Il avait nécessité plusieurs mois de rééducation pour que Freezer se remette sur pied, et malgré un suivi continuel plus qu'éprouvant, il ne s'était toujours pas rétabli à cent pour cent ; de sérieuses séquelles, tant physiques que mentales, subsistaient toujours, le rendant plus instable et irascible que jamais.
— Très bien, Seigneur Freezer, dit un lézard anthropomorphe à crête rouge. A partir de maintenant, je vous serais gré de ne plus bouger.
Au sein d'une pièce blanche garnie d'éléments médicaux, l'air confiné se retrouvait sans cesse renouvelé à l'aide de bonbonnes d'oxygène incrustées dans les parois, ceci afin d'éviter la formation d'impuretés sur les divers composants ainsi que d'éventuelles infections sur le patient. Allongé sur une table d'opération, Freezer, les yeux fermés, respirait lentement pour ne pas fausser le diagnostic en cours. Comme à son habitude depuis plusieurs semaines, il procédait à un contrôle de routine dans le but de vérifier si son état n'avait pas subi d'effets secondaires entre-temps.
— Ça commence à faire long, maugréa-t-il avec impatience.
— L-Les résultats ne devraient plus tarder, Monseigneur ! informa la créature qui faisait office de docteur. Encore
trois petites secondes, je vous prie !
Dans sa mansuétude infinie, Freezer poussa un petit grognement et capitula. Même si cela l'agaçait de devoir sans arrêt passer toute une gamme d'examens, il restait conscient que pour son propre bien, il ne pouvait y échapper. Depuis sa joute contre Broly, son état critique avait nécessité un travail minutieux pour ne pas endommager davantage son corps déjà meurtri. Les meilleurs médecins de l'univers - affiliés ou non à l'Empire - avaient été réquisitionnés dans les jours suivants. Ceux qui eurent l'audace de ne serait-ce qu'hésiter à quitter leurs foyers s'étaient retrouvés sur le peloton d'exécution, servant par la même occasion d'exemple radical pour leurs confrères indécis dont le
serment d'Hippocrate - une légende parmi la communauté médicale universelle - prit soudainement tout son sens.
Suite à une longue intervention chirurgicale, l'armada de docteurs avait parvenu à stabiliser la condition de l'être mutilé et dû procéder ensuite à la partie la plus incertaine de l'opération : le « rafistolage ». Son bras droit précédemment arraché avait été remplacé par une hideuse - selon les dires de Cooler - prothèse métallique argentée tandis que le trou béant qui remplaçait son abdomen fut obturé par un mélange d'éléments organiques et nano-technologiques.
— C'est terminé, Majesté ! annonça le médecin tout en rangeant son matériel avec une hâte qui trahissait son malaise. Tout est parfaitement en ordre, vous pouvez maintenant vous relever si vous le souhaitez.
Freezer rouvrit délicatement les yeux, se redressa et s’assit sur le bord de la table, le visage exprimant un sentiment d’insatisfaction.
— « Tout est en ordre... », vous dites ? répéta-il d’une voix lente. Alors comment se fait-il que je ressente encore des gênes au niveau du ventre ? Même chose pour mon bras droit, il refuse encore de bouger comme je le voudrais.
Dans les faits, le constat réel n'était pas aussi noir. Et pour cause, en échange d'un aspect tendant plus vers de « l’artificiel », ces nouveaux implants lui avaient conférés une plus-value non négligeable, à savoir une force de combat de loin supérieure à son précédent niveau maximal.
—J-Je vais effectuer une seconde analyse dans ce cas ! balbutia le médecin prit au dépourvu.
Un détecteur accroché à son œil libéra un furtif rayon violet qui passa au scribe le corps du patient difficile avant de se désactiver quelques secondes plus tard.
— Je suis navré, Monseigneur, mais je n’ai remarqué aucune forme d'anomalie, révéla le professionnel d'un ton catégorique mais respectueux. Mon humble avis là-dessus est que votre corps n’a tout simplement pas encore accepté ces éléments étrangers comme partie intégrante de vous…
— Et combien de temps cela va-t-il encore durer ?
Le docteur se saisit le bout pointu qui lui servait de menton et réfléchit d'un air grave.
