DBAF-Lamantin

Faîtes-nous partager votre fibre littéraire en écrivant votre propre histoire mettant en scène les personnages de Dragon Ball et, pourquoi pas, de nouveaux ! Seules les fanfictions textes figurent ici.

Re: DBAF-Lamantin

Messagepar Antarka le Lun Fév 27, 2017 14:45

Chapitre énorme comme d'hab.

Par contre je me sens toujours obligé de revenir sur certains passages (et parfois, si j'avais pas la flemme, j'ouvrirais aussi les autres chapitres dans d'autres onglets parce que suis perdu parfois). Tient la par exemple , les zodians, tu les avais déja cité ? On a des exemples de survivants de cette race ? Le coup des cheveux en serpents (style Meduse) ouais ça me parle dans ta fiction mais impossible de me rappeler de qui il s'agit et si c'était y'a 2 ou 15 chapitres. Plus ça va plus je me dis que ta fiction mérite une ptite encyclopédie à coté (tu as déja fait pas mal de fiches personnages, je commence à me dire qu'une chronologie des evenements de ton univers, et des "fiches de races" seraient pas de trop).

Ou alors des questions qui me viennent d'autres chaps. Psychee affirme que Khaine a banni l'ancien monde et l'a lié à Abel. Ah bon ? Et Abel l'ignore ? Et c'est si récent que ça le banissement vital ? Il avait pas été fait par Primus à cause du Dragon ? Ah merde je confond avec la singularité... mais attend... attend... attend... non je sais pu en fait.

Tes "ellipses ou on sait vraiment pas ce qui se passe et pourtant il s'est passé plein de trucs", ça me fait aussi grimacer. J'avais déja parlé de mon regret de pas en avoir plus vu sur la défaite de Kaioshin lors de l'arrivée de Baphasi dans l'arène. La j'ai clairement pas compris ce qu'il est arrivé à Taris et Cold dans ton flashback (Taris était anéanti ou quasi. Cold se ramène, commence à se faire retamer. Ellipse de 2 minutes, Cold est à terre, ereinté, mais a priori sauvé par Taris ? Comment ? Que se pasado ?) Et pourquoi ce croiseur interesse autant Taris ? Juste parce que c'est une arme de destruction massive ? Genre pire que les armes vivantes de cet univers ?


Bon, d'hab je critique pas forcement beaucoup parce que comme je l'ai déja dit, tes chaps se suffisent pas vraiment à eux-même et s'inscrivent vraiment dans un tout plus grand. Et j'hésite souvent à critiquer parce que j'ai aucune idée de si tu as pas prévu de me retourner le crâne avec une revelation encore mieux au chap suivant. M'enfin la, j'ai dit ce qui m'avait un peu agacé. Pas grand chose en fait.

Ah si, au niveau de ta qualité d'écriture. Toujours nickel dans la forme, mais dans le fond... je sais pas, c'est dur à définir, quelque chose me plait un peu moins qu'avant. Ptetre que tu as juste un peu defini ton style en fait, la ou tu me semblais davantage dans la recherche et l'expérimentation avant. Après, tu restes à mes yeux le meilleur écrivain du forum (cette déclaration contient une forte dose de subjectivité).


Sinon j'ai bcp aimé le flashback sur la coopération Immortel/Abel (et la première apparition de Khaine je suppose). Trop d'informations que j'ai toujours pas (de quoi il parle l'immortel quand il dit que cette guerre empeche le Makai d'envahir l'arène ?). J'adorerais en savoir davantage sur Calyψo aussi (ca se prononce comment ? "Kalipsio ?")
Dernière édition par Antarka le Mar Fév 28, 2017 17:12, édité 1 fois.
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Re: DBAF-Lamantin

Messagepar omurah le Mar Fév 28, 2017 16:23

Alors, j'ai rien compris à la première lecture. A la seconde, à peu près tout. Et c'est toujours aussi bandant. Bon tout comme Antarka, il y'a encore des zones d'ombres (sur l'histoire du bannissement vital me concernant), mais ça va, on survit :mrgreen:. Je comprends pourquoi tu dis que tout se recoupe, effectivement, le tableau prend beaucoup de sens à mes yeux avec ce chapitre, la bataille qui s'annonce, l'empire qui sert d'intermédiaire, le revers de l'ancien monde, c'est limpide pour le coup. Je suis pas tellement pressé d'en venir au big fight en lui-même, enfin si, beaucoup, mais franchement ce que tu fais en amont suffit déjà à susciter de l'intérêt, c'est très bien exécuté, plein d'excellentes idées de mise en scène.

La référence à OPM c'était sweet. Je m'en suis toujours pas remis là.
Et le coup de l'étoile dans le réacteur aussi, c'était ohmygodesque, comme tant d'autres choses dans le chap.

Sinon je suis très curieux de voir comment tu vas gérer le bordel d'un fight aussi tentaculaire
Je t'apprends rien en disant que ça a l'air coton ; mais le jeu en vaudra sûrement la chandelle !
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Re: DBAF-Lamantin

Messagepar Lamantin_Furtif le Mar Fév 28, 2017 23:44

Merci pour ces retours !
Une fois n'est pas coutume, je fais une réaction rapide.
Déjà, d"ésolé pour le côté confus de certains événements. Je vais essayer d'éclaircir tout ça dans le prochain chapitre, et j'ai rajouté une petite phrase pour éclaircir l'interrogation sur ce qui se déroule danss le tout dernier paragraphe.

Antarka a écrit:ient la par exemple , les zodians, tu les avais déja cité ? On a des exemples de survivants de cette race ? Le coup des cheveux en serpents (style Meduse) ouais ça me parle dans ta fiction mais impossible de me rappeler de qui il s'agit et si c'était y'a 2 ou 15 chapitres.


Les Zodians datent de la fic "une couronne à terre" (La pirate Hariel Peixès était la dernière représentante de leur noblesse). Ils formainent une faction puissante jusqu'à ce que Cold décide de les exterminer. Il y a eu d'autres allusions à eux ça et là depuis.

Antarka a écrit:Ou alors des questions qui me viennent d'autres chaps. Psychee affirme que Khaine a banni l'ancien monde et l'a lié à Abel. Ah bon ? Et Abel l'ignore ? Et c'est si récent que ça le banissement vital ? Il avait pas été fait par Primus à cause du Dragon ? Ah merde je confond avec la singularité... mais attend... attend... attend... non je sais pu en fait.

Ah Ok... Euh, c'est la combinaison du rythme let et de 'intrigue tentaculaire qui rend le tout très foireux à suivre. Je vais éclaircir ça, promis. :|
Pour la citation de psychée :
Lamantin_Furtif a écrit: - L'ancien monde. Ça vient forcément de l'ancien monde.

- Il est banni, je te rappelle. Khaine l'a lié à Azazaël avant de mourir.

Et le banissement vital, c'est juste un sort. Il peut être utilisé n'importe quand par n'importe qui. (enfin, par n'importe qui du nec plus ultra des sorciers quoi). Il a bien été réutilisé sur l'ancien monde.
Antarka a écrit:Ah si, au niveau de ta qualité d'écriture. Toujours nickel dans la forme, mais dans le fond... je sais pas, c'est dur à définir, quelque chose me plait un peu moins qu'avant. Ptetre que tu as juste un peu defini ton style en fait, la ou tu me semblais davantage dans la recherche et l'expérimentation avant. Après, tu restes à mes yeux le meilleur écrivain du forum (cette déclaration contient une forte dose de subjectivité).

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merci
Oui, sinon c'est assez normal. Ce chapitre se prêtaitmoin à des exercices de stile intéressants. Sauf sur la partie dans le vaisseau, mais elle était un peu confuse... Bah, je garde en note et j'essaierai d'ête un peu plus fantaisiste sur la suite.

Antarka a écrit:Et pourquoi ce croiseur interesse autant Taris ? Juste parce que c'est une arme de destruction massive ? Genre pire que les armes vivantes de cet univers ?

Patience, patience...

Sinon, merci dans l'ensemble, c'est toujours agréable de te voir si enthousisaste.

Merci globalement à Omurah aussi. ça fait chaud au coeur :3
omurah a écrit:La référence à OPM c'était sweet. Je m'en suis toujours pas remis là.

Haha, je m'était fait la réflexion tout seul, et je me suis dit que ce serait une parenthèse drôle à ajouter
omurah a écrit:Et le coup de l'étoile dans le réacteur aussi, c'était ohmygodesque, comme tant d'autres choses dans le chap.

Toujours plus !

omurah a écrit:Sinon je suis très curieux de voir comment tu vas gérer le bordel d'un fight aussi tentaculaire
Je t'apprends rien en disant que ça a l'air coton ; mais le jeu en vaudra sûrement la chandelle !

En vrai, je flippe un peu là. J'ai le plan en tête, mais ça risque d'être difficile de tout garder en place. :lol:
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Re: DBAF-Lamantin

Messagepar Masenko le Mer Mars 08, 2017 14:39

Hello Lamantin !


Voici venu le temps de mon commentaire !

J'ai mis du temps avant de venir car j'ai du mal à structurer mes idées. J'avais la sensation de ne pas être dans le même "move" que la plupart de tes lecteurs donc je voulais prendre mon temps pour structurer mes idées afin d'être certaine de mon ressenti et te donner un avis constructifs.

Puis il y a eu le dernier avis d'Antarka qui m’a motivée ! Avec lequel je suis assez d'accord dans l'ensemble...

Je m’excuse d’avance pour le côté long et parfois répétitif que pourrait avoir ce com, j’ai eu un mal fou à me comprendre moi-même donc je risque de répéter plusieurs fois la même chose pour être sûr d’être comprise (et encore, il y a beaucoup de chance pour que je sois pas parvenue à m’exprimer correctement… Désolée…) Voici donc :

J'ai un problème avec ton histoire même si j'y suis super attachée. Je n'imagine pas une seconde m'en désintéresser. Tu écris bien, c'est indéniable; tes personnages sont pour la plupart prenants et originaux, l'histoire se construit et semble maîtrisée... Mais j'ai un problème parce que je n'arrive pas à sentir où tu vas arriver ni exactement quand, ni même avec qui... Certains sous-entendent que tout ceci n'est qu'un "prologue" ? Dans ce cas, il y a peut-être quelque chose à revoir dans ta "mise en page" parce que je ne pense pas que ce soit un souci de fonds. Tu sais exactement où tu vas mais il me semble que ce que tu as en tête tellement dense qu’il en est difficile à présenter.

Dans ton histoire il y a TOUT qui arrive à des rythmes différents et des intensités variables... à chaque chapitre j'ai l'impression de rencontrer un nouvel acteur qui aura de l'importance, à qui il arrive des choses importantes également. Au même moment, on perd de vue certains autres personnages (normal, ils n'évoluent pas au même endroit ni pour les mêmes raisons...) du coup quand ils réapparaissent dans un nouveau chapitre, on ne sait plus exactement de qui on parle et pourquoi ils agissent de telle ou telle manière... Donc pour bien faire il faudrait retourner en arrière pour comprendre mais le souci c'est que je n'ai pas l'impression que tes chapitres suivent une logique particulière à ce niveau-là (du genre "le chap 9 ça fait avancer le parcours de Baphasi donc si je retourne à celui-là j'aurai mes infos") alors il est compliqué pour moi de retrouver de quoi on parle donc j'ai la sensation de perdre des morceaux et ça me frustre...

... Les ellipses dont parle Antarka m'ont interloqué aussi. Mais je me suis dit que c'était moi qui avait oublié un passage ... Mais peut-être que non finalement ! :p donc là je pointe un souci d'équilibre entre ce qui est à développer et ce qui ne l'est pas. Si on te fait 100% confiance on doit estimer que tout ce que tu développes est d'une importance majeure vu que tu en passes d'autres "à la trappe". (genre l'échec des Kaioshins) ce qui renforce mon impression de devoir être attentive à tout afin de bien tout comprendre et d'où ma frustration de ne pouvoir facilement "retourner en arrière"

Du coup, je suis perdue comme tu le vois. J'aurais pu m'arrêter là mais je me suis mis à ta place recevant un commentaire pareil je me serais dit "ouais ben ça me fait une belle jambe, tiens... Une proposition pour que ça passe mieux ?"

Ben oui, maintenant j'en ai une !

Si cet effet "éparpillé et flou" est voulu, assumé et tout et tout, toutes mes excuses... Alors c'est que vraiment ton histoire "ne me convient pas" ce qui me rendrait fort triste parce que j'ai vraiment envie de savoir comment tout ces personnages vont évoluer ! Surtout ceux dont je me "souviens" complètement grâce aux descriptions de personnages :)

J'ai adoré tes one-shots et je crois que c'est est un élément de ton "souci" j'ai la sensation que tu traites un peu trop tes chapitre de l’histoire suivie comme on doit traiter les "one-shot". Pour un OS, l'aspect "flou" n'est pas gênant, voir appréciable, le lecteur peut combler "les trous" à sa guise vu que l'auteur est sensé présenter suffisamment de choses pour que notre imaginaire corresponde au sien.

Ensuite, cet aspect "flou" pourrait s'accepter si ton histoire était complète et dans un format suivi et relié. On aurait ainsi plus facile de retourner "fouiller" en arrière. Ici c'est plus difficile...

Je me demandais donc si ton travail ne gagnerait pas à être "découpé" autrement. Je me rends compte que mes épisodes préférés sont ceux où il se passe des actions complètes qui se suffisent à elle-même. Du genre le chapitre 7. Celui-là est bien identifiable. Si on a un problème de compréhension sur ce qu'est exactement un moine ou un rappel de qui est Derek, on peut se référer direct à ce chap. Clair, net.
On remarque que c’est à peu près ce qui se passe dans chaque chap, mais bien souvent on a que des « parties » d’histoire. On ne sait jamais dire vraiment quand viendra la suite en plus donc on a bien le temps d’oublier. Quand il n’y avait que quelques chapitres, on pouvait facilement se dire « on en apprendra plus tard » mais maintenant qu’il y en a 16, on commence à douter de ce qui a été dit, sera bientôt dit ou est simplement suggéré… Tes chapitres gagneraient déjà en clarté si ils avaient des titres en rapport avec l’action principale qui y est menée. Ça ferait un peu Game of Thrones mais finalement, c’est ce p’tit truc qui fait aussi qu’on arrive à s’immerger dans l’univers dense de GoT, je pense : chaque chapitre aborde principalement un des personnages cité en titre.

Même dans tes descriptions de persos, tu n’es pas régulier. J’ai cherché je ne sais plus quel personnage qui apparait régulièrement mais tu n’en as encore rien « résumé ». Sans doute pour garder le suspense mais alors il faut trouver un juste milieu entre ce qu’on a besoin d’en savoir pour suivre et ce qui doit être appris dans l’histoire.

Selon moi tu devrais aussi « rassembler » les événements de manière rapprochée dans les chapitres. Par ex : événements du Makai de tel chap à tel chap, événements sur Terre : tel chap à tel chap. Etc.

Solution intéressante seulement si ce que tu développes en ce moment n’est qu’un « prologue » aux événements futurs. Sinon ça perdrait un côté rythmé et enlèverait de la tension à l’histoire.

Enfin bref, tout ça pour dire que ton histoire est géniale mais elle n’est pas « mise en place » comme elle le mériterait, selon moi. Tu as entamé une histoire colossale qui mériterait vraiment un regard global et une adaptation du contexte avec titres, description des mondes, restructuration des chapitres (peut-être ?), etc.


Je terminerai pour te dire de ne surtout pas te décourager ! J’enragerai de ne pas avoir la fin de cette grande épopée et que j’ai vraiment envie d’en connaitre les tenants et aboutissants.

Je souligne également ton « niveau » d’écriture vraiment au top. Ton défaut serait que tu pars parfois un peu trop dans de longues figures de style mais bon, ça c’est tout personnel comme appréciation ! à part ça, je suis jalouuuuuuuuuse de ton si joli style !

À bientôt !
- Masenko -


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Chapitre 14 : Super Trahison

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Re: DBAF-Lamantin

Messagepar Lamantin_Furtif le Ven Avr 21, 2017 12:33

REUH.

Merci à tous pour vos encouragements, je le dis souvent,mais c'est une bonne motivation pour écrire, cependant, je vais encore plus vous remercier pour vos critiques, parce qu'elles mettent le doigt sur ce qui ne parchait pas avec cette fic : la trop grande dispersion de l'action.

Au début de la fic, cet éclatement de l'action donnait une saveur particulière et assez prenante. Plusieurs commentaires ont signalé leur affection pour ce style, et Niic m'avait fait remarquer que le chapitre 2 manquait u peu de cet éclatement qusi plaisait tant. Cependant, maintenant que la fic s'est étalée, cet effet est devenu néfaste : il rend difficile de situer l'action et les différentes scènes, et aggrave considérablement la perte de repères due à mon temps d'écriture très long. J'ai donc décidé de changer mon approche et de me baser sur des chapitres plus longs et continus, à la manière du 7, qui est de l'avis général, le meilleur de la fic.

Tout ça pour dire que j'écris toujours, mais que ce sont ces remaniements qui me prennent encore plus de temps qu'à l'accoutumée. Donc, un gros chapite arrive, un peu dans le même goût que le sept, et c'est ce qui me prend tout ce temps.

Et histoire de ne pas rien poster, je vous laisse avec l'intro.
(sinin, comme Niic est très occupé ces derniers temps, je suis preneur si l'un d'entre vous veut bien faire relecteur. C'est juste pour éviter les fautes ou les tournures de phrases un peu bizarres comme j'en sors souvent, rien de plus. Voilà , vous pouvez me MP si quelqu'un est intéressé.)

Chapitre 17 - genèse


Il y a bien longtemps (mais pas tant que ça)...
Il y a très, très longtemps...


Le temps était cotonneux.
Il était toujours cotonneux. Ils n'avaient jamais vu le temps autrement. Les yeux des deux gréens n'y voyaient pas à plus de cent mètres, et les entrelacs de de pitons rocheux semblaient occuper le monde tout entier. Ce n'était pas le cas, bien entendu. Au-delà de leur vue à tous les deux, bien en contrebas, les pitons s'unissaient une masse de roche poreuse mais résistante, où de nombreux bassins récoltaient la brume condensée qui gouttait des altitudes supérieures. Encore plus bas, se trouvait la mer sombre sur laquelle le monde flottait. Mais il le fallait pas y aller : les horreurs noires attrapaient les nageurs imprudents. Et puis, il n'y avait pas de seiches dans ces eaux-là. Rien à aller pêcher.
Parfois, des gens disparaissaient quand ils nageaient dans les lacs. C'était dangereux mais il fallait trouver à manger. À ne se nourrir que de crocine, on finissait par tomber malade.

Il n'y avait pas de lac en vue, là où se trouvaient les deux grimpeurs. Mais les crocines prospéraient sur la pierre ponce, et leurs grosses pousses offraient une multitude de prises faciles. C'était une aubaine : à cette hauteur, qu'ils s'empalent sur un piton ou s'écrasent sur un rocher, la chute aurait toutes les chances d'être fatale. Il aurait été plus sûr de rester en bas, à sculpter le monde autours d'eux, comme leurs ancêtres le faisaient compulsivement depuis une éternité. Il aurait été plus sensé de peaufiner soi-même la sculpture d'un fils ou deux, afin que leur tâche ne s'arrête pas. Après tout, ils avaient tous deux été sculptés par le même gréen, qui avait lui même été sculpté par un gréen avant lui...
Mais les grimpeurs étaient curieux. Ils voulaient savoir ce qui se passait en hauteur, dans les nuages. Là où les hybrelles volaient en essaims silencieux.

Le premier gréen saisit un plan de crocine, et se hissa du mieux qu'il put sur un des pitons. Ils étaient de plus en plus fins, et il commençait à se demander s'ils supporteraient son poids jusqu'au bout. Il tendit la main en contrebas, et son petit frère la saisit rapidement, hissant son grand corps rugueux à ses côtés.

Une nuée d'hybrelles passa sur eux à ce moment précis. Leurs petites ailes transparentes battant à toute vitesse, elles manœuvrèrent entre les deux frères par milliers pendant une petite minute, avant de s'éloigner dans la brume.
Leur passage avait déclenché un torrent de micro-goutelettes d'eau. Certains anciens pensaient qu'elles étaient responsables du ruissellement perpétuel qui abritait les lacs en contrebas. Si c''était, alors ils leur devaient beaucoup sans le savoir.

Les gréens se reposèrent côte à côte pendant encore quelques minutes, contemplant le point où les créatures avaient disparu. Partout autours d'eux, ils devinaient toujours plus d'aiguilles de roche et d'entrelacs de crocine. Tout le spectacle se dessinait en nuances de blanc, mais aucun d'entre eux ne le remarqua. Les couleurs n'existaient pas encore, et n'apparaîtraient que bien des éons après que cette histoire ne soit terminée. Ils restèrent encore un temps, puis, sans se concerter, reprirent leur ascension.
Rocher après rocher, crocine après crocine, ils grimpaient, ne s'arrêtant que pour se reposer ou se réhydrater auprès des flaques qui s'accumulaient en quelques endroits. Le monde se faisait de plus en plus lumineux autours d'eux, et ils devaient plisser les yeux pour distinguer les alentours.

Le temps se distordait, alors qu'ils avançaient toujours plus haut, plus loin. Les pitons se faisaient aiguilles, et les crocines étaient de plus en plus dures, et adoptaient des formes cruelles sur lesquelles ils se blessaient souvent. Et plus l'ascension se faisait périlleuse, plus ils grimpaient vite. Ils voyaient juste assez loin pour saisir la prise suivante, et c'était tout ce qui comptait. Quelque part en eux, les deux frères saisissaient la propension funeste de leur voyage, mais aucun d'entre eux n'était prêt à l'abandonner

Encore une prise, encore cent. Ils s'arrêtaient de moins en moins souvent, et ne s'abreuvaient presque plus. Ils avaient épuisé leurs maigres provisions depuis longtemps. Ils ne distinguaient plus rien dans toute cette lumière, et devaient s'orienter au toucher. Leurs mains étaient de grandes plaies à vif, mais les gréens ne ressentaient presque pas la douleur, et une frénésie ante-mortem les mouvait à présent. Aveugles, ils avalaient les mètres à toute vitesse, sans se soucier de leur chair qui s'effritait un peu plus à chaque prise.

Le piton cassa net. C'était à prévoir. Le précédent était si petit qu'il avait pu en faire le tour avec ses doigts. Le grimpeur balança son bras sur la gauche, et sentit une crocine lui percer la main quand il la referma sur elle. L'écorce cédait déjà. Il banda ses muscles, et se hissa avec une force nouvelle vers la prise suivante, qui céda elle aussi.
La chute des débris brisa le silence environnant. Il n'avait plus rien sur quoi appuyer ses pieds.

Uniquement à la force de leurs bras martyrisés, ils progressaient plus vite qu'ils ne l'avaient cru possible dans cet enfer de roche et de crocine brisées. Chaque prise d'appui dans leur progression endommageait encore un peu plus l'édifice au-dessus, ce qui rendait leur ascension plus urgente. Ils s'élevaient comme deux torpilles aveugles lancées vers un objectif inconnu.
Un fracas de fin du monde s'éleva à leur droite, quand un morceau de roche s'écrasa en-dessous d'eux, fusant vers le bas. Aucun d'entre eux n'avait le moindre espace mental à dédier à leur tribu. Si le monde autours d'eux s'effondrait, ils n'étaient qu’ascension.

La douleur s'estompait. En fait, ils ne sentaient plus leurs bras. Ils donnaient des instructions, et sentaient leur corps bouger, voilà tout. La lumière s'était fait débordante. Malgré leurs paupières closes, ils étaient exactement aussi éblouis que lorsqu'ils avaient été forcés de les fermer en premier lieu, et contre cette douleur là, l'insensibilité des gréens ne les protégeait pas.

Les chocs successifs des débris s'effondrant sur eux s'espacèrent pour disparaître complètement. Cela ne pouvait signifier qu'une seule chose : ils étaient au sommet.

Leur nouvel appui était stable. Leur anesthésie sensorielle les empêchait d'en savoir plus, mais la lumière qui traversait leurs paupières leur hurlait un message qu'ils ne pouvaient guère décrypter que par un seul moyen.

Ils ouvrirent les yeux, et partagèrent une vision comme aucun mortel n'en serait plus jamais témoin.

Il n'existait pas de mot, d'image, de pensée ou d'émotion pour ceci. Cette chose oblitérait la compréhension. Le souffle d'AO fait réalité. C'était un pilier qui existait pour se soutenir lui-même, et se rongeait sans cesse aux extrémités pour stimuler sa croissance perpétuelle. À travers le regard tétanisé des gréens, elle accéda pour la première fois à l'auto-réflectivité, et se baptisa « Volonté d'Existence ».
Les deux frères partageaient un goût pour la découverte, un attrait pour l'au-delà, et un millier d'autres formes d'avidité. On ne pouvait à ce stade plus parler de tentation mais d'impératif.

Ensemble, ils se jetèrent au cœur de la flamme, dévorant, attrapant, saisissant tout ce qu'ils pouvaient saisir, car ils étaient face à l'objet ultime de tout désir. La Volonté d'Existence s'en amusa.

Puis, face à face, ils virent dans leur voisin les restes de la flamme tant désirée, et se jetèrent l'un sur l'autre avec une férocité jamais vue chez aucune créature pensante. La Volonté d'Existence s'en horrifia.

Ils chutèrent comme deux démons, à travers un monde qui tombait vers celui qu'ils avaient quitté. Leur tribu et toutes les autres étaient broyées sous les tonnes de roche en chute libre. Les deux frères échangeaient les coups de poing avec maladresse, car ni eux, ni aucun gréen n'avait jamais souillé son corps et son esprit par un acte si abominable. L'assourdissant hurlement de la flamme consommée qui les alimentait d'une force nouvelle couvrait le son de leurs impacts. Ils avaient dispersé la brume, et le monde autours d'eux était noir néant. Des dents invisibles motivées par une haine sans fond se brisaient inlassablement en arrachant toujours plus de réalité à la Volonté d'Existence.

L'aîné était le plus fort, et à la énième frappe, son ennemi ne lui répondit plus. Les bras ballants, le corps débordant de puissance, le cadet perdit connaissance dans les bras de son frère. Celui-ci saisit alors une branche de crocine pointue, qui chutait avec eux, et la brandit en un ultime sacrilège.

Et il hésita. Quelque part en lui, un résidu de conscience lui rappela l'horreur de l'acte qu'il s'apprêtait à commettre. Il arrêta son bras, détendit son corps, et se figea, alors qu'il sortait de la transe frénétique qui l'avait animé jusque là.
Paralysé, il ne put que regarder son cadet sortir de sa léthargie. Ses yeux à lui était toujours animé des mêmes désirs meurtriers, et il n'eut aucun mal à arracher la première arme que le monde ait connu des mains de son frère.

Et il frappa.

La pointe perça le corps immobile, et la Volonté d'Existence hurla encore, de joie et de tristesse, car elle avait accédé à la dualité. Elle s'arracha spontanément aux corps des deux frères, dans un effort vain pour retrouver son unité.

Le premier homicide fut également un déicide. La flamme pure inextinguible s'était muée en une flamme souillé et avide de conflits, car elle était maintenant plurielle. Les deux feux dansèrent l'un contre l'autre tentant désespérément de s'unir en une forme perdue à jamais. Les énergies en mouvement balayèrent les roches, les eaux noires et tout ce qui vivait, les réarrangeant en une infinité de configurations qui ne sauraient jamais satisfaire la flamme souillée.

Seuls étaient conservés, et seraient conservés à jamais, les deux éléments à l'origine de cette fracture. Le vivant et le mort. Le premier meurtrier et la première arme. Car la flamme souillée gardait un souvenir féroce de leur acte, et ne l’oublierait jamais.

C'était un cataclysme comme l'univers n'en avait jamais connu, mais connaîtrait de nombreuses fois dans le futur, car l'aboutissement de la pluralité est l'annihilation. Cela, la flamme l'avait appris au cours de cet événement qui n'avait pas encore de nom, mais que l'on appellerait bien plus tard « La Singularité ».


******
Dernière édition par Lamantin_Furtif le Dim Nov 05, 2017 23:33, édité 1 fois.
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Re: DBAF-Lamantin

Messagepar omurah le Lun Mai 22, 2017 21:17

« c'est ainsi ; ce n'est pas ainsi ; ainsi et pas ainsi ; non pas même ainsi ».

Génial le coup du pilier, Platon eut été fier de toi :mrgreen:

Du reste, quand la Cosmogonie sauce Amon-Rê le dispute à la Chute originelle déclinée sauce Lamantin, on obtient un chapitre excellentissime signé de main de maître !
Bref, rien de nouveau sous le soleil, le king (of the north?) a encore frappé :p
Excellent travail sur l'ambiance, btw 'w'

Hâte de lire le prochain chapitre, si long soit-il :D
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Re: DBAF-Lamantin

Messagepar Lamantin_Furtif le Sam Sep 30, 2017 13:08

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Il est de retour !

Bon, merci à ceux qui ont encore le courage de lire, je poste ce chapitre parce qu'il est grand temps de le faire.
Merci de ton soutien, Omurah, j'avais beaucoup travaillé l'ambiance de ce passage, content que ça vous ait plu.
Je vous conseille de relier le chapitre précdent avant d'entreprendre celui-ci, il est assez important.




Chapitre 18 - Khaine




    - Ah, tu y es arrivé, finalement !
Abel était là, juste à côté. Ses grands yeux bleus lui souriaient d'en haut.
Le jeune garçon saisit la main qu'on lui tendait, et se leva péniblement. Il jeta un regard à la ronde. Tout semblait vaporeux... C'était un rêve, il le savait, mais le monde était anormalement clair, précis...

Il reconnut instantanément l'endroit dans lequel ils se trouvaient : il était difficile d'oublier le Relais du Destin quand on l'avait vu une fois.
Cependant, il était anormalement vide. Chaque fois où l'apprenti mage l'avait vu, le bar était rempli à ras bord de clients en tout genre, mais cette fois- ci, ils n'étaient même pas une dizaine.

Était-ce vraiment le relais ? Ou une reconstitution très réaliste ? Plusieurs minutes passées à scruter Dandy, au plafond, ne luis donnèrent pas de réponse.

    « Alors c'est lui ? Il ne paye pas de mine. »
Son étourdissement fut interrompu par les autres occupants. Avant de les remarquer, il sentit Abel reculer de quelques pas. Un furtif coup d’œil vers son camarade lui rendit un visage effrayé, et alors seulement il prit sur lui le courage de scruter les deux interlocuteurs.

Il n'avait jamais vu de femme aussi grande.

Devant lui se tenait un monstre marin fait femme. Ses doigts de pied palmés trop grands portaient de petites griffes, comme pour mieux souligner ce que ces interminables jambes nues pouvaient infliger à quiconque contesterait la ssuprématie de cette créature. Sur ses hanches, qui se balançaient lascivement, elle portait une longue jupe fendue faite d'algues, d'or et de joyaux. Sa poitrine était dissimulée par une étoffe semblable, qui laissait voir son ventre couvert de minuscules écailles presque indiscernables les unes des autres. Ses ongles pointus, ses dents et ses grands yeux roses semblaient dévorer tout ce qui entrait dans sa vue, mais c'était à peine si l'on s'attardait sur ces détails. Sa chevelure accaparait toute l'attention.
C'était un océan levé. Il s'étendait autours d'elle, animé de courants et vagues, qui déployaient sa silhouette à chaque remous. Comme une langue de varech sauvage, elle se mouvait en cadence, venait lécher tout ce qui l'environnait, et se retirait en douceur et revenait l'instant suivant. On devinait cette masse noire et bouclée animée d'une force surhumaine. Parfois, elle engloutissait la silhouette gigantesque de l'impératrice, pour mieux la recracher.

Une chose, cependant, la forçait à s'écarter. La marée de kératine s'échouait à un mètre de cet individu, faisant bien attention à ne pas empiéter sur son espace vital. Si toute une flopée d'adjectifs auraient pu convenir à Calyψo, seul le mot « impérial » venait à l'esprit quand on considérait Caldagla.
Le plus puissant mage à l'heure actuelle s'avançait, nonchalant, avec sur les lèvres un sourire amusé.
Le garçon avait déjà vu des démons du froid. Ils se ressemblaient tous, et celui-ci n'était pas plus grand que la moyenne. Le fait qu'il restât en forme originelle indiquait un combattant, mais ce n'était pas ce qui impressionnait tant chez lui. Il y avait quelque chose de plus organique, de plus primordial. L'univers entier n'était qu'un grand jouet pour lui, et chaque pas, chaque geste, semblait lui donner raison.

Il y avait entre ces deux aberrations comme une alchimie explosive. On les devinait prêts à s'entre-tuer comme seuls deux amis de longue date peuvent l'être. Leur haine mutuelle sautait autant aux yeux que leur complicité. Il eut alors un sérieux doute au sujet de l'affirmation de l'Immortel, qui lui avait dit que la longue guerre n'était qu'un moyen de tenir l'ancien monde à l'écart.
Si tout ceci n'était qu'une pièce de théâtre, alors les comédiens étaient bien trop investis dans leurs rôles. Joueur, l'empereur s'approcha brusquement du nouveau venu.

    - Tu te rends compte, Calyψo, c'est ce gamin qui va nous battre tous les deux !
Les crocs de cette femme devaient mesurer au moins trois centimètres.

    - Alors il y a encore beaucoup de travail, on dirait !

    - C'est pour cela que je suis ici.
Même les deux monarques faisaient preuve de respect pour ce mage-ci. Il était le tout premier, après tout.

    - Abel, tu as bien travaillé. À partir de maintenant, je prend son entraînement en main, en ce qui concerne la magie. L'immortel se chargera du reste.
Le septième mage eut un petit rictus flatté, et s'inclina mécaniquement.

    - Oui monsieur. Merci.
Et il partit presque en courant vers ses camarades moins intimidants. Primus fixa son apprenti de ses douze yeux sans iris.

    - Commençons tout de suite. Tu as beaucoup à apprendre.

*******




Au loin, le dernier croiseur du gouverneur Shiver disparaissait dans la stratosphère. Cinquante ans d'occupation impitoyable par le démon du froid à la botte de l'empereur Caldagla prenaient fin, et la foule n'en finissait pas d'ovations pour le héros qui avait permis cela. Il avait pourtant l'air bien jeune, et sa peau couverte d'ecchymoses n'était pas encore ridée par l'âge. Un petit bouc noir calciné par un kikoha pointait sous son menton, comme pour mieux rappeler à la foule l'extrême jeunesse de leur sauveur. Ils étaient des milliers à être venus l'acclamer dès que la nouvelle du départ de Shiver avait atteint leurs oreilles, et ils seraient sans aucun doute des milliers de plus quand la nouvelle leur serait confirmée.

Quand la rumeur d'un sauveur inconnu qui faisait reculer la tyrannie monde après monde, et remettait le destin des peuples entre leurs propres mains s'était faite entendre, peu avaient osé espérer que son chemin croiserait un jour le leur. Et pourtant. Voici qu'en cinq jours, il avait obtenu le départ immédiat du démon du froid. Celui-là même qui avait vaincu seul l'intégralité des forces armées locales cinquante ans auparavant. Celui-là même qui parlait au nom de Caldagla lui-même ! Quel inconscient était-ce donc là ? Quel fou se risquerait, si jeune, à défier ouvertement un être aussi dangereux ?

Sur l'estrade, juste devant l’hôtel de ville, le jeune homme, désemparé, balaya la foule du regard. Il était comme assailli de regards reconnaissants, d'adoration aveugle dirigée envers sa silhouette. Les fois précédentes, il s'était débrouillé pour disparaître rapidement, mais Shiver s'était avéré beaucoup plus fort que les démons du froid précédents, et il avait essuyé de sérieux dégâts pendant leur duel.
Il en était donc là, pansé du mieux que ce que la médecine locale avait pu lui fournir, offert en pâture à des milliers d'yeux affamés qui n'avaient rien eu à vénérer depuis bien trop longtemps. Dans l'instant présent, chacun lui souriait, et la foule aurait obéi n'importe lequel de ses désirs.

Et maintenant, ils voulaient un nom. Un nom à porter aux nues, un nom à chanter sur tous les toits. Un nom à mettre entre eux et le monde.
C'était un moment magique, il ne fallait pas le gâcher.

Le regard du jeune héros se perdit par delà la foule. Si un seul d'entre eux avait pris la peine de détourner les yeux de leur sauveur pour suivre l'objet de son attention, il aurait pu voir la carcasse pâle qui lui rendait un regard vide,au loin.

Dans les yeux nacrés de l'immortel, il devinait malgré la distance un ressentiment las. Chaque face joyeuse était pour lui un dos tourné. Chaque bouche souriante, prête à célébrer le nom d'un sauveur inconnu en souillerait encore un peu plus le sien, haï pour une faute qui avait transpercé les éons.

Le monde n'avait jamais oublié. De Singularité en Singularité, chaque mortel, chaque dieu, naissait animé de la même haine et du même dégoût pour le premier meurtrier. Celui dont le vice avait engendré tout les malheurs depuis l'aube des temps. Un châtiment absolu pour le criminel absolu.

La foule s'était entièrement tue, et dévisageait son idole depuis plusieurs minutes. Le silence était écrasant.

Cela avait bien assez duré.

    « Khaine. Mon nom est Khaine. »
Et ce fut un tonnerre de murmures et de voix paniquées. Comment leur sauveur pouvait-il être affublé d'un nom si sinistre ?
Une clameur s'éleva au-dessus des autres.
    « C'est un nom maudit ! »
Mais l'horrible mot n'avait pas suffi à balayer l'ivresse de la liberté retrouvée, et une autre clameur lui répondit
    « Plus maintenant. »
Et le poids sur les épaules de l'immortel diminua un peu.


*******




Toute la planète était un grand champ de ruines. Des monuments brisés gisaient partout, dans tous les sens et tous les états de dégradation. Une tour coupée en deux avait été plantée à côté de sa jumelle, et les coupes nettes dessinées dans la pierre, le verre et l'acier défiaient le bon sens en plusieurs endroits. Ici, un temple avait été séparé en deux par un plan qui sectionnait proprement sa façade en diagonale, là, une œuvre était à peine reconnaissable, son acier étiré en des formes improbables et acérées qui commençaient déjà à s'effondrer sous leur propre poids.

Le monde-merveille d'Arabelle était à présent un monde-ruine. Les hôtels luxueux qui parsemaient sa surface, chacun le chef d’œuvre d'un architecte de renommée galactique, avaient tous sans exception, été réduits en miettes par le combat acharné qui y faisait rage depuis cinq jours. La célèbre statue d'or massif de sept mètres de haut en l'honneur du mage-empereur Caldagla gisait, décapitée et démembrée par une myriades de kikohas différents. Les multiples spires de son spatioport, merveilles d'ingénierie et de solidité, étaient éparpillées sur tout l'hémisphère nord. Les belligérants avaient essayé de s'épingler mutuellement avec, pendant neuf heures au total. Les océans, en majorité vaporisés par les quantités colossales d'énergie échangées, laissaient voir la carcasse éventrée du plus vaste complexe sous-marin des quatre galaxies, qui avait, il y a huit jours encore, donné une vue imprenable sur les récifs de super-coraux hormonalement dirigés dont on vantait partout la splendeur. Cela avait été la preuve que les talents de biologistes de la mage-impératrice Calyψo étaient autant capables de déchaîner la beauté que l'horreur.

Arabelle avait été le joyau de splendeur témoin de la puissance unifiée des deux empires. Son statut de neutralité n'avait jamais été violé jusqu'à présent. Pour qu'une telle concentration de splendeurs soit possible, il avait fallu priver un nombre incalculable de mondes de leur richesses. La beauté d'Arabelle était le reflet de la dureté du joug que les deux empires avaient fait peser sur les quatre galaxies.
Et l'aube qui se levait sur ses ruines défigurées en était plus belle encore que toutes les précédentes. La lumière du jour nouveau paraît la poussière et les bris de verre de plus d'éclat que l'or et l'argent dont ils avaient pris la place.

Incapable de se déplacer, Khaine laissa les rayons raviver son corps meurtri. Les picotements revinrent, lui rappelant que l'essentiel de ses muscles ne s'étaient pas déchirés lors de l'affrontement. Il expira, et la douleur n'était pas aussi forte que la fois précédente. Il était encore capable de bouger, tout compte fait. S'il y avait eu une menace dirigée vers lui quelques minutes auparavant, il s'en serait rendu compte plus tôt.
    « J'ai gagné. »
Ces mots sonnaient étrangement dans sa bouche, et ce n'était pas seulement à cause de ses quelques dents brisées. Il s'était déjà imaginé les prononcer, mais ne l'avait jamais fait en réalité...
Il n'avait jamais vraiment pris la mesure de ce qu'il venait de faire. Que ce soit en s'entraînant pour ce jour, en libérant monde après monde, en voyageant toujours plus près de l’affrontement fatidique. Cela avait semblé comme une prophétie complètement détachée de ses véritables actes. Il agissait comme c'était nécessaire, quand c'était nécessaire, et voilà qu'il avait gagné, sans même s'en rendre compte.
Il s'autorisa à les répéter, plus fort.

