux mains des soldats et on a attendu dans une pièce voisine. On disait quelques mots sur les raisons qui avaient pu le pousser à faire ça, mais dans l'ensemble il y avait un silence assez pesant… environ une demi-heure plus tard, un soldat a déboulé dans notre salle, on aurait dit qu'il avait vu un fantôme… remarquez, c'était un peu ça…

−Il n'y avait vraiment… rien ? Aucune trace, aucun vêtement ?

−Rien ! Ses fers n'étaient même pas ouverts ! C'était vraiment comme si il s'était transformé en courant d'air ou que son corps avait disparu avec le reste…

−C'est comme avait dit Þika… je me demande si… »

La fin de sa réponse était presque inintelligible, mais je pus vaguement lire sur ses lèvres quelque chose comme : « il l'aurait vraiment fait ? »…

« Après ça, nous avons ordonné à ces soldats de faire comme si tout s'était déroulé sans incident…

−De simples Présidents ne sont pas censés avoir d'autorité directe sur les soldats. me fit-elle remarquer sans masquer une note de réprimande dans sa voix cette fois. C'est pour ça que vous avez fait passer Þika pour un cinglé lorsqu'il a refusé de se taire ? »

Il valait mieux ne rien répondre à cette déduction ; pour la simple raison qu'elle était vraie. C'était moi qui avait eu cette idée, et je n'en était pas fier, mais à l'époque nous étions prêts à tout pour garder ce secret. Si il y avait une chose que j'avais regretté depuis le début de ces attaques, c'était que personne ne m'ait dit que j'étais fou, ou que nous avions tous eu une hallucination collective… que cette histoire était pure fiction.

« On s'est arrangé pour organiser un faux enterrement dans son village natal. Bizarrement sa mère n'a pas demandé à voir son corps… elle a juste dit qu'elle n'était pas encore prête à porter son deuil, et elle a pleuré. Beaucoup. Après ça, je n'en sais pas plus que vous… »

Elle faisait les comptes dans sa tête et resta de marbre pendant une bonne minute. À la fin, son visage avait beau sembler serein, il n'exprimait pas une once de satisfaction.

« ”Je vous reverrai de l'autre côté du miroir”… je vois.

−Hein… balbutiai-je. Qui… qui vous a dit cette phrase ? C'est…

−Cette phrase aurait pu s'interpréter comme «on se reverra dans l'autre monde», mais en fait il parlait… de l'autre camp. Il nous a laissé un indice, comme si il jouait avec nous… il n'a pas changé au fond.

−Mais enfin, comment…

−À présent je n'ai plus aucun doute, c'est bien lui. Votre récit m'a été précieux, je dois en informer les Commandants Kalza et Junkoku. Ah, et… »

Alors qu'elle s'apprêtait à prendre brusquement congé, elle s'arrêta et me regarda dans les yeux. Il n'y avait rien de plus stressant que de soutenir un regard aussi perçant, même lorsqu'il laissait transparaître une bienveillance nouvelle… je comprenais à présent pourquoi on disait que les yeux du Commandant Lyendith avaient un pouvoir hypnotique. On ne pouvait pas se détacher de ce regard lorsqu'il vous avait happé… on était véritablement aspiré au cœur de cet iris qui semblait scruter chaque part de votre esprit et en prendre le contrôle… « les yeux les plus beaux et les plus terrifiants au monde »… rien ne pouvait mieux les décrire…

« Ne vous morfondez pas trop, Président Lothan. reprit-elle, me sortant de mon état second. Maintenant que vous n'avez plus ce poids sur la conscience, vous devriez prendre un peu de repos.

−Oui… Vous lisez dans mes pensées, Commandant, ha ha…

−Si peu… »

Elle accompagna sa réponse d'un sourire compatissant avant de disparaître. Je restai debout au milieu de la pièce, sans dire mot, pendant une durée que je ne saurais dire… Je n'avais pas eu souvent l'occasion de discuter avec le Commandant, mais c'était la première fois que je ne ressentais aucune dureté dans sa voix. C'était sans doute une qualité requise pour un chef charismatique : savoir être intransigeant ou aimable selon l'exigence de la situation. Je n'aurais peut-être jamais parlé si facilement en face de quelqu'un d'autre, mais mon soulagement de l'avoir fait était incommensurable.