— Hum... Difficile de donner une estimation à l'heure actuelle, même approximative, mais ça ne saurait durer. Après tout, vous avez réussi à atteindre en un temps record un stade qui aurait nécessité au moins
quatre mois de rééducation intensive !
Freezer soupira, déçu de ce diagnostic, tout n’était toujours qu’une question de temps au final... Malgré cette expertise pertinente, au fond de lui, il n'en démordait pas.
— Très bien, mais je tiens à ce que vous restiez dans la capitale pour encore quelques jours. Il se peut que je refasse de nouveau appel à vos services.
À l'entente de cette directive, le dos écailleux du spécialiste frissonna de terreur. Il avait pourtant déjà fait tout son possible et même au-delà, ce n’était décemment pas avec quelques jours supplémentaires qu’il y aurait une soudaine amélioration… N’osant pas exprimer le fond de sa pensée, il finit bien malgré lui par se soumettre à cet ordre absolu. D’un geste nonchalant, Freezer sautilla de la table et se mit à faire des moulinets avec son nouveau bras cybernétique.
— Une dernière chose, professeur, ajouta-t-il alors que ce dernier s’apprêtait à prendre sa révérence.
— O-Oui, Votre Grandeur ?
— J'ai ouïe dire que le Commando Ginyu était arrivé, poursuivit Freezer d'un ton calme. Rendez-moi un service, je vous prie : si vous les croisez dans les parages, faites-leur savoir que je les recevrai ici même au lieu de l'endroit habituel, j’aimerais prolonger cette séance un peu plus longtemps.
— Il en sera fait selon vos désirs, rétorqua le médecin, la tête inclinée.
— Parfait, vous pouvez disposer maintenant, conclut le tyran d’un ton sec.
Le docteur ne perdit pas de temps et se précipita en direction de la sortie, espérant au fond de lui ne plus se faire interpeller. Chaque seconde écoulée dans cette antichambre de l'enfer le rapprochait un peu plus d'une mort quasi-certaine, c’était du moins ce que sa conscience continuait de lui souffler inlassablement. Il se hâta de taper le mot de passe sur le digicode près de la porte, et lorsque cette dernière s'ouvrit dans un petit crissement désagréable, la vision d'horreur qu'il eut faillit lui faire faire une attaque cardiaque. Face à lui, cinq ombres menaçantes, classées de la plus petite à la plus grande, se tenaient devant l'entrée, droites comme des « i », les poings collés sur les hanches et un sourire machiavélique étendu jusqu'aux oreilles.
—
Nom d'un pingouin asthmatique ! jura le docteur avant de retomber sur ses fesses.
Les cinq joyeux mousquetaires rirent à gorge déployée, grandement satisfait par la spontanéité de cette réaction. L'un d'eux - un colosse dont la chevelure était plus ardente et orangée qu'une kakarot fraîchement cueillie - s'accroupit et tapota le crâne de la pauvre victime.
— C'est bon, p'tit gars, fit-il d'un ton moqueur, tu peux t'en aller maintenant.
Le « p'tit gars » ne chercha pas à tergiverser avec cette bande de sots (il n'en aurait jamais eu le courage de toute façon) et prit la poudre d'escampette sans demander son reste, laissant ainsi aux nouveaux arrivés le soin de jouir de tout l'espace présent. Alors que Freezer s’apprêtait à leur souhaiter la bienvenue, le Capitaine de la joyeuse section prit les devants et hurla à s’en arracher la gorge :
— CAMARADES, EN POSITION !!!Ni une, ni deux, les membres concernés se dépêchèrent d'adopter chacun la posture qui leur avait préalablement été assignée. Ces poses avaient beau être très élaborées et parfaitement synchrones, elles restaient assez gênantes à admirer ; une légère goutte de sueur ne manqua pas d'ailleurs de s'écouler derrière le crâne de Freezer, gêné comme jamais.
— RECOOM !!— BARTA !!
— JEECE !!— GULDO !!
— GINYU !!
L'embarras avait atteint un tel degré que les pommettes blêmes de Freezer prirent une teinte pivoine lorsque ses yeux s'attardèrent un peu trop longtemps sur la position très
tendancieuse de Ginyu.
— Unis comme les cinq doigts de la main, voici les Fooooooorces Spéciales !! s’écrièrent-t-ils à l’unisson.