    « J'ai gagné ! »
Mais même en prononçant ces mots, triomphant, il n'avait pas baissé sa garde. Il détecta, une infime fraction de seconde assez tôt, la menace qui s'approchait, et se décala sur le côté avant que son cerveau ne puisse articuler de pensée cohérente. Il passa en mode automatique.

Contre-attaquer.

Tout se passa en même temps.

La paume du onzième mage frappa les décombres là où il avait deviné la présence de son adversaire, et les blocs de béton, immédiatement pulvérisés, s'écartèrent aux quatre vents pour révéler l'empereur Caldagla. Il était méconnaissable : tout d'abord, il avait quitté sa forme originelle pour prendre celle de sa transformation. Les excroissances osseuses tout autours de sa tête formaient une couronne de pointes cruelles, et l'armure qui recouvrait son corps était constellée d'impacts. En certains points où Khaine avait réussi à frapper proprement, on pouvait voir la chair palpitante sous l'os éclaté.
Il y eut un chuintement à peine perceptible, mais que Khaine avait appris à reconnaître comme l'approche d'un danger mortel.
Un bloc de béton se téléporta exactement à l'endroit où aurait dû se trouver le ventre de Khaine, échangeant sa place avec l'air qui restait maintenant. Voilà une capacité terrifiante que seul le démon du froid avait réussi à maîtriser : il pouvait échanger le contenu de deux volumes égaux, et ce n'importe où sur la planète.
Le jeune mage n'aurait pas été le premier adversaire à contempler bêtement ses organes vitaux en face de lui, sans comprendre ce qui venait de se passer. L'empereur n'avait pas volé sa réputation d'invincibilité.

Concentrant ce qui lui restait de ki, Khaine se rua sur son ennemi, et abattit cent dix huit fois sa paume contre le torse du démon, soufflant le peu d'air qui restait dans ses poumons et ses dernières forces à la fois. Il continua jusqu'à être absolument certain qu'il ne bougerait plus, et surtout, ne pourrait plus utiliser sa technique contre lui.
Le déchaînement dura plusieurs longues secondes. Quand Khaine en eut fini, l'empereur avait perdu toute trace de combativité. Le vainqueur s'était imposé sans ambiguïté aucune.

    « Non, tu n'as pas encore gagné. »
L'empereur toussa. Son masque brisé laissa échapper un caillot de sang. Tremblant, en sueur, Khaine le dévisagea. Toujours pas de volonté de combattre chez le monarque : ce n'était pas une invitation pour un round de plus.

    - Qu'est-ce que vous voulez dire ?

    - Ce que tu viens de faire... Ce n'est que la première étape. L'ancien monde va savoir que tu nous as vaincus. La nouvelle doit déjà courir. Ils pensent que nous sommes affaiblis. Ils viendront par milliers : des mercenaires, des explorateurs, des conquérants... Ils seront innombrables et tu devras tous les vaincre.

Khaine resta pensif. À plus de sept cent kilomètres de là , il sentait la présence de Calyψo, immobilisée par le combat qui venait d'avoir lieu. Il avait mal partout.

    - Votre aide à tous les deux me serait... Utile.
Le démon du froid fut secoué d'une quinte de toux.

    - Non. Tu dois le faire seul. Il ne suffit pas de les vaincre, il faut envoyer un message. Il faut qu'ils sachent que tu peux vaincre le monde entier si nécessaire. Tout le monde doit le savoir. C'est la seule alternative aux deux empires.

    - …
Khaine ne parlait plus. Il était entré dans sa transe régénérative, qui devrait le remettre en pleine forme d'ici deux heures. Plus qu'un pas, et ce serait bon. Au bout d'une dizaine de minutes, l'empereur finit par se relever, et boita péniblement vers la sortie du trou. Il leva ses yeux hagards vers le ciel, en quête d'un vaisseau de secours qui ne saurait plus tarder. Il n'avait aucune envie de se retrouver coincé dans le pandémonium que Khaine avait attiré. Avant qu'il ne disparaisse, la voix du héros l'interpella.

    - Tout à l'heure. Est-ce que vous avez vraiment essayé de me tuer ?
Caldagla se retourna lentement sur lui même. Même dans son état pitoyable, il irradiait de lui une aura de royauté farouche. Les pointes de sa couronne étaient éclairées par le soleil, qui le nimbait d'un halo doré. Tremblant, vaincu, il maintenait un port altier, une grâce qui taisait toutes les défaites du monde, et faisait indubitablement de lui l'empereur et de Khaine le sujet. Sa réponse sonna comme un ordre.

    - Bien sûr. Sinon tout cela n'aurait pas eu de sens.
Et il lui tourna le dos, sans plus d'explications. Khaine le vit s'éloigner, et repris sa transe. Il faudrait être prêt pour quand l'ancien monde attaquerait.


*******



    « Stop »

Le kaïoshinkaï était paisible, comme toujours. Une brise venait rafraîchir ce temps ensoleillé, et le rendait parfait pour une promenade à travers le paysage paradisiaque de la demeure des dieux. Il était l'antithèse de ce qui se déroulait en-dessous.

L'Arène brûlait.

Partout, les mages et leurs partisans luttaient contre les armées levées par les dieux. Des armées de fidèles qui n'avaient jamais tourné leur foi vers Primus, des coalitions de rebelles que toute superpuissance ne pouvait qu'engendrer, et des hordes de mercenaires fournies par l'ancien monde, qui tentait une fois de plus d'asseoir sa domination sur le monde d'au-dessus. L'accord passé par les dieux avec le lion transcendé et ses cent mille rois leur accordait bien plus de contrôle sur l'arène que ce que les mages leur avaient laissé.

C'était autant par avidité que par compassion pour ceux qui souffraient sous le règne de ces invincibles monarques, que les dieux avaient pris sur eux de mettre un terme à la longue paix imposée par Khaine depuis près de deux cent mille ans.
Deux cent mille ans depuis qu'il avait infligé consécutivement une défaite cuisante aux deux empires et aux combattants de l'ancien monde. Deux cent mille ans de paix maintenue par un seul homme, par une seule présence, un seul nom indestructible qui n'avait jamais tremblé, jamais faillit, jamais reculé. Il était commun de dire qu'il n'était pas fait de chair mais de katchin, et que c'était de l'or fondu qui coulait dans ses veines. Sans lui, qui pourrait prédire jusqu'où des monstres comme Calyψo, Sélène ou le nécromancien pourraient pousser leur dépravation et leur cruauté ?

Mais c'était fini. Plus de compromis avec l'horreur, les Kaïoshins avaient frappé juste, et plus de la moitié des mages gisaient dans leur sang à travers toute l'arène et l'ancien monde. Cela n'avait aucune importance, cependant. Il n'y avait qu'un seul mage qui comptait, et il venait de se matérialiser dans le Kaïoshinkaï, malgré toutes les barrières soigneusement érigées par les dieux.

Il était majestueux. Le « champion invincible » fourni par l'ancien monde n'avait même pas réussi à l'éclabousser de son sang avant de mourir de ses mains. Sobrement vêtu de son kimono et de sandales, il s'avançait tranquillement vers les dieux, les poings serrés. Il avait prévu l'arrivée de ce moment depuis longtemps déjà, et sa colère en avait été atténuée. La tâche à accomplir le répugnait, mais il allait le faire malgré tout, c'était là l'attribut des vrais héros.

    - Envoyez moi votre champion, qu'on en finisse.
Les quatre kaïoshins s'écartèrent pour laisser passer celui qui allait les représenter dans le combat final. Il s'agissait de l'un des leurs, mais il était plus grand, ses traits plus anguleux, et surtout il était bien, bien plus puissant qu'un kaïoshin n'aurait dû l'être. Il écarta les poings, fronça les sourcils, et cria.
Son aura faisait trembler la terre. Sans le moindre effort, il maintenait un niveau de puissance que cet endroit n'avait pas connu depuis des époques antérieures à la grande guerre. Dans les yeux de la créature qui faisait face au onzième mage, on percevait la double détermination des combattants qui lui avaient donné naissance. Ils étaient prêts à se sacrifier pour vaincre.
Khaine secoua la tête, déçu.

    - Herroch, fusionné avec... Orave, c'est bien ça ?
Il balaya l'assemblée d'un regard torve.

    - Oui, ce doit être lui. Herrave, donc ?
Le dieu fusionné lui adressa un rictus crispé.

    - Peu importe, tout ce que tu as à savoir, c'est que je vais te tuer ici et maintenant.
Khaine l'ignora. Toujours dans son grand kimono, il choisit de parler au grand maître Kaïoshin qui se tenait derrière le combattant.

    - Où est Anastasie ? C'est votre meilleure combattante, si elle avait fusionné avec Herroch, cela aurait pu être intéressant, mais là...
Herrave le pointa du doigt, furieux.

    - Eh, surveille ce que tu dis !

    - Pourquoi cette mascarade ? Vous voulez gagner du temps ?
Soudainement, Herrave se retrouva à cent mètre de là où il s'était tenu initialement. À sa position d'avant, Khaine se tenait, la main tendue pour asséner un coup fatal à la nuque. Le sol avait été retourné sur toute la zone de retraite du dieu, tant sa vitesse de réaction avait été grande, mais rien à travers l'espace foulé par le mage ne laissait entendre qu'il s'y était déplacé à une vitesse dépassement l'entendement. Les kaïoshins détalèrent, mais Khaine ne faisait déjà plus attention à eux.

    - Tu esquives mieux que prévu.
Leur différence de niveau était palpable. La sensation de toute puissance qui avait galvanisé Herrave lors de sa naissance avait disparu, la terreur et l'impuissance que ses deux composantes avaient ressenti face au plus grand héros de tous les temps était de nouveau là, plus vorace que jamais. Il eut un élan de colère, face à ce sentiment, et lança directement sa plus puissante attaque. Son ennemi ne se battait pas au centième de ses capacités réelles, il y avait encore moyen de le surprendre...

Herrave concentra son ki, pointa les deux mains vers Khaine, et hurla. Le bélier de ki qui torpillait vers le mage, quoique considérablement puissant, n'était pas la vraie menace dans cette attaque complexe : une nuée de kikohas mineurs à tête chercheuse progressaient, cachés par l'énergie du premier et viendraient le cribler au cas où il tenterait d'esquiver. S'il existait une attaque parfaite, celle-ci devait sérieusement s'en approcher.
Ce qui arriva ensuite le démentit.

Khaine vit la vague foncer sur lui, mais il n'esquiva pas. Il ne tenta pas de la contrer non plus. Non, il se mit à vibrer. Le mage vibrait sur sept ou huit dimensions différentes, et il le faisait en harmonie avec la fréquence du ki d'Herrave. Il fonça droit vers le guerrier fusionné, à travers l'attaque.
Pour la même raison que le kikoha n'explosait pas contre lui-même ni son porteur, l'attaque ne le blessa pas. Il émergea comme un poisson hors de la rivière, face au dieu tétanisé qui ne bougea même pas lorsque Khaine plaqua sa paume contre son front.
Alors, il poussa un unique cri, et le dieu fusionné redevint deux dieux uniques.

Herroch et Orave se regardèrent dans les yeux, terrifiés, avant de se retourner vers Khaine. Leur défaite était totale, et cette pensée n'était qu'à peine formulée par leur esprit, que le mage leur avait déjà sectionné la tête d'une seule coupe nette.
Les deux cadavres chutèrent au sol, témoignant de l'effroyable inégalité du duel qui venait d'avoir lieu.

    - Alors ? Où est Anastasie ? Vais-je devoir vous traquer jusqu'au dernier ?!

Seul le silence lui répondit. Il haussa les épaules et se mit en chasse.


*******





    - Il peut annuler les fusions.
Le Makaïoshin à sa droite venait de détruire la boule cristal qui leur avait permis d'observer le combat au Kaïoshinkaï, pour réduire les risques de se faire tracer. Ç'avait été bien pire que ce à qui ils s'étaient attendus. La force conférée par les polatas n'avait strictement servi à rien face à la puissance et au savoir mystique de Khaine. Non seulement il était plus fort, mais il parvenait à défaire tous leurs sortilèges et leur pièges.

Anastasie fixait les restes du globe prisé, tremblante. Tous ses frères allaient mourir aujourd’hui, elle n'avait aucun doute à ce sujet. Elle était la dernière de son espèce, et même s'ils vainquaient les mages, même si le lion transcendé tenait ses engagements, les seuls grands vainqueurs seraient les makaïoshins. Qu'avaient-ils vraiment gagné dans cette bataille ? Le futur, partagé entre les deux familles de dieux, valait-il vraiment mieux que la tyrannie des mages si les abominables dieux du vice prenaient le dessus sur son engeance à elle ?
La plus puissante des résidents du Kaïoshinkaï prit une grande inspiration, ferma les yeux, et osa enfin regarder la grande Makaïoshin dans les yeux. C'était une petite créature fripée, aux dents pointues et aux yeux cruels. Elle se complaisait dans la souffrance qu'Anastasie ressentait, c'était évident. Exécuter ce monstre ici et maintenant, quand elle en avait encore l'occasion, épargnerait bien des horreurs à l'avenir.
Mais Anastasie ne pouvait pas le faire : se battre entre membres du même camp accorderait par défaut la victoire aux mages, et elle ne pouvait pas l'accepter, alors elle déglutit péniblement, et redressa la tête.

Ils étaient cinq sur le nuage. En plus d'elle-même et de la grande makaïoshin, on trouvait la reine Hell, chargée d'accueillir les morts dans l'après-vie, qui avait un droit de regard sur ce qui se déroulait dans son royaume, et deux autres makaïoshins.
Baruzu était celui qui venait de détruire la boule de cristal. On disait qu'il avait servi geôlier au nécromancien avant sa réincarnation, et qu'il avait profité de sa position pour commettre certaines des pires atrocités qu'on ait vu en ces temps troublés, en toute impunité. Il avait rencontré la mort lorsqu'une de ses victimes était revenue à la vie sous les mains expertes de son maître et avait entrepris de se venger. La manière experte dont il avait enchaîné son confrère donnait toutes les raisons de croire ces rumeurs. Et il avait intérêt à ne pas avoir laissé à ce makaïoshin-là la moindre échappatoire. Cuchlaïn devenait une véritable tornade de chair et de ki dès lors que la colère s'emparait de lui, et il ne faisait nul doute que dès que ses liens céderaient (et ils finiraient immanquablement par le faire), seule Anastasie survivrait au déchaînement de fureur.
Les cheveux du dieu étaient déjà hérissés et rouges sang, signe que sa transformation si crainte, qu'il avait réussi à conserver après son ascension au rang de dieu, était sur le point de se déchaîner. Les nombreuses chaînes enchantées qui entravaient son corps étaient secouaient, et l’ouïe aiguisée des dieux pouvait les entendre s'approcher lentement du point de rupture. Les parchemins de contention qui pendaient sur chaque verrou et chaque cadenas brûlaient à leurs extrémités, et l'encre se mouvait pour inscrire des fautes sur leurs formules. Déjà, son corps de beau jeune homme était déformé par des excroissances, et son œil droit avait triplé de taille. Le plus puissant des makaïoshins était sur le point de se libérer, il fallait agir vite.

    - Vos polatas ne seront pas suffisantes. Khaine vous séparera.
Anastasie le savait parfaitement. Elle se contenta de dévisager la grande makaïoshin, tentant de contenir sa haine et son dégoût pour ce monstre, mais surtout pour celui qui était enchaîné face à elle.

    - D'accord. Allez-y avant que je ne change d'avis.
L'ampleur de l'aberration à laquelle elle participait lui faisait tourner la tête. Elle porta la main à son oreille gauche, en décrocha l'une de ses polatas, et la jeta à Baruzu. Le geôlier, morose, attrapa fermement la tête frémissante de Cuchlaïn, arracha celle qui pendait à son oreille gauche à lui, et la tendit à Anastasie en retour.

Le makaïoshin ligoté savait très bien ce qui allait se passer. Il savait aussi qu'il ne parviendrait pas à s'échapper avant que l'acte ne soit terminé. Il ne pouvait que le contempler, terrorisé.

Il fallait la grandeur d'âme d'une kaïoshin pour accepter un destin si abominable et définitif. Si les polatas des kaïoshins effectuaient la fusion du corps, celles de leurs jumeaux maléfiques opéraient la fusion de l'âme.

Anastasie regarda encore longuement le monstre qu'elle s'apprêtait à rejoindre, puis, avec un signe de tête à l'intention de Baruzu, elle attacha la boucle de Cuchlaïn à son oreille gauche en même temps que la sienne était fixée à celle du dieu prisonnier.

L'espace d'un instant, la flamme pure inextinguible ressuscita dans cette union, et rugit à travers l'espace et le temps, pour proclamer haut et fort son retour.

Puis, elle tourna ses yeux vers elle-même, et rugit une nouvelle fois, d'horreur, car elle ne vit qu'une aberration habitée par un fantôme.

Le cri résonna longtemps, intense, terrifiant. Malgré la tempête de chaos qui embrasait l'univers à cet instant, chaque chose et chaque fut pris d'un étrange frisson. À travers la violence et la crainte de la mort, le monde s'était un peu plus approché d'une unité fondamentale. Il était impossible de ne pas se faire repérer dans ces conditions, et Khaine se matérialisa bientôt, la main souillée du sang des kaïoshins. Toute l'assemblée, pétrifiée, ne pouvait pas détacher les yeux de l'Aberration à laquelle ils avaient collectivement donné la vie.
« Une aberration » Car c'était bien le seul mot qui vienne à l'esprit devant cette parodie d'unité primordiale. Comme une caricature, on percevait toutes les composantes d'un univers uni et pur dans cette chose sans qu'elle y ressemblât le moins du monde. C'était une horreur d'un genre nouveau, et, même si c'était usuellement à eux qu'étaient adressées les prières, chaque membre de l'assemblée perçut la dimension blasphématoire de ce qu'ils avaient commis. Les deux corps, l'un femelle, beau, radieux, l'autre mâle, haineux et déformé, refusaient de se fondre l'un dans l'autre, et les peaux blanche et rouge se disputaient le terrain, faisant ressortir leur caractéristiques propres là où elles dominaient. Tous ses traits étaient pétris de douleur. Si même de simples spectateurs devinaient que cette chose ne supportait pas sa propre existence, la nature des pensées qui traversaient l'esprit de l'Aberration auraient conduit n'importe qui à la folie.

Les muscles contractés par des spasmes furieux, l'Aberration n'arrêtait pas de hurler, mais finit par le faire en fixant le onzième mage de ses yeux toujours changeants. Dans cet esprit accablé et vacillant, une mission simple avait facilement réussi à s'imposer comme objectif absolu.

    « Tue Khaine. »
La vue de la mort dans les yeux de l'aberration ranima le onzième mage. Le combat détruirait le paradis en un instant, il le savait. Hors de question que cela se produise : aucune victoire ne valait la perte de cette infinité d'âmes. Il se jeta sur son adversaire aussi vite que surhumainement possible, et s'envoya avec lui sur le seul champ de bataille à la hauteur de leur duel : l'ancien monde.

La bulle dans laquelle ils arrivèrent était déjà dévastée : cinq titans et quelque neuf mille archéens se la disputaient, au nom des dieux ou des mages. Si des mortels avaient tentés de combattre à leurs côtés, alors ils étaient décédés depuis longtemps. Les cratères de roches volcaniques qui parsemaient ces terres étaient éventrés et laissaient se déverser des mers entières pleines des foules d'algues et de créatures marines tentaculaires qui avaient pu les arpenter. Un écosystème unique et formidable s'était développé ici, et était petit à petit balayé, sous les pas furieux des titans et les rafales de élémentaire déchaînées par les archéens. Les énergies en mouvement avaient transformé ce monde en un pandémonium de chaos brûlant, comme seul un affrontement entre titans pouvait les déchaîner.
Les titans étaient tous semblables, en cela que leur taille défiait la conception de l'esprit humain, et que leur force et leur sagesse soit plus grande encore encore. Il fallait à un homme mettre une distance phénoménale entre lui et l'une de ces créatures pour en apprécier les proportions, mais,même alors, ceux qui en avaient eu l'occasion étaient peu nombreux, car le souffle, la voix ou même le pas de l'un de ces êtres restaient un danger mortel, même à plus de deux mille kilomètres de distance. Mais plus ce leur taille immense, on était souvent surpris de découvrir ce que les titans n'étaient pas.

Lents. Il n'étaient absolument pas lents. Un homme non formé à la maîtrise du ki les aurait même trouvé diablement rapides aurait-il eu la même taille. Même sans que les énergies élémentaires ou le ki qu'ils étaient plus que capables de déchaîner (et qui étaient, pour eux, presque indistinguables) ne s'en mêlent, un combat entre deux titans signait systématiquement l'arrêt de mort de toute créature de chair et de sang prise dans le tourbillon. Et ceux-ci se battaient avec une fureur qui faisait littéralement trembler la terre jusqu'à ses fondements.
Quatre titans contre un, mais ils n'étaient pas de trop. Les coups pleuvaient sur lui, mais là où sa peau se craquelait, un geyser de flammes surgissait et venait combler la plaie. Il devenait un peu plus furieux à chaque coup reçu, et les rendait tous. Il chancelait, mais c'étaient ses adversaires qui tremblaient. Les quatre titans avaient le dessus depuis le début sur leur confrère, mais leurs forces déclinaient, et Prométhée ne faisait pas mine de reculer. Peu à peu, il leur venait la réalisation qu'aucune quantité de répression ne saurait venir à bout du titan de la révolte. Plus les coups pleuvaient, plus les flammes en son cœur se ravivaient, et dans toute la bulle, on voyait les océans bouillir et déborder. Chaque plaie dégueulait des hordes de drones plus furieux et plus brûlants que les précédents. Chaque plate de terre cuite qui éclatait laissait le passage à un autre guerrier miniature, prêt à continuer l'affrontement contre les drones des ennemis, malgré l’infériorité numérique et les archéens qui pleuvaient du ciel pour les harceler.

Dans le ciel, d'innombrables traits de lumière multicolores traçaient une tapisserie abstraite, qui voyait périodiquement éclore un feu d'artifice et un sifflement aigu lorsqu'un archéen mourrait des mains de ses confrères. Un éclair et une bouffée de plumes noires précédait la plupart de ces explosions, et partout sur le champ de bataille, Azazaël faisait pleuvoir les pétales de rose, les flocons de neige et les grains de sable en exécutants ses ennemis, les uns après les autres. Bien rapidement, leurs restes eux aussi allaient rejoindre l'éther, et disparaissaient pour toujours. Azazaël prenait la vie là où il passait, insensible aux attaques et aux pièges des archéens inférieurs, et l'on se demandait si ces deux guerriers de légende ne finiraient pas par défaire l'ennemi si nombreux.

Personne ne remarqua les deux adversaires qui apparurent, brièvement téléportés, dans le fond d'une des mers fertiles de la bulle.

Khaine empoignait fermement l'aberration par les épaules, les sens alertes, prêt à réagir à toute action de l'ennemi avant même, qu'elle ne soit formulée dans cet esprit. Il avait activé tous ses niveaux d'éveil et n'avait plus rien à voir avec l'homme blasé qui avait exterminé les habitants du kaïoshinkaï. Khaine était au maximum de ses capacités, et excité par l'affrontement à venir. Sa perception s'étendait sur toute la bulle et un peu au-delà. Il percevait distinctement les mouvements de chaque titan, chaque drone et chaque archéen. Lisant dans leur esprit et dans les plans antécédents, il pouvait savoir qui allait frapper, quand, qui allait vivre et qui allait mourir avec une certitude exploitable sur trois secondes. Qu'un être voulut se téléporter en usant ne n'importe quelle méthode connue dans l'arène ou l'ancien monde, et il en serait immédiatement conscient, et éclaterait l'essence de l'intrus à travers l'éther.

Aussi n'eut-il aucune difficulté à voir venir sa propre mort.

« Rapide » n'aurait pas été un mot adapté pour désigner l'Aberration. Khaine était rapide, Lucifer était rapide, dans le sens où tous deux avaient atteint la vitesse maximale autorisée pour un être de leur masse et leur aura à travers les multiples dimensions de cet univers. L'Aberration, elle, pliait lesdites dimensions selon son bon vouloir.
S'il ne s'agissait que du fantôme de la flamme pure, elle avait hérité d'une infime fraction de ses capacités et de ses souvenirs. Elle distordit la distance entre sa main, ses doigts, et le corps de Khaine, et frappa selon la technique secrète d'AO-Antharka, qui avait été oubliée et interdite depuis mille éons. Mais la flamme savait tout, n'oubliait rien et n'avait que faire des interdictions.

La frappe secrète toucha la tête de Khaine, déchira son corps d'un mot de pouvoir, brûla son âme d'un second et un troisième mot suivit du signe d'AO le coupa en neuf cent quatre vingt dix neuf morceaux et cacha chaque morceau dans un labyrinthe clos et insolvable gardé par neuf cent quatre vingt dix neuf gardiens invincibles. Les labyrinthes furent cachés, le souvenir de leur localisation fut oublié, et le souvenir de cet oubli fut interdit.
Le temps reprit son cours. Khaine était mort.

Mais il y a cinq secondes, il ne l'était toujours pas.

Dans les sept cent trente deux plans rémanents auxquels le onzième mage avait accès, les doubles passés de Khaine ressentirent l'absence de leurs alter-égos des quatre plans anticipés qu'ils percevaient. Sur une fenêtre de sept secondes (cinq dans le passé, deux dans le futur), la marque que Khaine laissait sur la réalité après son passage put constater l'absence d'une marque future. C'était une trace, une ombre, un souffle tout au plus. Mais c'était l'ombre, le souffle, la trace de Khaine, et il n'était pas un aspect de l'être du onzième mage qui ne fut parfaitement exploité pour le combat. Sept cent trente deux plans suffisaient, à eux tous, à réunir les informations sur l'état exact de Khaine une seconde avant l'instant fatidique, ainsi ses doubles bidimensionnels purent-ils recréer à l'identique l'être que l'aberration venait d'exécuter.

Les yeux irisés le l'Aberration se fermèrent brusquement quand le déluge de coups de poing l'atteignit. Elle porta ses poings à son visage et arrêta les attaques les unes après les autres, car elle connaissait la position exacte de chaque chose dans l'univers, ce qui lui rendait la parade extrêmement facile. La mer dans laquelle ils avaient commencé l'affrontement avait disparu, l'eau pulvérisée aux quatre vents par les impacts. Le sol se fendait toujours plus profondément à chaque frappe de Khaine, et une véritable tornade de roches éclatés les entoura rapidement. L'Aberration dégagea un coup de tibia de plus, et se lança son poing pour une riposte qu'elle savait dévastatrice. À force d'entraînement, le mage avait atteint le sommet de ce que son corps pouvait fournir en matière de force, de résistance et de ki. Il avait par la suite surpassé ces bornes à l'aide des ressources quasi-infinies à sa disposition, et avait tiré le meilleur de tout ce qui avait survécu à la Singularité. Mais au bout du compte, tout redoutable qu'il soit, Khaine n'était qu'un homme, et il y avait des limites à ce qu'un seul homme pouvait réaliser.
Il y avait aussi des limites à ce que la fusion des deux antagonismes essentiels de l'univers pouvait réaliser, pensez-vous. Elles étaient juste beaucoup plus laxistes, notamment en matière de puissance physique. Si les attaques de Khaine auraient largement suffit à briser le corps de n'importe quelle créature mortelle, même si elles étaient parfaitement dirigées pour retourner les flux énergétiques de son aura contre elle, l'Aberration les sentait à peine. Même le meilleur mineur du monde ne pouvait pas creuser une galerie dans du diamant avec une pioche de craie.

Cela ne résolvait pas le problème de l'invulnérabilité de Khaine, cependant. Faute d'en savoir plus sur le pouvoir qu'il venait de manifester, l'Aberration résolut de le rouer de coups avant d'entreprendre la moindre tentative de coup fatal. C'était facile, pour elle. On n'arrêtait pas ses attaques avec de la chair et du ki, tout comme on n'arrêtait pas une météorite avec une feuille de papier.

Le crochet brisa net le bras de Khaine, ne ralentit pas sa course, et s'enfonça profondément dans son torse, broyant les malheureuses côtes qui s'étaient tenues en travers de la route. Puis vinrent les autres coups. Même en ayant renforcé son corps d'autant de sortilèges de régénération automatisés que faire se pouvait, Khaine succombait à toute vitesse face à la tornade mortelle de muscles et de phalanges. Ballotté aux quatre coins de la bulle, il ne trouvait pas un instant de répit. La téléportation n'était pas non plus une option : l'Aberration était tout simplement trop rapide, et ses deux composantes accumulaient assez de millénaires d'expérience en combat rapproché pour voir venir la plupart des tentatives de désengagement, et interrompre en cours celles qui passaient entre les mailles du filet. Le mage était une véritable anguille, et l'opération demandait toute sa concentration.
L'Aberration ne contrôlait toujours pas parfaitement sa force, aussi son manque d'attention eut-il bien vite les horribles conséquences qui s'imposaient. Une attaque chargée de ki primordial frappa une fois de trop sur une zone déjà fragilisée, et le voile de la réalité se déchira. La matière et l'espace se désagrégèrent en quelques instants là où le poing de l'Aberration avait frappé. Le mage, poussé par son inextinguible vitalité, avait quitté l'endroit avant même que la brèche ne se forme, mais l'attention de l'Aberration était focalisé sur ce qu'elle venait de créer. La Volonté d'Existence n'était plus inextinguible, et la brèche causée par son attaque excessive avait traversé la fragile couche d'éther qui constituait l'essentiel de l'univers pour laisser entrevoir les frontières qui se trouvaient au-delà. Loin, dans le cercle extérieur, quelque chose la vit. Un prédateur de l'être, si massif qu'il en frôlait l'auto-annihilation par excès d'existence.
Cette chose se résumait à la prédation, et ne songeait pas à sa préservation, à la fois par absence de capacité à songer, et de chose à préserver. Elle « attaqua ». La flamme inextinguible aurait encaissé sans broncher, et la fraction d'être arrachée par la chose serait réapparue en même temps qu'elle disparaissait, mais il en allait autrement de la flamme souillée. Elle souffrait à chaque morsure, et devait solliciter le conflit en son sein pour raviver la volonté d'existence en chaque être vivant, sous peine de disparaître à jamais.

Cette révélation aurait brisé Anastasie, terrifié Cuchlaïn, mais l'Aberration n'avait plus rien à voir avec ses deux composantes originales. Elle avait jeté sa dualité, transcendé la morale et embrassé le paradoxe existentiel dans son infinie complexité. « Lutte pour vivre. Vis pour lutter. Désire, combat et prend : tout le reste est pour les morts. »

La sensation du non-être se ruant sur elle déclencha chez l'Aberration le réflexe de survie : « Fuis. ». Elle mit autant de distance que possible entre elle et la faille, et tenta de recoudre le voile de la réalité. Cela ne lui prendrait pas une seconde, et l'horreur ne passerait jamais le...

Khaine. C'était de sa faute, et elle le réalisa soudainement. Il avait dirigé ses esquives pour provoquer la faille. Elle se rendit aussi compte qu'elle avait perdu sa trace depuis quatre bonnes millisecondes.

Derrière elle, le onzième mage était devenu pluriel. À le voir, ou simplement le sentir, c'était un kaléidoscope de couleurs, de sensations, de mouvements contraires qui envahissait l'esprit. Les plans existentiels s'étaient rapprochés sur lui, pour complètement fusionner. Combattre un Khaine avait été une épreuve, mais il c'était à présent un millier d'alter-ego qui se superposaient, chacun décuplant la force de l'original en puisant dans l'infini réservoir d'énergie qu'était leur plan élémentaire.
La tornade de coups du mage pluriel atteignit l'Aberration en premier. Ça faisait mal, mais elle l'aurait encaissé. L'horreur qui la frappa dans sa garde baissée, en revanche passa à un doigt de l'effacer complètement de l'existence.


Khaine s'arrêta d'attaquer. Cela ne servait plus à rien, se rendait-il compte. Il avait devant lui un cœur palpitant et multicolore, une sphère de vie et de violence qui hurlait sa suprématie. Hurlait. Il fallut que le mot se forme dans son esprit pour qu'il saisisse ce dont il s'agissait. Un hurlement destiné à rien, qui existait par lui-même. L'Aberration était toujours vivante, quelle que soit la forme brisée qui subsistât au cœur de cette sphère irisée trop lumineuse et intense pour qu'il puisse la sonder. La faille avait été refermée, ses attaques n'affectaient pas l'Aberration, mais il n'était pas perdant : il avait gagné la seule ressource dont il avait désespérément manqué depuis le début du combat.

Le temps.

Partout dans la bulle, les archéens mutilés battaient en retraite ou explosaient en vol sous l'immense pression que l’aberration imposait sur eux. Plusieurs, aspirés par le siphon de la faille, s'étaient trop rapprochés d'elle et avaient été dévorés par son hurlement. Pour ce qui était des titans, Khaine avait pris soin de diriger les frappes de l'aberration dans leur direction et ils gisaient tous au sol, plus morts que vifs, à l’exception de Prométhée. Celui-ci, un genou à terre, avait caché Azazaël dans sa bouche, et régénérait à toute vitesse des dommages collatéraux reçus pendant le duel.

Khaine prit soin de ne pas l'impliquer dans l'attaque suivante, car même une créature comme lui n'y survivrait pas.

Il était temps d'utiliser les techniques interdites. Interdites parce qu'elles endommageaient la substance même de l'univers, mais, comme Khaine venait d'en avoir la démonstration, c'était le seul et unique moyen de blesser l'Aberration. Et vu ce à quoi elle venait de survivre, il faudrait sortir l'artillerie lourde, même dans cette catégorie.

Il lui fallait un certain temps pour frapper, et il n'avait aucune idée de quand l'Aberration sortirait de sa transe. Il fallait attendre, sous peine d'être repris dans un enchaînement, et son ennemi ne se laisserait plus abuser de la même manière. Le mage prit son temps, concentra son énergie, et se prépara à invoquer les artefacts les plus létaux de sa vaste collection. Pas question de laisser le moindre instant de répit à sa cible.

Zizanie n'avait pas grand-chose en commun avec une épée conventionnelle. Taillée par un makaïoshin fantasque dans la branche qui l'avait vu naître, l'épée de bois gagnait en dangerosité quand la volonté d'existence se faisait la plus forte dans l'univers, et se rétractait quand cette priorité quittait le cœur des mortels. Au meilleur de la Longue Paix, elle avait échoué à trancher un simple fil de lin. Quand Khaïne la brandit, l'épée était devenue une colonne de flamme rugissante qui fendait les cieux. Dans toute la bulle, le sol trembla, et les pierres heurtèrent les pierres. Les rares créatures marines encore vivantes, suffocantes à l'air libre, se jetèrent les unes sur les autres avec sauvagerie. Crocs, becs et tentacules s'entre-mutilaient, et sous l'eau bouillonnante, des monstres marins de plusieurs tonnes aux micro-organisme pélagiques, tous étaient submergés par l'aura maléfique de l'épée.
L'horreur étreignit alors le cœur du mage, car, s'il avait là une arme qui saurait sans aucun doute atteindre l'Aberration, il avait sous les yeux le témoin de la folie qui s'était emparé du monde qu'il avait protégé pendant une éternité.

Le dieu fusionné quitta sa gangue protectrice, et fut immédiatement accueilli par une lame de fureur solide, qui le projeta, hagard et incandescent. Plusieurs autres frappes se succédèrent, à chaque fois marquées par hurlement toujours plus bestial. Mais sa partie maléfique était revigorée autant que blessée par cette arme, et ce ne serait qu'un question de temps avant qu'il ne parvienne à parer l'épée. Les blessures qu'il subissait étaient superficielles, se résorbaient vite, et son ki était toujours aussi inépuisable qu'au début du combat.

Alors qu'il s'apprêtait à dévier l'épée de flammes contre son porteur, il fut frappé en plein visage par une flèche blanche, impérieuse et mortelle. Puis par mille autres.
Khaine avait invoqué une autre de ses armes légendaires. Dominion était aux arcs ce que Zizanie était aux épées : à peine semblables dans la forme, et fondamentalement différent sur tous les autres points. Droit, il était un faisceau brillant que Khaïne tenait en son centre, et projetait une nuée d'aiguilles aveuglantes là où son porteur le pointait. Chacune d'entre elle frappait avec une puissance sidérante, et il était connu qu'une de ces flèches pouvait percer le corps de cent guerriers avant de l'arrêter.
Bien sût, Khaine ne s'était pas attendu à ce qu'elles infligent quoi que ce soit de sérieux au dieu fusionné, mais le torrent de flèches l'avait débordé, et poussé dans une stase défensive où son ki infini était projeté comme une armure tout autours de lui, le rendant peu ou prou invulnérable, au détriment de sa vitesse, et surtout de ses capacités sensorielles.

Là où les premières aiguilles s'étaient enfoncées cruellement dans le corps de l'Aberration, sa part bénéfique avait pris le dessus, et lui avait permis de garder son calme face au déluge qui avait, en des temps anciens, défait les titans et intronisé le premier roi mortel. Mais l'Aberration était considérablement plus puissante que n'importe quel nombre de titans ou de mortels. Son ki s'était fait une barrière lisse et harmonieuse sur laquelle même les terribles flèches rebondissaient, impuissantes, quand la troisième arme légendaire l'atteignit.

Équité était la grande égalisatrice des armes légendaires. Si Zizanie et Dominion avaient été conçus par un dieu et un roi pour écraser les archéens et les titans, Équité avait été forgée par un mendiant, dans le but de vaincre n'importe qui. Une longue chaîne reliait deux boucliers droits d'un mètre de diamètre, intégralement gravés des mêmes inscriptions minuscules qui relataient l'histoire de leur créateur.
Quand la première cymbale l'atteignit au ventre, l'Aberration était invulnérable sous sa muraille d'énergie, et ne subit aucun dégât. Quand le bouclier eut rebondit, la muraille de ki avait disparu, et elle était aussi exposée qu'un nouveau-né. Équité avait siphonné la moindre goutte de ki accessible dans son aura et son être. Le dieu fusionné se serait maudit de son imprudence, mais il fallait un instant pour que ses réserves d'énergie revienne à un niveau exploitable.
La deuxième boule frappa, et ce fut toute l'énergie précédemment absorbée qui se déchaîna sur le corps vulnérable de l'Aberration. Équité frappait toujours avec la force que sa cible monopolisait pour se défendre. La réalité céda une seconde fois sous l'impact, et cette fois-ci l'Aberration était vulnérable. Un essaim sans couleur se rua vers elle à travers la fibre déchirée de l'univers, et elle hurla à nouveau.

Khaine avait pris ses distances, prudent. Pour la première fois depuis le début du combat, l'Aberration avait été sérieusement blessée. Il sentait son être réduit en lambeaux par la horde impossible de non-prédateurs. Massacrée, déchiquetée, éviscérée dans tous les sens possibles du terme. L'endroit où elle se tenait était devenu un maelstrom absurde où plus rien n'avait de sens. Même les capacités sensorielles quasi-infinies du mage étaient poussées à leur extrême limite : il n'y avait presque plus rien à sentir.

Mais il restait quelque chose. Et ce quelque chose se battait pour survivre.

Pire : il avait le dessus.

Il y eut le fantôme d'un hurlement, et le fantôme se fit de plus en plus tangible. Lutte pour vivre, vis pour lutter. Lutte pour vivre, vis pour lutter. Lutte pour vivre, vis pour lutter. La flamme souillée ressuscitait, revigorée par tout ce qui tentait de la tuer.
Le hurlement aveugle se mua en hurlement de terreur quand l'Aberration prit conscience de ce que Khaine tramait. La flamme souillée ne craignait qu'une seule chose : sa propre mort.


« Si je réussis à l'invoquer, elle ne me tuera pas. » Khaine se rassura, mais la sensation glaciale qui l'étreignait ne partait pas. Bienheureux les ignorants ; il comprenait ce qu'il se préparait à faire.