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4 mai 1789 − Kukai

Kukai… aucune ville ne semblait mieux représenter l'insouciance dans laquelle se complaisait l'humanité. Tout ici était dédié au divertissement et à la détente : pas question de troubler cette oisiveté ambiante par la présence pesante de Chasseurs aux aguets. « Ici, oubliez tout, ne vous souciez de rien », disait le panneau d'accueil à l'entrée de la ville. En la traversant je ne voyais que des casinos, des terrains de sport, des hôtels, des restaurants et des bibliothèques − ces dernières avaient valu à la ville de fréquentes visites de Nezumaru, du temps où il était encore des nôtres… Personne ne faisait attention à moi, je n'avais pas vraiment besoin de me faire discret. Après avoir sillonné la ville je trouvai enfin l'hôtel Theito ; un hôtel relativement sobre et modeste, pas excessivement fréquenté. Au comptoir le réceptionniste, qui feuilletait nonchalamment un registre, porta brusquement son attention sur moi lorsque je franchis l'entrée… un sourire sembla se dessiner au coin de ses lèvres, tandis que j'avançais vers lui un peu stressé… les humains autour vaquaient tranquillement à leurs activité, sans être aucunement dérangé par mon arrivée…

« Que puis-je faire pour vous ? me lança-t-il cordialement.

−Je… je cherche la chambre du dénommé Niravi…

−Niravi, hein ? Voyons, voyons… c'est la chambre 54, au rez-de-chaussée.

−Euh… merci beaucoup…

−Tout le plaisir est pour moi. Au fait, murmura-t-il en se penchant vers moi, la poignée est un peu dure, il faut forcer pour ouvrir. »

Sur ce conseil un peu étrange, je cherchai et trouvai la porte numéro 54… effectivement la poignée résistait beaucoup. Un humain aurait cru la porte fermée à clé, mais elle était bel et bien ouverte. M'assurant que personne ne me voie entrer, je franchis le seuil en refermant derrière moi. La chambre semblait déserte, et une chose remarquable était la totale absence de fenêtres… Je n'étais évidemment pas assez stupide pour crier «Y a quelqu'un ?» mais je ne pouvais contenir un certain agacement à ce que personne ne vienne m'accueillir. C'est en passant devant un placard qu'un grincement m'interpella… curieux, j'eus à peine ouvert le meuble que je fus tiré à l'intérieur, chutant de trois bon mètres et tombant lourdement.

« Dis, Danki, dit une voix moqueuse en Sarunin, il a pas l'air très dégourdi ce nouveau…

−En même temps il était pas censé s'attendre à ça. On peut lui laisser le bénéfice du doute, nan ? »

J'ouvris les yeux pour m'apercevoir que je voyais double. Deux têtes allongées coiffées d'un bandana et arborant une barbichette pointue m'observaient comme une bête de foire. Elles parlèrent à l'unisson :

« Bienvenue à Rivina, le bleu ! »

Des jumeaux… l'accueil était pour le moins brutal, mais j'étais enfin arrivé à destination. Soupirant de soulagement et reprenant mes esprits, je souris pour la première fois depuis trop longtemps.

« Appelez-moi Kyōjō… je suppose que c'est vous deux qui allez me faire visiter les locaux ?

−Mh nan, nous on t'accompagne jusqu'au «hall d'entrée», pour le reste tu verras avec Derisya.

−Deri… sya ?

−Ouaip, Derisya. » répétèrent-ils d'un ton malicieux en se fendant d'un clin d'œil.