Plusieurs secondes s'écoulèrent où seul un silence mortuaire régnait. Ce fut finalement Freezer qui brisa la glace, se raclant volontairement très fort la gorge pour leur faire signe qu'ils pouvaient reprendre une posture normale.
— B-Bienvenue à vous, messieurs..., annonça-t-il, toujours affecté par la précédente démonstration. J'espère que vous avez fait bon voyage.
— Un excellent périple, Seigneur Freezer ! s’exclama Ginyu d’une voix enjouée, soutenu par des frénétiques hochements de tête de la part de ses comparses.
Numéro un universel des soldats de l'armée impériale, la couleur lavande de sa peau symbolisait non seulement la crainte mais aussi l'ordre et l'unité ; des qualités indispensables et fortement appréciées. Au sommet de son crâne dégarni de matière capillaire logeaient une multitude de veines prêtes à éclater ; de même qu'au-dessus de chaque oreille, deux majestueuses cornes noires pointaient le ciel. Une fois n’était pas coutume, comme pour le reste de ses subordonnés, Ginyu était vêtu d'une armure à épaulettes impériale, classique aux premiers abords, mais avec néanmoins une petite spécificité au niveau du cœur : le signe caractérisant leur section d'élite.
— Maître ! commença-t-il après avoir pris une grande inspiration. Avant toute chose, mes hommes et moi-même tenions à vous présenter nos condoléances pour cette...
perte. Votre défunt père, l'Empereur Cold, sera regretté à jamais !
— Gloire à l'Empereur Cold ! Honneur à l'Empereur Cold ! Paix à l'Empereur Cold ! s'exprimèrent les quatre autres gaillards en harmonie, les torses bombés.
— Nous sommes aussi navrés de n’avoir pas pu livrer cette bataille à vos côtés… termina Ginyu avec une pointe de frustration qui ne passa pas inaperçue.
Freezer haussa un sourcil qu’il n’avait pas, étonné, avant de laisser échapper un petit sourire. Si la majorité de ses soldats le craignait - et c'était là une excellente chose - les membres de son Commando, en revanche, le vénéraient plus que tout au monde. Ce qu'il venait d'entendre n'était pas juste de simples mots destinés à bien se faire voir ou à attirer ses faveurs, non, il s'agissait là d'une dévotion pure et sincère provenant de soldats fidèles et loyaux. Le tyran dirigea son regard vers son épaule factice, l'air absent, et la toucha à l'aide de son membre fait de chair et de sang. Tout doucement, il fit glisser sa main jusqu'au niveau du poignet métallique qu'il agrippa par réflexe.
— J’ai, comme vous pouvez le remarquer, éprouvé quelques
difficultés pour venir à bout de cette engeance... Mais soyez rassurés, quand bien même vous auriez été là, cela n’aurait rien changé.
Freezer relâcha sa prise, posa une main sur l’une de ses hanches, et conclut cet aparté d'une phrase qui transpirait la sincérité.
— Néanmoins, Capitaine, de même pour vous, messieurs, sachez que j'apprécie beaucoup cette considération qu'est la vôtre.
— Ces mots nous honorent, Majesté, confessa Ginyu accompagné d’une inclinaison gracieuse, action immédiatement imitée par ses subordonnés.
— Ceci dit, j'aimerais maintenant que nous passions aux choses sérieuses, reprit Freezer, les yeux dirigés vers le petit sac posé à leurs pieds. Je suppose que vous avez accompli votre mission avec succès, n'est-ce-pas ?
— Parfaitement, Monsieur ! affirma le Capitaine qui fit signe à l'un de ses hommes de divulguer le contenu du sachet. Je dois reconnaître que ça n'a pas été chose facile, au début, mais aucune mission n'est impossible pour mon Commando.
Une fois que le mystérieux paquet ait été
soigneusement et plusieurs fois secoué de haut en bas, une tête décapitée tomba et roula jusqu'aux pieds de Freezer. Cette dernière, bien que similaire à celle du Tout-Puissant, restait différente dans ses proportions, et plus particulièrement au niveau de l'œil gauche, où l'on pouvait apercevoir une large cicatrice s'étendre jusqu'en bas de la joue.