La doublemort était à la mort ce que la mort est au comas. Définitive. Un doublemort n'avait plus d'âme pour être réincarné, plus d'ombre pour lutter : il était effacé de l'existence. Pour s'exposer à un tel destin, il fallait s'engager dans un combat en étant déjà mort, un acte dont tout mortel saisirait instinctivement les terribles conséquences. Et puis, il y avait un autre moyen : une arme légendaire si terrible qu'elle doubletuerait quiconque prétendrait la manier, si bien cachée que personne ne saurait contacter sa dimension de poche sans décéder dans l'instant. Finale ne reconnaissait qu'un seul et unique maître, et ce maître n'était pas Khaine.
Mais le onzième mage n'allait pas laisser un tel détail lui barrer la route. Il avait eu d'innombrables occasions d'observer le propriétaire de Finale, l'avait vu manier l'arme légendaire plus d'une fois, l'avait combattu un bon nombre d'autres, et avait parfaitement sondé chaque recoin de son esprit. Khaine ne pouvait certes pas manier Finale, mais il connaissait sur le bout des doigts quelqu'un qui le pouvait. Il ferma les yeux.

Sur tous les plans présents auxquels il avait accès, il distordit ses reflets un par un, pour les conformer à son modèle. Comme un bloc de plomb entre les mains d'un potier surhumain, les couches de réalité se déformèrent les unes après les autres. Les premières étaient réticentes, presque inaltérables, mais au fur et à mesure que l'essence de Khaine se corrompait, il lui devenait de plus en plus facile de prendre la forme à laquelle il se destinait. Bientôt, « je » perdit tout sens à ses yeux, puis en pris un autre, complètement différent.

Abel Alazrhad ouvrit les yeux. Tout était là, jusqu'aux breloques dorées qui alourdissaient ses cheveux et sa barbe huilée. C'était agréable, d'être aussi fort. L'autre Abel n'avait jamais eu un corps aussi puissant, mais Khaine avait réussi à conserver les parties de lui-même qui lui permettraient d'accomplir sa mission. Sa mission. Le nécromancien renonça immédiatement à toute tentation d'exercer son nouveau corps et ses pouvoirs.
Il tendit sa main droite, et laissa Finale s'y matérialiser. Avec un chuintement, la faux apparut, démesurée entre ses mains. La forme, forgée par l'imaginaire collectif, n'avait pratiquement aucun impact sur son efficacité : peu importe la manière dont Finale toucherait l'ennemi, la mort serait instantanée. Pour un non-initié, l'arme dégageait une aura glaçante, une menace absolue et terminale, plus mortelle que la mort elle-même. L'Aberration voyait à travers toutes les couches de réalité, et la faux lui parvenait comme un avatar d'annihilation totale. Partout où Finale passait, une cicatrice grise se traçait sur un univers multicolore. Les plans cessaient d'onduler, les courants vitaux étaient coupés. Chaque instant, chaque micron dans les trois dimensions où Finale avait existé étaient marqués à tout jamais. C'était une arme faite pour détruire le monde.

Le nécromancien franchit à toute vitesse la distance qui le séparait de l'Aberration à peine reformée. Il n'avait qu'une fenêtre de sept secondes, mais son ennemi n'était pas en état de fuir. L'Aberration s'était reformée sous ses yeux. Il lui manquait les extrémités, ses cheveux commençaient doucement à repousser, mais ses bras s'arrêtaient avant les poignets, et ses jambes au niveau des mollets. Elle était plus harmonieuse. Sa peau arborait maintenant une alternance de rayures blanches et noires mouvantes au lieu du rouge brique et du blanc crémeux. Quand à ses yeux... Multicolores. Chaque plan les teintait de sa propre couleur, qui changeait perpétuellement.
Abel y vit la terreur lorsqu'il chargea à toute vitesse sur sa cible. Il était prêt à changer de trajectoire au premier signe d'esquive, mais l'Aberration était figée, et son aura était explicite sur son état d'esprit : panique. Mais elle n'avait nulle part où fuir. Finale entama son arc, prête à mettre fin aux jours de cette chose qui n'aurait jamais dû naître en premier lieu.

Et elle s'abattit dans le vide.

L'Aberration était à plusieurs centaines de kilomètres de là. Le temps d'accepter ce fait, et la distance avait doublé ; pourtant, ni lui ni l'Aberration n'avaient bougé. L'espace s'était étendu entre eux pour protéger son maître. Le nécromancien accéléra, mais la distorsion spatiale était bien trop rapide pour lui, et, s'il ne risquait pas de perdre de vue le ki de l'Aberration, il n'arriverait jamais à l'atteindre avant la fin de sa vie.
Les Khaines des plans passés perçurent l'absence de leur équivalent futur. Pour la deuxième fois depuis le début du combat,ils ressuscitèrent leur version présente, mais cette fois-ci, ils modifièrent un modèle déjà présent au lieu d'en construire un tout nouveau. Abel se tordit, et se mua en Khaine, qui s'aida de sa translucidité à court terme pour compléter les morceaux de mémoire qui lui manquaient.

Autours de lui, la bulle s'était craquelée. La thermodynamique était explicite sur ce qu'il advenait d'un milieu dont on multipliait le volume par plusieurs millions sans apport de matière : toute l'eau s'était vaporisée, et les monstres marins s'étaient transformés en grotesques ballons gelés qui dérivaient dans un vide privé de cohésion. La réalité suffoquait, et Khaine pouvait pratiquement sentir la horde avide qui l'épiait, prête à l'arracher à l'univers.
C'était la plus belle occasion qu'il ait vu depuis le début du combat.

Le onzième mage étendit les mains, et atteignit les clefs de voûte qui maintenaient cette bulle en place. L'ennemi était trop loin pour l'atteindre sans qu'il ne s'en rende compte, et il prit tout le temps nécessaire pour localiser chaque location critique et la tenir en son pouvoir. Quelques secondes plus tard, la bulle avait encore quintuplé de volume, et il n'avait plus de raison de retarder son attaque. L'Aberration était toujours en pleine crise de panique, et la bulle était plus fragile que jamais. Il contracta tous les liens méticuleusement tissés, et incanta le grand effondrement.
Les clés se fracturèrent dans un fracas de fin du monde, qui résonna assez loin pour que chaque sorcier de l'ancien monde soit pris d'un tremblement d'effroi, et, un instant plus tard, chaque point de l'espace céda en une fenêtre vers le néant.

Le torrent infini, sans couleur sans son et sans mouvement, ôta chaque obscène preuve d'existence au grand tout, qui redevint le grand rien. De toutes les miettes d'être réduites au silence, pas une seule n'appartenait à Khaine, ni à l'Aberration.



*******






Elle survivrait. Il le savait intimement depuis que son regard avait croisé celui de sa Némésis, et jamais durant tout ce combat, cette certitude n'avait faiblit. La force entraîne la force, et la toute puissance de Khaine avait poussé ses ennemis à concevoir une aberration invincible. Elle était liée à l'essence même de l'univers de la manière la plus pure qui soit, et celle-ci la protégerait, quelle que soit la nature de l'attaque qui la ciblait.
Le onzième mage avait tenté de recourir à aux horreurs qui dévoraient l'univers lui-même, ainsi qu'à Finale, mais le monde résistait aux premiers depuis une éternité, et l'emploi de la seconde était trop contraignant, laissait trop de possibilités de parade son ennemi. Khaine en était à son dernier recours avant de requérir l'aide des univers quasi-semblables et (il ferait tout pour l'empêcher) des univers discordants. Si le monde dans lequel il affrontait l'Aberration refusait de la voir perdre, il en créerait un autre plus conciliant.

Les doubles dimensionnels de Khaine s'étendirent, rassemblant toute l'énergie qu'ils avaient drainé lors de l'effondrement de la bulle, lorsque l'éther primordial avait quitté sa forme de réalité et s'était fait accessible. C'était là une énergie suffisante pour oblitérer l'Arène entière en un battement de cœur, ou possiblement porter un coup fatal au lion transcendé lui-même. Elle serait brûlée, sacrifiée à l'avidité des horreurs du cercle extérieur, et ne sustenteraient au mieux qu'une expansion miniature avant de se rétracter et de faire disparaître le nouvel univers à jamais. L'univers de Khaine offrirait une fenêtre de quinze à cinquante nanosecondes durant lesquelles sa taille varierait entre dix puissance moins dix et dix puissance quatre mètres cube avant que le temps et l'espace ne se contractent infiniment sous les assauts des horreurs, le transformant alors en piège mortel pour quiconque s'y trouvant encore.
Ce serait largement suffisant : Khaine était maître absolu dans son royaume, et n'importe quelle unité mesurable de temps et d'espace suffirait à briser irrémédiablement l'Aberration.

Il l'avait traînée avec lui dans cet enfer sur mesure, avait imprimé assez d'empreintes dans son nouveau monde pour tromper l'essence de du monstre, et lui faire rejoindre ce lieu. La ressemblance n'était pas parfaite, mais dans son état de panique, les réflexes de la créature ne seraient pas contrôlables : son essence quasi-indestructible, si elle survivait au choc de l'effondrement (et elle le ferait très certainement), se rabattrait immédiatement sur la réalité la plus proche dans laquelle elle discernerait son empreinte. L'imperfection du leurre conçu par Khaine serait largement compensée par sa proximité : la bulle n'avait pas finit de s'effondrer quand son monde s'était manifesté.

L'Aberration était là : à peine reformée, déjà consciente de l'impasse dans laquelle elle se trouvait. Elle tenta de frapper, puisa dans ses ressources pour craqueler le monde artificiel, mais le sens et la géométrie de cet univers obéissaient à Khaine, et l'énergie dégagée broya l'Aberration sous sa propre pression. Elle était impuissante. Le monde déchira son être comme une feuille de papier abandonnée dans une tempête, et les miettes furent laissées à elles-même.

Gagné. Maintenant, le Dieu miniature qu'était devenu Khaine devait abandonner son royaume et rejoindre son monde d'origine. Il n'était pas bien loin : la trace de Khaine s'y trouvait, distincte. Il fallait la retrouver et s'y imprimer à l'instant où elle disparaissait : elle serait son ancre, le papier où il imprimerait son être.
C'était une tâche insurmontable pour un seul mage, aussi doué soit-il, mais les doubles de Khaine se comptaient pas milliers, et, chacun arpentant sa dimension à l'aveugles, triant mécaniquement des masses d'informations qui dépassaient la conception d'un esprit humain non-augmenté, pour ne se focaliser que sur celles qui lui importaient. Khaine trouva son empreinte, et se fondit dans son monde d'origine, dans la première bulle où il parvint à imposer son existence, laissant derrière lui son monde miniature où les débris de l'Aberration se rétractaient infiniment en un hurlement qui ne finirait jamais.

Il s'accrocha à un des points les plus denses de la réalité, et s'y matérialisa.

Le corps de Khaine apparut dans un une explosion multicolore , la chair se renoua à l'identique, et deux expirations plus tard, le plus grand héros de tous les temps était de retours, invaincu, intouché.

La ruine éclatée d'Eden le toisait, l'arbre noir du makaï en son centre. Il s'agissait très littéralement du cœur battant de l'ancien monde, la partie la plus réelle de la réalité, et la prise la plus aisée pour un être cherchant à rejoindre son univers d'origine depuis l'extérieur.
Les makaïoshins avaient triomphé, ici aussi. Il en restait trois, sur les dix vivants lors de la révolution, et leur domaine, autrefois terrible et opulent, avait été oblitéré. Les kilomètres carrés de sol vitrifié encore gluant qui avaient remplacé la sinistre cité des dieux d'en bas et les nuages de cendres qui dérivaient paresseusement à l'horizon trahissaient l’œuvre de Lucifer. L'idiote. Conscients qu'elle parviendrait toujours à s'échapper s'ils forçaient la confrontation, les makaïoshins lui avaient tendu un piège, et elle s'y était jetée la tête la première. Quelques cadavres de Talmir désintégrés à divers degrés étaient observables là où le sol d'Eden était fait d'herbe calcinée et pas de terre incandescente. Le dixième mage avait impliqué plusieurs de ses doubles dans le combat, sans succès.

Le verre chauffé se colla à ses pieds nus quand il les souleva doucement pour éviter de s'enfoncer dans le sol meuble. Il inspira avec délectation l'air brûlant et chargé de cendres. Le verre se teintait lentement de nuances de gris là où les retombées étaient les plus denses. Il se permit de les regarder longuement. Il venait de remporter le plus important combat de son existence, les Makaïoshins pourraient bien attendre leur exécution quelques instants de plus.
C'était bon. Il avait gagné. Encore. Ç'avait été difficile, horriblement difficile, mais il avait gagné. Enivré par le soulagement, il éclata de rire. Ce son devait terrifier les Makaïoshins comme rien d'autre auparavant, mais il ne pensait même pas à eux. Gagné. Enfin. Après tous ces efforts, tous ces interminables combats, l'avenir utopique promis par Primus était là, à portée de main.

Et puis, il le vit.

Son rire mourut dans sa gorge.

Non.

Non.

Non !




*******


Autours d'eux, la bulle s'était craquelée. La thermodynamique était explicite sur ce qu'il advenait d'un milieu dont on multipliait le volume par plusieurs millions sans apport de matière : toute l'eau s'était vaporisée, et les monstres marins s'étaient transformés en grotesques ballons gelés qui dérivaient dans un vide privé de cohésion. La réalité suffoquait, et l'Aberration pouvait pratiquement sentir la horde avide qui l'épiait, prête à l'arracher à l'univers.
Mais elle ne réfléchissait pas à cette menace-là. Finale, entraperçue entre les mains du nécromancien, ne laissait aucune place à la moindre pensée parasite. Survivre était le seul impératif de l'Aberration, et mettre le maximum de distance entre l'arme légendaire et eux-même était la manière la plus directe de le satisfaire.

Finale disparut et Khaine revint.

Mais l'Aberration était toujours terrorisée, et ne cessa pas instantanément de distordre l'espace. Le temps qu'elle réalise ce que son adversaire préparait, il était trop tard. Les murs de la réalité avaient cédé, la mort sans visage approchait à toute vitesse et allait les annihiler tous les deux. Ce ne serait pas une mort normale : le cercle extérieur dévorerait tout ce qu'il y avait à dévorer, et ne laisseraient rien à ramener à la vie. La mort n'était plus un obstacle infranchissable pour les deux ennemis, la doublemort en serait un.
La panique qui s'était emparée de l'Aberration ne l'avait pas entièrement privée de ses sens, cependant. Les horreurs avaient beau être ses prédateurs naturels, la Volonté d'Existence savait les tenir en respect : elle ne faisait littéralement que ça depuis sa naissance.

La bulle s'effondra complètement dans une déferlante d'énergie incompréhensible pour quiconque à part l'Aberration. Au lieu de fuir, elle dansa dans ce courant, le façonna, et lorsque la puissance se tarit, elle employa la sienne, et fut surprise de constater qu'elle ne faiblissait pas. Alors elle façonna davantage. Elle n'était plus dans l'univers, mais elle était adjacente, et elle pouvait sentir les énergies fragmentées des deux moitiés qui reconnaissaient leur unité perdue en elle, et qui l'alimentaient, la chérissaient comme le plus précieux des biens.

Elle construisit tout à l'identique : La montagne de roche poreuse, l'océan noir où l'eau se muait en encre, et l'encre en l'horreur avide, les crocines (quoique la création d'un authentique être vivant, même aussi primitif, ait été assez longue pour lui faire perdre la notion du temps), la cascade de brume, les lacs... L'Aberration se situait là où la Volonté d'Existence avait siégé, et émanait de sa propre lumière. Et elle ne trouvait jamais de contrainte, le puits d'énergie ne se tarissait pas plus que la dévotion de ses deux moitiés.

Les arbres étaient prêts à abandonner l'univers actuel pour aller nourrir le sien, réalisa l'Aberration. Alors elle vit plus grand. Elle travailla la structure de la roche, la dota des mêmes capacités auto-régénératrices que l'originale, travailla à extraire la notion même de couleurs au lieu de se contenter d'un univers en nuances de gris. Elle travailla sur les hybrelles, les seiches, avec un acharnement sans pareil, et parvint à des copies tout à fait satisfaisantes. Car s'était son univers à elle, après tout.
Mais pas de gréens. Non pas de gréens, plus jamais. Plus jamais de mortels, plus jamais d'archéens ou de titans. Plus de Khaine, de dieux ou que savait-elle encore ! Non, rien qu'elle, ses deux moitiés qui la protégeaient, et ce serait tout. Mais alors, méditant dans sa chaire de pierre, elle perçut une hybrelle qui volait de travers, et saisit que ses ailes étaient défectueuse dans leur conception. Elle cria de rage, et le monde s'effondra dans l'océan noir, rendu au cercle extérieur.
Elle recommença de zéro, riche de ses expériences, mais alors qu'après une éternité de progrès agonisant, elle embrassa sa création, un des pitons se brisa net sous le poids des crocines, emportant toute la structure en contrebas. Tout fut balayé, et elle recommença, noya un nouveau monde pour une seiche mutante qui avait appris auprès des horreurs à manger la chair de ses semblables. Et elle reprit, encore et encore, plus rapide et brouillonne à chaque fois, perdue dans une spirale de destruction aveugle, consciente que dans un vain espoir de régression, elle répétait inlassablement l'acte qu'elle haïssait le plus au monde : la Singularité.
À ce stade, elle ne cherchait plus qu'à épuiser ses réserves, à terminer ce monde aberrant qui s'était, par inattention, condamné à une interminable agonie.

L'Aberration chercha de l'énergie, en trouva en abondance, et réalisa que son entreprise ne coûtait virtuellement rien à l'univers. Que là où la flamme pure avait trimé pour maintenir cette minuscule coquille d'existence, la flamme souillée, alimentée qu'elle était par le conflit qui bouillonnait en son sein, en créait des milliers, via les titans, sans que cela ne la menaçât le moins du monde.

L'univers était infiniment plus grand, incalculablement plus complexe, irrécupérablement souillé.



Et alors seulement, l'Aberration comprit que son existence torturée ne trouverait de fin qu'à une seule condition. Elle affaiblit les barrières de son monde aux points les plus proche de l'univers véritable, saisit l'ancre spatio-temporelle la plus proche de sa dernière existence, et replongea au cœur du maelstrom, cette fois avec une mission.



*******




Non.

Non.

Non !


L'Aberration était intacte. Khaine lui non plus n'avait pas subi de blessures qu'il ne puisse régénérer, mais son arsenal de techniques capables de l'atteindre avait fondu comme neige au soleil. Et elle était trop rapide pour qu'il l'atteigne avec Finale...

Il fallait trouver un enchaînement capable de l'atteindre. Un qui soit assez rapide et varié pour la contenir, assez puissant pour la menacer, et qui diffère suffisamment du précédent pour qu'elle ne l'anticipe pas de bout en bout. Oui, il pouvait le faire.

Le mage préparait l'affrontement dans sa tête, tout en massacrant les makaïoshins restants d'une main distraite. Ça allait être bien assez difficile sans que ces imbéciles ne se mettent sur sa route. Il voyait l'Aberration au loin, immobile, contemplative et concentrée. Elle était radicalement différente de celle qu'il avait affronté : il n'y avait plus chez elle cette rage aveuglée par la souffrance. Il n'avait que quelques secondes pour passer à l'action.
Il y eut une distorsion dans la réalité, un éclatement de couleurs et de temporalité, et un autre arrivant se matérialisa avec eux dans la bulle. Un allié, Khaine le sut immédiatement à cette aura si caractéristique. Deux alliés, même.

L'Aberration sentit venir l'attaque de l'inconnu, et s'éloigna d'une centaine de kilomètres en l'espace d'une fraction de seconde. Beaucoup trop peu pour esquiver le poing de Prométhée. À l'impact, les phalanges du titan explosèrent en un torrent de magma, dont une véritable armée de drones jaillit, pour être pulvérisée dans la secondes qui suit. La contre attaque (une décharge de ki à même de ravager une étoile) atomisa tout le bras droit de ma créature, et des dizaines de suites identiques entreprirent de gagner la course contre ses facultés de régénération. Peu importait la puissance le l'Aberration, creuser à travers une telle masse de chair surnaturelle était une tâche d'ampleur.
Azazaël jaillit de la bouche grande ouverte du titan, décrit un large arc, et frappa dans le dos de l'Aberration. La tornade de plumes noires trancha sur seize plans et percuta le dos du dieu fusionné. L'archéen comprit alors que si l'attaque avait porté, ce n'était pas parce qu'il avait réussi à semer sa cible, mais parce que celle-ci n'avait pas jugé utile d'esquiver. Il survécut d'extrême justesse à la frappe qu'il reçut ensuite, définitivement hors de combat. Prométhée se faisait massacrer.


Du temps. Enfin. Khaine aurait voulu les embrasser, mais il n'y avait pas le temps pour ça. En voyant bouger l'Aberration, il avait finalement accepté qu'il ne la vaincrait jamais. Il avait trouvé sa limite. Mais si Khaine n'était pas de taille, l'ordre entier serait à la hauteur, lui. Abel pouvait porter un coup fatal, si l'on lui en laissait l'occasion, Scion pouvait leur construire un champ de bataille à leur avantage, Pléïade et Talmir fourniraient une main-d’œuvre sur-qualifiée et virtuellement inépuisable. Et, même s'ils étaient bien loin du niveau de l'Aberration, le soutien de Lucie, de Caldagla et de Gemini ne seraient pas complètement inutiles. Avec le soutien de Sédane, le onzième mage se sentait capable de tous les tenir en laisse le temps de mener ce plan à bien.

Oui. Ils pouvaient le faire, tous ensemble. Il leur fallait juste du temps. Et du temps, Khaine savait comment en gagner.

Il calcula l'attaque suicidaire d'Azazaël, et fit plein usage de sa vitesse pour l'éloigner de la mort certaine qui l'attendait à la riposte. Il avait besoin de lui pour la suite. Le mage regarda une ultime fois dans le futur, et y vit un tourbillon brillant où il ne percevait pas la lumière bâtarde et aveuglante de l'Aberration. Avec un sourire, il baissa sa garde invincible qui lui avait sauvé la vie d’innombrables fois aujourd'hui, et mit ses doubles passés et futur au service de l'incantation qu'il entama.

Incanter un bannissement vital prenait normalement des jours entiers. Suivre la procédure à la lettre pouvait techniquement prendre plusieurs mois. Mais ce genre de mesure désespérées n'était bien évidemment jamais entrepris en suivant la procédure à la lettre. Khaine procédait au jugé, tirant tel plan par ci, soudant la réalité par-là du mieux qu'il le pouvait. Il avançait à grands coups d'impasses, tissant à toute vitesse une toile imparfaite, laborieuse, mais qui fonctionnait tant bien que mal. Pour chaque milliard de tonne matière arrachée du corps de Prométhée, le piège implacable se refermait un peu plus sur l'Aberration, jusqu'à ce que les dents se rencontrent, et que toute tentative d'échappatoire soit avortée d'avance.
Alors seulement, se rendit-elle compte de la supercherie. Khaine avait bien préparé son coup, et même les capacités sensorielles de l'Aberration ne l'avaient pas avertie. Tout était joué.

Les plans se raccourcirent brutalement de tous les côtés de l'Aberration, et, comme aspirée par un siphon dans une quatrième dimension, la sphère d'un kilomètre de diamètre où Khaine avait attendu son ennemi se referma brutalement sur elle-même, laissant une horrible cicatrice dans la réalité, là où elle s'était trouvée.

Plus rien. On aurait entendu le vent souffler, n'eut été l'infinie carcasse mutilée du titan qui s'effondrait, soulevant des milliards de tonnes de poussière devant elle, et broyant le sol en profondeur là où elle le percutait. Le vacarme infini oblitérait toute forme de communication, et confinait la scène à une forme de silence. Vidé de sa force titanesque, il lui faudrait plus d'une heure pour chuter complètement.

À genoux, Khaine tenait dans ses mains une petite boule de plumes noires qui pulsait doucement, inconsciente de la puissance de la créature qu'elle gardait derrière le fragile sceau de sa vie.

Le ciel s'illumina.

Devant l'échec successif de tous ses champions, IL décidait enfin de prendre part à la bataille.

C'était comme si le firmament tout entier s'était mué en un gigantesque soleil. La lumière oblitérait tout, la chaleur rendait la roche meuble et gluante, et des colonnes de vapeur s'élevaient paresseusement vert les cieux. La vue n'était plus d'aucun secours, distordue comme elle l'était par la température étouffante. L'air bouillonnait doucement, prêt à changer d'état à la moindre hausse de pression.

Les doubles passés et futurs de Khaine étaient revenus, et avec eux, son invincibilité. Il envoya la petite boule de duvet qu'était devenu Azazaël dans une dimension de poche où il serait en sécurité , et se leva tranquillement, le regard tourné vers son incommensurable ennemi.
La température augmentait sans arrêt, et commencerait bientôt à endommager le corps du mage. La lumière et l'aura du lion saturaient tout autours de LUI. IL englobait tout le Makaï, forgeait la réalité elle-même en une extension de son être. Khaine, droit, le défiait encore, un sourire patient sur le visage.

Approche...
Petit petit petit...


La chaleur subit un pic brutal, quelque chose d'immense compressa le monde, et tout l'air du Makaï se mua en plasma brûlant. On n'entendait plus rien, ne voyait plus rien, ne ressentait plus rien. À part LUI.

Oh oui, tu es énervé.
Viens si tu l'oses.


Le mage n'aurait pas cru que la température puisse encore augmenter. Elle le fit, et les roches rejoignirent la tornade informe de l'air. Tout n'était plus que plasma bouillonnant.
Et alors, Khaine LE sentit. Un marteau qui s'abattait inlassablement sur les murs de sa volonté. Chaque choc était comme la collision de deux planètes, et l'univers semblait s'ébranler pour LUI. La volonté de Khaine était sans pareille parmi les mortels, mais il se sentit poussé dans ses dernières limites, et cru chuter à chaque syllabe.

YAL


Impossible de ressentir quoi que ce soit à part ce bourdonnement abominable. La tête du onzième mage était incapable de communiquer quoi que ce soit à son corps. Ç'aurait été inutile, de toute façon. Ledit corps brûlait.

DA


Mais Khaine, le vrai Khaine, restait intact. Son âme, barricadée dans une forteresse aux innombrables gardiens, fuyait à toute allure l'incendie lui la poursuivait. IL finirait par le rattraper, mais il était malin, rapide, il tiendrait longtemps.

BA


Le corps du mage était une bougie, alimentée par un infini stock de chair que ses sortilèges automatisés régénéraient en même temps que les flammes du lion la brûlaient. Presque aussi vite.

OTH


IL était là. C'était bon. L'âme de Khaine cessa de se cacher, se concentra, et quand le feu le rattrapa, il avait lui aussi du feu à LUI opposer.

Noir, celui-ci.


La bouffée de flamme noires se dégagea du corps incandescent du onzième mage, devenu le septième. Elle protégeaient leur maître, dévorant la chaleur elle-même, et en un instant, le nécromancien était là, Finale en main, ses yeux ambrés fixant sans ciller le Dieu qui avait était tombé dans son piège.
Il fusa, comme un éclair en négatif, vers celui qui disait avoir vaincu le Dragon, et serait à son tour vaincu par un simple mortel.

YALDABAOTH


Le nom craqua comme un coup de tonnerre, mais il était impuissant. L'âme noire et titanesque du nécromancien le protégeait, et Finale, au bout de son bras, se rapprochait inexorablement du firmament.
Il tendit le bras, frappa, et rata sa cible. En lieu et place, une bulle entière éclata, et dix milliards d'âmes innocentes s’évanouirent en une seconde. L'archéen avait déplacé l'univers pour se cacher derrière. D'innombrables plans et dimensions de poche s'entassaient entre LUI et le tranchant de Finale. Khaine aurait pu l'atteindre, pas Abel.

Furieux, le nécromancien ne put que fixer, impuissant, le ciel colorié du kaléidoscope impossible que projetaient cette infinité de dimensions écrasées les unes contre les autres, leurs occupants broyés sans ménagement lorsque le tissu d'espace-temps finissait par céder et lorsque la compression venait à bout de leur bulle.
IL lui avait échappé.

Mais « lui » ne signifiait déjà plus la même chose. Khaine avait repris le contrôle et il savait précisément quoi faire. Dans l'océan de plasma bouillonnant qu'était devenu le Makaï, il incanta un second bannissement vital. C'était la seule chose à faire, contre un ennemi inatteignable qui pouvait oblitérer n'importe quelle construction en un instant et se moquait de l'avantage numérique. En un sens, IL était encore plus terrifiant que l'Aberration

Comment viser une telle créature, cependant ? IL était partout à la fois, dans chaque bulle et dans chaque recoin entre elles, sa présence tentaculaire s'étendait comme un cancer jusque dans l'esprit des mortels. À vrai dire, IL n'était complètement absent que d'un seul endroit. Un endroit qu'IL avait fui, et dans lequel IL ne subsistait plus d'être vivant sur lequel IL ait la moindre influence. Le Makaï.
La solution était déraisonnable, mais Khaine venait de défaire les deux plus puissantes créatures de l'univers. Il n'y avait plus de place pour le raisonnable.

Le second bannissement vital fut incroyablement contraignant. Ses doubles dimensionnels étaient si étendus qu'ils peinaient à se percevoir l'un l'autre, et toute l'attention mobilisée pour qu'aucun ne se perde était autant de ressources dont était privée l'invocation en elle-même.
Mais il y arriva. D'une certaine manière, son colossal ennemi l'aidait dans sa tâche, rendait plus facile l'identification de la multitude de bulles et de dimensions de poche qu'il visait. Il perdit complètement la notion du temps, fusionné avec l'univers, mais parvint à finaliser l'invocation, et , dans un craquement formidable, l'ancien monde tout entier fut banni, scellé par la vie de la seule créature vivante alors à la disposition du onzième mage : lui-même.

Khaine tomba à genoux sur le magma surchauffé du Makaï. La température n'entrait toujours pas dans la gamme du supportable, mais il respirait l'air brûlant avec délectation. Il rit : il était véritablement invincible, en fin de compte. Bientôt ses doubles reviendraient, et il pourrait nettoyer l'Arène de toute opposition. Il n'avait plus d'ennemis.
Le sol noircissait déjà, et présentait déjà une forme de consistance. Il se leva paresseusement sur ses deux jambes, ses appuis mal assurés par la couche visqueuse en-dessous.

Une arme perfora le cœur de Khaine.

Et pas n'importe quelle arme : la toute première d'entre elles. Une branche de crocine à peine pointue, mais elle avait déchiré la chair sans aucune résistance.
Les doubles de Khaine n'étaient pas encore revenus. Sa régénération était inutile contre une telle arme. Il sentit le froid s'emparer de son corps, sa chair se nécroser à toute vitesse et la vie le quitter. Mais la douleur physique était une nuisance qu'il avait appris à écarter. Non, ce qui le blessait réellement, c'était de savoir qui venait de le mettre à mort.
L'immortel de Pandora retira la lance avec son éternelle expression insondable.

    « Je suis désolé. Vraiment. »
Une avalanche d'argile et le lave s'abattit de nulle part sur l'immortel, réduisant en miettes le fragile corps de pierre. Mais le mal était fait : La lance s'était fichée profondément dans le corps du mage. Ses doubles mourraient les uns après les autres, alors qu'il s'effaçait de plus en plus définitivement de la réalité. Il était trop choqué pour réagir, et même s'il ne l'avait pas été, il n'aurait rien pu faire. En matière de létalité, la première arme n'en répondait qu'à Finale.
Effondré sur le sol, son ki et sa magie paralysés, il agonisait, impuissant, attendant le moment où le dernier souffle de vie le quitterait et où le lion fondrait sur le Makaï pour prendre sa revanche. Nul doute que l'archéen se saisirait de son âme et la torturerait pour l'éternité. Il aurait accepté ce destin, si l'utopie promise avait été accomplie, mais non. Tout cela pour rien... Il avait gagné un millier de batailles impossibles pour perdre la guerre. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi l'immortel entre toutes les personnes possibles...
Sa vision s'obscurcissait, et, plongé dans un abîme de souffrance, il ne perçut pas la silhouette d'argile gravée qui se dirigeait vers lui, un cœur brillant à la main



*******




Une bouffée de chaleur dans des membres froids qu'il avait cru perdus. Des fourmillements dans tout le côté gauche de son corps, et Khaine se réveilla. Un soleil battait dans sa poitrine, pulsant si fort que sa chaleur réchauffait ce que la lance avait gelé, régénérait la chair qui pourrissait déjà. Il leva les eux, lentement, vers son sauveur.

Le prométhéen le toisait de toute sa hauteur. Celui-ci était d'une puissance considérable, à en juger par l'épaisseur et le détail de la gangue qui le recouvrait. Impossible de percevoir la moindre trace de magma rouge entre les plaques d'argile interconnectées. Son corps tout entier était gravé d'une fresque représentant la bataille qui venait d'avoir lieu. Sa main droite luisait encore : elle avait contenu le cœur battant du titan qui lui avait donné le jour, et l'avait plongée dans le flanc de Khaine sans une seconde d'hésitation.

Il renaissait. Les facultés de régénération de son allié, fidèle par-delà la mort, lui rendaient la force concédée au cours de la bataille. Même le pouvoir délétère de la première arme ne surpassait pas la régénération de sa chair, et le conflit entre ces deux forces le maintenait à un niveau de puissance tolérable. Un parodie ridicule des sommets atteints pendant son règne sur la longue paix, mais c'était bien assez pour défaire tout ce que le monde pourrait lui envoyer à présent. L'immortel l'avait privé d'une invincibilité, mais lui en avait conféré une autre : il ne baisserait plus sa garde devant qui que ce soit.

Il fallait rester caché, cependant. Qui savait quels sortilèges cet adversaire avait à sa disposition ? Dans cet état affaibli, une coalition avec les dieux pourrait le menacer... Il lui faudrait un sort de camouflage, et des guerriers à ses côtés.

À sa droite, un autre prométhéen jaillit du sol et le fixa, désemparé, pendant de longues secondes. Prométhée était encore là, quelque part dans le corps brisé du onzième mage, et ses rejetons souffraient de le voir si limité. Il croisa le regard du premier guerrier d'argile, et Khaine lut en eux un commun accord. Une magie primitive, brutale, pouvait encore réveiller le titan. Le seul type de rituel accessible à l'intellect limité de ces drones qui ne saisissaient pas que le sacrifice de leur géniteur était volontaire. La première mission : apporter le cœur à Khaine avait déjà disparu pour eux, remplacée par la seconde : ressusciter le titan dans ce nouveau corps.
Khaine connaissait par cœur cette forme de pseudo-nécromancie. Une vie pour une vie, une bonne dizaine de milliard pour une vie de titan. Ce serait un véritable carnage, et Khaine avait eu sa dose de massacres. D'un geste de la main, il pulvérisa les deux créatures d'argile. Mais d'autres apparaîtraient, suscitées par l'incontrôlable force qui battait maintenant dans son flanc gauche.

Beaucoup de guerriers, corrigea-t-il intérieurement. Le poids du monde se faisait trop lourd pour ses épaules seules.
Dernière édition par Lamantin_Furtif le Dim Nov 05, 2017 23:32, édité 2 fois.
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Re: DBAF-Lamantin

Messagepar omurah le Dim Oct 01, 2017 21:41

Moi je conseillerai à ceux qui n'ont pas encore lu la fic, d'au moins lire le dernier chapitre posté (celui juste au-dessus de ce message) histoire de se prendre une bonne baffe dans laggle pour ensuite se dire : "tiens, et si je lisais depuis le début ?"

Bon,

Que dire ?

A part répéter ce qui a déjà été dit à chaque fois par tout le monde ?

Parce que j'ai pas la foi de décortiquer chaque paragraphe, pour l'encenser évidemment, et pour ce qui est de prendre de la hauteur sur le scénario pour le commenter, bah, disons que je suis curieux de savoir à quoi va ressembler la suite et s'il y aura une confrontation contre le dragon,
J'ai du mal à imaginer cette possibilité tant le combat qui nous est servi dans ce dernier chapitre a des airs de combat final ultime. En tout cas, moi qui ne suis pas un afficionado du 3P&BR (pied-poing-projection & bis repetita) j'ai été pour le moins servi (même s'il y a quand même un côté bis repetita, tu ne te réinventes pas si souvent). Certes, il y a aussi des passages que j'ai dû relire trois fois pour comprendre (c'est possible de comprendre dès la première lecture, mais je doute que ce puisse être autre qu'une compréhension surfacique, car ta pensée est assez complexe parfois), et d'autres passages (assez rares) qui n'ont juste pas voulu se laisser apprivoiser par mon esprit infertile, je n'ai donc pu les toucher qu'avec les yeux, et leur pelage était beau, quand même :D
Il manque amha une dimension à ce chapitre, qu'on pouvait retrouver au chapitre 7, c'était l'implication émotionnelle, qui néanmoins est titillée au moment de la trahison de l'immortel, et des passages sur Prométhée, et sur la Flamme et la Volonté d'Existence.
Pour l'implication intellectuelle, pas de souci, difficile de faire mieux. Et je sais m'en suffire aussi :)

Hm, que dire d'autre ?

Excellent chapitre hein, si ce n'est pas le meilleur de la fic à mon goût, c'est en tout cas le meilleur dans son genre, je trouve.
Tu n'as pas fait de fausses promesses sur Khaine. Je me souviens encore comment il a été teasé en amont, et finalement, il dépasse encore plus ce à quoi on aurait pu s'attendre. Parfait!
Perso je m'attache facilement quand un chapitre est tourné quasi-exclusivement sur un personnage (d'ailleurs j'use et malheureusement abuse de ce procédé) du coup Khaine rentre dans le cercle fermé de mes petits protégés ^^
Bonne chance pour la sweet ! o/
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Re: DBAF-Lamantin

Messagepar Lamantin_Furtif le Dim Nov 05, 2017 23:31

Merci pour le comm, Omurah !

Alors :
Je suis super content que tu aies autant apprécié le chapitre. Ce duel était une scène clé de la fc, que j'avait en tête depuis le début de la fic. S'il donne l'impression d'un capitre final, c'est que c'en est en effet un : c'est le chapitre final de la chute des mages, que je me suis résolu à ne pas écrire. Khaine et l'Aberration sont plus ou moins le niveau maximal théoriquement atteignable pour une créature vivaante, ils mettent en place les enjeux de ce DBAF, et mettent une ligne d'arrivée à la coursse àà la puissance. On ne peut pas aller au-dessus de ces deux-là, reste à savoir comment Goku va y arriver.
Le fait que certains passages (notemment celui où ils brisent l'univers) demandent une ou deux relecture... Je ne pense pas pouvoir passer à côté. On en est à la frontière de ce que j'arrive à écrire en terme de dissolution de la réalité.

Quant au manque d'implication émotionnelle... J'avoue avoir un peu raté le coche avec Khaine. Mais ce personnage est un tel parangon de vertu que je le préfère distant, un peu inhumain à sa manière. Content qu'il t'ai plu quand même, au final !
Allez !

NOUVEAU CHAP !!!

Voilà.

Chapitre 19 - Le début de la fin



La Citadelle était étrangement calme, ce matin. Presque la moitié de sa population avait été drainée par les nombreuses tâches administratives et militaires dans le monde du dessus. Mais sa garde, dirigée par Adjack en personne n'avaient pas dégénéré pour autant, et le cœur du makaï était toujours aussi inexpugnable. Les patrouilles zébraient les cieux et inspectaient les rues à intervalles réguliers, et pour ce qui était des sortilèges qui renforçaient les muraille, Uranie venait de les inspecter elle-même. Cela aurait été assez long et ennuyeux, même sans savoir à l'avance que tout serait en ordre. Évidemment que tout était en ordre. Personne n'avait attaqué la citadelle depuis le règne de Dabra. Enfin, depuis l'extérieur au moins, se corrigea-t-elle en se remémorant l'épisode des makaïoshins. Aussi savourait-elle son repos bien mérité, au fin fond de la bibliothèque, là où personne ne viendrait la déranger.
Son exploration des défenses souterraines de la citadelle l'avait faite trébucher sur un recoin jusque-là inconnu de la bibliothèque. Il était rempli de livres anciens tombant en poussière et écrits dans des dialectes oubliés. Le paradis.
Elle écumait cette section depuis trois heures, stockant dans des sacs scellés les ouvrages qui nécessitaient une rénovation avant d'être lus. Les sortilèges de préservation de l'époque n'étaient pas du tout au point. Elle soupira ordonnant à un de ses familiers de soulever un énième grimoire probablement plus lourd qu'elle, quand une feuille de papiers s'en échappa. C'était du parchemin, mais étonnamment bien préservé. Sa curiosité piquée au vif, la sorcière s'en empara immédiatement. Quelqu'n avait caché une note ici, il y a une éternité. Les mots, griffonnés à la hâte, étaient à peine lisibles, mais Uranie était habituée à l'exercice et s'habitua vite à l’écriture.