Parfum des fleurs… même si elle portait un nom charmant, je ne doutais pas que cette Derisya serait capable de me faire mordre la poussière avant que je ne le sache… me remémorant le regard arrogant de Marina, je m'empressai d'évacuer cette pensée. En parcourant l'interminable couloir escorté des deux jumeaux qui me parlaient sur un ton légèrement taquin de cette Derisya, je préférais me projeter dans un futur que j'espérais proche, imaginant la force et la liberté que j'allais gagner auprès de mes nouveaux compagnons. Nous aboutîmes sur une grande salle circulaire dont les murs étaient parsemés d'une dizaine de portes et au centre de laquelle étaient disposés quelques bancs en pierre. Au milieu de ces bancs, debout se tenait une personne au visage efféminé et au teint mat, les cheveux noués en une longue et fine queue de cheval. Sans une frange lui barrant le front et la queue se balançant au bas de son dos, j'aurais eu la désagréable impression de revoir de la traitresse que j'avais côtoyé une semaine durant… sans lever la tête du bloc-notes qu'elle tenait, elle commença d'une voix tout ce qu'il y avait de plus masculine…

« Voilà donc le nouveau venu… qui s'appelle…? »

N'entendant aucune réponse, il leva la tête en fronçant les sourcils, contemplant mon visage interdit et ceux de mes deux guides que j'entendais pouffer… tout indiquait qu'il n'était pas vraiment surpris du spectacle… c'était donc lui, Derisya ? Une veine visible sur sa tempe, il tendit sans prévenir son bras droit en nous présentant sa paume, d'où sortit un projectile lumineux qui frisa mon oreille gauche et explosa bruyamment sur le mur derrière moi.

« Vous en avez pas marre de faire toujours la même blague vaseuse ?! Abrutis !

−Ça va, calme toi, tu vas tuer quelqu'un ! répliqua l'un des jumeaux en ricanant.

−Si ça peut m'épargner vos gamineries à l'avenir, ça me dérangerait pas !

−C'est ça, on te laisse avec Kyōjō, − c'est son p'tit nom − fais lui visiter notre repaire pendant que tu l'as pas encore démoli. »

Sur ces mots, ils me laissèrent avec l'étrangement nommé Derisya et disparurent dans une des portes bordant la pièce… n'ayant pas tout compris, je restai un petit moment dans les nuages avant qu'un raclement de gorge sonore me rappelle pourquoi j'étais là.

« Ils grandiront jamais ces deux-là… bien, tu t'appelles donc Kyōjō, c'est ça ? Moi c'est Derisya, un membre important de l'organisation si je puis me permettre. Et je suis un homme, articula-t-il, que ce soit bien clair.

−C'est… ce que j'ai cru comprendre… c'est juste qu'ils parlaient de toi comme…

−Je sais, ils font cette blague à tous les nouveaux. Un conseil, insista-t-il en posant l'index sur mon front, évite de trop les fréquenter ! Leur intelligence est inversement proportionnelle à leur talent pour le combat.

−J'y penserai… mais, euh… c'est quoi cette boule de lumière que tu as lancée…? J'ai déjà vu des Chasseurs faire ça, mais…

−Ah… tu parles de ça ? répondit-il en formant une nouvelle sphère lumineuse dans sa paume. C'est quelque chose qu'il faudra que tu apprennes à faire assez vite, ça fait partie du contrôle de ton énergie. Tu verras, c'est pas si compliqué une fois qu'on a attrapé le truc. Mais pour le moment, je vais te faire visiter les lieux et te présenter quelque uns de tes camarades, si tu veux bien. »

Je commençai à suivre Derisya dans sa visite guidée avec un sentiment d'appréhension mêlé d'excitation. Le même sentiment qui avait saisi l'enfant que j'étais la première fois que j'avais découvert le monde extérieur. La première porte à gauche s'ouvrit sur une pièce relativement étroite, et une dizaine de Sarunin qui semblaient en train de méditer, certains assis en tailleur, d'autres couchés. Les murs étaient recouverts de sortes de coussins, et un silence à la fois apaisant et perturbant y régnait…

« La salle de méditation. me chuchota Derisya. Ses murs sont insonorisés spécialement. Tu vas y passer beaucoup de temps au début de ton entraînement. Avant de pouvoir percevoir les énergies alentours, il faut parvenir à ressentir la sienne propre. Passé ce cap on progresse beaucoup plus vite… »