— C’est sans surprise que je vous apprends que
l'Empereur Slugh n'a pas adhéré aux termes du marché que vous proposiez, révéla Ginyu d’une voix faussement désolé. Nous avons bien essayé de le
convaincre, mais il est resté inflexible jusqu'au bout.
— Et par « convaincre », il faut surtout entendre par là qu'on lui a tapé dessus très fort pendant des heures ! se manifesta Jeece, soudainement épris d'une irrésistible envie de vouloir préciser des choses triviales.
— C'était compréhensible dès le début, ton intervention était inutile ! grimaça Ginyu, un peu contrarié de constater que son second ne s’était toujours pas débarrassé de cette manie.
— Mais capitaine ! Je…
Freezer toussa encore plus fort que tout à l’heure pour recentrer ces esprits un peu dispersés. Comprenant que ce n’était pas le moment de défendre ses positions, celui qu’on surnommait le « Magma Rouge » se retint de poursuivre et se fit tout petit.
— Eh bien tant pis, il n'aura eu que ce qu'il méritait, décréta le tyran d’une voix glaciale. Je me doutais bien qu'il serait le genre d'imbécile à se montrer têtu jusqu'au bout.
— Nous avons quand même réussi à soutirer quelques informations sur lui, continua Ginyu tout en activant son détecteur pour y lire les données qui défilaient. Slugh était originaire de la planète
Blattek et…
— C’est
Namek, Capitaine, corrigea Jeece.
— Peu importe ! rugit Ginyu, désormais sérieusement agacé d'être sans cesse coupé. Ce qu'il faut savoir c'est que cette planète est non seulement toujours indépendante, mais aussi que le peuple qui l'habite est particulièrement réputé pour sa très grande maîtrise de la magie !
Freezer fronça les yeux à l'entente du dernier mot prononcé. S’il y avait bien une chose qui pouvait affecter même les plus puissants êtres de l’univers, c’était bien la nécromancie et ses dérivés.
— Toute une ethnie capable de maîtriser la sorcellerie sans aucune surveillance,
je n'aime pas ça… Vous irez vérifier si ce que l'on dit d'eux n'est pas exagéré ! S'il est possible d'en tirer quelque chose, embrigadez les plus forts et exterminez le reste.
— Mais s’ils viennent à tous se montrer bornés comme ce Slugh ? questionna Barta, un sourire mauvais inscrit sur le visage.
— C’est vrai ! Ça doit être dans leurs gènes de limaces d’être aussi butés ! soutint Recoom d’une voix forte.
— Et bien vous procéderez à un
feu d'artifice selon les modalités habituelles, répondit Freezer, un rictus aux lèvres.
— Hé ! Hé ! Considérez que c’est déjà fait ! s'exclama Ginyu, enchanté. Mais y a t-il autre chose, Maître, où nous pouvons nous préparer à y aller ?
— Oui, effectivement…
Freezer leur tourna le dos, marcha vers la table d’opération et l’envoya s’encastrer sur le mur renforcé d’un coup de pied, surprenant la section d’élite qui sentit que l’atmosphère avait brusquement changé.
— Si je vous ai convoqué aujourd'hui, poursuivit-t-il d’une voix peu rassurante, c'était surtout pour vous assigner une mission de la plus haute importance.
Freezer grinçait maintenant des dents ; ces dernières s'entrechoquaient à une telle vitesse qu'une étincelle aurait presque pu prendre vie. Sa mésaventure avec le Guerrier Millénaire lui avait ouvert les yeux qu'il avait trop longtemps gardé fermés.
— Voyez-vous, après moult considérations et
reconsidérations à son égard, j'en suis venu à la conclusion que notre cher prince des Saïyens n'était pas vraiment ce que l'on pourrait qualifier de... recrue fiable.
Ginyu fronça des yeux et écouta attentivement, là où les autres membres ne purent s’empêcher de faire quelques commentaires, ébahi par le courage – ou l’inconscience – du guerrier Saïyen.
— Et ben, si je m'attendais à ça ! Notre petit Végéta a décidé de prendre son envol ! intervint Recoom, amusé par cette tournure des événements. Tu dois être ravi, Guldo !
— Et comment ! affirma le concerné, ses quatre pupilles tournoyants à vive allure, signe que son excitation avait atteint son paroxysme. Depuis le temps que j’attendais que l’occasion se présente, je vais enfin lui faire payer toutes les humiliations qu’il m’a fait subir !!