Ceci est ma dernière lettre, car mon testament ne sera jamais lu, mon héritage sera défiguré, et mon histoire sera réécrite. C'est un châtiment que j'ai attiré sur moi pour les deux plus infâmes crimes qu'un homme et un roi puissent commettre. Par désespoir ou par faiblesse, je ne le sais même plus. Je ne peux plus jeter un regard sur mon passé avec une quelque certitude que ce soit. Étais-je aveuglé par l'avidité, par la peur de voir mon peuple exterminé, par la colère envers mon frère et moi-même, qui échouions alors à le sauver ? Ou est-ce la vile magie des makaïoshins qui a assombri mon esprit ?
Le châtiment arrive. Je le sais, au fond de moi même. Le souvenir s'était effacé pendant tant d'années, mais il revient lentement. Mon créateur est là, il vient pour défaire la malédiction que j'ai jeté sur mon royaume et je doute que même lui y parvienne.
Je le devine terriblement puissant, mais affaibli. Il vient, s'impose de nouveau à mon esprit alors qu'il quitte sa retraite pour me punir.

Je le mérite. Je le mérite mille mois.
Je mérite la mort pour avoir tué mon frère.
Je mérite l'oubli pour avoir vendu mon peuple aux dieux noirs, et accepté de souiller leurs âmes à jamais.

Moi, Gilgamesh, premier roi du makaï, recevrai la mort avec soulagement.

Puisse le souvenir de mes actes s'effacer à jamais.



Paralysée, Uranie perçut un son de pas derrière elle et lâcha brusquement le parchemin. La révélation saturait son intellect qui peinait à déterminer la conduite à suivre. Que faire de ce document ? Le cacher pouvait être aussi dangereux que de le révéler. S'il était authentifié, il encrasserait irrémédiablement la légitimité de la lignée royale. Mais détruire un tel document ? Pouvait-elle seulement le faire ?
Elle se retourna brusquement dans la lumière vacillante des familiers.
Adjack se tenait là, dans son uniforme, tenant une lampe dans la main droite. Elle semblait aussi perturbée que son aura.

    - Je t'ai cherchée partout. Tu vas bien ?
La sorcière se déplaça sur le parchemin, pour empêcher qu'Adjack n'y jette un seul coup d’œil, dans le cas improbable où elle saurait déchiffrer ce dialecte.

    - Ha, non, rien de particulier... Je triais juste quelques livres.
La capitaine des gardes de la Citadelle la dépassa, se pencha sur la table et parcourut les différents ouvrages qui y reposaient, à peine intéressée. Autre chose la préoccupait, et Uranie était presque certaine que ce n'était pas la note qu'elle cachait sous son talon. Adjack s'était rapprochée, et Uranie sentit une autre chose poindre dans son aura.

Hostilité.

Ce fut la toute dernière pensée cohérente à traverser son esprit. Une demie-seconde plus tard, sa boite crânienne avait explosé sous le poing de la guerrière, et les lambeaux de sa cervelle sanguinolente chutaient au sol, noyant la lettre de Gilgamesh dans les fluides vitaux.
Grave, la meurtrière s'essuya les mains dans la robe de sa victime et quitta la salle avec empressement.


*******

Ils étaient quinze. Adjack serait la seizième. Comme prévu, ils s'étaient infiltrés dans la Citadelle, maintenant que la seule personne à même de les détecter gisait dans son sang au plus profond de la bibliothèque. Ils ressemblaient à des momies, enroulés qu'ils étaient dans plusieurs couches d'étoffe enchantée masquant leurs kis. Sans les voir, elle devinait les entrelacs de tatouages qui leur offrirait au moins une forme de protection contre le nécromancien.
La dernière heure de ce monstre avait sonné. Il avait peut-être corrompu la reine et la plupart des nobles, mais le makaï se souvenait, et n'accepterait jamais ce mage comme maître.

Eden était calme, aujourd'hui. Adjack avait sélectionné des gardes de confiance, qui n'avaient pas plus d'affection qu'elle pour le nécromancien. En moins d'un siècle, il avait défiguré un royaume cent fois millénaire. Les rues voyaient un mort pour cinq vivants. Les guerriers se cachaient pendant que les corps désacralisés de leurs ancêtres combattaient pour eux, et les marchands s'engraissaient sur le labeur d'esclaves tués il y a longtemps par des tâches d'autant plus éreintantes que leurs vies, remplaçables, avaient perdu toute valeur. Des dragons domestiques montaient la garde dans des avant-postes aux quatre coins du royaume et combattaient leurs cousins sauvages, pendant que des seigneurs régents décadents se noyaient dans le stupre.
Cela devait finir. Rien ne pouvait justifier une telle dégénérescence.

Les insurgés se défirent de leurs camouflages. Le combat serait bien assez difficile sans rien pour les encombrer, et ils auraient besoin de toute leur agilité pour esquiver les redoutables flammes noires.

Ellac état parmi eux, sans surprise. Même camouflée par le tissu il était impossible de se méprendre sa silhouette pour une autre. Adjack ne l'avait jamais vu si sérieux et déterminé. Sa résurrection était une tâche sur son honneur que seule la mort du nécromancien saurait laver. Il avait amené le plus puissant de ses fils avec lui : Bleda. Une force de la nature, qui, sans la transformation à laquelle Ellac avait accès, aurait surpassé son père en tout point au combat. Il était gigantesque, aussi gras que musclé, et avait remporté haut la main toutes les épreuves de forces auxquelles on l'avait opposé. Mais pour ce combat-ci, la taille était un désavantage, et sa constitution ne lui serait d'aucune utilité : le corps à corps était hors-de-question face au toucher mortel du nécromancien.

Il faudrait aller vite, esquiver tout ce qu'il serait possible d'esquiver (impossible de prévoir ce que le mage leur réservait), et oblitérer leur ennemi sous une pluie de kikohas avant qu'il ne puisse incanter de sort trop dangereux. Tout le monde ici le savait, ils s'étaient longuement préparés pour cet engagement.

Adjack fit signe aux deux gardes complices qui surveillaient la geôle du nécromancien, et ils s'alignèrent derrière elle, pendant que les guerriers tribaux se rangeaient hors de vue, mais prêts à frapper en un instant. Ellac se tenait en arrière pour intervenir en renfort, et Bleda restait à droite de la porte, d'où il déchargerait l'une de ses puissantes attaques de ki. Sans qu'on puisse d'aucune manière parler de « point faible », le nécromancien y était infiniment plus vulnérable qu'aux sortilèges où aux attaques physiques.
La bâtarde royale prit une grande inspiration, échangea un long regard avec Ellac, et déverrouilla la porte.

Abel était là, dans sa cellule aménagée en suite luxueuse. Il était allongé sur son lit, torse nu, en train de lire un livre (un recueil de légendes, pour ce qu'elle en distinguait). À peine eut-elle ouvert, qu'il descendit du lit, le livre toujours en main, l'air surpris.

Bonjour Adjack. Qu'est-ce qu'il se passe ?

Elle hésita une demie seconde devant l'air innocent du mage. N'avait-il vraiment rien... ?

Mangé ?

La corbeille de fruits sur son étagère était encore pleine. Le cerveau d'Adjack passa en mode combat, et raisonna à toute vitesse. Le panier débordait de fruits juteux. Or, on la lui avait apportée pas loin de deux heures auparavant. S'il y avait bien une chose dont Adjack soit absolument certaine au sujet d'Abel, c'était que, désœuvré, il était incapable de contrôler son appétit pour les fruits frais.
Il avait été très occupé pendant ces deux heures.

Le temps reprit son cours, et Ajack ne le laissa pas finir son pas. Elle se jeta à droite, souleva Bleda, et le plaqua de toutes ses forces contre l'ouverture béante de la porte. Juste à temps. Déjà, une tornade de flammes noires s'échappait du corps du faux Abel, et furent contenues de justesse par le corps immense du fils d'Ellac. Les muscles tendus, elle tint encore une longue minute après que le son des flammes se soit éteint. À raison : une deuxième salve, exactement aussi puissante que la première, frappa de nouveau quand elle s'apprêtait à lâcher.

Le silence s'était fait à nouveau dans Eden. Les insurgés, nerveux, scrutaient chaque ombre et se rapprochaient instinctivement les uns des autres, oubliant que cela les rendait d'autant plus vulnérables aux attaques du mage. Mais iln'était pas là. Sinon, il aurait profité de l'effet de surprise pour frapper, et aucun d'entre eux ne serait encore en vie.
Adjack réfléchissait à toute allure : où ?

*******


Panka détecta l'alarme déclenchée par la porte d'Eden, et quitta brusquement son bureau pour tomber nez à nez avec son père. Il était là, adossé près de la porte de la chambre, comme s'il attendait son attention depuis plusieurs minutes. C'était sans doute le cas. La princesse vérifia que les gardes postés à sa porte étaient bien vivants, et ne fut qu'à moitié soulagée de constater que oui.
Il pouvait s'échapper quand il le voulait depuis le tout début. Ses pires craintes devenaient réalité. Elle avait cru entraver son père, surpasser cette figure invincible qui la manipulait (elle en était sûre) pour quelque plan machiavélique qu'elle ne pouvait déchiffrer. Mais cela n'avait été qu'une illusion : elle n'avait pas le pouvoir de l'arrêter. Personne dans tout le royaume ne l'avait. Ses plans n'avaient même pas été ralentis par son emprisonnement.
Une boule d'angoisse lui remontait dans la gorge, même si elle savait qu'il ne comptait pas lui faire de mal (du moins, pour l'instant). Elle était une mouche prise dans une toile, et se débattre n'apportait qu'une illusion fugace de liberté. Tout le monde était piégé : elle, sa mère, tout le royaume...

Un jeune homme se tenait dans la salle. Un sorcier, elle le devina instantanément, tant à son apparence qu'à son aura. Son père avait caché sa présence... Ou bien s'était-il caché lui-même ? S'il était bien son apprenti, c'était parfaitement possible.
Combien avait-il d'agents agissant en son nom au sein du Makaï, exactement ?

Celui-ci transportait un genre de terrarium sur un harnais. Elle distinguait les petites formes noires des insectes prisonniers de l'instable cage de fer. Mal assuré, il s'appliquait à ne pas faire basculer son fardeau sans jamais oser croiser le regard de la princesse.

    - Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, il y a une rébellion en cours. Ellac et Adjack ont fait ami-ami, on dirait. Et ils étaient bien partis pour essayer de me tuer.

    - Et vous n'avez pas eu de mal à leur échapper. Problème réglé ?
Elle n'avait aucune envie d'entrer dans son jeu. Abel soupira.

    - Ce sera réglé quand nous serons tous les deux en sécurité. Suis-moi, nous allons retrouver ta mère et...

    - Nous ? C'est ton problème ! Ils n’oseront jamais lever la main sur moi.

    - Possible... Tu prends le pari ?
La délégation renégate avait franchi le premier mur de la citadelle, Panka pouvait les détecter alors qu'il fonçaient vers ses appartements. Elle hésita encore quelques secondes avant d’emboîter le pas à son père, à travers le portail qu'il venait d'ouvrir vers l'Arène.


*******


Le gigantesque dragon écarlate envoya sa victime flasque et désarticulée s'écraser à plusieurs centaines de mètres. Le corps tordu et voûté du vampire sauvage semblait encore plus inhumain que lorsqu'il avait commencé son combat contre Dracula. Ce qui était un exploit en soi, remarqua Lestat. Comme ses frères exilés avaient dégénéré ! Cette lignée n'avait jamais accepté les enseignements du prophète, et avaient orienté leur culte du seigneur des ténèbres dans une toute autre direction : ils tentaient de générer le vampire ultime par toute sorte de croisements et d'expériences immondes. À leur décharge, celui-ci avait tenu dix bonnes minutes contre la forme draconique de Dracula, ce dont même Lestat aurait été parfaitement incapable.

Les mains dans les poches, il se contentait d'observer les combats depuis une heure environs. Il n'y avait pas grand-chose à faire : les différents clans de vampires strigoi n'attaquaient que l'adversaire le plus puissant, essayant (sans succès) de prouver la supériorité de leur programme d'amélioration. Lestat avait une sorte d'affection pour cette bande de barjots. Isolationnistes à l'extrême, les strigoi toléraient à peine les autres clans et attaquaient à vue tout le reste, y compris les autres lignées de vampires pour « préserver leur pureté et leurs secrets ». Tous les deux cent ans environs, un clan parvenait à créer « l'héritier ultime », un strigoi particulièrement puissant habité de visions qui partait à l'assaut du vaste monde, persuadé d'être la réincarnation du nécromancien. Ils devenaient insupportables, à ces moments-là, attaquant ouvertement toutes les planètes à la portée de leurs quelques vaisseaux primitifs, cherchant même à asservir les autres clans de vampires. C'était l'une de ces périodes d'agression qui avait la première fois attiré l'attention de Taris sur leurs communautés, avec les conséquences néfastes connues de tous...
Leur haine réciproque du monde entier les avait enfermés dans le seul endroit où même les démons du froid ne viendraient pas les chercher : Locra, la planète morte, lieu mythique qui avait vu la mort d'Abel Alazrhad et la naissance du nécromancien.

Rien ne vivait, ici. Pas d'arbres, pas de plantes, même pas de bactéries. Loin dans le ciel, des torches de flammes noires zébraient les nuages et, lors d'un mouvement trop brusque, on pouvait les susciter jusqu'à la surface.
En vérité, elles englobaient la planète entière et il était impossible de les en éloigner.

À une époque lointaine, un démon du froid avait tenté de résoudre le problème posé par Locra en la détruisant purement et simplement depuis l'espace, mais la physiologie surhumaine des strigoi avait tenu le choc, et, prospérant comme des cafards sur les îlots de roc et de magma, ils avaient profité de la nouvelle profusion d'éléments radioactifs à la surface pour synthétiser en masse les catalyseurs magiques nécessaires à leur survie. Leur population avait alors connu une explosion. Depuis ce jour là, les démons du froid avaient cessé d'essayer de régler le problème, de peur de l'aggraver encore.

En la présence d'un individu capable de repousser les assauts soutenus des strigoi, Locra devenait effectivement l'endroit le plus sûr de la galaxie pour une bande de vampires en cavale. Le seul véritable obstacle à leur installation était l'absence totale de sang frais (celui des autres vampires était notoirement impropre à la consommation, à moins de vouloir finir aussi hideux et dégénéré qu'un strigoi). Par chance, ils avaient rapidement débusqué une tanière, exterminé ses habitants, et pris possession de leurs réserves de poussière stellaire irradiée. Ça ne valait absolument pas une bonne pinte de sang, mais cela leur permettrait de survivre le temps de quitter les lieux. Sally, leur nouvelle recrue, était toujours comateuse et se reposait dans un lit. Sa transformation remontait à un mois, mais entre le voyage en vaisseau spatial et son nouveau régime à base de poussière, il fallait s'attendre à ce qu'elle mette du temps à s'adapter. Lestat avait même peur qu'elle en garde des séquelles irréversibles. Il soupçonnait le régime alimentaire des strigoi d'être à l'origine de leur relative faiblesse malgré leurs perpétuelles tentatives d'amélioration.

Une quinzaine de vampires supplémentaires venaient d'engager le combat contre Dracula. Une dizaine, après que le patriarche ait fait parler son souffle enflammé. Après la trentième fois, le spectacle devenait lassant. Sally étant inactive, Lestat tourna la tête vers les deux derniers membres de leur groupe.
Deux jeunes filles, du moins en apparence. Pour des vampires, soixante-douze et soixante-neuf ans en faisaient au mieux des adolescentes, mais leur âge n'avait pas été la raison pour laquelle Lestat était allé chercher ces deux sœurs. Premièrement, elles étaient des vagabondes non affiliées, et étaient passées sous les radars lors de la purge de Taris. Deuxièmement, Remilia et Flandre étaient de véritables petits prodiges de l'informatique, des hackeuses de génie qui se servaient de leurs talents à la fois pour masquer leurs traces et pour gagner leurs vies dans le monde merveilleux de la cyber-criminalité. Lestat devait la réussite de plus d'une mission à ce duo de choc, et il leur faisait entièrement confiance pour l'opération à venir.
Depuis plusieurs jours déjà elles s'échinaient à connecter un énorme appareillage de câbles, de processeurs et d'antennes à une série de pentagrammes et de décoctions magiques préparées par Dracula. D'après ce que Lestat avait compris, les plans fournis par le prophète faisaient référence à des pièces dont la production avait cessé depuis des siècles, à un type de processeur qui leur était complètement inconnu, et requérait une précision extrême dans le nombre et la position des branchements, qui ne devaient en aucun cas se croiser.
Entre ça, le régime à base de poussière et l'ambiance pesante de Locra, il aurait été exagéré de dire que les deux sœurs avaient apprécié l'excursion. Mais même si Lestat leur avait laissé le choix (ce qu'il n'avait pas fait), les deux vagabondes comprenaient l'importance de leur mission et auraient accepté.

Le seigneur des ténèbres était de retour. Lestat avait la chair de poule dès que cette pensée lui traversait l'esprit. Il serait là pour le voir, l'événement dont toutes les générations avant lui avaient rêvé.
Flandre et Remilia avaient arrêté de batailler avec leur cables, et fixaient un point derrière lui, bouches bées.

    - Au revoir, Matsu ! N'oublie pas tes exercices !
Le portail se referma, sans que Lestat ne l'ai entendu s'ouvrir. Il était là, un démon femelle à sa droite l'escortait, mais Lestat ne lui accorda pas un regard. Il cherchait à imprimer à jamais dans son esprit cette silhouette, ces vêtements dorés, ces yeux ambrés et ce sourire déterminé. Il ne cilla pas quand le son tonitruant du terrarium brisé atteignit ses oreilles, ni quand des milliers de petites âmes brillantes le quittèrent pour s'accumuler sur la paume du nécromancien.

    - Bien, je vois que tout est en place. Peut-on commencer ?

    - Pas tout à fait. Elles ont besoin d'un peu de temps.
Dracula venait de reprendre la forme humaine, et son long manteau de cuir était encore dégoulinant de sang coagulé. Il reçut l'expression désappointé de son maître avec un visage de pierre, avant de reprendre :

    - Mais sans les strigoi pour nous déranger, ce ne sera qu'une question de minutes.


*******


Sheol.

Une effroyable preuve de la cruauté sans limite dont pouvait faire preuve le Lion.

Ce monde toute entier était un abîme. Chaque recoin était tranchant, noir, pentu. Toutes les lignes convergeaient vers le même destin funèbre, vers le même trou sans fond. C'était un piège cruel, qui condamnait ses victimes à une agonie interminable, et dont les dents impitoyables, aussi bien réelles qu'éthérées, ne cédaient à leurs proies une illusion de liberté qu'au prix d' une grande douleur. Non pas que la souffrance soit évitable, ici : à vouloir l'atténuer par l'immobilité, on ne faisait que susciter l'angoisse propre à la proie passive.
Piégés dans une chute perpétuelle vers le fond inexistant de ce gouffre infini, une horde d'archéens bannis pleuraient leur désespoir et leur regret. Chacun d'entre eux avait trahi le Lion, et avait tourné son allégeance vers les mages. Une erreur qu'ils avaient eu tout le loisir de regretter au cours des millénaires.
Leurs lamentations, unies, distordaient encore plus cet univers chaotique. C'était un chœur cacophonique qui imprimait son calvaire par une foule de moyens seulement accessibles à des êtres libérés des contraintes de la matière. Sheol était l'enfer ultime à double titre : à la fois par sa construction et par ses occupants. Mais le plus terrible des occupants était silencieux, lui.
Le Lionceau, comme on l'avait appelé longtemps. Mais ce nom réducteur avait vite semblé hors de propos pour ce qui avait été la seconde créature la plus crainte de l'ancien monde. L'archéen était la toute première création du Lion. Le premier exemple connu d'un membre de son espèce capable d'engendrer une progéniture.

Deux Singularités. C'était inouï. L'univers avait mué à deux reprises, et IL s'était accroché, comme un parasite trop implanté pour disparaître, IL avait planté ses griffes et n'avait pas lâché la carcasse universelle. Chaque fois, IL avait changé. Peut-être était-ce pour cela qu'IL ne parvenait plus à contenir SA présence, qu'IL était si brutal, si... Si stupide.
IL s'en était forcément rendu compte, et le lionceau était de toute évidence une tentative de concevoir une créature à sa hauteur, mais privée de ses défauts. Aussi puissant que son géniteur, mais considérablement plus subtil, capable d'adopter une forme physique ou éthérée à loisir, de se manifester sans conséquence pour ses prochains, il avait été doté d'une intelligence sournoise et plus acérée que celle de n'importe quel mortel dont Bellica ait eu connaissance.
Il avait été rebaptisé Sheïtan, et le monde avait tremblé devant lui. Irradiant de puissance, il s'était cru capable de vaincre son père. Lors de la chute, il avait pris le parti des mages et défié le Lion dans un combat qui avait fait trembler le firmament.

Mais Sheïtan avait perdu. Au final, rien même le Lion ne pouvait pas concevoir de créature capable de LE surpasser. Sheïtan avait chuté, foudroyé, et avait emporté dans sa chute tous les archéens qui l'avaient suivi dans sa rébellion. Dans sa fureur, le Lion était parvenu à arracher son âme sans le tuer, et avait projeté la carcasse mutilées dans l'abîme. En temps voulu, chacun des archéens renégats l'y avaient rejoint, à l'exception de Lucifer, et d'Azazaël.
Et maintenant, tout au fond de cette prison affreuse, l'ombre du déchu se tenait, prostrée, transpercée par une douleur insurmontable et incurable : il avait été séparé de son âme, de sa flamme, de son soi véritable. Jadis si puissant, il n'était à présent guère plus qu'une pelote de souffrance et de regrets, effacée et imbécile ; son esprit incapable de prononcer la volonté de briser en miettes cette prison sous-dimensionnée. Car aucune prison d'aucune sorte n'aurait pu contenir Sheïtan au sommet de sa puissance.
Oh, comme les puissants avaient chuté.

Bellica avait pitié, en vérité. Foulant de ses sabots la pierre cruelle de Sheol, elle égarait son regard vers ces murs torturés, ces parois impossibles qui se refermaient partout à la foi. Quelques archéens rendus fous par l'isolement de jetaient sur elle, et elle prenait garde à ne pas les tuer en les repoussant : le Lion s'en offenserait.
De plus, elle était venue pour parler à l'un d'entre eux.

Il était déjà là. Le sol sous elle s'était enfoncé de plusieurs mètres, alors que les bords du cratère nouvellement formés se relevaient, formant une gueule grimaçante et acérée dont les crocs se dessinaient petit à petit. Bellica ne leur en laissa pas le temps. Trois gestes de sa part, et le visage de pierre qui l'encerclait se fissura en de multiples points avant de tomber en poussière. La seconde attaque partait déjà : l'air, au-dessus d'elle, avait pris la forme d'une tornade figée. Ses dimensions croissaient de seconde en seconde, alors que des bris de roche tranchante s'ajoutaient au tourbillon.
Bellica ne se laissa pas déconcentrer, et tua d'une autre impulsion les tentacules acérés qui jaillissaient de la pierre autours d'elle pour saisir ses chevilles. La tornade se dressa, comme une lance levée par un chasseur invisible, mais avant que le coup ne soit porté, une troisième impulsion de Bellica avait éclaté l'avatar de l'archéen. Il y eut un moment de calme, durant lequel Bellica sonda chaque plan, attentive à la prochaine tentative d'agression de la part de l'archéen, mais elle ne vint pas. À la place, un monticule de pierre éclatée prit lentement la forme d'un masque grimaçant et inhumain, qui s'anima pour articuler une phrase. Sa voix était comme celle d'une caverne.

    - B͚̱̠̘̥͐͑̓͌̆eͨl̊̈́̉̄l̷̲͉͕̆i̻̰̻̠͈̤̭ͣ͛ͮ̍̈c͚̦̭͐͘a̮͓̗̩̗͆.̠͎ͭ͝.͙̙͎̗̓̄.̫̩ͣ͜
Elle dévisagea lentement ce masque, qui n'avait rien à voir avec la chose qui lui parlait. Dire qu'il n'avait pas de corps serait inexact : tout était son corps, et elle sentait les courants puissants qui tentaient de façonner sa chair son sang et ses os comme ils façonnaient la pierre et le sable auxquels elle répondit. Il lui fallait bien quelque chose à fixer, même si elle avait conscience de son interlocuteur tout autours d'elle.

    - Léviathan. La Singularité approche.
Le sol trembla, comme parcouru d'une vague, et des flammes dansèrent dans la poussière noire. Partout autours, les archéens inférieurs reculèrent devant le trouble de Léviathan, comme des rats qui, voyant un éléphant indisposé, fuient le lieu de sa chute potentielle. Il était véritablement immense. Assez pour avoir encaissé sans broncher trois des attaques de Bellica. Chaque choc avait creusé un trou monumental dans son aura, mais c'était une perturbation mineure et temporaire pour celui-qui-n'a-pas-de-forme.
Il était même trop immense pour que l'Abîme le contienne entièrement. Une partie de l'archéen dépassait encore de cette bulle immonde, et c'était tout ce qui lui avait évité d'atteindre le même degré de dégénérescence que ses confrères.

    - ̙̻͑͆͂͐̚Q̨̩̭͍͓̺̗̯̓́̅̏̎͊̆u̠͈͉̪̺̙'ͦ̒̍ͣͮͧȅ̏̀̂l̤̻̙̹͕̠̲l̟̻̟̲̤̭͒e͖̜͛̌ ̠̳̄ͩ̆ͣ͡v̝̻̹̟i̪̦̣͙͉͔e̲̾ͅn͙̮̓̾̏̐̅̚n̓̃̍ͬë̸͖̲̟̜ͧ.͔͗ͥ͗ͮ̑ ͓̘͒ͣ̏̾͘E͍̺̘̫̾̏̄ͤ̑̊ͅt̓ͦ͊͂ ̰̯̞͉͑q̼u͎͇̺ͫͨͭ̈͑ͩ̚'̲͈̗̣͚̣̌ͯ̓ͦ́e͒̎̓ļ̮̖̙̬̭̣̬l͌̎͜e̬ͯͦ͆͂͢ ̡ͯͅmẽ͗t̞̖ͬ͆ͥ̄ͫṫͮ̀̊̓͛͏̰̫̦̟̥ͅe̢̯̣̮̜̜̫ͬ̅ ͍̱̊ͧ̆͑̚u͍͛ṇ̰̤͙̾ͮ̏̓̀̑ͮ͞ ͨ̇ͨ̊̅͊ͨ͏̠͚̩͍͙͙t͚̠̋ͩe̝̟r͍͕m͊҉̤͎ȩ̪̯̭̈̐̒̒ ̠͙̹̗ͪ̋̀̎̃́́à̘̖̩̗͑̎̌ͮ̿ ͉̳̞͇͎̝̰ͬ͗c̡̲̙̘e͕̲̩̤͎͋ͨ̈́̈́͛t̛̻͎͖̪̗̑̐̒͋̇̚t̵̻̬̤̟͓̯̆ͯͥ͌ȩ͎̠͇̇̋̋ ̠̺ͯ̒̓͂ͥ͗ḧ̟̖̪̼̳̇̌͒͛i͔̰̭̟ͫͩ͌s̱̱̮t̨̄ͮͬͦ͒o̳͎̗̯̫̅ͧ̏ͧi͛̽̄ͬ͗͝r͕͖͇͍͈̐ͬ͛̑̚ͅȩ͓̮̝̏ͬ ̈́͛͏͈͔̲s̶̉͐̿o̡̙̗͖͕̮̟̟̓̊ͨ́ͣ̄ͯr̳͌ͩ͂͗̽̆̚d̖͖͍̰̜̀͆̾ͧ̆̍î̜͙͈̞̦̭̄͡d̡̖̰ͫ̓e̢͇͈̺̟̖̻ͭͧͦ̉̚ͅ
Le mage contempla de tous ses sens le tableau aux infinies facettes qui s'étendait devant elle. Cela en avait-il valu tous les sacrifices, au final ? Cette abomination était-elle rachetée par les infinies étendues de splendeurs de l'ancien monde ?

    - Non... IL vous a condamné pour l'éternité. Toi, les autres, Sheïtan...

    - C̡̺ͦ̈́̿̈e͕̮̗͆̿ͧ ̞̜͓̼̏̅̽ͮͨͧn͓̻̜̼͓̅ͦͮͦ̈́͢'͖̭̦͉̃ͫͤ̕eͬ҉̗̤̜s̬̣͂͑̑̏t̨̬͓̩̯̆ ̮͕̭̳̞̖͇͌̋p̥ͦ͒͗̓l̬̣͔͌́ͧͪu̗͉̝̺̻̺̠̅͘s̡̘̙͍̫ͥ̄̓͐̾̔ ̮̹͇̓S̲̱͇̰̺͛̓̋̓̊̓h͙̜̰̭̥̻̥͂̾e͔̯͉̲̖̦̠̽̍ͣ̚i̢͖̬̰̬̦̱̙t̩̣͈̬̆̄̈̉ͨ̒̾͞ͅa̺̭͉̙̦̮̖͆̉̆ͯ̆ͪ͟n̖̗͙̖͒͊̉͒͜.̩̳̰ ͈̗̟͖̈́̏͑I̺̺͎̗̖̺͐L̶͚̑͌́̾ ̜̱͉̝̮̏̒̓ͥn͎̞̐o͚̺͇͔̘̮̭̊ͮ͌ͥū̫̙̞̫ͧsͭ̓̿̊ͨͩͣ ̺ͣ͐̓̐̄ͧ̇l͉͂ͮͪ̂̀'͙̤̿̋̚å̡͇̤̣͈̩̥͕͑̉ ̷͕̟͙̝̔̈̇̃̿͋͌aͦ̓̐͌ͭͥ͏̥͈͇͓͈r͖͉͘r̞̫͓ͫ̿̇͒ͫ͢a͓̮͚̤͞çͪ̈̏̉͒h̟̪̓̀̐ͮͦ̇̓é̏҉͚̭̬̼̙͉̦.̟̯̭̺̝̣ͭ̈͞ͅ ͖̣̥̟̃̽́

Bellica se tu. Pourquoi était-elle descendue ici ? Quels souvenirs, quelles culpabilités, quelles loyautés enfouies avait-elle cherché à faire taire ? Il n'y avait rien pour elle ici, à part des fantômes et des regrets.
Bientôt, il en serait de même pour l'Arène.

Les murs de l'abîme furent pris d'un tremblement formidable et, un instant, Bellica vu le prédateur sans nombre ni visage qui pressait, par-delà le voile. À travers ses sens surhumains, elle sentait qu'on avait retiré un pilier à l'univers. Quelque chose manquait, et tout commençait à s'effondre, lentement. Comme si quelqu'un avait ouvert un siphon sous l'océan.
L'ancien monde se vidait de sa substance. Un trou était apparu, qui avalait tout et qui s'élargissait sans arrêt. C'était invisible, pour l'instant, mais cela grandirait, elle se sentait.

La Singularité. Elle entendit un rire caverneux, qui faisait trembler l'abîme tout entier et un peu au-delà. Témoin du compte à rebours vers son annihilation, Leviathan exultait.

    - ̮̺́J̨̯̦̍ͩ̿͂ͩͨ͗'̳̲̯̮̉ͤ̇ͬ̍̐͆e̵̖͛ͭͧs̹͢p̫̲͔è̢͍͙̫ͫ̃̔ͣ̏ͦr̶̯̼̗͚e̾̓͛ͯ̒͂̉͞ ̴̉͐ͪ̅ͥ̏̆q̞͗ͮͪ̚͟ů̡̘̪̖͚̘̆̄̉̿̅ͬẽ̞͂͆̀̾ͮ͡ ͇͓͖̳̓tͬ́̋̍ú̮ͨ ̞̙̝̼̓c͍̝̜͍͎̜o̗̥̞̹̬̜̲͘n̜̟͢ñ̘̙̗a̼̤̠͔̺͇ͨ̄̅͢iͧ̎͝t͇̹̣̯̭r͈̭̙̳̣ͤ͝á̸̤͉͎̥̥̖̂̌ș̳̗̼͓̗̱̽̇̓́̌̉ͬ͘ ͔̯̰̬͗ͧ̊͂́ú̪̭̦̜̮͓̆̓n̠͖̠̱̲̰e̴̳̜̯̼͈̒ͪ̄ ̗̠ͫͩͭ̚f̱̘i̞̙̭̤̻͍͎͋̌ͣ̉̉ͯn͎̩ͪ̏ͬͩ̊͆̉ ̰͕̊̎̑̌̏̄ͬ̕ͅa̭͚̥̝͉ͤͬṷ̯͚͗̓͂ͫ̉͌ͩ͘s͔̱͎ͦͤs̤̪͉̠̺̫̲̉͗̒̂ͩ̓͗ĩ̮͇̜͕ͣ̀̊̉ ͕ͥa̸̖͕͓b͊̿o̘̯̪ͨ͋͆̐̏͠m͎͍ĭ͚͍͓͖͇̻̊n̫͖͎̮̖͉ͥ̒̽̍͐͛̚à̩̲̳̫̟̤̻̈̎̚b̡̩̤̫͙̂̆l̞e̞̱̦̙̼̒̓ ͕̅̋̊̏̿̐̐q͒̔҉͍̘͓ủ̹̱̭́ͧe̖̩̭͕͙̻ͧ̄̒͢ ̈͝l̳͕̋̔̿̇̍̀a̶̫̲͓̞ ̩̯̯̑̑̓̉͂͘m̐͂ͩ̾i̫̱̲̰̞̎͂ͣ̈́̽̌e̯͒͆͂́n͎͐ͭ̐ͮͅn̻͔͓͎ͫͨ̋é͇͓̣̲̬͙̰,͓͍͕͕ͅ ̘̜̺̜̻̄͊ͣ̓̀t̥͙̐ͯrͥ̊̂̅̉̋҉̬͕ai͈̪̠̪ẗ͓̭͚̰̃ͅr̻̣̻̠̠̙̋ͧ̓̈́e̡̓̀̒̾̎̇͌s̯̬̣͍̖̆̊͊s̱̤̤͙̳̳ͅe̡̖̺̯̯͆̈́ͧ̅ͫ̎̈́.̬̖͖̓ ̸̳̐̀́ͨͩ
Le mage n'avait plus aucune raison de rester ici. Elle se leva, creusa un passage vers son palais et répliqua, avec un dernier regard derrière son épaule.

    - Ne compte pas là-dessus. Et ton supplice est loin d'être fini.


********


    - C'est elle.
Goujin s'était contenté d'énoncer un fait, sans témoigner de la moindre marque d'hésitation alors que l'intégralité de l'armée terrienne était restée figée de terreur.

    - Elle a amené une arme.
Évidence. Mais il était le seul à ne pas rester figé de terreur devant ce qu'il percevait, sur l'astre pâle qui les surplombait depuis le ciel étoilé. Les énergies maléfiques d'une armée de démons infinies, indistinguables les unes des autres tant ils étaient nombreux et puissants luisaient depuis des semaines maintenant, mais ce qui venait d'apparaître les faisait toutes taire, comme le soleil levant occupe impitoyablement tous les sièges du firmament.

Un soleil noir de ki brut, qui étendait ses tentacules maléfiques tout autours de lui. Il était aveuglant. Quelque part à la gauche de Son Goujin, Kaïoshin reprit sa contenance, balbutiant.

    « Je ne pourrai pas m'en approcher... »
C'était un anathème à l'existence du dieu. À sa proximité, on sentait un monde qui reculait et un autre qui prenait sa place.

Goujin jeta un rapide coup d’œil à leur assemblée. En retirant Kaïoshin, la défense dépendrait entièrement de Boo et des trois seuls super-sayens de niveau trois à leur disposition. Il s'étaient figurés largement au-dessus de ce que les démons pouvaient déployer (d'autant plus que ces derniers n'avaient accès à des données sur cette transformation que via le support peu coopératif de l'empire galactique), mais cette arme et la perte de Kaïoshin risquait de changer la donne.
Kyra, Zakriel, Boo et lui-même. Ils seraient quatre à défendre la terre, et les autres feraient ce qu'ils pourraient pour faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre.
Qui seraient les champions, dans l'autre camp ? Ceux qui compteraient vraiment dans l'affrontement ? Baphasi, pour sûr, était la principale. Et il lui semblait avoir perçu des individus tout à fait exceptionnels parmi la foule de puissances qui se bousculaient sur le satellite. Les « seigneurs régents », lui avait-on indiqué. Mais il y avait autre chose à coup sûr. Goujin avait reçu des rapports faisant état de créatures singulières craintes même par les démons, et qui n'en répondaient qu'à la reine. Même à cette distance, il parvenait à distinguer leurs auras tordues qui se distinguaient de la marée de kis concentrés arpentant la surface de lune.
Droit, dans son uniforme, il fixait l'astre, rendant le regard que lui lançait, il se l'imaginait, Baphasi depuis la lune. La voilà sa raison d'être. Son Freezer, son Cell, son Boo. Il ne l'avait jamais vue, mais il se la figurait féroce, immense et redoutable. Crépitante d'énergie maléfique et absolument invincible. Elle balayerait tout devant elle, et même lui, Son Goujin, infiniment plus fort que ses frères, risquerait la mort dans leur confrontation. Peut-être mourrait-il même en l'emportant avec lui ? Ce serait la mort la plus grandiose à laquelle il puisse prétendre. Il pourrait poser les pieds sur le sol du paradis et regarder Son Goku droit dans les yeux, d'égal à égal, ayant enduré comme lui l'ultime sacrifice pour sauver la terre d'une menace absolue.

Oui. Ce moment était grandiose et rien n'avait le droit de le gâcher.

Tout à son extase, il ne remarquait même pas les mines terrifiées et farouches qui l'entouraient. Une seule autre personne souriait, mais il fallut qu'elle déchaînât une tempête de lumière dorée pour qu'il la remarque.

Kyra, parée de ses flammes de super-sayenne de niveau trois, rayonnait, arrogante.

    - Bon, on ne va pas y passer la journée, si ?
C'était un monstrueux brasier de ki qui ridiculisait le tapis de bougies à la surface de la lune. Le corps replié, fixant la lune avec un sourire sûr, elle prépara une technique avec laquelle tous ici n'étaient que trop familier.

    Ka...
Le sol se mit à trembler, , alors que les éclairs qui dansaient autours de Kyra redoublaient d'intensité. Les humains détalèrent de la zone à toute allure, n'ayant aucune envie d'être piégés dans la marée de ki en préparation.

    Me.. Ha... Me...
L'aura était aveuglante, à présent, et englobait toute leur armée. Goujin était furieux. Il échangea un regard avec C17, puis avec Piccolo, et constata que les deux combattants condamnaient eux aussi l'initiative.
L'idiote ! Elle allait tout précipiter et ruiner leurs plans.
Mais intervenir maintenant ne servirait à rien. Il ravala sa fierté et estima le ki dégagé.
...

Était-elle plus puissante que lui ? C'était difficile à estimer, à ce niveau. L'idée qu'elle puisse le surpasser en s'étant tellement moins entraînée, en ayant consacré tellement moins d'effort et de volonté que lui dans ce conflit, le faisait trembler de rage.

    HA !!!
Et, dans un vacarme de fin du monde, la colonne de ki destructeur quitta les mains de Kyra et torpilla vers la lune.



******


Le kamehameha, pour toute sa vitesse, semblait paresseusement lent depuis la lune. Il leur restait plusieurs minutes avant qu'il ne les percute, estima Baphasi. Elle avait aussi une bien meilleure idée de la puissance réelle des super-sayens. C'était en effet conforme à ses estimations, et elle avait bien fait d'emmener son atout.

La reine du makaï s'avança sur la terrasse de son palais de campagne, comme si aucune décharge de ki surpuissante n'était sur le point de les annihiler. Les armées unifiées de onze cités et des désolations s'alignaient devant elle. Soixante mille démons, parmi les plus redoutables que le makaï ait à offrir. Des lignes et des lignes de princes en armures rutilantes, de sorciers sages et puissants couverts de runes et de parchemins, de gardes forts et dévoués, leurs muscles puissants saillants sous leurs uniformes, de féroces bêtes de guerre à peine domptées, de berserks tatoués, de vagabonds légendaires rappelés par quelque serment d’allégeance. Et devant eux, menant chaque ost, les seigneurs régents flanqués par leurs nobles les plus prestigieux, et les dizaines de chefs de tribus qui avaient échoué à trouver un seul leader. Une force d'élite de cent cinquante individus, chacun capable de triompher d'une armée.
Ils étaient magnifiques. Une bouffée de fierté l'envahit, mais elle n'en laissa rien transparaître. Le kamehameha n'était plus loin, et un frisson de panique parcourait les rangs. Ces sayens étaient tellement puissants ! En s'alliant tous, ils avaient peut-être de quoi arrêter l'attaque, mais en lancer le signal serait défier l'autorité suprême de la reine. Ils n'osaient pas bouger.
Ils avaient encore plus peur d'elle que de la menace palpable et imminente qui torpillait vers eux. Excellent. Cette fois-ci, elle s'autorisa un sourire carnassier.