Sans dire mot, j'acquiesçai tandis qu'il refermait la porte. À l'autre bout de la salle d'accueil, la porte suivante semblait beaucoup plus massive et résistante… à son ouverture, ce fus non pas un silence de plomb mais un fracas assourdissant qui se manifesta. La pièce, qui s'étendait sous nos pieds au bout d'une corniche − mais nul escalier ne permettait de descendre − était cette fois immense, et plusieurs Sarunin se battaient en volant, par groupes de deux, en riant et en se chambrant, cassant quelques rochers ou s'encastrant dans les parois de temps en temps, quand ils ne se visaient pas à coup de boules de feu. Je n'étais sûrement pas capable d'encaisser un seul des coups qu'ils s'échangeaient sans mordre la poussière. Et ils riaient…

« La salle de duel ! me cria Derisya. Comme tu peux le voir il y a tout l'espace qu'il faut pour se battre sans retenue, au sol ou en l'air ! Tu auras le droit de descendre quand tu sauras voler ! Mais avant… »

Après que nous sortîmes, il referma la lourde porte, mettant fin au vacarme, puis soupira un bon coup. Nous retournâmes à l'opposé, à quelques mètres de la première porte.

« … Il te faudra passer par ici. »

La pièce était tout aussi vaste, mais nul duel acharné cette fois. Des escaliers de part et d'autre de l'entrée permettaient également d'accéder en bas, disons, en douceur. Quelques congénères volaient à des vitesses diverses dans des anneaux ou entre des obstacles, ou bien se concentraient pour se maintenir péniblement en l'air, certains sous les yeux de ce qui devait être des maîtres… au moins me sentais-je un peu moins ridicule. Pour tout dire, je n'étais pas encore habitué à voir des Sarunin volants, et avais encore plus de mal à m'imaginer en train de flotter dans le vide…

« À côté de la salle de duel, c'est la salle de réunion, mais les nouveaux ne participent pas aux opérations, sauf les suicidaires peut-être. En tout cas j'imagine que t'as fait un long voyage, on va faire un tour par la salle de détente. Ça tombe bien j'ai un p'tit creux. »

En effet… ma curiosité et mon excitation m'avaient presque fait oublier la faim qui me tenaillait depuis quelques temps. Ladite salle de détente aurait pu être un établissement de Kukai parmi tant d'autres ; et c'était curieusement la plus peuplée. Des rires retentissaient, entre les Sarunin qui jouaient aux dés, ceux qui mangeaient, ceux qui se goinfraient ou ceux qui faisaient la sieste. Mon entrée ne passa toutefois pas inaperçu et quelques regards se braquèrent sur moi tandis que je m'avançais prudemment vers le milieu de la pièce.

« Tiens, encore un nouveau ? Y en a de plus en plus… »

Une voix féminine retentit derrière moi. La jeune femme était un peu plus grande que Derisya et assez musclée, des cheveux châtains mi-longs et un regard d'ébène plein de malice… des graines étaient visibles à la commissure de ses lèvres, et elle tenait une tomate entamée dans sa main gauche, en enlaçant Derisya de son bras droit…

« Oh, Sev, tu tombes bien… j'te présente Kyôjô, notre dernière recrue. Kyôjô, voici Sevani, ma « tendre moitié » dit-il avec un sourire idiot.

−Ta… quoi…?

−C'est assez clair, non ? poursuivit-elle en se serrant plus fort contre Derisya. On est ensemble quoi. Alors c'est pas la peine d'avoir des vues sur moi, compris ? »

J'y ferais attention, dans ce cas…

« Ah, au fait, Deri, si tu cherches…

−GYAAAAAH !!! »

Mon guide hurla de douleur et un grognement se fit entendre. Un molosse blanc aux airs de peluche remuait joyeusement la queue en mordant celle du pauvre Sarunin…

« … si tu cherches Koka, il s'était faufilé ici quand tu regardais pas. Bah, c'est lui qui t'a retrouvé au final. Tu fais peut-être un bon maître pour les nouveaux, mais pour les chiens t'es pas doué mon pauvre… »

Sevani ouvrit la gueule de… Koka…? et Derisya se releva en toussotant, tentant tant bien que mal de garder la face.