— Tsss... Moi, je ne suis même pas étonné ! siffla Barta, l'air agacé. J'ai toujours dit que ce sale gamin finirait par nous trahir un jour ou l'autre, ce n’était qu’une question de temps !
— Quoi qu'il en soit, trancha Freezer d’un ton sec, j'ai déjà envoyé Zarbon et Dodoria à ses trousses, mais n’ayant plus reçu de nouvelle depuis un petit moment, je suppose ces incapables ont échoué.
Il se retourna pour leur face et afficha une expression qui ne laissait planer plus aucun doute quant au futur dessein qu’il réservait au prince Saïyen.
— Je veux que vous lui fassiez connaître l’enfer ! Brisez-le, réduisez-le en charpie ou ce que bon vous semblera, mais ramenez-moi ce renégat v-i-v-a-n-t ! ordonna le tyran, des étincelles électriques rouges s'échappant de son corps. Je tiens
personnellement à lui administrer le coup de grâce, alors ne me décevez pas, messieurs !
Ginyu, jusqu’ici silencieux, se mit à trembler d’excitation, jamais il n’avait été aussi exalté à l’idée de partir en mission. Végéta avait toujours été considéré comme étant un génie du combat, un véritable prodige destiné à atteindre un jour le sommet. Le fait qu’il ait ouvertement décidé de se rebeller contre eux ne pouvait signifier qu’une chose : il était devenu bien plus fort qu’avant ; une aubaine pour Ginyu qui recherchait constamment des adversaires exceptionnels.
— Hé! Hé! Hé! Soyez sans crainte, Monsieur, déclara-t-il, une étrange lueur dans ses yeux. On tachera de ne pas le rendre trop… méconnaissable.
Pendant ce temps, sur Hélior.Même si Végéta avait récemment acquis l'habilité de repérer les forces de combat sans l'aide de son appareil, il ne maîtrisait toujours pas cette technique à la perfection. Ainsi, plus dans l'idée de gagner du temps que par fainéantise, il activa son détecteur pour localiser plus rapidement l'endroit où se trouvait Tenshinhan.
— Coordonnées
BIN23-GO24... Bien, ce n'est pas très loin d'ici.
Au palais royal, l'ambiance était tout autre. L'ordre qui caractérisait la prestigieuse cours avait laissé place à une pétaudière où le chaos et l'anarchie régnaient en maître absolu. Prises de panique, les différentes factions s'époumonaient pour tenter de découvrir l'origine de cette nouvelle explosion. Certains affirmaient que cette dernière ne pouvait être qu'une nouvelle attaque des envahisseurs, tandis que d'autres, moins pessimistes, soutenaient que ce n'était là qu'un séisme de forte amplitude comme c'était si souvent déjà arrivé. Face à tant de brouhaha, le roi d'Hélior tenta de calmer la foule en hurlant de plus belle, en vain. Sa voix se retrouva bien malgré lui mêlée aux autres timbres. Soudain, un des soldats parti en reconnaissance vint aux nouvelles et révéla l'information du moment, coupant instantanément cours à toutes les disputes.
— Majesté, c'est terrible ! Un autre vaisseau appartenant aux hommes de Freezer vient d'atterrir non loin de là !
Tous les membres de l’assemblée écarquillèrent des yeux, horrifiés.
— Je le savais, bon sang ! tonna Eleim, en colère. Jusque là, c'était juste juste des éclaireurs, ce n'est plus qu'une question de temps avant qu'une armée débarque, on est foutu !
Tous les regards se tournèrent brusquement vers Tenshinhan. Le faible pourcentage d'innocence qu'il avait laissé planer sur sa personne venait de se volatiliser. Bien qu'il fût désormais limpide dans l'esprit des Héloïtes que le guerrier à trois yeux constituait un ennemi avéré, encore fallait-il pouvoir se débarrasser de lui, car personne ici présent ne disposait de la force nécessaire pour en venir à bout.
En retrait par rapport aux autres, Tidar fixait le guerrier à trois yeux d'un œil mêlant colère, amertume et incompréhension. Quand bien même il se sentait trahi, une partie de lui ne pouvait s'empêcher de laisser planer le bénéfice du doute.