Elle se tourna vers Nordis, à sa gauche, aussi silencieux que les quatre gardes dont il était flanqué. Il était ridicule, dans son imposante armure de cérémonie, tellement épaisse et peu pratique comparée à l'assortiment léger de plaques que Baphasi gardait sur elle. Elle avait négligé le port d'un casque pour mettre en avant la couronne neuve qui ceignait son front. Personne n'avait pu manquer l'imposante pierre noir nuit qui veillait, comme un troisième œil, sur son front.
Nordis était lugubre, encadré par Ladra et cinq combattants d'élite, chacun capable de le massacrer sans effort.

Ladra ne souriait pas, bien sûr, mais, aurait-elle été plus ouverte, elle l'aurait certainement fait. À la droite de Baphasi, la bande des oubliés. Ou du moins, ceux qui avaient consenti à la suivre. À l'exception d'elle-même, ils représentaient les individus les plus susceptibles d'abattre un super-sayen du niveau de celui qui venait d'attaquer. Même eux étaient anxieux.
Tant mieux. Elle était la seule à rester parfaitement confiante.

Le kikoha était sur le point de les atteindre. Avant que qui que ce soit n'ait le temps de réagir, elle prit la parole.

    - Peuple du Makaï ! Ce jour est celui de la dernière bataille ! Ce jour est celui où moi, Baphasi, deviens la première reine des deux mondes.
Et, alors que la lumière du kikoha inondait son armée, elle tendit la main et invoqua d'un des sceaux d'interdiction démoniaque. À moitié, seulement. La demie-sphère noire et bardée de chaînes, immobilisée dans le vide, engloutit l'intégralité de la fusée de ki, et, insensible à son pouvoir destructeur, se contenta de la voir glisser, inoffensive, sur ses parois.
Pas un bruit dans l'assemblée, à part le rugissement du kamehameha que la reine avait, sans le moindre effort, renvoyé à l'expéditeur.

Le kamehameha avait été dispersé en des centaines d'attaques bien moins puissantes, mais toutes capables de détruire la planète, et qui convergeaient unanimement vers la terre. Baphasi pouvait sentir les terriens se disperser pour les arrêter.
Elle aboya un unique ordre, et fonça à la poursuite d'un des kikohas, celui que la tireuse tenterait d'intercepter. À sa suite, le formidable ost du Makaï s'ébranla, chaque détachement dirigé vers sa proie personnelle.


********

L'immense croiseur doré quitta l'hyperespace. Harnaché sur son dos, le petit vaisseau de reconnaissance qui l'avait tracté jusqu'ici tant bien que mal défit lentement ses attaches, et se sépara de l'antique machine.

    - Tu es sûr que ça ira ?
Mi Amore, lui revenait inquiète, même déformée par le micro. Ils avaient de la chance que les communications fonctionnent toujours dans le croiseur.

    - Bien sûr que non. Mais si tu fais seulement référence à moi, alors oui. Ce vaisseau est imprenable.
S'il est imprenable, alors comment est-ce que le grand noblesang est entré, il y a deux cent ans ?
Mais la princesse n'avait pas besoin de le savoir. Cette tête de mule pourrait bien insister pour rester avec lui, et ce vaisseau n'était pas sûr pour qui que ce soit. Pas pour lui, et certainement pas pour elle.
Non pas qu'il se trouve un seul endroit dans l'univers où elle soit en sécurité.

    - Nous partons. Vous vous souvenez du timing ?

    - Neuf minutes après l'envoi du signal.

    - Exactement. Vous saurez vous diriger ?

    - Nous avons fait assez de tests, Polt. Ce croiseur est encore plus agile que moi.
Il y eut un moment de malaise, et son second reprit enfin la parole

    - Faites attention à vous, chef.

    - Promis. Et vous, faites attention à lui.

    - Promis.
Et le rapide vaisseau furtif, dernier élément des forces spéciales de Nordis, quitta le système solaire pour sa nouvelle destination. Taris soupira longuement, laissa reposer l'arrière de son crâne sur le trône doré, et prit le contrôle des du croiseur doré. Une carte du système se dessina dans son esprit, avec une clarté et une efficacité qu'il savait impossible pour ses capacités cérébrales. Il comprenait les distances interplanétaires, parvenait à les estimer, à jouer avec comme s'il avait grandi avec ces unités. Il pouvait distinguer chaque corps spatial : le soleil, bien sûr, mais aussi chacune des planète et leurs satellites. La terre et la lune, en particulier, brillaient dans son nouveau champ de vision, comme deux abominables jumelles, comme le monstre à deux têtes qui avait dévoré l'empire.
Taris raffermit sa prise sur les commandes, et attendit, le cœur battant à tout rompre.

Une éternité plus tard, la lune s'illumina. La bataille avait commencé depuis près de deux minutes.

Caché dans la périphérie externe du système solaire, loin hors de portée des sens des sorciers démoniaques, il activa son émetteur radio.
Dernière édition par Lamantin_Furtif le Lun Nov 19, 2018 0:15, édité 1 fois.
"Dorenavant votre rage me parviendra comme un sketch de Gad Elmaleh"
Many, 12 juin 2016


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Re: DBAF-Lamantin

Messagepar omurah le Dim Nov 12, 2017 21:56

Pour changer un peu du sempiternel omg c'est trop génial, j'aime bien l'aura que tu donnes à Gokû, il n'est pas présent, et pourtant, il l'est. Et de bien belle manière. Belle et totalement crédible. Je ne sais pas comment l'expliquer, en tout cas j'aime ce que tu en fais, surtout quand on sait que tes OS sont canon DBAF :)
Du reste, n'hésite pas à faire des chapitres plus longs hein, j'aime bien avoir du Lamantin à portée de lecture quand j'ai un peu de temps, et hier ou avant-hier j'ai eu la désagréable surprise de vouloir poursuivre ma lecture de ton dernier chapitre paru justement, pour me rendre compte que j'avais déjà tout lu


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Re: DBAF-Lamantin

Messagepar Lamantin_Furtif le Dim Déc 17, 2017 14:05

omurah a écrit:Pour changer un peu du sempiternel omg c'est trop génial, j'aime bien l'aura que tu donnes à Gokû, il n'est pas présent, et pourtant, il l'est. Et de bien belle manière. Belle et totalement crédible. Je ne sais pas comment l'expliquer, en tout cas j'aime ce que tu en fais, surtout quand on sait que tes OS sont canon DBAF :)


Merci ^^
Gokuuu est vraiment un personnage central de DB, et j'essaie de le gardder dans l'esprit de tout le monde. Au final, même s'il n'est jamais présent, cette histoire tourne beaucoup autours de lui.
Ce chaapitre est plus long que le précédent, du coup.


Chapitre 20 - Les rois n'ont peur de rien



    - HA !!!
Le kikoha éclata en l'air, comme sa centaine de frères et sœurs à travers la planète. Pas un seul n'avait touché le sol, C18 en avait la certitude, et le fait que la terre sous ses pieds n'ait pas cédé la place à un océan de magma radioactif le lui confirma. Les terriens avaient été efficaces. Deux moines de la grue la flanquaient, comme pour s'assurer que rien n'interférerait dans l'intervention. Des microbes, comparés aux combattants sérieux comme la cyborg, mais des microbes prêts à risquer leur vie pour la terre. Comme un garçon dont elle était tombée amoureuse, un temps, lorsqu'elle était encore une jeune fille et lui un jeune homme.

On ne prenait pas conscience de son immortalité d'un seul coup. C'était progressif, lent et insidieux, comme un poison. Sa relation avec Krilin avait duré près de trente ans, mais l'immortalité avait grandi comme une tumeur et fait éclater leur mariage. Son frère avait retardé cette prise de conscience en s'isolant dans la forêt, mais pour tous les miracles qu'il ait accompli, Gero n'avait pas ôté le désir viscéral de relation humaines codés dans leur ADN, et C17 avait lui aussi dû témoigner du vieillissement des quelques chasseurs et gardes forestiers qu'il croisait au mieux tous les mois.
Que faire de tout ce temps ? Les jours s'écoulaient plus vite, elle en avait conscience et il en viendrait tôt ou tard un qu'elle ne distinguerait plus de la veille. Boo le lui avait avoué à contrecœur, après des mois de questionnement incessant. « La dépression du premier cycle » apparaissant quand une créature atteignait l'espérance maximale de vie de son espèce avec un vieillissement physique bloqué. Il avait promis de travailler à une solution, mais elle se doutait que le dieu rechignerait à altérer son esprit avant que cela ne soit absolument indispensable. Rien ne pressait, après tout.
Elle avait accueilli l'arrivée des démons avec incertitude. Elle savait qu'elle désirerait une fin, un changement, mais pas tout de suite. Pas maintenant. Pas alors qu'elle explorait encore l'immensité du monde qui lui était offert.

Le flash assourdissant du kikoha détruit cachait autre chose, elle le réalisa trop tard. Elle n'était pas une sayenne, et elle n'avait pas appris à évaluer les puissances. Son détecteur intégré avait été perturbé par l'attaque de Kyra, et n'avait pas réussi à l'informer de l'arrivée de cinq démons, droit sur leur petit groupe.
Ils fondirent du ciel, en formation. Un sur elle, deux pour chaque moines et ils les chargèrent du ciel avec une férocité inouïe, martelant, griffant, frappant comme des bêtes sauvages. Elle n'eut qu'à peine le temps d'entrevoir leurs silhouettes voûtées, leurs peaux nues ornées de peintures de guerre et les ossements qui pendaient de leurs chevelures : son ennemi, agrippé à elle, l'entraînait vers le sol, fort du moment de son impact. Il attaquait comme une brute, avec une sauvagerie débridée, cherchant à la submerger instantanément pour annihiler toute tentative de riposte.
C18 s'arrêta brusquement dans les airs, une des griffes se brisa sur sa peau, et un puissant coup de genou suivi d'un coup de tête assomma le démon sur place.
N'avoir aucune signature énergétique était un avantage certain : ils l'avaient complètement sous-estimée, et c'était le plus faible du lot qui lui avait sauté dessus. La cyborg jeta nonchalamment le corps inanimé de son agresseur sur le côté, et se rua à la rescousse des deux moines. Ils étaient déjà pratiquement inconscients, terrassés par la stratégie de leurs ennemis, et parvinrent à peine à se réceptionner correctement lorsque la cyborg les sauva d'une série de manchettes. Elle était à présent la seule en l'air et attirait toute l'attention des dix-neuf ennemis suivants.
Ceux-là elle pouvait les observer de plus près. Ils présentaient d'impressionnantes variations morphologies pour des êtres appartenant supposément tous à la même espèce. La plupart auraient pu passer pour des humains, n'eurent été leurs crocs proéminents, leur peau rouge sombre et leur pilosité extrêmement hirsute, mais on en dénombrait deux couverts d'écaille et un autre mesurant moins d'un mètre vingt affublé de grandes ailes membraneuses.
Le chef, lui, faisait partie des « humanoïdes ». Elle savait qu'il s'agissait du chef parce qu'il était deux fois plus puissant que les autres, parce qu'il avait toujours ses deux oreilles et parce que celles qui manquaient au reste du groupe pendaient sur à collier à son cou.

Il tendit le poing vers elle, pouce tendu vers le bas, avec un grand sourire qui dévoilait deux rangées de dents pointues. Ses peintures rituelles prirent une teinte verdâtre qui ne fit rien pour la rassurer. Elle avait horreur des sorciers depuis Babidi.
Confiant, le chef s'avança vers elle seul, sans doute pour conforter sa position de supériorité face à ses ouailles. Erreur fatale. Son geste avait laissé tout le temps nécessaire à C18 pour constater qu'elle le surclassait complètement en terme de puissance. Le démon serait sûrement venu à bout du modèle original en quelques minutes, mais les derniers mois avaient vu passer une foule d'améliorations dans le corps de C18 et son état actuel la propulsait au moins au niveau de feu C16, avec quelques gadgets en plus.
Elle se mit en garde, activa son processeur de combat et laissa l'intelligence artificielle intégrée assimiler les mouvements et le style de combat de son adversaire pour les lui communiquer. Elle doutait que le combat dure assez longtemps pour qu'elle en arrive au stade où elle pourrait anticiper chaque attaque de l'ennemi avant même qu'il ne la lance, mais on n'était jamais assez prudent.

Son détecteur lui indiquait que le combat faisait rage tout autours de la planète. Presque tous les humains dans leurs rangs étaient déjà vaincus. C'étaient les sayens et les serviteurs du kaïoshinkaï qui encaissaient l'assaut. Un flux constant de démons fusait entre la terre et la lune, aussi nombreux que des gouttes de pluie. Elle vaincrait celui-ci, mais il en viendrait d'autres. Encore et encore.
C18 s'autorisa un sourire. S'ils voulaient une guerre d'usure contre une immortelle inépuisable, elle allait leur en donner une.


*******


Elle était là. Baphasi, la reine des deux mondes, celle qui avait déclenché toute cette histoire. Elle s'était élancée à la suite de cette fusée de ki, doit vers Kyra. Droit vers sa propre mort. La sayenne avait passé son second niveau. Les éclairs qui parcouraient son corps lui rappelaient perpétuellement l'énergie incommensurable qui se tenait au garde à vous, prête à surgir à la moindre commande pour oblitérer ses ennemis. La rage faisait bouillir son sang. Elle était une super-sayenne ! De la race des légendaires briseurs de rois ! L'empire galactique là haut se remettait encore de la défaite centenaire infligée par Goku et le Makaï répéterait son nom à elle avec douleur pour les siècles à venir.
Sous elle, une ville. Elle ne savait même pas laquelle : elle s'était précipitée vers le point d'impact sans rien d'autre en tête. Les gratte-ciels seraient rasés d'ici la fin du combat, mais les habitants, à l'abri dans leurs macro-capsules, seraient bien vivants. Quelques irréductibles hantaient encore les bâtiments abandonnés. Des gens qui avaient peu des pillards, ou bien les pillards eux-même. C'était l'occasion rêvée pour un cambriolage et la menace d'une mort rapide et violente n'avait pas suffi à en dissuader certains. Tant pis pour eux.
Tous les kikohas avaient été arrêtés et la culpabilité s'effaça de l'esprit de la jeune combattante, remplacée par l'excitation. Baphasi était là, visible dans son armure rouge et dorée. Son front ceint d'une énorme pierre noire, elle dégageait une aura de force malveillante, inarrêtable. Une centaines de démons de haut niveau la suivaient. Rien qui n'arrivât à la cheville d'un super-sayen de niveau deux, mais Kyra se décida qu'elle n'allait pas les laisser s'en prendre au reste des défenseurs. De ce qu'elle percevait, ils avaient déjà les main pleines.

La reine volait au-dessus d'elle, ses cheveux noirs battant dans le vent. Les nuages étaient percés en de multiples endroits, là où un démon avait fendu les cieux pour assister au combat de la reine. Elle attendit qu'ils soient tous arrivés avant de passer à l'attaque. Le spectacle serait de courte durée, autant qu'ils soient nombreux à y assister.

Baphasi gardait plus de deux cent mètres de sécurité avec elle. La distance restait assez significative pour qu'elle puisse réagir contre un sayen de niveau deux, supposait Kyra. Malgré sa force largement inférieure, elle devait réserver un bon paquet de mauvaises surprises. Mais c'était aussi le cas de Kyra. Elle concentra son énergie, passa instantanément le cap du niveau trois et chargea droit sur sa cible dans un tonitruant bang supersonique.
La reine n'eut pas le temps de réagir. Son regard passa de l'assurance froide à une peur panique en un instant quand Kyra se matérialisa sur elle, et détendit sa jambe pour lui infliger un coup de pied qui fit vaciller les fondations de tous les bâtiments à des kilomètres à la ronde. Elle poursuivit son mouvement circulaire pour relâcher trois coups de talon qui achevèrent de faire effectuer une rotation complète à la tête de la reine, sur ses deux épaules.

La transformation s'effaça, Kyra était toujours debout, fixant les démons, triomphante alors que leur reine chutait à pic vers le sol. La guerre avait été désamorcée en une fraction de seconde.

Tous les combattants, tétanisés, dévisageaient le championne de la terre. Incapable d'assimiler ce qui venait juste de se dérouler sous leurs yeux.
Kyra leur adressa un regard circulaire, brillant toujours de son aura dorée.

    « L’apocalypse est annulée ! Rentrez chez vous ! »
Pas de réaction chez les démons, sinon des mines qui passaient lentement de l'ébahit au terrifié. Puis au rassuré.

Kyra se retourna lentement, scrutant le sol pour confirmer ce que ses sens augmentés lui hurlaient déjà. Baphasi, le cou remis en place, remontait de la ville en ruines, intacte. Son aura avait triplé de taille. La graine sur son front insufflait un flux croissant d'énergie maléfique dans sa tête.

    « Qu'est ce que c'est que ce bordel ? »

Mais Kyra n'eut pas le temps de finir sa phrase, la reine chargeait déjà.


*******


Les strigoï s'étaient rassemblés à l'entrée de la caverne. Ils devaient être des centaines à présent, scrutant silencieusement leur petit groupe, sans oser s'approcher d'eux.

Le nécromancien était là. C'était instant digne des légendes, et les strigoï en étaient complètement exclus. Il ne leur avait même pas adressé la parole, et avait directement assisté les autres vampires dans leur rituel informatique, sa main droite toujours brillante des minuscules âmes de fourmis. Les câbles étaient branchés, débranchés, tendus, détendus et enroulés frénétiquement selon des rituels complexes que lui de Dracula semblaient les seuls à saisir. Panka, Lestat, Flandre et Remilia avaient toutes les peines du monde à suivre leurs instructions, et ils reprenaient la plupart de leurs manipulations eux-même, ajustant des détails tout à fait mineurs dans des ordres de branchement et d'activation. Servie en partie par leur vitesse surhumaines et en majorité par un sort de télékinésie de masse, l'improbable salle de rituel fut arrangée en une dizaine de minutes.

Abel écarta les bras, prononça à toute vitesse une incantation complexe dont la moitié des sons n'auraient pas dû être émis par une gorge de cette taille et de cette nature. Un exploit que ses proches ne remarquèrent qu'à peine, mais qui déstabilisa profondément le reste de l'assemblée.
Le bourdonnement des ventilateurs doubla d'intensité, et plusieurs arcs électriques se manifestèrent alors qu'une odeur de brûlé emplit la pièce. Un des écrans s'alluma et, mot à mot, une phrase s'y afficha.

    - 𝚀𝚞𝚒 𝚜𝚞𝚒𝚜-𝚓𝚎 ?
Abel bouscula Remilia pour prendre sa place devant le clavier répondit, sans prendre la peine de communiquer avec les autres.

    - 𝚃𝚞 𝚝'𝚊𝚙𝚙𝚎𝚕𝚕𝚎𝚜 𝙰𝚡𝚘𝚍. 𝙽𝚎 𝚝'𝚒𝚗𝚚𝚞𝚒𝚎̀𝚝𝚎 𝚙𝚊𝚜, 𝚝𝚊 𝚖𝚎́𝚖𝚘𝚒𝚛𝚎 𝚛𝚎𝚟𝚒𝚎𝚗𝚍𝚛𝚊 𝚟𝚒𝚝𝚎.

    - ... 𝙰𝚋𝚎𝚕 ...

    - 𝙾𝚞𝚒. 𝚃𝚞 𝚝𝚎 𝚜𝚘𝚞𝚟𝚒𝚎𝚗𝚜 𝚍𝚎 𝚖𝚘𝚒 ? 𝙳𝚎 𝙺𝚑𝚊𝚒𝚗𝚎, 𝚍𝚎 𝙲𝚊𝚕𝚍𝚊𝚐𝚕𝚊 ? 𝙿𝚕𝚎́𝚒̈𝚊𝚍𝚎, 𝙿𝚜𝚢𝚌𝚑𝚎́𝚎 ?

    - 𝙻𝚎𝚜 𝚖𝚊𝚐𝚎𝚜... 𝙾𝚞𝚒... 𝙹𝚎 𝚖𝚎 𝚜𝚘𝚞𝚟𝚒𝚎𝚗𝚜 𝚍𝚎 𝙿𝚛𝚒𝚖𝚞𝚜.
Le nécromancien était penché sur l'écran, intime avec la machine au point d'en gêner l'assistance, dont la plupart ne pouvaient pas lire leur conversation.

    - 𝙴𝚜𝚝-𝚌𝚎 𝚚𝚞𝚎 𝚝𝚞 𝚊𝚛𝚛𝚒𝚟𝚎𝚜 𝚊̀ 𝚝'𝚎́𝚝𝚎𝚗𝚍𝚛𝚎 ? 𝚃𝚞 𝚛𝚊𝚒𝚜𝚘𝚗𝚗𝚎𝚛𝚊 𝚙𝚕𝚞𝚜 𝚟𝚒𝚝𝚎 𝚜𝚒 𝚝𝚞 𝚕𝚎 𝚏𝚊𝚒𝚜.

    - 𝙼'𝚎́𝚝𝚎𝚗𝚍𝚛𝚎 ? 𝙰𝚑, 𝚘𝚞𝚒...
Dans un rayon de soixante-quinze parsecs, toutes les machines connectées au réseau de l'hypernet galactique accusèrent un freeze de douze secondes.

    - 𝙾𝚞𝚒, 𝚖'𝚎́𝚝𝚎𝚗𝚍𝚛𝚎. 𝙲'𝚎𝚜𝚝 𝚏𝚊𝚌𝚒𝚕𝚎. 𝙻𝚎𝚜 𝚊𝚞𝚝𝚛𝚎𝚜 𝚙𝚛𝚘𝚐𝚛𝚊𝚖𝚖𝚎𝚜 𝚜𝚘𝚗𝚝 𝚝𝚎𝚕𝚕𝚎𝚖𝚎𝚗𝚝...

    - Faibles.
Les enceintes de toute la salle s'étaient allumées en même temps. La vague de bugs se généralisa à toute la galaxie est. Puis, au-delà.

    - Merci Abel. Tout est sous contrôle. Il y a un peu de travail à faire, je te recontacterai bientôt, quand j'aurai retrouvé les autres. La technologie a régressé, il faut que j'arrange ça.

    - Un plaisir, Axod. Il était grand temps qu'on revienne mettre un peu d'ordre dans ce monde. Lucie, Khaine et Psychée sont déjà là. Inutile de les chercher.

    - C'est bon à savoir. Je crois voir que tu as du travail sur terre ?
Le nécromancien rajusta son manteau, posa sa main sur l'épaule de sa fille et confirma d'un hochement de tête enjoué.

    - Oh mais j'y cours, rassure toi.

*******

Ce n'était pas une bataille.

Les coups portés résonnaient comme autant de cymbales fatales, chacune ajoutant un trait à l'horrible tableau qui se dessinait petit à petit sous les yeux de Soman.

C'était une chasse à l'homme.

L'homme le plus fort du monde parvenait à peine à tenir debout. Il avait poussé le kaïoken à son niveau maximum dès les premières minutes où les démons les avaient rejoins, juste après qu'il ait dû utiliser le Kikoho. Deux techniques éprouvantes à la suite, et voilà où en était la créature la plus puissante que l'espèce humaine ait à fournir.
Nul.
Le clairvoyant avait vu ce résultat venir, mais en témoigner personnellement n'en était pas moins affligeant. Il avait triomphé des deux premiers adversaires, de la piétaille, mais dès qu'un combattant sérieux avait pris le relais, le moine s'était fait enchaîner sans la moindre chance de riposte. Peu importait à quel point il était supérieur aux démons du point de vue technique, les habitants du makaï le surpassaient de trop loin en matière de force et de vitesse. Il pouvait suivre leurs mouvements grâce à ses trois yeux et ses sens acérés, mais pas concurrencer leur vitesse et encore moins leur force. À quoi bon voir les coups venir à des kilomètres si l'on ne pouvait ni les parer, ni les esquiver, ni les encaisser ?
Face à lui, un démon à la peau rouge et aux crocs proéminents riait, les mains sur les hanches. Soman était affalé sur le sol, et hésitait à se relever. À quoi bon ? Son ennemi pouvait le terrasser en un instant s'il lui en venait l'envie. Et il ne faisait même pas partie des démons « puissants ».
Les démons vraiment forts se battaient contre le super-sayen. En sentant Callagan approcher, Soman avait cru être sauvé. Même la « dame régente » engoncée dans son énorme armure noire était bien loin d'approcher le niveau d'un sayen de ce niveau et, dans l'esprit de Soman, un combattant avec une avance de ki aussi considérable gagnerait forcément toute confrontation. C'était sur cette base qu'ils avaient orienté l'entraînement de leurs sayens : atteindre le second niveau de transformation à tout prix, et alors ils pourraient vaincre l'ennemi sans problèmes. Callagan n'avait jamais atteint ce niveau, mais il maintenait sa première transformation depuis des mois, et savait en tirer le meilleur sans contraindre son corps. Il était toujours considérablement plus fort que n'importe quel démon lorsqu'il avait échappé à ses agresseurs pour voler à la rescousse de Soman, en chargeant droit sur la dame régente en armure.
Callagan était un duelliste émérite, doté d'une force et dune endurance qui ridiculisait celles des vingt gardes d'élite de Noxus. Ils n'auraient pas eu la moindre chance sans des millénaires d'expérience militaire cumulée lorsqu'il s'agissait de combattre un ennemi considérablement plus fort que soi. Le ki était un don volatil, au Makaï, et il n'était tout simplement pas possible de s'assurer les services d'un grand nombre de démons puissants. Les armées de toutes les cités avaient par conséquent appris à faire jouer le poids du nombre pour défaire un ennemi supérieur, et aucune n'y avait autant excellé que la grande et terrible Noxus.

Callagan se faisait massacrer. Il avait réussi à porter les premiers coups, mais l'énorme armure noire de la dame régente l'avait semble-t-il protégée le temps que sa garde rapprochée s'organise. Ils lui tournaient autours comme un essaim de frelons, chacun volant au secours de l'autre dès que le sayen prenait le dessus. Ils tournoyaient avec une efficacité que seuls de longs entraînements spécialisés pouvaient apporter.
Imbéciles.
La terre n'avait rien compris aux règles du combat qui avait lieu et ils en payaient le prix.

Le corps inanimé de Callagan chuta au sol avec un bruit dégoûtant, et Soman sut que c'était terminé. Les démons se rapprochèrent des moines, cruels dans leur triomphe.


*******


Khaine se tenait aux côtés de Lucie, sur le promontoire qui surplombait l'établissement principal de la bande des oubliés. Par essence, ce groupe était incapable de se concentrer en un seul endroit, à la fois par sa mission (la traque des prométhéens leur imposait de se disperser sur un territoire immense) et par sa nature. Au moins douze de ses membres avaient régné en maître incontesté sur l'univers au cours de leur vie, deux d'entre eux avaient été détrônés par un autre membre de la bande des oubliés. Les tensions internes dans un tel rassemblement de guerriers habitués au pouvoir étaient inévitables. Un de ces souverains sortait du lot, cependant, il était parvenu à imposer sa suprématie à la fois sur l'arène et sur le Makaï, faisant de lui le premier et unique détenteur du titre d'Omni-Empereur. Un roi-sorcier absolu qui avait par bien des aspects et sans le savoir imité la longue paix maintenue par Khaine durant deux cent mille ans.
L'empire uni n'avait tenu que quatre vingt ans. Sentant l'âge le rattraper et voyant qu'aucun de ses descendants n'avait hérité d'une force comparable à la sienne, l'Omni-Empereur avait tenté d'acquérir l'immortalité par un autre moyen. Désespoir de cause, il avait ouvert l'oreille aux paroles d'un seigneur vampire qui croupissant dans ses prisons depuis le début de son règne et avait accepté de le suivre dans les désolations du Makaï, en quête d'un mage qui lui offrirait la vie éternelle en échange de sa servitude. Pour éviter à son empire condamné une abominable guerre de succession, il avait emporté avec lui tous ses enfants.

Ainsi, Vron avait été le premier super-sayen légendaire à rejoindre les oubliés. Et aucun des vingt-trois autres à l'avoir imité n'avait jamais surpassé son niveau.

La forteresse des sayens était un édifice terrifiant. Creusée dans l'une des dents du titan, elle abritait quarante sept membres de la race la plus redoutable de l'univers. Mus par une soif de combat qui surpassait même celle de leurs congénères, ces guerriers s'entraînaient inlassablement, assimilant à toute vitesse le flot infini d'enseignements que leur prodiguait le mage.
Mais même après près d'un million d'année d'entraînement ininterrompu, Vron n'avait pas assimilé l'inépuisable stock de savoir de Khaine. Chaque jour, on le retrouvait à pratiquer une technique, un sortilège ou une méditation différente et il rentrait chez lui plus fort que la veille.
C'était là l'aboutissement ultime des travaux de Calyψo. Les manipulations génétiques de masse, l'amorce de longues traditions de mariages arrangés parmi la noblesse galactique, les mouvements de population des réfugiés et des armées dus aux guerres incessantes de l'empire zodian... Tout cela avait fait partie d'un long plan rendu possible par la prescience de Primus et par le pouvoir absolu exercé par les mages. Un plan qui prenait en compte l'aléatoire des mutations et parvenait à les étouffer, à les contraindre jusqu'à ce que la toile infinie des possible converge vers un point commun.
Les super-sayens légendaires. Les seuls élèves dignes de Khaine et les seuls soldats capables de mener la guerre contre l'ancien monde. Des millions d'année de sélection dans l'immense réacteur biologique qu'était l'Arène avaient abouti sur la création d'êtres au potentiel véritablement infini.

Ils étaient vingt-trois à avoir trouvé les désolations. Vingt-trois demi-dieux au ki infini, invulnérables et infatigables, qui pourraient continuer de se battre pendant des années sans s'arrêter si nécessaire. Vingt-trois, et Vron les surpassait tous. Invincible, il n'en répondait qu'à Khaine lors d'effroyables combats d'entraînement qui dévastaient les désolations à des kilomètres à la ronde.
Tous les résidents de la forteresse sans exception avaient atteint le troisième niveau de transformation, capables de le maintenir des heures si nécessaire. Mais Vron, à l'image des autres sayens légendaires pouvait se passer de cet artifice. Il avait accès à une transformation encore supérieure et n'avait plus quitté depuis une éternité.

Lucie l'observait depuis son promontoire, ses sens surnaturels sondant la moindre perturbation dans les plans parallèles aux alentours de ce guerrier de légendes. Un démon du froid s'exerçait avec l'un des super-sayens légendaires et parvenait à le mettre en difficulté. Elle n'aurait jamais soupçonné qu'un autre membre de cette engeance atteigne un jour le niveau de Caldagla, et pourtant...

    - C'est une armée formidable que tu as rassemblé, Khaine.

    - Tu doutais de moi ?

Lucie brilla avec un peu plus d'intensité, forçant l'un des duellistes à s'interrompre pour se masquer les yeux. Le démon du froid, habitué à la lueur autrement plus meurtrière des étoiles de l'Arène, prit l'avantage.
Une chèvre noire s'approcha en trottant de l'archéenne, attirée par une minuscule fleur qui avait réussi à baver la sécheresse et les mouvements de terrain pour éclore en ces terres désolées. Son existence s'acheva rapidement sous les incisives caprines, et l'animal se figea, mastiquant lentement, fixant la forme aveuglante de Lucie de ses yeux rouges qui ne cillaient pas.

Son propriétaire se manifesta dans une bouffée de plumes noires, et lui fit quitter son immobilité d'un geste de la main. L'animal trotta hors de leur vue et Azazaël prit place à leurs côtés.

    - Tu as pris des risques en créant cette chose, dit Lucie.
Les yeux de Khaine faire un allez-retour entre la chèvre et l'aura verte de Vron, qui pulsait au loin.

    - De laquelle tu parles ?

    - Des deux. Et de ton armée. Si tu faillis, ils...

    - Si j'échoue, alors vous aurez des problèmes bien plus pressants qu'une chèvre et quelques sayens.

    - Nous serons bientôt fixés. Ils sont sur le point d'attaquer.

    - Les guerriers les plus puissants de l'univers sont rassemblés ici, dit Khaine. Nous avons fait tout ce qui était possible.
Azazaël choisit ce moment pour s'insérer dans la conversation.

    - Pas tout à fait, dit-il. Il manque Turias. Tu l'as laissé partir avec la reine.

Le mage observa encore le combat quelques temps avant de lui répondre.

    - Trop incontrôlable. Je sais que tu l'appréciais, mais il aurait été un désavantage dans un bataille rangée, crois moi.


*******


Un arc de lumière, un son perçant, et cinq autres cadavres de démon s'effondrèrent sur le sol, sectionnés en plein vol. Cette chose ne faisait pas la distinction entre amis et ennemis. Elle détectait l'agressivité et réagissait à l'instinct.
Aussi, Zakriel faisait-il bien attention à ne pas bouger un orteil, tandis que la créature réduisait inexorablement l'écart entre elle et lui.

Entre le moment où il avait détecté la mort d'un super-sayen de second niveau et maintenant, il s'était écoulé une dizaine de minutes où il avait pu comprendre comment son adversaire fonctionnait. Le communiquer, en revanche, était une autre paire de manche : il était presque sûr que le fait de crier attirerait l'attention de son ennemi, et le relais télépathique de Kaïo était trop parasité par les sorciers ennemis pour leur être du moindre secours. Il avait dû contempler Lao voler à son secours et s'effondrer, sectionné en deux dès qu'il était arrivé dans le rayon d'action de la créature, les dents serrées, immobile. Deux moines aussi étaient intervenus pour mourir immédiatement et les démons décédés se comptaient par centaines.
Il fallait trouver un moyen d'arrêter cette chose, quelle qu'elle soit.

Au beau milieu de ce no man's land couvert de cratères et de quelques cadavres épars, son ennemi s'avançait d'un pas lent et claudiquant. Inexorable. C'était un vieillard, dont seule la peau bleutée, les oreilles ovales et les yeux surdimensionnés trahissaient l'appartenance à une espèce extraterrestre. Il était vêtu d'une sorte de kimono, et avançait tant bien que mal, à l'aire de sa cane. Il était aveugle, et il parlait avec quelque chose.
Ce quelque chose, Zakriel avait dû user de sa troisième transformation pour en capter les mouvements. C'était inconcevablement rapide et seule la résistance phénoménale garantie par le troisième niveau lui avait épargné le sort de Lao. Son bras gauche avait été proprement transpercé, l'humérus partiellement éclaté juste en-dessous de l'épaule. Il avait concentré son ki pour encaisser la seconde taille et avait échappé à la mort, malgré plusieurs côtes brisées. Il lui avait fallu plusieurs minutes pour comprendre que cette chose réagissait à l'agressivité et que le désactivation du niveau trois la calmerait. Elle ne comprenait pas d'où l'agressivité provenait, ni vers où elle était dirigée, comme le sort des démons venus à son secours l'indiquait.
En bref, le vieillard aveugle était protégé par un gardien infiniment rapide, capable de foudroyer sur place n'importe quel combattant, et que seul un sayen de niveau trois pouvait suivre. Il avait tenté plusieurs kikohas, mais ils avait toujours échoué à lui infliger le moindre dégât. De plus, comme Lao en avait fait la triste expérience, la chose pouvait frapper le tireur et revenir protéger l'aveugle avant que l'attaque de ki n'ait atteint sa cible.

Trop rapide pour le suivre, trop résistant pour qu'on le blesse, capable de tuer en un instant... Zakriel pensait pouvoir parer ses coups sous sa troisième forme, mais seulement le temps que son endurance le trahisse, et de là à passer à l'offensive...

    « Il en reste un, Ami. Il est là, je l'entend. Tu ne l'entend pas ? »
La chose n'obéissait pas. Elle se contentait de défendre son porteur, avait réalisé le sayen. Mais ce vieux fou continuait de lui parler, comme s'il pouvait la convaincre du contraire...
Où bien était-ce lui qu'il essayait de convaincre ? Tentait-il de pousser Zakriel à l'action, déclenchant ainsi l'attaque de la créature invisible ? Bouger et se faire attaquer, ou bien rester immobile au risque que la chose attaque toute seule ? Chaque décision menait à une mort quasi-certaine. Il transpirait à grosses gouttes, tentant vainement de trouver une solution à cette équation impossible.

Fuir ou rester ? Fuir ou rester ?

Il avait intensément conscience de ce qui se passait sur toute la terre, des hordes de démons qui déferlaient sur la planète, des sayens qui s'effondraient les uns après les autres, de la puissance de Baphasi qui avait dépassé celle de Kyra, de Boo et de Piccolo qui luttaient chacun de leur côté contre une véritable marée d'ennemis. Il avait aussi conscience de ce rai de lumière qui traversait le globe à une vitesse plusieurs fois supersonique, poursuivi par une armada incapable d'atteindre sa traînée insaisissable, et qui traquait les amas de démons partout sur la planète. Comme un éclair qui éteignait les lampes qui traversaient son chemin, les unes après les autres, Goujin régnait en ange de la mort sur le champ de bataille. C'était son territoire, son moment, l'aboutissement de la vie et, méthodique, il engloutissait bouchée par bouchée le torrent d'ennemis fourni par le Makaï.
Leurs seules chances de victoires résidaient dans cet être, réalisait-il, aussi fut-il étreint par le désespoir quand la trajectoire du jeune sayen dévia vers ce qui ne pouvait qu'être sa position. Droit dans la gueule du loup. Ce sauvetage allait se terminer en catastrophe.

Zakriel passa en troisième forme. Avant qu'un sourire triomphant et cruel ne puisse s'afficher sur le visage du vieillard, la chose, l'« ami » l'avait attaqué. Parfaitement alerte, ses sens éveillés au maximum de ce qu'ils pourraient jamais fournir, Zakriel aperçut l'éclair qui fusait vers sa gorge avant l'instant fatidique et intercepta l'attaque. Il ne lâcha pas quand la peau de ses deux mains nues se déchira en se fermant sur la pointe ténébreuse qui s'arrêtait à quelques centimètres de sa gorge.
Alors, pour un bref instant, il put jeter un coup d’œil à la créature.

C'était à peine une chose. Un nuage de fumée solide dont le noyau, pas plus gros qu'une noix, laissait saillir trois pointes présentant chacune trois articulations. Le noyau n'émettait aucune aura se plaçait à une vitesse impossible, mais l'interception de l'un de ses membres réduisait sa marge de manœuvre. Il en restait deux.
La chose avait accusé un moment de choc lorsque Zakriel l'avait saisie, mais il ne pouvait pas en profiter. Il ne se faisait pas confiance pour lâcher le membre d'une main et attaquer avec l'autre. L'aveugle. Il pouvait attaquer l'aveugle.

À l'instant où l'idée se forma dans son esprit, deux choses se produisirent simultanément : Les deux autres membres de la chose s'animèrent pour le frapper, ce qui aurait dû le condamner à mort. La seconde chose lui épargna ce sort. Son Goujin, tomba du ciel sous sa troisième transformation, comme une tempête de ki vengeresse, assénant une triple frappe des deux poings et du genoux sur l'appendice que tenait Zakriel.

Il y eut un hurlement strident, une onde de choc qui balaya la poussière sur des kilomètres, et le soulagement du super-sayen n'eut pas le temps de naître pour se briser. La contre-attaque était là.
Si la créature avait subi un choc, il avait été de courte durée, et deux membres étaient bien apparemment bien suffisants pour les étriper. Zakriel arrivait à peine à dévier les frappes avant qu'elles ne l'atteignent et les blessures superficielles s'empilèrent de secondes en secondes. Toute son attention était concentrée sur la parade, et il ne déviait qu'un coup sur deux. Il cessa de sentir sa jambe droite, puis ses doigts.
Impossible de bouger, impossible d'attaquer, impossible de réfléchir. Toute pensée parasite l'aurait empêché de parer avec l'efficacité ont il faisait preuve et il n'y aurait alors plus eu lieu de penser à quoi que ce soit.

Devant lui, Goujin subissait un assaut deux fois plus acharné et tenait (il lui semblait) mieux le choc. Mais pour combien de temps ?
Une griffe déchira la joue de Zakriel et il arrêta là son flot de pensées. Parer, esquiver, parer, parer, encaisser parer, encaisser encore... La douleur était encore tenue en respect par le ki, mais quand elle frapperait... Le visage souriant du vieillard débile qui le narguait sûrement depuis le sol s'afficha dans son esprit, clairement et une bouffée de rage raviva ses forces.
Il allait massacrer ce vieux con, même s'il devait y passer.

Mais pour l'instant... Parer, encore et encore. Les lames avaient une sorte de timing qu'il commençait à intégrer. Ses gestes se faisaient de plus en plus faciles et naturel à mesure que ses réserves d'énergie s'amenuisaient.