« Bienvenue à Rivina, gamin ! cria une voix rauque de la table la plus proche. Comme tu peux le voir, y a pas mal d'abrutis ici, mais tu t'habitueras.

−Je t'ai rien demandé, le vieux… grommela Derisya. Kyôjô, le type que tu vois là c'est Endoga, le doyen de l'organisation, enfin dans cette branche tout du moins. Le genre vétéran quoi. Une de ses deux filles a été tuée par les humains…

−Mes filles sont mortes toutes les deux ! s'énerva le Sarunin qui semblait effectivement d'un âge avancé.

−… si tu le dis. murmura Derisya dans le vide. Bon, et si nous mangions ? Après ça j'irai te présenter à Koyan.

−Fais pas attention… me murmura Sevani, voyant mon air déconcerté. Il voulait que sa fille cadette venge son aînée, mais il a découvert qu'elle s'était accouplée avec un humain ! T'imagines le choc… après ça il l'a reniée, et elle a eu de la chance de rester en vie…

−C'est… vraiment possible une chose pareille ?!

−Chut, moins fort ! C'est un sujet tabou, même chez les humains… c'est arrivé que dans quelques communautés, la plupart des Sarunin ne l'imaginent même pas ; encore moins que des enfants puissent naître de telles unions. Et j'avoue que ça me donne la gerbe rien que d'y penser… que mon Deri me quitte pour une… une… »

Elle ne poussa pas la conversation plus loin, de peur d'adopter un registre de langue moins élégant. Des enfants métisses humain-Sarunin… c'était en effet inconcevable. Il était déjà suffisamment difficile d'imaginer que des Sarunin trahissent ainsi leur peuple. Mais cela, j'en avais été témoin encore trop récemment… évacuant l'image de Nezumaru de mon esprit, je m'attelai à remplir mon estomac de mets étonnamment raffinés. Le fait qu'une ville humaine dédiée aux plaisirs serve de quartier général à l'organisation n'était peut-être pas étranger au confort relatif des lieux. La bonne cuisine n'était sans doute pas ce qui manquait par ici. Mais selon Vaki il y avait plusieurs bases de ce type un peu partout dans le monde, elles n'étaient peut-être pas toutes aussi bien équipées…

« Dis, Derisya…

−Un 'ro'lème, Myô'ô ?

−Il me faudra combien de temps pour avoir un niveau suffisant… enfin… pour participer à des missions…

−Mh… fit-il en avalant sa bouchée. Ça dépend de ton potentiel et de ta volonté. Le contrôle de l'énergie s'acquiert en un petit mois grand maximum, après il faut en moyenne six bons mois d'entraînement intensif pour progresser significativement. Moi-même qui fus un des premiers membres, j'ai eu un peu de mal au début et j'ai encore une grosse marge de progression. Mais tu sais, l'organisation a à peine plus d'un an, on a pas encore tellement de recul pour juger précisément… cela dit…

−… cela dit ?

−Il y a toujours ce qu'on appelle des génies. L'un des membres que j'ai eu sous ma tutelle a assimilé le programme d'entraînement à une vitesse incroyable. En un mois il m'avait dépassé, et il a vite été affecté à la région de Dumia. Dommage qu'il ait quitté l'organisation subitement deux mois après…

−Que s'est-il passé ? demandai-je, de plus en plus curieux.

−Alors que son équipe devait attaquer une ville, sur le chemin il a abattu un de ses coéquipiers de sang froid. Sans raison apparente. La seule chose qu'il a dit après ça, ça a été une phrase aux autres membres. « Ceux qui ont des états d'âme, restez chez vous. » On l'a plus jamais revu depuis.

−C'était… un traître ? Ou un espion ?