De son côté, l'accusé s'aperçut du soudain changement d'atmosphère mais n’y prêta aucune attention. Son esprit était bien trop focalisé sur l'arrivée inopinée de Végéta pour s'offrir le luxe de penser à autre chose.
— Il est tout proche ! beugla Tenshinhan dont la subite exclamation fit sursauter les autochtones.
— Qu'il se ramène, je vais lui faire la peau, moi ! mugit Eleim, déterminé à se battre jusqu’au bout.
— N’y pense même pas ! s'opposa précipitamment le terrien. Je me charge de régler cette histoire, alors quoi qu'il arrive, n'intervenez sous aucun prétexte, compris ?!
— Et puis quoi encore ? rétorqua le prince Héloïte, maintenant hors de lui. Tu crois peut-être qu'on va vous laisser nous décimer sans rien faire ?!
— Je ne plaisante pas ! assura de nouveau Tenshinhan dont la voix paniqué trahissait tout de son anxiété. Ne cherchez surtout pas à le combattre ! Croyez-moi, il n'aura aucune pitié pour vous si vous l'attaquez !
Alors qu'Eleim commençait à se demander si ces paroles avaient une once de sincérité, une autre explosion résonna subitement. Si cette fois les dégâts restaient bien moins importants que la précédente détonation, le son de l'impact était bien plus proche. Et pour cause, elle émanait justement du toit du palais : les bras croisés sur le torse et le regard froid, Végéta se laissa doucement chuter au même rythme que les restes de la fondation avec une dignité à faire pâlir un cygne.
— Cette armure...! remarqua Tidar, d'une voix tétanisée. Il n’y a plus aucun doute, c'est bien un guerrier à la solde de Freezer !
Végéta focalisa brièvement son attention sur les pathétiques manants qui le dévisageaient avant de se concentrer sur la raison même de sa venue : Tenshinhan.
— Comment on se retrouve,
partenaire..., nargua-il, un bref rictus se dessinant sur ses lèvres. Je ne t'ai pas trop manqué ?
— V-Végéta..., murmura Tenshinhan, la gorge nouée.
Si l’invité surprise était satisfait de voir son ticket pour devenir plus fort relativement en forme, ce qui attisait davantage sa curiosité était son étrange condition. Les chaînes et boulets qu'il avait d'accrochés sur les poignets et chevilles... s'il ne le connaissait pas plus que ça, il aurait presque cru qu'il avait été fait prisonnier.
— Je ne sais pas comment tu t'es mis dans cette situation mais ça ne m'intéresse pas. Pour faire bref, pas mal de choses ont changé depuis notre séparation, ajouta Végéta tout en lévitant vers le trou du plafond. Suis-moi, je t'expliquerai tout en route.
— J-Je ne peux pas partir... Du moins pas encore, déclara Tenshinhan, la voix désormais tremblante. Je dois d'abord… m'acquitter de mes crimes.
Tidar, de même que le souverain d'Hélior, tiquèrent face à cette réplique. Ressentait-il du remord pour ce qu'il avait commis ou était-ce un stratagème pour les berner ? Dans tous les cas, cet aveu méritait d’être sauvegardé dans un coin. De son côté, Végéta restait tout aussi interdit. Si la réponse négative de son acolyte l'avait surpris, ce fut la raison évoquée qui le stupéfiait le plus : « S'acquitter de ses crimes » qu'il avait dit. C'était tellement...
différent de la vision qu'il se faisait de lui. Toujours dans les airs, Végéta pivota la tête et le scruta de la tête aux pieds. Ce ne fut qu'après s'être un peu plus attardé sur le regard de Tenshinhan qu'il s'aperçut que ses traits n'étaient plus aussi durs qu'avant.
— Qu'est-ce qui t'es arrivé au juste ?
— Rien de spécial. J'ai juste pris conscience des choses qui m'importaient et de mes erreurs.
Végéta souleva un sourcil, interloqué. Il ne comprenait rien à ce charabia, mais une chose était sûre : l'homme qui se tenait devant lui n'était pas celui qui avait accepté de l'accompagner. Dans les faits, même si cela le démangeait assez d'en savoir plus, il dompta sa curiosité et décida de passer outre. Il était surtout venu pour récupérer son dû - le Kaïoken - et rien de plus.