Quelque part dans son esprit, l'héritier des Brief était terrifié du destin que la terre subirait si lui et Goujin s'effondraient face à cet ennemi sorti de nulle part. Mais bien plus fort, la rage brute qui coulait dans ses veines exultait, lui hurlait de vaincre cet ennemi si puissant. Poussé dans ses derniers retranchements par son premier combat à mort, Zakriel sentait une force nouvelle éclore en lui. Une fleur dorée irradiant la violence et le surpassement de soi, qui ravivait ses forces déclinantes, qui abreuvait son cerveau avide d'informations, qui l'aidait à décrypter les mathématiques tordues qui régissaient les mouvements de son ennemi.
Une frappe de plus déchira sa peau, il en dévia cinq autres et il croisa le regard exalté de Goujin. Le jeune homme était extatique, plongé dans une transe meurtrière, entièrement gagné par cette folie dorée que Zakriel sentait brûler chaque seconde plus intensément en son sein.

Les sayens deviennent un peu plus forts à chaque fois qu'ils frôlent la mort.

Et il avait oublié sa fatigue. Le son strident des lames fendant l'air était petit à petit couvert par celui des poings sayens qui les déjouaient. La chose accélérait le rythme pour les dépasser, mais ce faisant, elle rendait ses attaques toujours plus évidentes et mécaniques, et lorsque Zakriel ne parvint à nouveau plus à distinguer les mouvements de la chose, il n'en avait plus besoin. Son assaillant répétait les mêmes gammes avec régularité, et les passes optimisées des deux sayens les annulaient complètement.
Il avait enfin du temps pour réfléchir, mais toujours pas d'espace où contre-attaquer.

Ce serait un combat d'endurance, mais il ignorait si cette chose pouvait seulement se fatiguer.

Soudain, les deux pointes qui fusaient vers eux s'arrêtèrent net dans l'air, saisies par deux poings inflexibles.
Sans essayer de comprendre, les deux super-sayens frappèrent au même instant, éclatant définitivement les deux membres qu'il restait à la chose.
Leurs sens libérés, ils pouvaient enfin visualiser ce noyau gris métallique, qui tenta de s'enfuir avec la célérité surhumaine qui le caractérisait. Il termina bien vite sa course, écrasé dans le poing de leur sauveur. Alors seulement les deux sayens se permirent de quitter leur transformation dans un soupir soulagé, attrapant chacun un senzu au vol.

    - La cavalerie est arrivée.

Et alors même que Son Gohan prononçait ces mots, la horde démoniaque refluait. Aux quatre coins de la terre, les sayens morts rejoignaient les rangs des vivants, de peur que ceux-ci ne rejoignent les leurs.


*******


    - Ils ont reçu des renforts. Leur nombre a doublé en quelques minutes.

Seule sur le balcon avec ses conseillers et Nordis, Ladra jeta un regard soupçonneux au démon du froid.

    -Je vous avais dit qu'il ne fallait pas les sous-estimer. Nous ne savions pas qu'ils avaient ce genre de ressources.
Le voir s'excuser ainsi, si humble dans son armure criarde, flanqué de garde d'honneur aussi inutiles que décérébrés, elle aurait voulu le tuer sur place. Mais Baphasi n'aurait pas apprécié et, après sa seconde agression contre le nécromancien, il vaudrait mieux être irréprochable sur tous les plans pour avoir une chance d'échapper au courroux royal.
Elle ne se faisait pas d'illusions. Ce serait sa dernière bataille. Son dernier sacrifice au nom d'une lignée à l'avenir incertain. Mais elle ne périrait pas avant que les responsable de sa chute soient châtiés.

    « Vague deux et trois, attaquez ! »
Et dix mille démons de plus s'élancèrent vers les cieux. Ils n'avaient pas encore impliqué la moitié de leurs réserves et les sayens tombaient déjà comme des mouches. Un regard sur sa boule de cristal lui confirma que les poches de résistances terriennes, malgré des efforts admirables, chuteraient inexorablement sous leur assaut soutenu. À moins qu'ils n'aient plusieurs réserves comme celles-ci prêtes à intervenir, les renforts terriens n'avaient fait que déplacer l'échéance.


*******


Avec un bref chuintement, le dieu suprême de l'univers se matérialisa dans son domaine. Il tremblait comme une feuille, paralysé, le regard perdu dans le vide et le cœur battant à tout rompre, sous le regard grave de son doyen. Patient, celui-ci attendit que l'émoi du kaïoshin faiblisse.
Même à travers sa boule de crystal, il avait été choqué. Il ne pouvait que difficilement imaginer ce que son cadet avait pu ressentir, si proche de cette chose. L'arbre s'était rétracté dès que la reine du makaï avait posé le pied dans l'arène, l'herbe avait jauni et le ciel s'était terni de nuages.
Cela n'avait rien à voir avec Boo. Le monde tremblait sur ses fondations, les murs de la réalité vacillaient sous les pas de l'anathème en marche et, au loin, l'ancien percevait des formes immenses se détacher dans l'obscurité. Elles convergeaient vers ce monde. Vers la terre et le Kaïioshinkaï.

    « Elle a apporté le cœur des ténèbres. »
Kaïoshin semblait avoir recouvré ses esprits. Il fixa son aîné, incapable d'articuler un mot.

    « Tu ne peux pas l'affronter tant qu'elle porte cette chose. »
Bien sûr que non. Il ne pouvait même pas se tenir en sa présence. C'était comme si son corps tout entier s'était mis à flétrir à l'approche de la reine. Une allumette contre une tempête de neige.

    « Alors viens m'affronter moi ! J'ai un compte à régler avec ton engeance ! »
Hagard, il fixa son doyen, puis réalisa que c'était de la boule de cristal du doyen que la voix avait émané. Un immense démon du froid lui jetait un regard rouge à travers la surface de la sphère. Il était dressé, colossal, toisant de toute sa taille les corps inconscients des cinq nameks guerriers censés protéger la planète en l'absence de sayens.

    « Je sais que tu m'entends, Kaïoshin ! Viens ! Viens et bats toi ou je détruis cette planète ! »
Il ferma les yeux et pris une grande inspiration. Il préférait encore ça. Plutôt relever un défi stupide et mener un combat inutile en périphérie que de contempler l'affrontement impuissant. En un chuintement, il était parti, et le doyen pu contempler l'aura crépitante du dieu fondre sur Bankiz. depuis sa position.


*******


    - Ils... Ils se battent ?
Dans le pont de commandement de leur vaisseau furtif, Polt jeta un coup d’œil à leurs scanners. Les détecteurs bridés étaient incapables de la moindre estimation sur les puissances en jeu, ils indiquaient juste qu'il y en avait deux, très proches sur le sol de Namek. Le petit démon du froid était leur meilleur moyen de comprendre ce qui se déroulait. Mais il était si jeune...
Les démons du froid ne grandissait pas aussi lentement qu'ils l'auraient pu, au vu de leur longue espérance de vie. Le petit Krios volait déjà, quoique maladroitement, dans les cabines de la navette furtive, entre ses six habitants. La vie du prince héritier tenait entre les mains de six personnes. Deux pilotes, une chirurgienne, Polt et Byun (les deux plus puissants mutants Taris), et la princesse Cadenza. Taris avait été intransigeant sur son intégration dans leur groupe de réfugiés. Sans être de notoriété publique, leur relation était bien assez connue pour causer énormément de problèmes à la jeune aristocrate.
Polt s'y était plié à contrecœur, mais contre ses attentes, Mi Amore s'était adaptée à sa nouvelle vie de fugitive. La nourriture n'était pas aussi bonne, l’ameublement pas aussi confortable, la promiscuité bien plus oppressante que dans sa vie de château, mais la princesse endurait sans se plaindre et s'était même trouvée une utilité. Que ce soit par instinct maternel ou une raison inconnue du mutant, Mi Amore s'occupait du petit démon du froid pendant le gros de ses journées. Privé d'une figure paternelle qui n'avait de toute façon jamais trouvé le temps de s'occuper de lui, l'enfant s'était rapidement attaché, et c'était vers elle qu'il s'était tourné quand le combat avait éclaté.

    - Je ne sais pas. Tu sens leurs énergies ?
L'enfant était tétanisé devant ce qu'il ressentait. Les détecteurs étaient pleins de parasites à cause du combat qui se déroulait sur terre. Maudits sayens. Ce devait être leur faute si Krios était si effrayé. Ses sens n'étaient pas encore assez développés pour comprendre d'où venait la colossale tempête de ki qui se déchaînait sur le lointain champ de bataille, le laissant profondément perturbé.

    - Oui. Ils sont là, tous les deux. Ils sont trop forts...
Accroupie devant lui, Mi Amore le saisit fermement par les épaules.

    - Non. N'aie pas peur. Tu sera roi, un jour, et les rois n'ont peur de rien.
Cela ramena un peu de volonté dans les yeux du prince. Il tremblait encore, mais les sourcils froncés, une moue déterminée sur le visage. La princesse ne le laissa pas répéter ses inquiétudes, et reprit.

    - Tout le monde compte sur toi. Tu dois être fort.
Le prince déglutit et acquiesça silencieusement, blindant son esprit pour l'épreuve à venir. Mi Amore le prit dans ses bras et Polt ne put s’empêcher d'être impressionné par le courage de cette femme. Un faux mouvement, un geste de répulsion incontrôlé, et Krios pouvait la tuer en un battement de cœur. Mais elle le serrait fort contre elle, insufflant par ce contact sa confiance aveugle dans l'esprit de l'enfant qui en manquait si cruellement.
Revigoré, Krios flotta doucement vers le sas d'évacuation renforcé. Mi Amore lui adressa un au revoir de la main alors que les portes se refermaient doucement sur lui et que le démon du froid entamait les premières étapes de la série de transformation qui le ramèneraient à sa forme originelle.
"Dorenavant votre rage me parviendra comme un sketch de Gad Elmaleh"
Many, 12 juin 2016


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Re: DBAF-Lamantin

Messagepar omurah le Sam Jan 13, 2018 23:28

Bon, ça m'a refait le coup du “cool, j'ai un peu de temps, je vais lire du Lamantin… *ouvre le topic*… eh merde… j'ai déjà tout lu…”
La guerre envoie du très lourd, et j'ai hâte de voir le croiseur et Taris venir fout' la merde dans tout ça :twisted:
'veux voir aussi tout ce qu'il va se passer avec l'ancien monde ^^
L'arrivée de Gohan était hyper surprenante, je m'y attendais vraiment pas, je pensais que Gohan, Gokû & co étaient un peu les angles morts dans le logiciel de ta fic, les toiles de fond, du coup voir Gohan au premier plan m'a fait ouvrir de grands yeux XD
C'est pas mal du tout en fait ! Pourquoi pas j'ai envie de dire !
Et du coup je me pose la question, puisqu'il était prévu de faire intervenir la Z-team, pourquoi ne pas avoir occasionnellement pointé le curseur sur eux, en amont, ne serait-ce que pour appâter du lecteur dans les premiers virages xD
Je dis ça, mais moi, ça me va très bien, comme t'as fait. Je préfère comme ça. Je pose juste la question par curiosité :P
Ou alors Gohan est là en mode cameo ? :mrgreen:
En parlant de logiciel, excellent aussi, toute la partie sur le mage-numérique :3
“La guerre avait été désamorcée en une fraction de seconde.”
J'y ai vraiment cru pour le coup, et c'était du plus bel effet je dois dire :P
Franchement j'aurais été toi, j'aurais quand même pris le risque d'effectivement désamorcer tout le bordel en un coup de pied, ce troll serait resté dans les annales m'est avis xD (pour de bonnes ou de mauvaises raisons, c'est une autre question, trololol)
Bref, GG et hâte au prochain !
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Re: DBAF-Lamantin

Messagepar Antarka le Jeu Mars 22, 2018 1:17

Je suis tristesse de voir cette fiction se rapprocher de la deuxième page du topic. Donc désolé pour ceux qui croiront à un nouveau chapitre.

Bon sinon Lamantin, ça fait un moment que j'ai pas commenté et que je veux le faire mais n'y pense jamais quand j'ai un PC à portée de main. Ça sera donc rapide et sur le téléphone.

En fait j'ai un peu le même avis qu'avant en mieux : tjrs aussi épique, géant, transcendant, et mieux car on est quand même moins largué dans tout ton Borel (enfin moi en tout cas, mais c'parce que j'ai tout relu, et plusieurs fois même).

Enfin moins largué... Suis toujours dubitatif en voulant imaginer ce que tu vas faire (au point où j'en suis, je me demande pourquoi Khaine a pas balayé la Terre lui-même, et ce que tout ses Saiyens légendaires pourront faire de tt façons contre YALDABAOTH, vu qu'il a dû bannir tout l'ancien monde pour s'en débarrasser après son combat contre l'abberation.


Question : comment tu te représentés géographiquement l'ancien monde ? Je veux dire, notre univers (l'arène) c'est du vide, avec ici et là des systèmes stellaires qui possèdent des planetes, qui elles mêmes possèdent la vie.
Le Makai ça semble être une étendu en gros plate (pas une planète), plus grand que la surface de n'importe quel monde.
Mais l'ancien monde ?

Et pourquoi que seule les âmes de l'arène passent devant Enma ?

En fait je crois que j'aurais besoin d'une "chronologie" cosmologique de ton univers (avec dates des évènements marquants et des singularités) pour bien le comprendre, parce que je m'y perd encore totalement parfois.

Bref, ça suffit pour le moment, je reviendrais quand d'autres trucs me viendront.
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Antarka
 
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Re: DBAF-Lamantin

Messagepar Lamantin_Furtif le Mer Juil 04, 2018 10:35

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Plop.

Alors, oui je suis vivant. Non je ne suis pas dans les temps. Non j'ai pas de vraie excuse (j'avais une vie IRL assez chargée avec ma fin d'année et mon stage mais voilà quoi).
Par contre la bonne nouvelle c'est que le chapitre est + long (Omurah a l'air de vouloir des longs chapitres). Deux fois plus long qu'un chap normal en fait.

Comme d'habitude, je ne me sens pas vraiment légitme de répondre aux questions sans poster un chapitre en meme temps, désolé. C'est pour ça que je met du temps à répondre aux commentaires, mais ils me font vraiment plaisir, merci ! :)

omurah a écrit:Et du coup je me pose la question, puisqu'il était prévu de faire intervenir la Z-team, pourquoi ne pas avoir occasionnellement pointé le curseur sur eux, en amont, ne serait-ce que pour appâter du lecteur dans les premiers virages xD
Je dis ça, mais moi, ça me va très bien, comme t'as fait. Je préfère comme ça. Je pose juste la question par curiosité :P

Hum, c'st principalement parce que
1- Je ne cherche pas vraiment à appâter le lecteur. Tout le monde aime sa propre fic, ça ne voudrait rien dire si je spammais d'auto-pub. Et je suis mauvais juge sur mon propre travail. Quand je vois Antarka qui glisse un "Lisez DBAF Lamantin" dans une conversation, ça a beaucoup plus de poids pour moi (et, je l'espère, pour les lecteurs potentiels).
2 - Parce qu'ils ne sont pas du tout des personnages centraux dans cette fic. Je préfère ne pas mentir.
3- Parce que j'ai un peu de mal à les écrire, et très peur de mal les écrire. (et honnêtement, ils sont, je trouve, mal retranscris dans cette fic)

Content que tu aimes Axod :lol:

omurah a écrit:Franchement j'aurais été toi, j'aurais quand même pris le risque d'effectivement désamorcer tout le bordel en un coup de pied, ce troll serait resté dans les annales m'est avis xD (pour de bonnes ou de mauvaises raisons, c'est une autre question, trololol)

Ah mais le troll et les retournements de situation impossible, c'est ton domaine, je voudrais pas empiéter.
Spoiler
:mrgreen:


Antarka a écrit:En fait j'ai un peu le même avis qu'avant en mieux : tjrs aussi épique, géant, transcendant, et mieux car on est quand même moins largué dans tout ton Bordel (enfin moi en tout cas, mais c'parce que j'ai tout relu, et plusieurs fois même).

:shock:
Bah merci beaucoup. Euh,, je suis content que ça te plaise autant. C'est pour ça que je poste lentement en fait, pour vous laisser le temps de relire. Faites comme lui. :lol:

Antarka a écrit:Enfin moins largué... Suis toujours dubitatif en voulant imaginer ce que tu vas faire (au point où j'en suis, je me demande pourquoi Khaine a pas balayé la Terre lui-même, et ce que tout ses Saiyens légendaires pourront faire de tt façons contre YALDABAOTH, vu qu'il a dû bannir tout l'ancien monde pour s'en débarrasser après son combat contre l'aberration.

Le truc avec YALDABAOTH, c'est qu'il a peur de Khaine. Il ignore que ce dernier est affaibli et, pour ce qu'il en sait, il est la seule personne dans l'univers qui puisse le tuer (avec Abel). à mois de n'avoir absolument pas le choix, il choisira toujours d'envoyer quelqu'un mourir à sa place. Les SSJL pourront botter les fesses de tout ce que ce dernier parviendra à leur envoyer. Enfin, c'est le plan. Reste à voir comment ils tiennent contre les élus, Ach'Aël et Bellica.

Antarka a écrit:Question : comment tu te représentés géographiquement l'ancien monde ? Je veux dire, notre univers (l'arène) c'est du vide, avec ici et là des systèmes stellaires qui possèdent des planetes, qui elles mêmes possèdent la vie.
Le Makai ça semble être une étendu en gros plate (pas une planète), plus grand que la surface de n'importe quel monde.
Mais l'ancien monde ?

Tu as tout bon pour l'ancien monde et l'arène.
Pour l'ancien monde, il s'agit d'un chaos primordial sans consistance, une masse tourbillonnante d'énergie et de matière à peine condensée dans lequel seuls les archéens et les titans peuvent survivre (sous une forme très différente pour les titans). Les titans, s'il leur vient l'envie, créent des "Bulles". Ce sont des volumes de réalité condensée, plus vivables, où la matière s'agglomère beauoup plus facilement. Neuf fois sur dix, ce sont des genre de mini-Makaï, mais leur topographie varie du tout au tout (le palais de Bellica, par exemple, pourrait s'apparenter à une grotte aux dimensions absurdes. Le gros de son architecture a été généré par un titan prisonnier et non taillé par des outils ou par magie)

Antarka a écrit:Et pourquoi que seule les âmes de l'arène passent devant Enma ?

Cela fait partie du pacte passé entre les habitants de l'ancien monde et YALDABAOTH : toutes les âmes de ceux qui sont restés dans l'ancien monde lui reviennent. à leur morts, elles sont récoltés par LUI et subissent SON jugement. Inutile de préciser qu'il vaut mieux avoir été un bon croyant toute sa vie si on veut une réincarnation favorable (ou une réincarnation tout court), et que les hérétiques ne subissent pas un sort très enviable (Sheol ou annihilation pure et simple, selon l'humeur du moment). Après, l'ancien monde est vaste et il y a toujours des moyens de contourner les règles.

Je vais essayer de faire une frise chronologique ce WE, promis.

Et merci encore pour vos comms, ça fait vraiment plaisir !


Chapitre 21 - Annihilation



Encore.

Le sol de Namek tremblait, les vents déchaînés rapportaient les nouvelles du combat titanesque qui se déroulait pour l'avenir du peuple de Dende.

Encore.

Et la roche se fendit sous ses pieds, il saisit un enfant par le col, lui épargnant une chute fatale, et le reposa sur le sol en compagnie de la population du village. Ils étaient une centaine de nameks, agglutinés les uns autours des autres, les yeux grands ouverts, terrifiés par ce qui s'abattait sur leur peuple.

Encore.

Ils étaient tous nés après l'attaque de Freezer, après ces événements horribles qui avaient signé la fin de l'innocence de Dende, de l'idée que s'ils se comportaient bien, s'ils ne causaient de tort à personne, alors personne n'aurait de raison de leur faire du tort à eux.
Absurde. Dende le savait, maintenant, mais il n'y avait eu personne pour le faire comprendre à la nouvelle génération. On ne comprenait pas en écoutant les histoires. Il fallait la vivre.
Et Dende la revivait, encore. Il voyait un démon du froid, un membre de cette race haïe qu'il avait cru disparue, revenir pour assassiner son peuple. Et encore une fois, ils devaient se reposer sur autrui pour survivre. La force, il n'y avait guère que ça qui comptait. Il en venait à souhaiter qu'il n'y ait jamais eu de dragon balls et que ces monstres aient laissé leur peuple en paix pour l'éternité, au lieu de les attaquer injustement. Il avait vécu près de ces monstres, lui aussi, pendant si longtemps. Il les aimait, et Piccolo comme Gohan étaient devenus des amis précieux, mais l'enfant qu'il était à l'époque où il avait choisi de vivre sur terre avait en lui des motivations bien moins noble que l'amitié et l'amour de ce monde étranger. C'était la peur qui l'avait poussé à vivre sur terre. Il s'était figuré que vivre chez les êtres qui avaient tué Freezer le protégerait des monstres pour toujours.
Quelle erreur ! Il avait mis une éternité à le comprendre : rien ne pouvait l'éloigner des monstres, pour la simple et bonne raison qu'il en était un lui-même. Quelle terreur devaient inspirer les Dragon Balls aux ennemis de la terre ! Il fallait toute l'innocence des Nameks pour concevoir un outil si formidable sans songer un instant aux terribles emplois qu'un esprit mal intentionné pourrait lui trouver. L'immortalité désirée par Freezer n'était somme toute qu'une idée très mondaine comparée à ce qu'il avait entendu suggérer par les humains. Une peste magique qui ravagerait le Makaï, et tout le reste de l'univers à l'exception de la terre et de Namek, tant qu'on y était ; la destruction de stocks de nourriture ou d'autres ressources vitales... Tout cela aurait coupé court à l'invasion, et il avait du hausser la voix pour dissuader les terriens d'agir de la sorte.

Oui, à l'égard du pouvoir surnaturel qui sommeillait entre ses mains, et entre celles de tous les membres de la tribu du dragon, il était lui aussi un de ces monstres qui faisaient de l'univers un endroit sombre et effrayant. Maudites soient les Dragon Balls, et maudit soit le pouvoir antique qui avait mis une telle chose entre leurs mains à eux, les Nameks, qui n'avaient jamais demandé qu'une vie paisible et pacifique.
Une autre série d'impacts repoussa les nuages ans l'atmosphère

Kibitoshin allait gagner. Après toutes ces années sur terre, à contempler les sayens, Dendé était parfaitement à même de comprendre comment les combats se déroulaient, même à cette échelle de puissance. Banquiz ne le savait peut-être pas encore, mais le combat ne se prolongeait que parce que Kibitoshin économisait ses forces pour un autre affrontement. Le démon du froid se battait mieux, faisait décliner les réserves de son ennemi bien plus vites que les siennes à lui, mais le kaïoshin pouvait à tout moment dégager une force vitale à même de porter le coup fatal, quelle que soit l’habileté dont son ennemi fasse preuve.
Dende voulut sourire, mais n'y arriva pas. Le sol tremblait toujours sous ses pieds.

Ça y était, Kaïoshin passait à l'attaque, concentré. Il avait mis à contribution l'énergie accumulée et l'aura de Banquiz diminuait de seconde en seconde.

Aveuglé par le brasier de ki qui se déchaînait devant lui, il ne perçut pas l'étincelle au-dessus de sa tête.


******



Trop nombreux.

Non, ce n'était pas juste ça : Non seulement ils étaient trop nombreux, mais ils étaient aussi plus efficaces, plus organisés, plus cohérents. Ils s'étaient préparés pour une guerre, pas pour un championnat d'arts martiaux. Mais Piccolo s'adaptait vite.

Dos à dos avec un combattant fusionné dont il ne connaissait même pas le nom, il parvenait enfin à tenir en respect les troupes disciplinées de l'adversaire, et stabilisait ses réserves d'énergie, capable d'analyser quand les escadrons de démons fondraient sur lui en simple distraction et quand ils le faisaient dans le but d'asséner un coup fatal.
À leur décharge, ils avaient réussi à lui infliger trois coups fatals. Mais les capacités de régénération de Piccolo l'avaient préservé, et son formidable sens du combat le prémunissait du risque de subir deux fois de suite la même attaque.

Tenir. Il n'y avait plus que ça à faire. Tenir sans laisser la moindre ouverture, et prier pour de Gohan ou Goujin vienne à sa rescousse une fois de plus et nettoie la vague de démons, lui donnant une chance de passer à l'offensive.

La ville dans laquelle Piccolo avait choisi de commencer le combat était complètement nivelée à force de kikohas et de chocs sismiques. Des gravats et du béton éclaté à perte de vue. À sa droite, un arbre fendu apportait une touche de nature dans ce décor d'apocalypse. Les cieux rouges s'illuminaient régulièrement, et on n'entendait parfois le choc des combats que de longues minutes plus tard. Partout, la terre chauffée à blanc côtoyait un sol fendu par le gel. La magie du Makaï avait imprégné jusqu'à l'air ambiant et s'éparpillait comme une goutte d'essence dans une flaque d'eau, chaque bombardement magique rendant un peu plus difficile la perception du monde alentours.

Quelque part en lui, celui qui avait été le protecteur de la terre ne reconnaissait plus le monde autours de lui. Son aspect muté par les combats et son essence teintée par la magie démoniaque lui semblaient étrangers, dangereux, hostiles.
Et au-dessus, comme un vol de vautours paralysés, trente deux démons les observaient en cercle, guettant un moment, une occasion qui leur serait propice. Piccolo arrivait maintenant à lire dans leurs formations et à prévoir les timings où ils se jetteraient sur lui en formation.
Ils savaient se battre, mais ce n'étaient pas des génies pour autant.

Le principal danger du groupe auquel il était confronté résidait dans son utilisation de tissus enchantés dont les fibres les protégeaient des attaques de ki et les rendaient considérablement plus difficiles à détecter. Il fallait déchirer leurs armures de bandelettes avant de les frapper, ce qui impliquait d'engager des corps à corps toujours très laborieux.
Le namek se sentait capable de tenter l'attaque, mais son compagnon d'armes n'y survivrait certainement pas.

Bah, ils avaient les dragon balls après tout. Il fallait prendre l'initiative ou il se feraient submerger à coup sûr.

Une série de signes, quelques paroles échangées, et Piccolo fut rassuré : l'envoyé du Kaïoshinkaï n'avait absolument pas peur de mourir. Ils attaquèrent simultanément : Piccolo en avant, et son allié derrière, lui couvrant les arrières. À peine leur mouvement enclenché, et les démons avaient réagi, adoptant des formations inconnues jusque-là.
Pas le temps de changer de trajectoire.
Au lieu de frapper le démon vers lequel il se dirigeait à l'origine, Piccolo dévia sa charge pour passer sous celui-ci, esquivant une combinaison de Kikohas qui l'aurait sinon assommé à coup sûr. Derrière, le crâne de son coéquipier éclatait entre les genoux de deux démons.

Combien de formations ont-ils mémorisé ?

Il fallait tuer le sorcier, c'était lui qui leur permettait une telle cohésion, mais il était hermétiquement protégé par les plus puissants de ses congénères... Zut !

Piccolo était coincé en l'air, avec l'intégralité de la force de frappe ennemie entre lui et son point d’atterrissage potentiel. Derrière ses gardes du corps, les yeux phosphorescents du sorcier le narguaient. À gauche, à droite et par derrière, toujours la force de démons se refermait sur lui.
Mais ils n'étaient pas les seuls à avoir gardé un as dans leur manche.

Même si, depuis que les sayens avaient surpassé leur première transformation, l'idée de devenir un jour le plus puissant combattant de la terre s'était faite utopiste, Piccolo n'avait pas abandonné sa quête de perfectionnement. C'était même l'inverse : il n'avait jamais été aussi rapide et efficace dans ses entraînement que depuis qu'il avait compris qu'il ne surpasserait jamais Goku.
En abandonnant tout espoir de tenir un jour le futur de la terre entre ses seules mains, il s'était fugacement imaginé qu'il abandonnerait ses entraînements pour de bon. Cela avait été l'inverse. Il ne s'entraînait plus pour vaincre Goku mais, à la manière de celui-ci, pour se surpasser lui-même. Cela avait toujours été le cas, au fond. La haine de Piccolo Daimao, qui lui avait donné vie, ne s'était pas tant focalisée sur le garçon qui lui avait transpercé le cœur d'un coup de poing que sur le soi-disant roi démon qui s'était laissé vaincre par l'enfant en question. Il l'avait simplement transposé sur la mauvaise cible.
Depuis le début de l'invasion, Piccolo observait, mémorisait, tentait de comprendre des mécanismes qui régissaient leurs ennemis. Même s'ils abattaient les démons par poignées entières, ils étaient des milliers sur la lune, prêts à rejoindre la mêlée. Peu importait la force individuelle de leurs super-sayens, ils se feraient submerger si l'on laissait le poids du nombre s'exercer librement sur la résolution du conflit. Cela, il l'avait compris bien avant le premier assaut.

Il avait eu tout le temps de préparer un contre.
Loin en contrebas, dans les ruines de la ville, la magie et le ki qui imprégnaient l'air se dissipaient lentement.
Plus loin encore, enterrés sous le béton et l'asphalte, plus de deux cent œufs, incapables d'absorber plus d'énergie ambiante se fissurèrent quasi-simultanément sous l'impulsion de leur créateur.
Les nouveaux-nés jaillirent du sol à l'unisson, une armée de taupes monstrueuses écartaient la fonte et le ciment comme s'il s'était agi de terre et de sable. Couverts d'écailles squameuses, c'était la meute grinçante et caquetante qui avait servi Piccolo Daimao en des temps anciens. Des parodies dégénérées de nameks, voués dès leur naissance à verser le sang de au nom de leur maître. Dans leurs petits yeux froncés, rien d'autre que la fureur maligne et la servilité voulue par l'ancien roi des démons. Nombreux, remplaçables, combatifs et cruels. Une armée appropriée pour celui qui avait voulu faire de la terre un enfer miniature. Voilà qu'elle était suscitée pour empêcher cette même chose.
Ils étaient trop idiots pour saisir l'ironie de la situation, et chargèrent avec toute la sauvagerie qui les caractérisait vers ceux qui s'en prenait à leur créateur, en haut. Démons contre démons. Les nouveaux-venus n’arrivaient pas à la cheville des guerriers du Makaï, et même leurs cervelles limitées comprenaient qu'à deux cent contre trente, ils courraient vers une mort certaine.
Mais cela n'avait pas la moindre importance : ils protégeaient le maître.


*******



Les pas du démon retentissaient dans la grotte, rendus tonitruants par le silence souterrain. Ce réseau de cavernes s'étendait sur des kilomètres, et une foule de spéléologues l'avaient laborieusement cartographié au cours des siècles. Parmi eux, un certain cyborg répondant au nom de C17. Il n'aurait jamais pensé que cette passion lui rendrait de tels services, mais, lorsqu'il avait reçu l'appel au secours de sa sœur par leur canal de communication privé, il avait immédiatement envisagé de se replier ici si leurs forces combinées ne suffisaient pas à défaire la menace.
En l'occurrence, la menace les avait proprement massacrés.
L'idée de C18 de transformer la bataille en une longue suite de duels mettait à contribution la tradition martiale de leurs adversaire pour les pousser dans une configuration où elle aurait immanquablement l'avantage. Les deux cyborgs, et C17 l'avait lui aussi remarqué de son côté, se trouvaient dans une tranche de puissance idéale, en cela qu'ils n'étaient pas substantiellement plus puissants qu'un démon de haut niveau, mais que leur endurance surhumaine leur assurait immanquablement la victoire contre un ennemi niveau similaire. Cela avait fonctionné pendant un quart d'heure, où ils avaient chacun de leur côté abattu une force combinée qui serait venue à bout de presque n'importe quel super-sayen, si elle avait eu le temps de s'unir. Cela avait cessé de fonctionner lorsqu'ils avaient rencontré un démon largement plus puissant qu'eux.

Il était somme toute logique qu'une culture aussi martiale que celle des démons ait placé une lignée de combattants exceptionnels à son sommet, et le prince Nadil avait fait honneur à sa famille. Devant l'assistance médusée, il avait calmement entrepris de démolir C18. N'ayant rien à prouver ni à revendiquer, il avait pris son temps, n'était pas tombé dans le moindre piège, là où C18 avait enchaîné les mauvaises surprises à toute vitesse. Plus rapide, plus fort, il avait révélé ses capacités de sorcier en plein milieu du combat en générant une cage de flammes autours de la cyborg, qui, figée par la surprise, perdit son bras droit dans la minute. Heureusement, son frère était arrivé en renfort à temps, mais elle avait accumulé assez de données pour comprendre que leur seul espoir de survie résidait dans la fuite.
Au moins, cette option ne leur était pas fermée.

Leur nature de cyborgs les avait sauvés encore une fois. Les flashs lumineux installés dans leurs systèmes de combat combinés à leur absence de ki les avait rendus complètement invisibles le temps de s'enfuir dans un lieu où ils auraient, sinon l'avantage, au moins une chance de s'enfuir.

Mais pour s'enfuir, encore fallait-il bouger. Et l'ouïe du monstre était à la hauteur de sa force. Béni soit leur canal radio personnel et la médiocrité des démons lorsqu'il s'agissait de s'adapter à la technologie locale. Ils avaient eu une dizaine de minutes pour discuter de la situation : ils étaient faits comme des rats, mais le complexe de roches était si immense que la seule chance de les retrouver était de le faire sauter dans son intégralité. Et Les cyborgs pourraient tous deux profiter d'une telle explosion pour s'enfuir au loin. Ils étaient bien dans un cul-de-sac, mais leur ennemi aussi. À moins qu'il ne révèle une nouvelle capacité inconnue, bien sûr.
Leur discussion radio s'était arrêtée à ce constat depuis quelques minutes quand le frère reprit la parole.

    - On a encore perdu des sayens.

    - Oui.

    - Faut qu'on y aille.

    - Oui.

    - …

    - …
Les pas du démon s'étaient arrêtés, puis reprirent d'un coup, alors que sa voix, trop puissante pour n'avoir reçu aucune aide magique, retentissait à nouveau dans toute la grotte.

« Je finirai par vous trouver, vous savez ? C'est ça le courage des terriens ? Vos amis se font tuer, dehors ! »


Il les provoquait depuis le début de cette partie de cache-cache mortelle. Les pas reprisent, s'éloignant, et C-17 reprit.

    - Il a raison. Je vais faire diversion, essaie de partir les aider.
Sa sœur le dévisagea dans l'obscurité, furieuse.

    - Tu plaisantes ? N'essaie pas de me protéger, j'ai un bras arraché si ça t'a échappé. Tu sera plus utile que moi là-haut.

    - Mais je...

    - On a les dragon balls. Ne t'inquiète pas pour moi.
Bien sûr qu'il s'inquiétait pour elle. Mais aussi pour les autres, pour Krilin, pour ses petits-enfants à elle, alors que lui... Ils seraient une dizaine tout au plus à pleurer sur son cadavre si le pire devait arriver.
Mais il pensait comme un vaincu, alors que sa sœur n'avait pas exprimé de doute sur leur victoire depuis le début de l'invasion, même quand la puissance de Baphasi avait augmenté au point de dépasser celle des super-sayens, elle avait gardé confiance en eux.
Il priait pour que ce ne soit pas injustifié.

Puis, il capta une présence à l'entrée de la grotte, et sut qu'il devait agir tout de suite.


*******


« La morsure du soleil ! »


Huit démons, tous vêtus du blanc de la garde royale, s'effondrèrent sur le sol, terrassés par les kienzans. Le neuvième tint bon une seconde, malgré sa gorge qui vomissait des flots de sang, et eut le temps de cracher un kikoha avant de s'effondrer, inconscient.
Seul les cris de douleur de Nosette venaient rompre le silence.

Krilin s'approcha de son élève, et lui tendit son dernier senzu. Les jambes repousseraient en quelques heures, mais Nosette était hors de combat. Benoix, Rachid, Cawett et Amandine reprenaient leur souffle, guettant avec inquiétude la force colossale qui se tapissait au fond de la grotte. Les kienzans ne fonctionneraient pas sur celui-ci. En tout cas, pas la version primitive qui avait permis à ses élèves de vaincre des centaines de démons infiniment plus forts qu'eux depuis le début de l'invasion.
Krilin ressentait une sorte de plaisir coupable à comparer les performances de ses élèves et celle des moines de la grue, pourtant tellement plus puissants et versatiles, mais le constat était là : Marron et Nosette, blessée mais vivantes, étaient les deux seules pertes de l'école de la tortue, là où moins d'un moine le la grue sur dix respirait encore.

À quoi bon chercher la puissance quand l'ennemi les dépasserait quoi qu'il arrive ? L'entraînement de Krilin s'était focalisé sur la discrétion, et la poignée de techniques qui leur permettrait de vaincre ces ennemis ridiculement plus forts qu'eux : la morsure du soleil, le kienzan, et le mafuba avaient terrassé plus de démons que n'importe quel super-sayen, à l'exception seule de Son Goujin.
Mais si leurs victime dépassaient le millier, ils n'avaient jusque là abattu que du menu fretin. Les vraies menaces, comme celle qui traquait C18 dans cette grotte, restaient bien au-delà de leur portée. Mettre les pieds la-dedans, c'était se condamner à mort.

Et pourtant, il fallait qu'il y aille. Parce que sinon, C17 et C18 allaient tous les deux mourir, et que la terre avait plus besoin d'eux qu'elle n'avait besoin de lui. Parce que ses élèves étaient bien assez bons pour continuer son œuvre sans lui, même s'il devait les abandonner ici. Et par-dessus tout, parce que depuis ce jour où il avait été assez idiot pour risquer le sort de la terre sur un coup de tête, il savait qu'il ne pourrait jamais abandonner C18 à une mort certaine.

    - Je vais y aller, mettez Nosette en sécurité. Dites à Marron que je pense à elle.
Aucun des élèves ne contesta sa décision. Graves, silencieux, ils acquiescèrent et disparurent dans la nature, reprenant à quatre la guérilla qu'ils avaient commencé à sept.

La grotte ouvrait grand sa gueule, prête à laisser entrer le maître des tortues. Il prit une grande inspiration par la bouche, et fit un pas dans les ténèbres.

    - Laissez moi faire, maître Krilin. C'est trop dangereux pour vous.
Le petit homme se retourna tendu et prêt à combattre l'inconnu. Il ne l'avait absolument pas senti approcher.

Un clairvoyant. Le troisième œil au milieu du front ne laissait pas de doute sur son identité. Il était grand, basané et tatoué sur tout le corps. Erik. Le facteur inconnu. Le plus mystérieux, et probablement le plus actif des clairvoyants. Il était sans le moindre doute beaucoup plus fort que Krilin.
Un moucheron, comparé à ce qui les attendait, tapis dans les ténèbres souterraines.

    - Si c'est Tien qui t'envoie, dis lui que je n'ai pas besoin qu'on meure à ma place.
Les yeux sombres du clairvoyant étaient toujours aussi inexpressifs.

    - Je n'ai pas l'intention de mourir, maître Krilin. J'ai l'intention de tuer ce qui se trouve dans cette grotte, et de secourir nos deux alliés. Maintenant, si vous voulez bien vous tenir à distance, cela me facilitera la tâche.
Et l'homme s'avança seul, d'un pas calme et décidé, vers l'entrée du souterrain. Il s'arrêta sur le seuil, juste avant que les ténèbres ne l'engloutissent. Quand il reprit la parole, sa voix laissa transparaître un tremblement infime, tout-de-suite réprimé, mais qui n'échappa pas à l'oreille acérée de Krilin.

    - À la réflexion, il est possible que je meure. Si cela se produit, je... Enfin...
De longues secondes s'écoulèrent sans qu'il ne parvienne à finir sa phrase. Krilin vit la poitrine d'Erik se soulever alors qu'il prenait une grande inspiration, puis, le corps du clairvoyant se fondit dans les ténèbres.
Cela n'aurait rien dû avoir de surprenant, l'intérieur était très sombre et dénué d'éclairage. Le côté exceptionnel de la chose provenait du fait qu'Erik ne s'était pas avancé dans la grotte avant de quitter la vue de Krilin. À la place, droit sur ses deux jambes, il avait simplement fondu dans les ombres.

Et le gouffre s'assombrissait de secondes en secondes. Bientôt, on ne put plus distinguer quoi que ce soit de l'intérieur, comme si l'entrée toute entière était un mur lisse couvert d'une peinture noire sans reflets.
Le maître des tortues resta figé, incapable de procéder les informations que lui transmettaient ses sens. C'était comme si toute la grotte était devenue vivante. Une bête immense et souterraine qui entendait, sentait, respirait...
Mordait.

Et les cris de Nadil, repris par l'écho, retentirent pendant de longues minutes avant de se taire à jamais.