−Je ne pense pas. Il haïssait les humains plus que n'importe qui ici, son obsession à vouloir les tuer un par un était presque malsaine… enfin, je m'en réjouis pas mais, il avait beau être puissant j'avais personnellement peur qu'il devienne incontrôlable. C'était le genre asocial. Même si son passage a marqué les esprits on ne peut pas vraiment dire qu'il manque à beaucoup de monde. Il faut dire qu'il était un peu… spécial.

−C'est-à-dire…?

−Si je te le disais tu me croirais pas. ricana-t-il.

−Il y a tant de choses que j'ai du mal à croire ces derniers temps…

−Si tu le dis… il avait la manie de couper sans cesse la parole aux gens. C'est parce qu'en réalité, il n'avait pas besoin d'entendre les réponses de leur bouche… dit-il avant de placer un doigt sur sa tempe. Il les prenait directement à la source.

−Il… lisait les pensées ? m'interloquai-je. C'est…

−Impossible, pas vrai ? En effet, c'était un don incroyable qu'il avait, mais ça faisait peur à tout le monde, du moins ceux qui étaient au courant. Il est probable que ce qui l'a poussé à tuer froidement son coéquipier était quelque chose que lui seul pouvait savoir… Enfin, plus important, il est temps que tu rencontres Koyan. »

S'essuyant la bouche et se levant de sa place, Derisya me fit signe de le suivre. Digérant cette histoire invraisemblable en même temps que mon repas, je l'imitai tranquillement. Koyan… c'était apparemment le nom du fondateur de Rivina, et son membre le plus puissant − et de loin − selon mon guide. Il était semblait-il tellement doué qu'il avait réussi à espionner les Écoles de Chasseurs et à s'approprier leurs techniques… dans la pièce centrale, la porte du milieu se trouvait au bout d'un court couloir. Avant de l'ouvrir, Derisya s'arrêta un instant et se retourna vers moi…

« Je te préviens, tu risques d'être un peu surpris en le voyant. »

La porte s'ouvrant et en entrant, le dos de Derisya me cacha la vue dans un premier temps, avant qu'il ne s'écarte pour me laisser voir le fameux meneur, assis sur un fauteuil au fond de la pièce. Je compris vite ce que Derisya avait voulu dire… le torse noir de Koyan était parsemé de cicatrices blanches qui semblaient être les séquelles d'horribles brûlures, la plus large, en forme d'étoile, se situant au niveau du plexus… j'ignorais quelles tortures il avait subies mais une chose était sûre : le charisme que dégageait un Sarunin ayant subi ce genre d'épreuves était à la mesure du dégoût qu'une telle vision provoquait. Son visage dur semblait également marqué par les batailles, mais son regard était masqué par une paire de lunettes de soleil. Un rien stressé et me sentant ridicule face à un vétéran comme lui, je déglutis avant de me lancer hasardeusement, tandis qu'il me scrutait silencieusement.

« Je… je m'appelle Kyôjô… je… euh…

−Hun hun… un peu tendu à ce que je vois… bah, je peux pas t'en vouloir, c'est souvent le cas avec les nouveaux. »

Le ton était plus amical que je ne l'eusse pensé… et je reconnus la voix qui m'avait indiqué où aller aux abords de la ville. Comment avait-il pu se retrouver là sans que je ne le voie ? Sa vitesse devait être terrifiante… il se leva nonchalamment, enlevant ses lunettes et descendant les quelques marches devant son «trône», pour s'arrêter à quelques mètres de moi. Un détail me troubla alors… l'impression qu'il manquait quelque chose…

« Ah oui… dit sans prévenir Derisya. Quand je disais que tu risquais d'être surpris, je ne parlais pas des brûlures. »

Sa queue… n'était nulle-part. Il devait se l'être coupée par précaution, comme il me l'avait conseillé lui-même. Mais la phrase de Derisya laissait penser que c'était plus compliqué que ça…

« Derisya, évidemment tu ne lui a rien dit… comme d'habitude.

−Je me dit que c'est toujours intéressant de voir leur réaction, c'est tout.

−At… attendez ! Criai-je en reculant d'un pas. Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris… tu… tu es… un humain ?!