— Rassure-moi au moins : lorsque tu as accepté de me rejoindre, on avait conclu un marché tous les deux. Tu ne l'as pas oublié, si ?
— Je m'en rappelle très bien, admit Tenshinhan bien malgré lui, mais ça n'a plus d'importance maintenant…
Végéta serra les poings, une colère murissant à allure lente.
— Oh que si, ça a en a une,
MAINTENANT plus que jamais même ! répliqua-t-il d’une voix tonitruante, hurlement qui fit frémir l’entièreté de l’assemblée.
Tenshinhan, qui restait pourtant un combattant aguerri, ne put s’empêcher de reculer par réflexe, lui aussi intimidé par ce timbre menaçant. Le climat était devenu si tendue que le terrien n’osa même plus prendre la parole, effrayé à l’idée d’aggraver la situation à cause d’un manque de tact. Ce silence pesant ne manqua pas d’accentuer l’impatience de Végéta, à tel point que ce dernier craqua et passa à l’acte.
— J’ai d’autres moyens pour te faire parler.
D'un grésillement, Végéta disparut pou réapparaître à quelques centimètres de Tenshinhan, laissant ce dernier sans voix face à une telle vitesse. Sans prévenir, il planta son poing droit dans l'estomac du terrien qui se plia en deux, avant d'enchaîner avec un furtif coup de genou au menton qui le mit tout de suite hors-jeu. Ce combo pourtant si basique avait largement suffi à faire s'écrouler Tenshinhan, alias le même combattant qui lui avait jadis opposé tant de résistance.
— Tu ne veux toujours rien me dire ? insista Végéta, une veine saillante sur le front. Tu ferais mieux de cracher le morceau si tu ne veux pas que je m'énerve pour de bon, et crois-moi, tu n'aimerais pas ça !
Tenshinhan, la mâchoire ensanglantée, se releva avec toutes les difficultés du monde, essayant de cacher du mieux qu’il pouvait tout l’effroi et l’inquiétude qu’il pouvait ressentir. Il devait à tout prix éviter qu’une plus violente confrontation physique n’ait lieu, car non seulement il ne gagnerait pas, mais en plus, cette planète pourrait se retrouver à feu et à sang.
— J’ai compris, je vais te dire tout ce que tu veux savoir, capitula-t-il, le cœur lourd, mais j’aime autant te prévenir : ça ne risque pas de te plaire…
— Ça, ce sera à moi d’en juger ! enchaina Végéta, toujours de mauvaise humeur.
Tenshinhan prit une grande inspiration et joua franc-jeu, advienne que pourra.
— La technique que tu veux apprendre est issue de l'Au-delà, seul le maître originel peut la transmettre à ses disciples. Et comme je n'en suis pas le créateur…
Tenshinhan prit une courte pause, observant le faciès de Végéta se déformer à cause d'une incompréhension manifeste, avant d’asséner le coup final.
— … Je ne peux rien pour toi, je suis juste incapable de te l’apprendre.
Cette dernière phrase résonna dans l'esprit de Végéta tel un écho. Alors c'était ça, la vérité…? Il devait forcément plaisanter, il ne pouvait pas être sérieux avec ces bêtises. Ce qu'il venait d'entendre ressemblait plus à un ramassis de stupidités inventé sur le tas qu’à une explication claire et rationnelle.
— Je vois, dit-il, en laissant bien malgré lui échapper un rire nerveux. Tu te fous vraiment de moi en fait.
— Non, je suis vraiment sérieux ! répliqua Tenshinhan qui sentait la puissance de Végéta grimper en flèche. C'est parce que j'ai pu être ressuscité grâce aux Dragon Balls que je peux témoigner de ça !
C’en était trop, l’impression désagréable d’être pris pour le dindon de la farce fit sortir le prince de ses gongs. De nouveau, il rétorqua en usant de la violence physique. Encore plus rapidement que tout à l’heure, il dévora la distance qui le séparait de Tenshinhan en une fraction de seconde et lui asséna un furtif, mais violent, crochet du droit qui le fit s’écrouler pour la deuxième fois au sol. Il conclut ce combo en beauté en plaquant son pied sur le visage du terrien, l’écrasant comme s'il s'agissait d'un insecte.