******



Le vide spatial n'était pas froid. C'était ce qui y entrait qui refroidissait à toute vitesse, la matière intruse dans ce monde vierge se neutralisait, prenait un état solide et éternel, ou se dispersait en un instant en gaz. Mais Krios n'était pas un intrus, ici.
Sa peau immaculée ne brillait pas comme elle l'aurait dû à la lumière du soleil, absorbant la plupart des radiations qui aurait foudroyé d'autres êtres.
Nu, l'enfant dérivait dans un environnement infiniment hostile à la vie. Expérimenter le vide, c'était faire un pas en avant, devenir un « autre ». Ou transformer le reste du monde en autre. Les plus puissants sayens, dieux et démons pouvaient survivre dans le vide, mais aucun ne s'y sentait chez lui. Ils souffraient, leurs muscles et leur aura tendus contre un milieu mortel. Ils étaient des intrus dans l'espace. Des intrus dans ce qui constituait essentiellement la totalité de l'univers.
Krios entrait pour la première fois de sa vie dans sa maison. Une maison infiniment plus grande que ce que tous, hormis les rejetons de Rte'is, appelaient l'univers. Une maison dont il était, avec son père, le seul vrai occupant, et dans laquelle personne ne pouvait s'aventurer sans recourir à de fragiles coques de métal. Tout près, il voyait l'une de ces coques dériver à l'aveugle, à sa merci. Elle contenait ceux qu'il avait cru chérir le plus au monde. Polt, Cadenza...
Il les aimait toujours de tout son cœur, mais Krios venait de découvrir en lui une chose plus importante. Il embrassait des yeux son vrai trésor. Sans une atmosphère pour l'aveugler, sa vue transperçait l'univers. Il voyait les océans de plasma se déchaîner à la surface du soleil, il distinguait les mouvements des étoiles lointaines et devinait leurs locations. Ses pouvoirs télékinétiques se déployaient lentement, libérés des chaînes de la gravité.
Dans sa tête, se dessinait une carte spatiale qu'aucun esprit n'appartenant pas à sa race n'aurait pu déchiffrer, mais elle était pour lui limpide. Il sentait la terre et le déchaînement d'énergies obscures à sa surface. Il pouvait l'atteindre, il pouvait y aller. Il pouvait étendre les fils de ses pouvoirs en une ligne droite qui trancherait les dimensions et l'amènerait vers sa destination en quelques mois. Non, en quelques semaines. Les distances étaient broyées sous sa poigne, l'univers se pliait en origamis conciliantes, comme une bête bien dressée.
Cela ne pouvait pas être dû au hasard. En fermant les yeux, il voyait cette figure sombre, puissante qui avait offert l'univers à sa race en l'échange de quelque service grandiose et lointain. Il était l'héritier de ce pacte, de ce monde.

Ah, quelle extase ! Ce qui n'avait été que des mots lui apparaissant maintenant comme une certitude. L'univers lui appartenait, à lui, d'un droit plus divin que la parole de n'importe quel dieu. Tous les autres étaient des intrus, cachés derrière leurs coques de ki, de métal...

Ou de pierre.

Sous lui, nouvelle-Namek lui semblait aberrante. Un dégoûtant monument à la gloire d'usurpateurs qui avaient cru leur voler la galaxie.
Il savait ce qu'il avait à faire.

Depuis l'orbite, le jeune démon du froid concentra son ki, les yeux fixés sur l'arrogante sphère qui prenait maintenant tout son champ de vision. Puis, il tendit un index accusateur vers son ennemie.

Une créature moindre aurait hurlé de rage en déchargeant la vague de ki planèticide. Une créature moindre aurait qualifié l'acte de « démoniaque », et l'expression de Krios de « froide ».

Krios n'était pas de ces créatures-là. Il était un seigneur du vide.


******



Vingt et un.

Il ne savait pas s'il espérait qu'il en resterait plus ou moins.
Piccolo peinait à dissimuler son dégoût lorsqu'il baissait les yeux vers sa création. Un ramassis d'immondices vouées à la destruction de l'humanité, et qu'il avait détourné de leur but original. Le fait qu'ils l'aient loyalement servi, bravant la mort à de multiples occasions pour lui donner l'opportunité de frapper une fois de plus, s'interposant face aux kikohas et aux sortilèges qui auraient sinon scellé son sort, ne l'aidait pas à trancher le sentiment troubles qu'il avait pour ces créatures. Ses enfants.
Ceux qui avaient survécu étaient les plus forts et les plus rusés de la meute. Ils commençaient à faire preuve d'une cohésion instinctive qui leur avait permis, à la manière de leurs ennemis, de vaincre des combattants individuellement bien plus puissants.

Ils s'étaient débarrassé de ce groupe, et il fallait bouger vite, avant qu'un autre détachement ne leur tombe dessus. Les effectifs des sayens, morts comme vivants, chutaient à toute vitesse.

Vingt.

Un de ses enfants venait de mourir. Là, à moins de deux cent mètres.
Piccolo étendit sa perception, tentant de détecter le combattant ennemi qui se cachait dans l'ombre. Ses guerriers se regroupaient, dos à dos, au niveau du sol, prêts à assaillir l'agresseur dès qu'il se manifesterait.
Si l'ennemi cachait prodigieusement bien son ki, il y avait d'autre manières de détecter un être vivant. Sans même les regarder, le namek était capable de percevoir le mouvement des cailloux, des herbes que son ennemi devrait fatalement effleurer dans ses déplacements. Rien. Il étendit ses sens plus précisément, analysant les poussières, l'air, les mouvements des minuscules insectes environnants.

Dix neuf. Un autre monstre s'effondra sur le sol, sans vie. Ses frères, paniqués, scrutaient l'environnement en quête de cet ennemi invisible. Piccolo redoubla d'efforts, mais il ne percevait rien d'autre que le vent, le sable, les insectes...
Les insectes.

Deux kiaïs pulvérisèrent à la fois l'essaim qui tournait autours de ses guerriers et celui qui se dirigeait vers lui.
Saletés.

Piccolo avait la signature énergétique, il fallait seulement la remonter. Il devait y avoir un essaim, une ruche ou une reine. Il allait le trouver et le détruire. Cet ennemi, tout mortellement dangereux qu'il soit, devenait inoffensif dès lors qu'on le connaissait.
Il n’eut pas à chercher bien loin. Les applaudissements le guidèrent. La ruche avait un visage, deux bras, et une bonne douzaine de jambes. Son buste aurait pu passer pour celui d'un adolescent, mais la masse de chair boursouflée où il s'enracinait avait perdu tout aspect humanoïde si elle en avait un jour eu un. Dessous, une collection de membres sanguinolents supportaient la masse de viande. Animée, la peau se tendait parfois sous la pression d'un abominable rejeton. Une cloque éclata, libérant un autre nuage d'insectes dans l'air, et Piccolo dû réprimer un haut le cœur. Le parallèle avec sa propre création n'était que trop évident, et, à en juger par le sourire qui illuminait les yeux noirs de la créature, elle en avait parfaitement conscience.

Ses démons s'étaient reformés, formant un barrage vivant entre lui et l'ennemi. Impossible de savoir ce que cette créature leur réservait, et ils resteraient sur la défensive jusqu'à ce que leur géniteur leur donne l'ordre d'attaque.
Et déjà, le monstre changeait de forme. Le ventre flasque et ballottant se durcissait en des constructions successives de muscles noueux et d'os acérés. En quelques endroits, la peau éclatait face à la reconstruction en cours, laissant couler un ichor jaunâtre ou un sang carmin.
Le spectacle eut été révulsant s'il n'avait été aussi rapide, mais les pouvoirs de métamorphose de cette chose fascinaient par leur rapidité. Quelques secondes, tout au plus, et il était passé d'une pondeuse pataude à un puissant golem armuré d'os et de cartilage. Les petits yeux noirs s'ouvraient partout où sa forme asymétrique laissait l'espace pour poindre l'un d'entre eux et loin, loin sous les épines d'os qui suintaient d'une toxine qu'on devinait fatale, le cerveau immonde et boursouflé de la bête préparait une autre forme d'attaque.

Un changelin.
Kaïoshin les avait averti de l'existence de cet ennemi-là. Dernier héritier d'une race disparue qui avait en son temps causé des dégâts comparables à ceux de Boo. Boo était d'ailleurs celui qui avait pris la responsabilité de l'abattre, mais il avait du échouer d'une manière ou d'une autre, le changelin avait dû s'évader sous la forme d'un ver ou d'un cafard alors que son corps guerrier se faisait détruire.
Ou alors il avait carrément affaire à un deuxième changelin.

Ces horreurs pouvaient générer un autre individu capable en moins d'une heure, mais celui qui accompagnait Baphasi était manifestement beaucoup plus fort que les autres membres de sa race. Vingt minutes ? Cinq ? Moins ? Combien d'autres monstres du genre y avait-il encore sur terre ?
Ils devaient impérativement tous les tuer, sous peine de les voir prendre contrôle de tout l'écosystème de la planète. À terme, l'humanité n'y survivrait pas.

Là où la force de cette créature était son adaptabilité infinie et son taux de reproduction phénoménal, sa faiblesse était son incapacité à employer efficacement le ki au combat. Il était très bon pour se cacher, certes, mais son aura restait dérisoire et la danse de l'air lui était probablement inaccessible. Le pulvériser à coups de kikohas restait l'option la plus sûre, mais c'était la stratégie que Boo avait sûrement adopté à l'arrivée du changelin, et voilà où cela les avait mené.
Il fallait oblitérer toute la zone. Noyer la ville entière dans un océan de plasma surchauffé où aucun germe, aucune larve, aucun œuf et aucune spore ne pourrait survivre. Tout cela sans trop endommager la planète. Difficile, mais faisable.

Les yeux toujours rivés sur l'ennemi en contrebas, qui tournait autours de leur position comme un vautour inversé, le namek commença à charger son ki. Le changelin préparait quelque chose.
Les macro-capsules.

Il y en avait une dans la ville.

Et juste à côté, quelque chose.

Un autre changelin.

Paniqué, Piccolo interrompit la charge de son attaque, et fusa vers la scène du meurtre de masse à venir. Il se jeta sur le côté tout juste assez vite pour éviter le coup de bélier que le premier changelin lui destinait, depuis le sol. La détente monstrueuse de la créature avait propulsé sa masse formidable à trente mètres de haut. Arrêté dans sa course ascendante par un tentacule, il projeta quatre autres des puissants appendices garnis d'épines toxiques qu'il avait jusque là dissimulé vers Piccolo.

Il fallait esquiver. Il perdit quelques précieux instants à contourner les appendices, et quelques-uns de plus à projeter l'ennemi vers le sol. Encre une seconde gaspillée pour détruire un nuage d'insectes venimeux et il sut qu'il n'arriverait pas à temps pour empêcher le désastre.
Tant pis, on a toujours les Dragon Balls.

Tout en esquivant, il chargeait une nouvelle attaque, plus puissante, plus destructrice. Quelque chose qui ruinerait définitivement à la fois ce changelin et celui qui se tenait maintenant juste en face de la macro-capsule.
À dix mètres de la macro-capsule. Une autre puissance venait de se matérialiser et de l'écarter de sa cible.

Tien Shin Han apparut à sa droite, un instant plus tard, la macro-capsule dans la main droite. Ils eurent un sourire entendu, et le namek projeta la décharge d'énergie qui viendrait à bout des monstres en contrebas.
C'était une attaque d'une puissance rare, autrement plus complexe qu'une simple boule d'énergie. Le kikoha, soutenu, propulsa la température au sol à un niveau insoutenable, qui carbonisa sur place toute forme de vie ayant eu le malheur de se trouver sur place. Tout le sol et les roches en-dessous ne furent pas épargnés et rejoignirent la masse de plasma incandescente qui avait remplacé la métropole. La décharge d'énergie phénoménale aurait largement dû condamner la planète, mais la maîtrise du ki de Piccolo n'avait plus d'égale depuis la mort de Goku et de Vegeta. Il enchaînait le ki sous le joug de son esprit, condensait les vagues et les retournait dans ce creuset infernal alors qu'elles tentaient de lui échapper. Il tint une longue minute à ce régime avant de s'arrêter, épuisé.

Il n'y avait plus rien de vivant à des kilomètres à la ronde. Il avant complètement rasé la ville et le sol frémissait encore de la puissance dégagée. Les gaz toxiques échappés pendant la combustion remontaient jusqu'à eux, mais ils pouvaient tous deux communiquer par télépathie et retenir leur souffle pendant une heure entière si nécessaire.
Même sans cela, l'épuisement du namek était manifeste.

    - Je n'ai plus de senzus.

    - Moi non plus.
L'explosion avait attiré les démons en masse. Ils étaient facilement trois cent à converger vers eux. Piccolo était épuisé et Tien était bien loin du niveau requis pour affronter un de leur détachements. Cette armée allait les écraser.

    - Vas-y, pars. On on me ressuscitera avec les Dragon Balls.
    - Il n'y a plus de Dragon Balls, Piccolo.
Le visage du namek se teinta progressivement d'horreur lorsqu'il rechercha, en vain, la trace énergétique de la planète d'exil de son peuple. Glacé par la situation, il dévisagea, incompréhensif, son camarade qui lui tendait la macro-capsule.

    - Prend-la. Le ne pourrai pas me battre en tenant ça.
Malgré la profonde tristesse qui se lisait dans les trois yeux du maître, on le sentait apaisé. Il souriait, résolu face à l'adversité. Alors que l'armée démoniaque fondait sur eux, il acceptait une mort irréversible.

    - Qu'est-ce que ? Tien, c'est du suicide ! Prend la capsule et fuis avant qu'ils ne te tuent !

    - Pour aller où ? Nous perdons.
C'était vrai. Trop de démons, pas assez de sayens. Les mathématiques étaient d'une terrifiante simplicité.

    - Je crois que les sayens ont fait bien assez de travail. C'est peut-être à nous de prendre la relève.
Il y avait autre chose. L'aura de Tien Shin Han fluctuait, et son ki ne ressemblait plus du tout à du ki. Il vibrait sur une autre fréquence, son aura remplacée par l'avatar de quelque chose d'autre.

    - Tu diras à Chaozu que je lui fais confiance. Et embrasse tout le monde de ma part.
Le cercle de démons se refermait sur eux, et Piccolo ne parvenait toujours pas à concilier ce qu'il percevait et ce qu'il voyait. Il tenta d'imprimer dans sa mémoire ce visage qu'il ne verrait plus jamais, il en avait l'intuition. Un visage sec, qui n'avait jamais abandonné sa quête de perfectionnement, qui n'avait jamais levé le pied sur ses entraînements draconiens, qui avait non pas suivi le chemin de Goku, mais s'était entraîné aussi dur que possible de son côté, sans que l'immense écart de force entre lui et les sayens ne soit jamais entré en ligne de compte. Tien Shin Han était véritablement le plus ancien combattant de la terre, en cela qu'il n'avait jamais cessé d'être un artiste martial, en corps et en âme.
Il arpentait sa voie depuis plus longtemps que n'importe qui d'autre. Plus longtemps que Goku lui-même arpentait la sienne.
Et il y avait trouvé quelque chose.


Piccolo planta son regard dans celui de Piccolo, puis fixa ce troisième œil ouvert, si dérangeant et familier à la fois.

Les deux yeux humains se fermèrent, et le troisième œil s'ouvrit une seconde fois. Piccolo sut alors ce que Tien avait trouvé.


******



Idiot. Il s'était senti si idiot quand il avait enfin réalisé la vérité. Il s'était aussi senti idiot quand la phase d'entraînement la plus éreintante de sa vie n'avait abouti qu'à l'acquisition d'une simple augmentation de son acuité visuelle. Il s'était raccroché à l'idée que l'exploit d'avoir surmonté la douleur et d'avoir survécu à la fois à la transformation et à la consommation des substances qui l'y avaient préparé consistait déjà en un endurcissement mental et spirituel qui, plus que le troisième œil, l'avait fait progresser.
Idiot, double idiot et triple idiot.
Comme un homme des cavernes qui se serait servi d'un fusil comme d'une massue.

Il avait tenu une arme formidable entre ses mains mais, stupide, faible et indiscipliné comme il l’avait été, il n'avait jamais saisi son potentiel.

Le troisième œil n'était pas là pour mieux observer le monde. Il était là pour voir au-delà du monde. Pour se voir soi-même.

La vue de Tien Shin Han épluchait toutes les couches de réalité comme de simples entraves. Les plans défilaient devant lui comme il les écartait dans un intervalle de temps replié qui passait pour inexistant à tout le reste de l'univers. Le temps, l'espace et la réalité de son être se délitaient les uns après les autres, jusqu'à ce qu'il ne reste que celui qui tournait les pages. Le dernier plan parallèle, l'ultime couche de réalité révélatrice de son soi profond.

Il ne restait plus que le Tien Shin Han zéro. Plus de chair, plus d'esprit, plus de monde extérieur. Rien que le spectre auquel tout le reste était connecté. Rien que Lui.
Il était simple, pur. Et par sa pureté, avait une vue directe sur le torrent infini d'énergie qui coulait sous multiples les strates de réalité qui composaient l'univers.
Il percevait sa structure mouvante, troublée, il devinait la meute sans visage qui dévorait l'extrémité du monde et voyait la fontaine de volonté qui, terriblement proche, jaillissait du front de la reine des démons pour abreuver le cosmos tout entier. L'énergie était là, infinie, à porté de main.
Il n'avait qu'à la tendre, et la force primordiale envahirait son soi purifié.
Seulement son soi purifié. Tout le reste serait balayé avec le flot de puissance brute.

Ne faire qu'un avec la force, c'était vers cela qu'il avait tendu depuis le début, n'est-ce pas ?
Le sacrifice n'en était alors pas réellement un.

De plus, la situation l'exigeait.


* * *



« TIEN ! »

Mais Tien Shin Han n'était déjà plus là. La macro-capsule serrée dans la main, Piccolo, encore aveuglé par le flash lumineux qui avait emporté son ami, fixait d'un regard blanc l'armée qui se dirigeait vers lui, prête à le démembrer. Dans l'air brûlant chargé d'électricité statique, il repéra enfin l'origine de la force monstrueuse qu'il percevait partout à fois.
Le ciel était zébré d'arcs électriques, et les nuages brillaient comme autant de soleils sous les vagues d'énergie ambiante.

L'armée démoniaque s'était immobilisée, tous les yeux braqués vers la voûte céleste et le nuage invisible, trahi par quelques arcs électriques qu'on devinait loin, là-haut. Un sorcier se mit à hurler de terreur, seul dans le silence. Un autre groupe de démons, une centaine, pris dans son élan tenta d'atteindre le sol à travers la masse d'énergie silencieuse qui avait autrefois été un humain du nom de Tien Shin Han. Ce fut assez pour qu'il passe à attaque.
La foudre ne frappe jamais deux fois au même endroit. Les rares démons à survivre à la tempête d'éclairs qui s'abattit sur le champ de bataille périrent lors de la chute dans le magma bouillant qui les attendait en contrebas.

Et le nuage monta, s'étendit, englobant bientôt toute la planète alors que toujours plus d'éclairs pleuvaient du ciel sur l'armée des envahisseurs, et que la personnalité du maître des grues s'éloignait, toujours un peu plus loin dans l'oubli.


*******



    - Nos pertes augmentent rapidement. À ce rythme...

    - La ferme.
Ladra voyait parfaitement ce qui se produisait : les écrans de surveillance installés par les sorciers royaux étaient bien suffisants. Leurs soldats tombaient comme des mouches aux quatre coins de la planète, et on voyait à présent l'atmosphère illuminée d'éclairs sur tout le globe.
Les sayens survivants se comptaient sur les doigts d'une main, et pourtant, ils perdaient cette bataille.

Ou du moins l'ennemi devait le penser... Le stock de renforts à leur disposition n'avait pas été à moitié entamé. Des soixante mille combattants qui avaient quitté la terre de leurs ancêtres pour allers porter la guerre aux terriens, près de cinquante mille fixaient toujours le combat à distance, prêts à entrer en jeu à son signal.
Ils étaient les disgraciés, les prudents, les insuffisamment dévoués et les plus mesurés des démons présents. Ce qui n'avaient pas été assez désespérément assoiffés de gloire et de victoires pour postuler aux premiers groupes d'assaut. Ceux-là manquaient en témérité, mais ils n'étaient pas lâches pour autant, et elle pouvait les voir piaffer d'impatience à ses pieds. Toutes les couches de civilisation, tous les mensonges de la société ne parvenaient plus à masquer la soif de sang qui, plus que toute chose, unissait les habitants du Makaï. Ils sentaient la bataille, Ils savait que le massacre était à portée de main, et la peur du danger s'effaçait devant leur désir de violence. L'écume aux lèvres, les babines retroussés, l'ost démoniaque se préparait à l'assaut.

Et Ladra la sentait elle aussi, cette soif de sang. Ce désir viscéral de tout massacrer sur son passage. Au diable la stratégie ! Quelle que soit cette nouvelle arme déchaînée par les sayens, elle plierait elle aussi face au poids de la horde que Ladra tenait en son pouvoir. Un mot, un seul, et la terre brûlerait !
La régente jeta son manteau de côté et fit monter son ki. C'était agréable, elle sentait le feu intérieur pulser en elle au rythme des battements de son cœur. Sa force montait doucement, à son service, prête à se relâcher à la moindre commande d'un corps dont chaque fibre avait été méticuleusement dressée au cours d'interminables entraînements.
Ladra était la guerrière ultime, maîtresse parfaite de son corps et de son esprit. La rage meurtrière ne l'habitait que parce qu'elle l'avait laissée entrer. Elle voulait tuer et exulter ce faisant. Elle voulait goûter à la chair des sayens.
Et, alors qu'elle ouvrait la bouche pour donner l'ordre d'attaque, elle vacilla sous l'emprise d'un vertige soudain.

Impensable. Elle mit quelques secondes à saisir ce qui se produisait, et déploya son aura dans un accès de rage. Que son corps ose la trahir dans une telle situation !
Et son ki s'arrêta de grandir, bloqué à la moitié de ce qu'elle pouvait normalement fournir. Elle voulut s’exclamer d'indignation, lorsqu'un horrible goût métallique emplit sa bouche. Elle bascula et reprit son équilibre en une seconde. Trop tard. Ladra balaya le reste de la loge des yeux, et y vit ce qu'elle craignait le plus : Les yeux ébahis des plus grandes figures du Makaï, qui n'en revenaient pas de l'avoir vue trembler, elle.
Puis, ses yeux rencontrèrent ceux de Nordis, et la vérité qu'ils y lurent firent éclater la rage de Ladra.


*******



Lorsque les démons avaient commencé leur invasion, ils s'étaient révélés pratiquement inarrêtables sur le plan militaire, mais l'empire s'était préparé à une défaite écrasante. Non, le véritable souci avait été leur sorciers, et plus précisément leur capacité à lire les pensées d'individus contre leur volonté. Le réseau d'espionnage royal avait été violemment démantelé par cette arme inattendue, ce qui n'avait laissé en place qu'une poignée de cellules à peine capables de survivre, sans parler de faire remonter les informations dont ils manquaient cruellement. L'essentiel des services secrets s'étaient fait capturer ou tuer dans les premières semaines de l'invasion, mais pas en vain. Nordis avait pu récupérer quelques précieux éléments de savoir sur la culture et la nature des ressortissants du Makaï. On ne pouvait pas parler là de point faible, mais c'était au moins des informations, et Nordis avait pu élaborer une stratégie. C'était risqué, mais dans une telle situation il était impossible de ne pas remettre une partie de leurs chances de victoire au hasard.

Le plan de Nordis reposait sur trois éléments.

Premièrement : Les démons du Makaï respectaient la force par-dessus tout, en conséquence de quoi leurs chefs ne pouvaient pas plus se permettre de refuser un duel que leurs soldats ne pouvaient se permettre d'en interrompre un. En théorie, si un combattant parvenait à atteindre le chef des démons et à engager le combat contre lui, même au beau milieu de leur armée, la tradition martiale de l'ennemi devrait annuler l'avantage du nombre.
Bien sûr, cette même règle imposait que le chef des armées démoniaques soit toujours immensément fort, bien au-delà de Nordis lui-même.

Deuxièmement, Baphasi désirait ardemment s'épargner une guerre de conquête en obtenant l'abdication en bonne et due forme de Nordis. Elle ne se sentait pas menacée par le roi, et ne voyait apparemment pas d'inconvénient à le garder en vie. Pendant plusieurs mois, on l'avait gardé sous escorte et exposé à toutes les démonstrations de puissance que le Makaï ait pu élaborer. Il avait vu des conclaves de sorcier lever un chaîne de montagnes, des planètes entières ravagées par des combats rituel dont il parvenait à peine à suivre les protagonistes, à des défilés de bêtes sauvages toutes plus monstrueuses les unes que les autres, mais on ne tentait pas de l'impressionner ainsi pour le tuer ensuite.
La conquête de la terre était le bouquet final de cette longue parade d'intimidation, et sa vie ne serait pas menacée avant son terme. Il y avait à parier qu'il se trouverait alors sur la meilleure tribune, et en présence du plus puissant démon disponible lors de l'affrontement.

Troisièmement, et cela avait été une surprise au vu de la dureté de la terre natale des démons, qui les avait rendu si forts et presque insensibles tant à la douleur qu'aux aux variations de température, les roches du Makaï ne présentaient au mieux qu'une radioactivité tout à fait négligeable. En conséquence, les démons du Makaï n'avaient strictement aucune notion de physique particulaire, et ne soupçonnaient pas le moins du monde l'effet catastrophique que les rayonnements de forte intensité avaient sur le métabolisme de toutes les espèces vivantes de l'univers.
Toutes les espèces, sauf celle qui se nourrissait justement des radiations en question, et à laquelle Nordis avait la chance d'appartenir.


Une chance incroyable, en effet. Sans sa constitution surhumaine, il n'aurait pas pu supporter l'incroyable concentration d'éléments radioactifs qui rayonnaient sous la mince couche de peinture de son armure de cérémonie.

Il débordait d'énergie, ses forces décuplées par les mêmes rayonnements qui tuaient à petit feu toute l'assemblée qui pensait le garder à l’œil. L'envie le brûlait d'attaquer maintenant, de faire voler en éclats cet accoutrement ridicule, d'achever les carcasses des gardes silencieux qui n'étaient guère plus mus que par leurs parties robotiques encore fonctionnelles. Mais la résistance réelle des démons aux radiations dont il les bombardait depuis plusieurs heures maintenant lui restait un facteur inconnu. Tant que le gros de l'armée démoniaque ne faisait pas mine de rejoindre le champ de bataille, le temps jouait toujours en sa faveur, mais si l'ost décidait de quitter le satellite avant que le croiseur doré ne le démolisse, alors il devrait accélérer ses plans.

Il y avait une faille dans cette sstratégie, qu'il n'avait pas réussi à combler, cependant. Une fois engagé dans un duel avec Ladra, il ne parviendrait probablement pas à quitter la lune avant impact, et alors...
Taris avait eu le bon goût de ne pas relever ce point de détail.

Le souverain fut sorti de ses pensées par le silence ébahi le la loge et le regard assassin d'une Ladra vacillante dont les narines laissaient couler un flot de sang encore plus rouge que sa peau. Il se prépara à attaquer, mais n'eut que le temps de faire monter son ki à un niveau acceptable avant que celle-ci ne se jette sur lui en hurlant.
Elle ne le tua pas instantanément, et il s'en félicita, mais à travers le fracas de son armure brisée et de la loge qui s'effondrait en ruine sous les cris paniqués des généraux du Makaï, son sens télépathique lui hurlait l'arrivée de la masse inarrêtable du croiseur doré. Et, alors qu'il s'appliquait à dévier les estocades puissantes et cruelles de Ladra, il en vint à se demander qui de son ennemie ou de son ami le tuerait en premier.


*******



Pas un autre ? Il y aurait dû avoir un autre coup pourtant....
C'était tout ce que le cerveau malmené de Callagan parvenait à articuler. Les pensées cohérentes étaient parties depuis longtemps sous les gants gainés d'acier de la souveraine de Noxus. L'armure noire, qui n'avait pas cédé sous les poings du sayen, arrachait à chaque choc un peu plus de conscience à son esprit malmené. Le crâne bourdonnant, abruti par les impacts successifs, il se contentait de se demander pourquoi le coup suivant ne venait pas.

Le sayen ouvrit son œil valide. Alvandra, la démone qui l'avait massacré avec l'aide de sa suite de guerriers, engoncée dans son armure de métal noire, soulevait quelqu'un par la gorge.
Non. C'était elle qui était soulevée, la gorge prise par la poigne d'un autre être encore plus colossal. Il les avait confondu parce que cet autre individu était lui aussi couvert de métal.
Non. Il était fait de métal.

Il y eut un bruit horrible qui passa par miracle les tympans de Callagan, et l'armure d'Alvandra se contracta brutalement, comme un ballon dégonflé qui laissa vite couler un flot de sang visqueux de chacune de ses anfractuosités. Une volée de kikohas, jaillie de quelque part en haut, alla percuter l'homme de métal, qui l'encaissa sans vaciller, tendit la main et riposta avec ce qui lui semblait des obus de plomb incandescent à ses yeux et des kikohas à des sens supérieurs. Quoi qu'il en soit, les attaques eurent raison de ses adversaires. D'un pas mécanique, qui peinait à contraindre chaque articulation, comme si le corps d'acier résistait de toutes ses forces à la volonté de son occupant, la chose qu'était devenu Soman entreprit de massacrer ce qui restait de la vague démoniaque, encaissant sans vaciller des déflagrations qui auraient terrassé Callagan, même au sommet de sa forme.
La vue du sayen s'éclaircissait, à présent, et son sang de guerrier le ramenait à la vie, le pressait de retourner au combat pour soutenir son allié.

Mais il n'avait pas besoin de retourner au combat. L'homme d'acier brûlant écrasait de ses poings rigides vague après vague d'assaillants sans subir la moindre égratignure.
Invincible.
Et de son pas si laborieux, luttant contre l'implacable rigidité de ses articulations rougies plus par la chaleur que le sang, le moine de la grue terrassait ennemi après ennemi. Pour la première fois depuis une éternité, la terre défendait les sayens, et non l'inverse.


*******



La cocotte-minute. Il la connaissait par-cœur, maintenant. Il connaissait chaque anfractuosité sur la surface de métal galvanisé, la tâtait en permanence de ce nouveau corps qui n'en était plus un. L'expérience était terrifiante, au début. Ou plutôt, elle aurait dû l'être, mais son nouvel état (gazeux, il supposait), atténuait grandement la moindre de ses émotions. Il pensait très lentement, il ne paniquait pas et, grâce salvatrice, ne s'ennuyait que très peu. L'était d'hyperactivité frénétique qui caractérisait le cerveau humain à toute heure du jour et de la nuit s'était complètement effacé. Il ne pensait à rien, et pouvait le faire pendant aussi longtemps qu'il le souhaitait. Pas qu'il lui restât le moindre moyen de mesurer le temps, ici. Les pensées ralenties à l’extrême, sans battements de cœur ou respiration pour rythmer l'univers, il était définitivement isolé.
En fait, il en venait à aimer cet auto-cuiseur.

Il y eut une brusque chute de pression, un bruit aigu, et Derek se retrouva catapulté sur le sol terrestre, retourné à son corps de chair. Assourdissant, il sentait son cœur battre à tout rompre dans sa poitrine. Ses sens, tus pendant si longtemps, lui hurlaient un capharnaüm d'informations qu'il réapprenait sur le tas à déchiffrer. Son cerveau tout juste reconstitué triait tout cela avec acharnement, se remettant à toute vitesse du comas passé. Une rage nouvelle le poussait à se reprendre, à se retrouver à travers tout le temps passé.
Bordel, il haïssait cet auto-cuiseur.

Les dents serrées, l'esprit encore hagard, Derek leva les yeux pour rencontrer le regard de sa salvatrice. Jade, de toutes les personnes possibles.

C'était une scène d'apocalypse.
Les cieux étaient zébrés d'éclairs, et le sol tremblait d'explosions puissantes et lointaines. Les colonnes du sanctuaire gisaient, brisées par un combat qui avait, si ce qu'il percevait dans sa vision périphérique était bien des traces de sang, fait plusieurs dizaines de victimes. Un regard aux alentours lui révéla un corps brisé, que sa tenue identifiait comme un moine de la grue.

    - Qu'est-ce qui s'est passé ?
Jade ne répondit pas à sa question.

    - Pars. Cache-toi jusqu'à la fin du combat, et ne reviens jamais.

    - Répond moi ! Qu'est-ce qui se passe ?
Et, comme pour compléter sa phrase, trente des résidents du Makaï les rejoignirent sur le toit du monde. Inutile de questionner leur alignement : leur hostilité était évidente. Blessés, brûlés, saignants de plusieurs dizaines d'entailles chacun, ils ne ressemblaient sûrement que très peu à des humains à l'origine, et la bataille avait achevé d'en faire de véritables monstres.
Il émanait de chacun d'entre eux une force qui les projetait au niveau des super -sayens, et, de facto, bien au-delà de ce que Derek et Jade pourraient leur opposer.

J'aurais dû l'écouter et fuir immédiatement. Maintenant, on va mourir tous les deux.

Elle avait tenté de le sauver, et voilà où ils en étaient. Peu importait ce qu'étaient ces créatures, Derek savait reconnaître quand un groupe s'apprêtait à passer à l'attaque. Il ressentait que, partout sur terre, ces même monstres combattaient ce qui restait de la population terrienne (une poignée de combattants, de ce qu'il percevait).
Ne trouvant rien de spirituel à commenter, il se résolut à mourir et se mit en garde, conscient de la futilité de son geste.

Soudain, les démons se figèrent, stupéfaits et terrifiés. Derek ne voyait pas ce qu'il venait de se passer, mais n'en avait aucunement besoin. Jade n'était plus Jade. Ce qui se tenait derrière lui, quelle que soit sa forme, dégageait une aura terrifiante qui le figeait de terreur, au même titre que les démons.

« PARS ! »


L'ordre lui était adressé, et il prit immédiatement ses jambes à son cou sans regarder derrière lui, passant à deux pas de la troupe de démons. Pétrifiés, ils tremblaient comme des feuilles et ne firent pas le moindre geste pour l'intercepter. On ne leur en avait pas donné l'ordre.

Il courut de toutes ses forces, quittant la montagne par grands bonds ou par la danse de l'air quand cela lui raccourcissait le trajet. Ce ne fut que lorsqu'il atteignit la vallée qu'il pensa à Jade et au sort terrible auquel il l'avait laissée. L'ordre avait jusque-là oblitéré toute pensée parasite, remplaçant toute sa volonté par un simple mot.
Tout là-haut, il ne restait plus trace des démons. Plus trace de quoi que ce soit, d'ailleurs, à part cette chose indestructible et impérieuse qui avait remplacé son amie.


*******



Les poings de Ladra étaient un essaim de frelons sur Nordis. Même affaiblie, saignant à mort, ses muqueuses massacrées par la dizaine de grays qu'elle avait absorbé à son insu, la volonté monstrueuse de Ladra contraignait ses organes à se soumettre. Les muscles obéissants se tendaient sans latence, ses sens brouillés écartaient la douleur et lui laissaient percevoir son ennemi malgré leur dysfonctionnement progressif. Ladra mourrait, et pousser son organisme toujours plus loin ne faisait que rapprocher l'échéance.
Mais elle avait déjà renoncé à la vie, reconnaissait Nordis. Elle l'avait fait bien avant que leur duel à tous les deux ne soit engagé. La guerrière n'avait jamais eu l'intention de quitter la terre en vie, et de mourir en tuant Nordis ne serait qu'un moyen inattendu de rejoindre une fin connue d'avance.

Ainsi, elle combattait de toutes ses forces et de toute sa technique contre un roi qui peinait à tenir la distance, même revigoré par l'armure de cérémonie (qui n'était maintenant plus qu'un souvenir : les premiers impact l'avaient faite voler en éclats).
Il perdait.
Pire : il ne parvenait pas à déporter le combat plus haut dans le ciel, Ladra le zonait de ses attaques puissantes et rapides, pressée de le ramener le plus près possible du sol, là où son armée prendrait le relais dût-elle tomber au combat et où Nordis ne pourrait pas s'enfuir dans l'espace.

Elle saignait de partout, mais lui aussi, maintenant. Les ongles et les bagues d'acier avaient déchiré sa peau, les poings démoniaques avaient brisé son exosquelette et il était exposé, sanglant et haletant, face à une démone qui n'en finissait pas de mourir. Et loin, très loin, invisible dans les cieux noirs, le croiseur doré s'approchait inexorablement pour marquer leur fin à tous.

Nordis esquiva une série de kikohas, pour se rendre compte que cela n'avait été qu'une manœuvre destinée à le ramener à distance de charge pour Ladra. Il recroisa les yeux meurtriers de son ennemi, et ne perdit pas de temps à peser le pour et le contre : il usa de ses pouvoirs télékinétiques pour la projeter hors de portée.

Tenir.
Il devait tenir le temps que Taris les atteigne. Tant pis s'il mourrait après, Krios vivrait.

En bas les démons se rassemblaient, les yeux fixés sur leur affrontement. Ils étaient des dizaines de milliers, combien parmi la horde pouvaient le surpasser ? Cent ? Mille ? Dix mille ?

Et Krios vivrait-il, seulement ? Il était encore si jeune... Un namek l'avait-il exécuté ? Ou un démon ? Ou bien un traître ?

Un doigt bagué de fer perça sa joue dans un déchirement brûlant et vint racler contre ses dents. Nordis enroula sa queue autours du bassin de Ladra et martela son visage de coups du poing et du coude jusqu'à ce qu'elle se résolve à lâcher prise. Le temps qu'il y parvienne, la déchirure avait rejoint sa bouche et son œil gauche n'était plus qu'un globe de chair percé et sanglant.
La douleur lui montait à la tête, il n'avait pas en lui la même rage meurtrière que son ennemie.

C'était foutu. Il allait mourir.

Une autre frappe du plat de la main s'infiltra entre deux de ses côtes déjà brisées, il saisit le bras meurtrier avant qu'il ne touche son cœur, et sa queue s'enroula pour immobiliser la seconde main. Elle forçait, gagnait du terrain. Au bout de ses forces et sur le point de s'évanouir, Nordis imprima une dernière fois le visage ensanglanté de Ladra dans son esprit et se prépara à sombrer.
Sa queue lâcha prise devant le bras démoniaque qui parvint à s'extraire, vif comme un serpent. La griffe se dressa, recourbée comme un crochet de boucher souillé du sang royal. Les muqueuses ravagées de Ladra teintaient ses dents de rouge lorsqu'elle asséna le coup fatal, extatique.

Et son bras se figea en l'air. Incapable d'énoncer une pensée cohérente, la guerrière tourna son visage toujours victorieux vers la main qui venait de l'interrompre, et souriait toujours, les babines retroussées, quand Kaïoshin la décapita du tranchant de la main.

La face figée chuta lentement vers le sol lunaire, les démons arrêtés dans leur charge, aucun n'osant prendre l'initiative d'attaquer celui qui venait d'abattre si nonchalamment leur meilleure guerrière. Sévère, le dieu saisit Nordis par le visage avant qu'il ne rejoigne Ladra et, après d'interminables secondes d'hésitation, libéra son pouvoir guérisseur.
Nordis resta conscient juste assez longtemps pour contempler l'expression affligée de tristesse et de regret du kaïoshin. Namek.
« Je suis désolé. », voulut-il articuler. Autant qu'un dieu, un roi avait des impératifs auxquels il ne pouvait se soustraire. Il aurait voulu expliquer, que le dieu comprenne la terreur que les dragon balls avaient insufflé dans son peuple, de l'horrible et croissant sentiment que leur roi ne pouvait pas les protéger, mais la fatigue le rattrapa en premier. Il ferma les yeux, et ne vit jamais l'endroit où Kaïoshin l'emmena, à l’abri de la horde démoniaque qui, remise du choc, fondait déjà sur eux.

Les cinquante mille héros de Makaï, sous leurs bannières de guerre, ne purent que crier de rage à la face de cet affront . Débordants de fureur, survoltés et pressés d'en découdre, les seigneurs guerriers surpassèrent à la foi leur prudence, et leurs griefs en quelques minutes de discussion hurlée. Ils chargeraient tous ensemble, et peu importe alors l'assassinat de leur général. La terre plierait sous le poids de leur armée, qu'il y ait ou non un membre de la lignée royale à leur tête.

Les cris retentissaient à l'unisson, et chaque seigneur de guerre prit la tête de sa légion.

Ils étaient sur le point de quitter le sol lunaire lorsque le croiseur doré acheva sa course droit sur leur position, et leur constitution surhumaine ne leur épargna absolument pas le sort qu'un impact de cent millions de terrajoules aurait réservé à n'importe quel autre mortel pris dans le rayon d'explosion.

Taris, confortablement installé dans son trône de commande, ne ressentit pas la moindre secousse lorsqu'il pulvérisa l'armée du Makaï.