−Je suis comme toi, et comme tous les Sarunin ici. répliqua-t-il sans s'énerver, apparemment habitué à cette question. Je porte une rancune éternelle envers l'Union. »

Cela ne répondait pas à ma question…

« Koyan est un cas exceptionnel. poursuivit Derisya. Il a toutes les forces des Sarunin mais pas leur principal point faible. C'est un Sarunin sans queue. Tu crois vraiment qu'un vulgaire humain aurait pu nous rassembler, et parler notre langue ? »

Effectivement… même si son accent était peu commun, il parlait Sarunin, une langue qui n'était transmise qu'au sein d'Arata… se pouvait-il que…

« Bien, tu as l'air de t'être un peu calmé… dis-moi plutôt, dit-il en sortant ce qui ressemblait à un bloc-notes et un crayon. Comment s'appelait ton informateur ? Celui qui t'a appris l'existence de Rivina ?

−Eh bien… je n'ai pas parlé avec lui très longtemps… il s'appelait… Vaki. »

Les yeux de mes deux interlocuteurs s'écarquillèrent, et le temps sembla se figer un instant… tous deux me regardèrent incrédules… ce n'était apparemment pas une réponse à laquelle ils s'attendaient.

« Tu as bien dit «Vaki» ? s'estomaca Koyan. Tu veux dire qu'il est toujours vivant ?

−Euh… non, répondis-je en baissant la tête, je crois qu'il a été tué quelques jours après… par une dénommée Lyen… quelque cho… »

Je me rappelai soudainement celui qui m'avait donné cette information… devais-je leur dire ? Non, j'aurais tout le temps pour ça… ça n'était pas le plus important pour l'heure…

« … C'était donc bien lui… murmura-t-il.

−Je ne comprends pas… il y a un problème avec lui ?

−Kyôjô. dit calmement Derisya. Tu te souviens du Sarunin «un peu spécial» dont je t'ai parlé tout à l'heure ? »

Je ne répondis rien… et je fis soudainement le lien. Cela paraissait évident à présent… Koyan resta de marbre un moment. Avant de se mettre à ricaner, puis à rire aux éclats, en retournant s'assoir.

« Le seul membre déserteur de Rivina tué par cette chère Lyendith… sembla-t-il se dire à lui-même. Quelle douce ironie… hé hé hé… »

J'avais du mal à saisir ce qu'il pouvait y avoir de drôle dans cette situation… et pourquoi parlait-il de cette femme comme s'il la connaissait ? Derisya lui-même en entendant cette phrase lui lança un regard perplexe… ou plutôt, agacé…

« Bon… soupira-t-il pour changer de sujet. Maintenant qu'on s'est raconté nos petites anecdotes, il est temps de t'expliquer la suite plus en détails, Kyôjô. Au début de ton entraînement, tu vas rester ici, puis quand tu auras atteint une maîtrise suffisante pour ne pas être repéré par les Chasseurs, on décidera de la branche où tu seras envoyé. Normalement ce sera la région que tu connais le mi… »

Son regard se tourna brusquement vers la porte, puis vers le chef…

« Koyan, c'est une connaissance à toi ?

−Non… je connais pas cette aura…

−C'est quand même pas un Chasseur ?

−Non plus, ils se déplacent jamais seuls… et c'est pas une aura humaine.

−Si c'était un Sarunin on l'aurait senti approcher bien avant ! À moins qu'il sache déjà cacher sa présence ?

−Si c'est le cas, c'est un élément sacrément prometteur… »

La porte s'ouvrit brutalement, laissant apparaître un jeune garçon aux cheveux noirs et hirsutes, le regard indifférent… un visage qu'il me semblait avoir déjà rencontré, sans pouvoir me rappeler où…

« C'est donc ça, «Rivina» ? On m'a pas menti, donc… »

Son regard se posa sur moi… il ouvrit grand les yeux… et je me souvins à mon tour… le cri qui suivit se fit à l'unisson.

« TOI ?! »

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Dernière édition par Le Chauve le Mer Avr 28, 2010 11:19, édité 2 fois.
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