— Tu me déçois beaucoup, vraiment ! En plus de m'avoir menti pendant tout ce temps, tu me prends ouvertement pour un idiot avec tes histoires à dormir debout !
Tenshinhan poussa, pour la première fois depuis son retour, un cri de douleur retentissant. La pression exercée par Végéta était telle que le membre chétif semblait peser plusieurs tonnes.
— Dernière chance,
terrien, menaça Végéta soudainement désireux de retaper le sol de matière grise.
— J-Je ne te mens pas ! C-Ces objets magiques peuvent exaucer n'importe quel vœu ! Le fait que j'ai été tué par Raditz et ramené plus tard à la vie pour te combattre en est la preuve !
Végéta, qui tiqua au mot « vœu », relâcha inconsciemment du lest et fit s'activer ses neurones. Et si c'était vrai ? Et si - aussi farfelu que ce soit - de tels artefacts existaient vraiment ? Il deviendrait en un instant le numéro un universel... Freezer lui-même ne serait rien de plus qu'une simple formalité. Et puis, il ne voyait pas pourquoi Tenshinhan se donnerait tant de mal pour lui raconter de telles inepties si cela était faux.
— Pourquoi tu ne m’as pas dit ça plus tôt, espèce de crétin ?! pesta Végéta, frustré d'être passé devant une telle occasion. Si j'étais devenu immortel, j'aurais immédiatement pu me débarrasser de Freezer et de sa clique !
Tenshinhan s’essuya le visage couvert de moisissures et rétorqua avec la même hargne, décidé à ne plus se laisser marcher dessus.
— Et toi, tu espères tromper qui au juste ? La première chose que tu aurais faite après avoir obtenu ton vœu aurait été de détruire la Terre !
—
Peuh ! Lorsque tu as accepté de me rejoindre, je t'avais donné ma parole que je n’y toucherai pas, et jusqu’à preuve du contraire, elle est toujours là.
— Seulement parce qu’on avait un intérêt commun, riposta Tenshinhan, déterminé à avoir le dernier mot. Et puis de toute façon, ça aurait été impossible d'avoir un vœu ! Les Dragon Balls ont déjà été utilisées pour me rendre la vie, il aurait fallu attendre un an pour qu'elles soient de nouveau actives, ou alors que leur créateur fasse une exception.
— Quoi ? Comment ça « leur créateur ? » répéta Végéta, soudainement très curieux d’en savoir plus. Qui sur cette planète éloignée de tout pourrait posséder de tels pouvoirs ?! Même dans l'univers entier, je ne vois qu’un peuple qui aurait pu créer de tels...
Végéta eut un hoquet de surprise, les yeux exorbités.
Bon sang, mais comment avait-il fait pour ne pas faire le rapprochement plus tôt ?! Sur Terre, il était tombé sur un gigantesque dôme flottant, et là-bas, il avait rencontré deux habitants : le premier était un homme à la peau très sombre tandis que le second ressemblait étrangement à...
— Un Namek ! s'exclama-t-il comme s'il avait eu la révélation du siècle. Mais bien sûr ! Les Nameks sont réputés pour posséder de très puissants dons magiques, que l'un d'eux ait pu créer de tels objets ne devrait pas être étonnant !
— Attends une seconde ! Tu veux dire qu'il existerait des Dragon Balls sur une autre planète ?! s’écria Tenshinhan qui tombait des nues.
Végéta éclata d’un rire sardonique. Décidément, Dame Fortune lui souriait beaucoup ces derniers temps. D'abord l’acquisition d’une tout nouvelle puissance et maintenant une très haute possibilité d’obtenir l'immortalité. L'avenir s'annonçait plus que radieux pour lui.
— J'en sais rien, mais c'est bien possible, dit le prince, le visage rayonnant de bonheur. Tu as beaucoup de chance que je t’épargne, j'avais vraiment l'intention de te tuer pour t'être joué de moi.
— Végéta...
Sans daigner accorder un dernier regard, le prince lui tourna le dos et commença à léviter vers l’entrée qu’il avait précédemment créée.
— Tu peux continuer de faire mumuse avec tes nouveaux amis, si ça te chante, mais en ce qui me concerne... nos chemins s'arrêtent là.
D’une furtive impulsion, une aura bleutée enveloppa Végéta et le fit disparaître dans l'horizon, sous les yeux d'un public sans voix.