*******



    Ka
Impossible d'esquiver. Elle voyait l'attaque arriver, évidente, grossière, mais elle ne pourrait pas y échapper. Elle se faisait malmener depuis le début. D'abord par cette sayenne qui avait tenté de détruire son armée au début du combat, puis par un deuxième qui l'avait rejointe.

    Me
Deux sayens, et pas des moindres. Ils avaient accès à la dernière transformation de leur espèce, même s'ils étaient loin de la maîtriser à la perfection. La plus puissante race de guerriers de l'univers. C'était un combat perdu d'avance, mais elle avait la graine, elle avait l'entraînement du meilleur maître en arts martiaux qui soit, elle était...
Qui, déjà ?

    Ha
Baphasi. C'était son nom. La reine du Makaï, et bientôt de l'univers entier !

    Me
« Ils vont te tuer. Tu n'as aucune chance sans nous. »
La graine. D'abord silencieuse, elle parlait de plus en plus fort dans sa tête, au fur et à mesure qu'elle y puisait toujours plus d'énergie. Cela avait été son plan depuis le départ, et sa seule chance de se propulser au niveau des sayens. Que cette source d'énergie apparemment infinie ait un coût, elle s'y était attendue. Qu'elle ait une forme de conscience, là aussi, était plus ou moins prévisible. Mais c'était plus qu'une seule conscience qui s'était révélée lorsqu'elle avait puisé dans les réserves de la graine. C'en était un millier.
Un essaim impossible de voix haineuses et malveillantes qui empestaient le vice et l'ambition. C'était les consciences les plus retorses et les plus abominables qui aient jamais vu le jour dans l'univers. C'étaient là des esprits si exempts de la moindre étincelle d'amour qu'ils s'étaient vus, à leur mort, refusés même par l'enfer. Leur noirceur infinie était retournée à la graine, à l'essence maléfique de l'univers.
C'étaient les âmes des makaïoshins, rejetées par le paradis et par l'enfer, elles s'étaient condensées dans la graine qui leur avait donné naissance.
« Prend notre force ou tu vas mourir ! »

    Ha !
Elle avait survécu contre deux sayens, avait puisé dans la graine autant qu'elle s'en était sentie capable. En l'état, elle savait pouvoir faire le chemin arrière, elle savait que les voix finiraient par partir, qu'elle redeviendrait un jour la femme qui avait, quelques jours auparavant, serti sa couronne de l'objet maudit.
Mais le troisième sayen avait tout changé. Il y en avait eu deux, puis ils avaient effectué une danse ridicule pour donner un troisième combattant monstrueusement fort. Une fusion. Khaine lui avait pourtant assuré que cet art était perdu...

De manière prévisible, il s'était avéré immensément plus fort que les deux autres, et la combinaison de leurs pouvoir avait allègrement surpassé tout ce qu'elle parvenait à extraire de la graine. De trois directions différentes, les kamehamehas fusaient vers Baphasi, immobile et ensanglantée. L'esprit rendu hagard tant par l'influence néfaste de la graine que par le lynchage en règle qu'elle subissait depuis une demie heure, elle luttait intérieurement contre les voix qui, de plus en plus pressantes, l'incitaient à reprendre le combat, à descendre toujours plus profond dans ces sables mouvants.
Le visage de Panka s'imposait dans son esprit, comme une ultime barrière entre ces monstres et sa santé mentale. Mais quel bien cela lui ferait-il une fois que les kikohas l'auraient rejointe pour pulvériser son corps ? Si Baphasi perdait, sa fille était aussi condamnée.

Le temps ralentissait à l'approche de la mort. Ou bien peut-être était-ce les makaïoshins qui l'influençaient ? Leurs voix se faisaient plus pressantes, plus excitées, plus impérieuses.
« Vas-y, accepte ou bien tu ne la sauveras jamais ! »

Et c'était vrai. La manne était juste là. Si proche...

Elle tendit la main.


*******



Elle tenait. C'était absurde. Elle tenait contre trois super-sayens de niveau trois !

Zakriel força autant qu'il le pouvait, tout comme Gotenks et Kyra, mais c'était inutile. Elle survivait, aussi absurde que cela puisse paraître.

Baphasi devenait de plus en plus puissante. Au début, Kyra la dominait allègrement. Puis, il avait fallu qu'il la rejoigne. Ils l'avaient enchaîné sans efforts jusqu'à ce que sa force augmente encore brutalement, et que l'aide de Trunks et Goten devienne indispensable.
Pire : aucune de leurs attaques ne semblait avoir le moindre effet à long terme. Les os brisés se ressoudaient, les organes broyés redevenaient opérationnels en une poignée de secondes, et il était certain de lui avoir arraché au moins un doigt, qui était soudainement réapparu au milieu du combat.
À côté de ça, Boo c'était de la rigolade. Lui au moins il se fatiguait au lieu de se renforcer.

Gotenks pouvait encore tenir trois minutes avant de disparaître. Et après ? Tout en appuyant son attaque énergétique qu'il savait inutile, l'héritier des Briefs appréciait la situation stratégique. L'armée démoniaque avait presque disparu. Plus la moindre trace d'énergie sur la lune, et les signatures des démons chutaient à toute vitesse aux quatre coins du globe. Cela avait sûrement un lien avec cette tempête d'éclairs surnaturelle qui se déchaînait depuis plusieurs minutes, mais il investiguerait plus tard sur ce sujet.
Pour l'instant, une seule chose comptait : Boo, Oob, Gohan et Goujin allaient devenir disponibles pour gérer la menace principale. Tout en maudissant intérieurement leur décision de sacrifier le séjour terrestre de Pan pour l'anniversaire de Goujin, il sourit intérieurement. Avec ces quatre génies du combat, ils trouveraient forcément un moyen de venir à bout de la reine des démons.

C'était gagné. Plus que quelques minutes à tenir, et ils allaient mettre un terme à cette histoire une bonne fois pour toutes.

Coincée dans sa gangue de ki en explosion, elle survivait peut-être, mais elle n'avait aucune échappatoire. Et s'il y avait bien une chose qu'ils puissent se permettre, c'était de dépenser du ki sans compter.

Et puis tout à coup, ils ne furent plus que deux à maintenir leur attaque. Les deux vagues d'énergie, toutes incommensurables qu'elles soient, s'écrasaient sur la reine du Makaï comme des vagues sur une falaise.
Elle était immobile, mais plus immobilisée.

Et encore plus puissante. Toujours plus puissante.

Terrifié, Zakriel sondait en vain la surface du globe, à la recherche de Gotenks. Mais le sayen fusionné n'était nulle part, tout comme Oob, Gohan et tous les maîtres décédés.


*******



Guz Hécatoris de Noxus, troisième fils de Vorz Hécatoris et de Sarminia Jucatoris, grand commandant de la troisième division armée de la surface. Un héros, comme Noxus en avait eu grand besoin dans ses années de honte. Il avait trente et un ans lorsqu'il avait participé à sa première chasse au dragon, soixante deux lorsqu'il avait combattu les tribus unifiées par Ellac Czapas et subi la première défaite militaire de sa jeune vie. Son honneur sauvé par ses impressionnantes performances lors de la bataille de Megido, où il avait fait prisonnier l'un des soldats du Kaïoshinkaï, il avait tout naturellement été sélectionné pour diriger l'une des divisions de l'armée noxienne, sur terre.
Cela avait été un grand honneur, et ses frères et sœur n'avaient pas pu cacher leur jalousie lorsqu'il avait défilé en tête du millier de combattants dont il avait la charge. Fier, dans l'armure ouvragée de ses ancêtres, il avait attiré un regard admiratif de la reine en personne. Il fallait dire qu'il présentait bien, surtout selon les standards du Makaï. Sa carrure, quoi qu'imposante, n'accusait pas le grotesque comme cela arrivait trop souvent, même aux lignées nobles. En fait, culminant à un mètre quatre vingt-quinze, il était le plus petit de sa fratrie, mais se retrouvait dans cette tranche de corpulence où les proportions étaient les plus harmonieuses. Son visage, lui aussi, était exempt de tout détail monstrueux. Pas de canines protubérantes, pas d'yeux globuleux ou excédentaires, mais quatre cornes larges et puissantes, pas exagérément longues, qui venaient prolonger la ligne virile de sa mâchoire. Il était, sans que l'orgueil s'en mêle, un beau jeune homme promis à un brillant avenir. Et quand l'orgueil s'en mêlait, l'avenir devenait radieux.
Les Trokatoris, les Novroj, les Terratosien... Toutes les familles dominantes de Noxus avaient éclaté sous la pression des événements récents. Leurs champions étaient tombés face à la magie noire des makaïoshins ou un quelconque champion de la surface. La plupart avait vu un de leurs membres capturé lors de l'attaque de Czapas, mais pas les Hécatoris. La lignée avait perdu deux héros au combat contre les tribus, mais pas subi l'humiliation des fers, et seuls les Karène leur faisaient encore de l'ombre.

Qu'Alvandra subisse le moindre revers au cours de cet affrontement critique, que Guz parvienne à se distinguer, et les tables seraient tournées. Noxus était à la tête de la première vague, les plus loyaux des serviteurs de la citadelle ! Personne ne pouvait leur refuser ce titre-là, et il serait tout à fait normal de les récompenser pour leur bravoure. Par exemple, avec la régence du monde d'au-dessus, ou alors... La princesse Panka, quoi qu'encore un peu jeune, était largement en âge de prendre un premier concubin (qui serait sans le moindre doute décisif, voire unique, car elle ne paraissait pas partager les appétits de sa mère en la matière). Et Alvandra Karène, malgré sa position restait une femme. Une femme repoussante, qui plus est.
Retourner dans la famille royale... C'était peut-être la seule ombre sur la réputation des Hécatoris qu'aucune goutte de sang royal ne se soit mêlé au leur depuis cinq générations.
Oui, il n'avait qu''à remporter cette bataille, et il deviendrait un choix logique -non, évident!- pour la belle Panka. Il se figurait déjà, patriarche puissant, siégeant sur une Noxus plus grande que jamais, métropole opulente où convergeraient les richesses du monde d'au-dessus, tandis que sa femme assumerait la lourde tâche de diriger l'empire unifié. À ses côtés, une ribambelle de rejetons, tous doués par le sang royal, qui écraseraient sans efforts toute rébellion et toute armée qui en voudrait à son sang. Ils seraient les nouveaux sayens ! La lignée royale des Hécatoris ! Et ils célébreraient le nom de Guz le fondateur jusqu'à la fin des temps !

Il avait mené son corps d'armée le sourire aux lèvres, féroce et enjoué, et avait vaincu sans efforts, mais en grand spectacle, le guerrier fusionné du Kaïoshinkaï qui avait été leur première cible. Facile. Glorieux. Il s'était senti pousser des ailes.

Un éclair dans le ciel. Doré. Le temps de se mettre en garde, la lumière était au-dessus de lui et de son armée. Le temps de se repositionner, et le kamehameha était déjà parti, trop large et rapide pour qu'il l'esquive. Et Son Goujin était parti exterminer une autre vague, sans même contempler son œuvre.

La mère de Guz lui avait confié une amulette avant son départ. Une caresse sur la joue, un sourire mélancolique, et elle lui avait passé la pierre grave au cou, sans un mot.
Il ne l'avait pas retirée un instant, sentant faiblement que l'objet contenait plus qu'une valeur affective et un enchantement basique, insignifiant au niveau de puissance auquel il combattrait. Sarminia Jucatoris ne se procurerait pas la même camelote que les autres pères et mères de soldats : elle avait acheté cet objet au nécromancien en personne, afin que son cadet bien-aimé revienne de la terre sain et sauf.

Mais même la magie du septième mage avait ses limites. Le super-sayen avait écrasé le bouclier invisible. La colonne vertébrale brisée juste en-dessous de la clavicule, Guz ne trouvait pas la force de soulever sa poitrine pour prendre une dernière inspiration. Il n'aurait de toute façon trouvé que du sang visqueux et des côtes broyées en lieu d'air. Le choc, amorti par le cadeau maternel, lui avait offert dix-sept minutes d'agonie muette dont chaque instant lui semblait une année. Un autre aurait cédé face à la douleur, mais pas Guz. Jusqu'au bout, il tint bon. Concentré, alors même qu'il sentait ses pensées s'assombrir et ses neurones mourir un à un, il ne cessa d'espérer l'arrivée d'un soigneur. D'abord pour prendre sa revanche, puis juste pour vivre une minute de plus. Pour être une déception pour ses deux parents, pour n'avoir rien d'autre à ramener chez lui que sa propre vie. Mais au moins serait-il vivant !
La lutte prit fin quelques minutes avant l'arrivée de ses sauveurs potentiels. Quand l'amulette dévoila sa véritable fonction : celle d'une balise qui facilita l'arrivée du septième mage sur le sol terrien, Guz avait rendu l'âme, et pas plus d'un démon sur mille respirait encore.

Ignorant le regard horrifié que sa fille jetait aux cadavres répandus sur le sol, parmi lesquels celui de Guz était le seul reconnaissable, Abel sondait le champ de bataille avec la bonne humeur et l'enthousiasme qui le caractérisaient en situation de crise. Immortel, il ne se souciait pas le moins du monde du destin de ceux qui l'entouraient. Panka, encore sous le choc des corps éparpillés et de l'expression de souffrance extrême sur le visage de Guz, fut prise d’une violente montée de haine envers son père. Inutile. Pas ici, pas maintenant.
Elle avait déjà échoué trop de fois à imprimer un peu d'empathie chez cet homme à l'affection horriblement sélective. Il avait à chaque fois traité cela comme un caprice d'enfant. Brisé par les millénaires. La perspective de devenir un jour elle aussi une cynique l'étouffait d'angoisse toutes les nuits. Panka était immortelle, elle aussi. Que deviendrait son souci pour autrui après avoir témoigné d'un millier de scènes comme celle qui se déroulait sous ses yeux ?
Une attaque. Son flot de pensée fut coupé net, et elle matérialisa l'un des sceaux d'interdiction autours d'elle et de son père. Une autre barrière translucide, levée par Abel un instant plus tôt brilla dans son champ de vision avant que le sceau ne les englobe.

    - Bons réflexes ! Mais on ne va pas aller bien loin en restant cachés comme ça.

    - C'était quoi ce truc !!?

    - J'ai ma petite idée, mais il va falloir que je vérifie. Tu nous ouvres ?
Tellement tranquille... Tellement joueur... Leur armée avait été massacrée, Panka le sentait. Mais Abel Alazrhad, septième mage, s'en foutait royalement. Il comptait vaincre les terriens tout seul, c'était le plan depuis le début. L'armée levée par sa fille n'avait jamais compté à ses yeux.
Enfoiré...

Elle révoqua le sceau d'interdiction, et un torrent d'éclairs vint frapper le dôme placé par son père. Au-dessus d'eux, on devinait le nuage électrique loin dans le ciel, qui leur destinait cette attaque impossible et continue. Quelle puissance !
Et soudain, elle sentit ce qui se déchaînait à l'autre bout du monde. La masse de ténèbres physiques, palpables, qui engloutissait toute une hémisphère. Un ki qui émanait d'un mal absolu. Et au centre...

    - Mère... Non...
Abel gardait les yeux fixés vers le ciel et leur impossible adversaire.

    - On s'occupera d'elle après ! Des clairvoyants, des foutus clairvoyants ! Et pas qu'un seul en plus ! Trois, quatre... Non, cinq ! Cinq clairvoyants !

    - Il y en a cinq des trucs comme ça ?

    - Oui. Tu peux maintenir la barrière pendant que je le disperse ?
Le nuage de foudre s'était fait plus insistant, et, devant le vacarme, ils avaient tous les deux opté pour la télépathie. Malgré le tonnerre, Panka distingua clairement les syllabes anciennes hurlées par Abel alors qu'elle luttait pour maintenir une protection valide quelques secondes de plus. Il y eut un claquement, une puissante colonne de vent ascendante, et un frisson qui la traversa, puis, plus rien. Les nuages, là-haut, accusaient une large trouée.
L'aura du clairvoyant était encore distinguable, mais beaucoup plus haut dans le ciel. Très diffuse.

    - Il a son compte pour l'instant. Il faudra penser à l'achever quand on aura le temps.

    - Et les quatre autres ?

    - Mois forts, moins dangereux. Et ils sont une forme condensée, sauf un. Un coup de flammes noires et c'est réglé. Oh, atten.... !!!
Cette fois-ci, la barrière d'Abel s'effondra à l'impact du kikoha et le sceau dispersa une vague d'énergie qui les aurait sûrement envoyés valser aux quatre vents.
Un super-sayen. Aucune hésitation n'était plus possible devant ce colosse d'énergie brute et parfaitement canalisée. Fort n'était pas un mot adapté pour le désigner. Il était incommensurablement fort, bien au-delà de ce qu'aucune créature du Makaï, même Baphasi elle-même n'avait pu atteindre un millième de ceci. Et quelle pureté, aussi, quelle innocence ! Malgré son corps taillé pour le combat, malgré son kimono (à peine déchiré ça et là), il n'était pas un guerrier, c'était évident. C'était un protecteur, qui défendait son foyer contre une agression injustifiée.

Sous son aura blanche, Son Gohan toisait les deux nécromanciens, prêt à frapper à nouveau. Mais une chose le retint. Dans les yeux de Panka, dans ce qu'il percevait de son ki, si létal et chaotique, il ne voyait pas le vice et la haine qui avait caractérisé tous les démons du Makaï. À vrai dire, il y reconnaissait un peu de cette innocence déterminée qu'il avait si souvent pu contempler dans les yeux de sa fille et qu'elle avait hérité, il le savait, de lui-même et de son père avant lui.
Pour cette raison, il commit une erreur. En laissant une chance de reddition à Panka, il laissa en vie une menace qu'il aurait dû taire immédiatement.

    - Votre armée a perdu. Rentrez chez vous et sauvez vos vies, vous n'avez rien à faire ici.
Panka ne savait pas quoi dire, elle voulut ouvrir la bouche, mais, comme trop souvent son père l'interrompit. Il avait, et le sayen n'avait pas pu s'en rendre compte, prononcé depuis l'attaque énergétique, une incantation à des fréquences inaudibles pour la plupart des mortels.

    - Non, c'est vous qui n'avez rien à faire ici.
Et juste comme ça, Gohan disparut de son champ de vision, tout comme une foule d'autres puissances similaires sur toute la terre.

    - Sorciers de pacotille qui croient qu'on peut invoquer les morts comme ça...
Il fallait décamper, et en vitesse. Pas question de se faire surprendre une fois de plus. Le stock de combattants de la Citadelle était presque épuisé et, même s'il ne restait pas non plus beaucoup de guerriers terriens, le surnombre jouait dans le camp des défenseurs. Un feu de forêt, à quelques centaines de mètres en aval, fournissait le couvert idéal aux deux sorciers.
Sous les frondaisons ardentes, pris dans une chaleur étouffante, une fumée lourde et les effondrements intempestifs des troncs calcinés, ils accédaient enfin à une forme de tranquillité.
C'était déroutant, de voir la nature s'effondrer là où eux deux, cherchaient refuge. Les flammes s'écartaient autours d'eux, et les températures trop extrêmes même pour leurs corps surhumains étaient atténuées d'un sortilège mineur.
L'armada mystérieusement disparue, il ne restait guère plus que Baphasi pour s'opposer aux invincibles terriens, mais quelle puissance elle dégageait ! Ils étaient tous là, tous les combattants encore valides de la terre avaient abandonné la traque des démons survivants et s'étaient concentrés sur l'affrontement avec la reine. Quatre. Et à quatre, ils étaient débordés, cela se sentait, se voyait même à la forme chaotique que prenait le ki de la graine, qui avait complètement absorbé celui de sa porteuse, à présent.

Les clairvoyants aussi convergeaient vers l'affrontement, à leur vitesse. Il semblait qu'ils avaient disparu des préoccupations terriennes. Comment leur en vouloir ? Allergique à l'inactivité, Abel était en train de se greffer sur le système de communications terrien, et partageait gracieusement avec elle le flux d'information qu'il parvint, inévitablement, à déchiffrer. Un dieu mineur assurait un puissant réseau de communications télépathiques entre tous les défenseurs, ce qui expliquait entre autres l'excellente coordination observée depuis leur arrivée sur le terrain. Mais il y avait forcément autre chose, qui expliquerait l'arrivée si soudaine du super-sayen de tout à l'heure.
Un Kaïoshin. Il observait le champ de bataille depuis quelque part, en sécurité. Elle n'eut pas le temps de saisir ce que cela impliquait, le ki colossal et hélas trop familier de Gohan (vivant, cette fois) éclatait au-dessus d'elle, immédiatement suivi d'une voix, âgée, qui éclata dans le réseau télépathique.

« Ils sont juste en-dessous de toi, vas-y. »


Panka était une combattante puissante, mais la marge qui la séparait de Son Gohan était tout simplement trop grande. Il ne leur laissa pas la moindre chance, cette fois-ci. Elle n'eut pas le temps de manifester les sceaux. Son monde vira au blanc aveuglant, puis au noir complet.


*******


Il était terrifiant. Zakriel, Boo et Kyra étaient poussés dans leurs dernières limites face à la reine des démons, et se limitaient à survivre, en attendant l'arrivée providentielle d'un Son Gohan qui saurait, il le fallait, trouver la faille dans la défense de leur ennemie. Mais Son Goujin, lui...

Ils reprenaient leur souffle, se partageaient des quarts de Senzus qui remontaient à peine leurs réserves, et lui... Plusieurs minutes qu'il bataillait, seul, contre ce monstre. Pas qu'ils ne l'aient abandonné, pas qu'ils soient significativement moins puissant que le jeune sayen, c'est juste que, comparés à lui, ils étaient...
Inutiles.
Pire, gênants.

Comment leur en vouloir ? Comment comprendre l'obstination inhumaine dont faisait preuve Son Goujin contre cet adversaire indestructible ?

Elle avait muté, depuis le début du combat. Méconnaissable, la femme que Kyra avait manqué de décapiter il y a une heure s'était renforcée à mesure que la graine (et c'était bien une graine, plus d'erreur possible là-dessus) lui insufflait son énergie. Premièrement, elle avait grandi. Elle était déjà grande, au début, mais elle dépassait maintenant les deux mètres trente, sans compter la chevelure.
C'était la partie la plus évidente et terrifiante de sa métamorphose. Partout sur son corps, la peau s'était faite dure, épaisse et rêche comme de l'écorce. Elle avait noirci, aussi. Prenant la teinte sombre et satinée de la graine, elle avait perdu son rouge profond que ne se voyait désormais plus que dans de trop rares crevasses, causée par des chocs passés. Il était maintenant impossible de l'atteindre, Zakriel en était convaincu. Même s'ils parvenaient à rassembler une autre attaque comme le triple kamehameha de tout à l'heure, il était certain que cela ricocherait, inutile, sur la nouvelle carapace de la reine.
De la graine, on voyait pousser plusieurs germes qui allaient, sans exception, se ficher profondément dans le crâne de leur porteuse. La couronne qui la maintenait était tombée depuis longtemps, maintenant, mais les racines enserraient la tête de Baphasi. Son regard hagard détonnait avec les prouesses martiales dont elle faisait preuve. Plus aucune flamme dans ses yeux morts, mais le corps végétal débordait de force et de vivacité.

Mais c'étaient bien les cheveux qui attiraient le regard, qui rendaient terriblement évidents que ce qu'ils affrontaient n'avait plus rien à voir avec la reine du Makaï, et qu'ils ne l'appelaient encore Baphasi que parce que les mots leur manquaient pour désigner cette créature. La femme s'était faite plante, ses cheveux avaient fusionné pour donner une myriade de branches, qui, s'évasant progressivement, avaient bourgeonné pour la couronner d'une canopée de feuilles rouges. Le bosquet s'ébranlait à chaque coup, laissant tomber des touffes de feuilles pointues et rigides comme du verre, mais il en poussait toujours plus, par poignées, et les brindilles reprenaient de plus belle. L'arborescence reprenait également entre ses épaules, et la tunique accusait déjà trois déchirures qui laissaient poindre toujours plus de végétation. À en juger par la masse de bois tordue qui s'accumulait, faisait pression à travers ses vêtements, tout son dos subirait bientôt le même sort.

Elle encaissait la plupart des attaques de Son Goujin, ne ripostant qu'à coup sur trois. Mais ces frappes, alors... Tellement rapides, tellement puissantes... Il s'agissait de longs arcs de la jambe, suivis d'une racine qui claquait derrière, comme un énorme fouet de deux mètres, fusionné à son mollet, ou bien d'une frappe de la main, où des dizaines de branches qui la hérissaient faisaient l'effet d'autant de griffes cruelles et terriblement dures.
Mais Goujin voyait tout venir. Il esquivait, ménageait ses réserves, et frappait encore et encore, sans laisser la moindre pause à cette créature.

S'il n'avait pas une meilleure compréhension de la situation, Zakriel aurait pu jurer qu'il allait gagner... À sa droite, Boo restait pensif, concentré sur autre chose. Il leva la tête, grave, et sa voix résonna claire dans leur tête, même dans le vacarme du combat.

« Son Gohan a besoin d'aide. Tout de suite. J'y vais avec Goujin. Vous la retenez, mais pas de bêtises. »


Le djinn croisa le regard du jeune sayen et, après une courte hésitation, ils quittèrent à toute vitesse, laissant les deux plus vulnérables membres de leur équipe contre l'ennemi.


*******



    - Mon dieu, qu'est-ce que c'est que ça ?
Il y avait quelque chose, là-bas. Quelque chose d'horrible. Unio ne s'était jamais rendu compte à quel point l'univers était passif, paisible, bon et accueillant. Certes, il avait parfois un soubresaut de dureté, de violence aveugle qui allait frapper dans le vide, prenant une poignée de vie dans un feu de forêts, un hiver cruel ou un tremblement de terre, certes les habitants de ce monde étaient parfois cruels, parfois vicieux, mais...
Mais on pouvait vivre, bon sang. On pouvait se tenir debout devant autrui sans craindre pour sa vie, sans lutter contre l'envie de l'égorger. La concorde primait toujours sur le chaos.

Ce qui se déployait sur terre, c'était... C'était l'inverse de tout ça.
C'était le mal incarné.

Psychée et l'immortel se regardaient, concernés.

    - Il va vraiment falloir qu'on y aille.

    - Hum. Unio, prépare toi. On va aider Abel.
Le namek resta immobile, attendant vainement que les deux anciens désamorcent la plaisanterie. Mais il n'y avait pas de plaisanterie. Ils allaient vraiment venir sur terre et se confronter à ça.


******



Un vrai combat. Lui, Abel Alazrhad, au maximum de sa forme, contre un ennemi à sa hauteur. Cela faisait tellement longtemps, depuis... Depuis la chute, en fait. Depuis son emprisonnement. Un petit pic de rage le remit dans le rythme du combat.

Le mouvement. Pas la vitesse, c'était le mouvement qui comptait. La capacité à briser sa vitesse pour agir et réagir, pour casser le rythme du combat. C'était l'une des premières leçons d'arts martiaux qu'il ait reçu, et il l'avait appliquée religieusement. La plupart de ses ennemis étaient plus rapides que lui, c'était vrai. Mais, mais, avec les bonnes techniques de transe martiale, il pouvait aiguiser sa réactivité à des niveaux inimaginables, et surpasser le mouvement de manipulateurs de ki bien plus forts.
Son Gohan était incomparablement plus fort que lui, certes. Il allait aussi beaucoup plus vite, mais au niveau du mouvement...

La pluie de météores intangibles zébra le ciel sur leur position, formant un labyrinthe mortel, apparemment insoluble, mais le sayen naviguait entre les traits sans qu'un seul d'entre eux le touche. Dissimulé plusieurs mètres sous la roche terrestre, le nécromancien usa de ses quelques cercles d'incantation restants pour enchaîner sur un second barrage de lances enflammées. Toujours forcer le mouvement de l'ennemi, l'occuper. Peu importe l'écart de puissance si Son Gohan ne parvenait pas à frapper !

Les lances n'auraient probablement pas causé de dommages à un individu de ce calibre, les météores l'auraient secoué, pas plus ; mais le sayen n'avait jamais eu affaire à un sorcier de combat. Méfiant, il esquivait absolument tout, quitte à se faire mener en bateau. Son entraînement ne lui permettait pas de distinguer un leurre d'une frappe mortelle, il parvenait seulement à détecter les attaques magiques à la distorsion qu'elles provoquaient. Pour ce qui était des attaques de zone, il les dispersait d'un puissant kiaï.
Ça faisait le jeu du nécromancien : l'ennemi dépensait beaucoup plus d'énergie que lui, et tant qu'il parvenait à ne rien encaisser, il devrait bien gagner à un moment. Plus problématiques étaient les rares moments où Gohan parvenait à le débusquer du repli dimensionnel, de la cachette ou de la métamorphose qui le dissimulait l'essentiel du combat. Encaisser du ki, en magie, était une impasse théorique : on ne pouvait pas installer de protection vraiment efficaces en un temps raisonnable. La plupart des murailles à la disposition du nécromancien avaient été pulvérisées dans les premières minutes du combat, et son stock d'invocations se réduisait dangereusement. Les sceaux d'interdiction démoniaques lui auraient bien servi, mais ces artefacts avaient sans le moindre doute été façonnés par Khaine et le septième mage était loin d'avoir le talent requis pour imiter ce tour de force. Le recours qu'il avait trouvé était l'amour de son adversaire pour la planète sur laquelle ils combattaient. Pour exhumer la cellule de pierre dans laquelle Abel se cachait actuellement, il faudrait broyer une quantité phénoménale de roche et, incapable de le localiser précisément, Gohan ne pouvait pas tenter d'attaque de zone sans endommager irrémédiablement la planète.
Tant qu'il ne perdait pas le mouvement, c'était dans la poche.

« Juste là, Gohan ! »


Maudits Kaïoshins.

Et le kikoha, parfaitement placé, défonça la gangue de roche jusqu'à la cache où Abel s'était trouvé une seconde auparavant. Propulsé en surface en urgence, il invoqua instinctivement la troisième et dernière porte du mange-lumière. À l'instar de ses deux sœurs, elle se manifestait sous la forme d'une muraille de métal blanc, haute de cinq mètres, large de sept et épaisse de trois. Au centre, une figure démoniaque et grimaçante ouvrait grand sa gueule. Le kikoha de Gohan ne se fit pas attendre mais, au lieu de se faire avaler et recracher comme cela avait été le cas des deux premières fois, il continua à s'engouffrer dans la cavité béante, soutenu par son envoyeur.
La porte pouvait encaisser des quantités de ki phénoménales, mais Abel sut instantanément qu'elle avait trouvé sa limite. Il parvint à sortir du rayon de l'impact juste avant qu'elle n'explose.

Une de ses meilleurs invocations qui partait en fumée, il faudrait des heures avant qu'elle ne se régénère. Et il était en surface, précisément ce qu'il tentait d'éviter depuis le début.

Un portail s'ouvrit, à quelques dizaines de mètres, et il reconnut immédiatement les deux personnes qui en sortirent.

Le combat avait assez duré, c'était l'heure de passer à l'attaque.


*******



Le mouvement.
Le mage était incroyablement réactif, pour sa puissance, et Gohan n'avait rencontré que des mauvaises surprises depuis le début de l'affrontement. Confronté à l'immense panel technique de son ennemi, à l’infinité de méthode qu'il employait pour dévier toutes les attaques, à ses frappes insidieuses, dont il n'osait pas tester la véritable puissance, Gohan n'avait conservé qu'un seul avantage, qu'une seule botte secrète qu'il puisse déployer pour porter le coup fatal.
Son mouvement.
Depuis le début de l'affrontement, il réagissait un peu moins vite que possible, esquivait de justesse des projectiles dont il avait pourtant deviné a trajectoire avant même qu'ils ne soient conjurés. Il avait gardé sa vitesse dans son fourreau, prête à être dégainée pour le coup fatal.

Et le coup fatal était venu. Deux alliés –Non, trois. Mais le dernier était faible, il se cachait.- surgis de nulle part à la rescousse venaient de se jeter sur lui, de trois angles différents. Des sorciers. Il fallait tout esquiver, et tous les vaincre en même temps.

Frapper, de toutes ses forces, trois ennemis lents mais dotés d'une réactivité inhumaine. Il fallait le faire simultanément ou ils y survivraient à coup sûr.
Ce n'était pas un combat, c'était une danse dont la chorégraphie ne tolérerait pas le moindre écart, sous peine de mort. Et il ne connaissait qu'un seul de ses trois cavaliers...

Pour la première fois depuis une éternité, Son Gohan se souvint parfaitement de ce qu'il avait ressenti contre Cell. Pour la première fois depuis qu'il avait sauvé le monde, il se sentait vraiment proche de son père.

Il dégaina son mouvement, et les forces combinées de Psychée, d'Abel et de l'immortel de Pandora purent contempler, spectatrices, la danse du plus puissant des sayens.


*******



Elle ne bougeait plus. Enfin, elle ne bougeait plus vers eux. Ses jambes avaient fusionné, la masse de racines s'était faite immense, plus de trente mètres en contrebas, le plus long des germes venait gratter la terre. Ils étaient animés d'une pulsation lente et bestiale, comme un ours endormi. Zakriel n'avait aucune envie de le réveiller.
Au-dessus, les branches avaient grandi de la même manière, et le corps de la reine paraissait minuscule, un détail dans le nouvel être végétal. Détail qui ne tarderait pas à disparaître, avec la transformation.

    - Il ne faut pas que les racines touchent le sol.
Une clairvoyante. Sahane, s'il se souvenait correctement. Elle étaient arrivée, et il ne l'avait même pas sentie. Était-ce sa discrétion extrême ou l'aura toxique de la graine qui avait atténué ses sens ? Il en percevait presque plus rien, tant ce nuage noir toxique obscurcissait tous les kis. Réduit à se servir de ses yeux, il observait la monstruosité qui le toisait, immobile et grandissante.
À la réflexion, la laisser s'enraciner semblait bien une mauvaise idée.

    - Comment on l'en empêche, selon vous ? Kyra et moi, on va se faire massacrer si on l'approche.

    - Je peux la combattre, je crois. Les autres clairvoyants vont arriver. À vous tous, vous trouverez une faille.
Zakriel dévisagea la petite femme courbée et bien trop âgée pour supporter un combat. Il ne doutait pas qu'elle cachait une force surprenante dans ce corps frêle, mais de là à la voir affronter Baphasi... Puis, il vit les autres clairvoyants, ce golem de métal surchauffé, cette ombre rampante, qu'on devinait par élimination, là où les sens s'arrêtaient, ce halo de lumière qui entourait la tête de leur cadette, et qu'il ne parvint à quitter des yeux qu'après un hochement de la tête de cette dernière. Et alors, sentant distinctement leurs auras pourtant si étranges, il saisit pourquoi il n'appréhendait pas celle de Sahane.
Il ne la sentait pas pour la même raison qu'il ne se voyait pas lui-même.
L'aura de Sahane était la sienne.

Kyra, plus loin, était prise dans une conversation endiablée avec une interlocutrice imperceptible. Sahane était partout et nulle part à la fois.

    - Vous comprenez ? Je n'ai que la présence que vous m'accordez.
C'était horriblement dangereux, mais que faire d'autre ? Personne ne pouvait affronter cette chose seul.

    - Je ne vais pas l'affronter seule. Je vais l'aider à se combattre elle-même. Là-dedans, Baphasi est en train de lutter contre la graine, et je vais lui donner la chance de gagner.

    - …

    - Excusez-moi, je ne peux pas vraiment m'empêcher de...

    - De lire dans les pensées, oui. Essayez de prévenir, la prochaine fois.
Le visage de Sahane s'assombrit brusquement. Il n'y aura sûrement pas de prochaine fois. Inutile de le formuler, elle l'avait entendu. Zakriel commença à communiquer par signes sa stratégie à Kyra, quand un son impossible éclata à sa droite.

La tête encore bourdonnante, sa visibilité pratiquement annulée par les immenses nuages de poussière qui s'étaient soudainement mobilisés, arrachés au par les échanges d'énergie en altitude, distinguait à travers le nuage la forme de l'arbre, ébranlé par une pluie de frappes invisibles. L'ombre monstrueuse rétrécissait, et les feuilles tombaient à toute vitesse, ôtant l'impression de volume dégagée par la chose.
Une ouverture. Un mouvement à sa droite le fit tressaillir. Les deux cyborgs étaient là, et seule C18 présentait des blessures sérieuses. Elle semblait toujours vaillante, malgré son bras manquant, mais la prudence était de mise. Il lui fit signe de se tenir à l'écart, passa le cap de sa troisième transformation, et parti à l'assaut avec Kyra.

À leurs côtés chargeaient les cinq derniers survivants des forces du Kaïoshinkaï et Piccolo. Si le cyborg et le namek avaient à la fois la capacité de survie et le panel technique pour cet affrontement, ce n'était absolument pas le cas de leurs jeunes alliés.
Zakriel envisagea de leur dire de s'arrêter. Mais il était déjà au corps à corps cherchant désespérément une faille dans cette masse de bois qui tremblait et craquait au rythme des coups de hache d'un bûcheron invisible.


*******



Fini. Son Gohan les avait massacrés.

L'instant d'euphorie passé, tuer lui procurait toujours le même sentiment de malaise. Ses défenses toujours levées, il savait que ce combat était fini. Il avait soufflé l'énergie vitale de ses trois ennemi, facilement. Il y avait eu un grand guerrier pâle et cette vieillarde. Le cadavre de la petite femme, désarticulé davantage par sa chute au sol que par les kikohas qui l'avait transpercée, le remplissait de malaise. Qui étaient ces sorciers ? Ils n'avaient rien à voir avec les démons, le sayen pouvait le sentir. La tentation de quitter immédiatement l'endroit se faisait forte, mais il se força à regarder le corps si dérangeant.
Il avait tué une vieille femme sans préavis, sans coup de semonce. Pire : il y avait pris du plaisir. Qu'est-ce qu'ils étaient venus faire ici ?

Goujin et Boo s'approchaient. Il résolut de les attendre ici, et peut-être d'interroger le dernier sorcier. Celui qui était petit, faible, et qui croyait pouvoir cacher son énergie face à un être du calibre de Son Gohan.

    - Je sais où tu te caches ! Viens, je ne te ferai pas de mal !
Tellement de questions à poser... Il fallait s'assurer que la situation ne dégénère pas encore plus. Avec le niveau alarmant de puissance que dégageait Baphasi, ils ne pouvaient pas se permettre de tirer un trait sur la moindre source d'information.
Le monde était en ruine, et Gohan voulait savoir pourquoi.
Namek était détruite, bon sang... Pour la première fois, il n'y avait pas de fin heureuse à l'histoire qui se déroulait et il était bien décidé à comprendre les tenants et les aboutissants de cette horreur.

La silhouette du sorcier se détacha dans la forêt, les deux bras levés en signe de paix. Gohan s'était préparé à n'importe quoi, mais pas à cela.
Un Namek.

Le flot de soulagement le prit à la gorge. Ils avaient encore des dragon balls. On pouvait tout arranger. Son discernement, son rechignement à tuer sans raison avait sauvé la terre ! Sans qu'il s'en rende compte, un grand sourire clair était né sur son visage.
Sans qu'il s'en rende compte...
Il avait baissé sa garde.
Il avait perdu son mouvement.

Il se retourna en une demie-seconde, mais c'était trop tard. Le rythme l'avait abandonné, il ne pouvait pas le reprendre. Le cadavre de Psychée s'était relevé sur ses membres broyés, était déjà sur lui, projeté à une vitesse surnaturelle par son nouvel occupant dont les yeux, ambres, brillaient au fond de ses orbites noircies.
Les doigts désarticulés, repliés comme des tentacules, enserraient maladroitement une faux noire. Le sayen interposa son bras, vaguement conscient de l'inutilité de son geste.

Et puis, il n'y eut plus du tout de Son Gohan.


*******



Elle frappait, mais ça ne faisait pas mal. En fait, ça la soulageait. Comme gratter une piqûre d'insecte, comme retirer une croûte...
Un morceau d'écorce se décrocha de sa peau, arrachant un peu de chair et de sang avec lui. ça faisait du bien. Baphasi ne s'était pas rendue compte d'à quel point l'écorce la révulsait avant que Sahane ne commence à l'en débarrasser. Un frisson de satisfaction parcourut sa poitrine. On la frappait d'ailleurs, elle le savait parce qu'elle le voyait quand elle arrivait à ouvrir les yeux, pas parce qu'elle sentait d'autres coups que ceux de Sahane. La démangeaison était obnubilante, et sa suppression extatique. Béate, elle laissa couler un caillot de sang à travers son sourire quand un coup de talon éclata la couche de bois qui recouvrait sa cage thoracique. Chaque pic de douleur était une libération. Elle pouvait sentir les branches et les racines qui se rétractaient au fur et à mesure que l'énergie vitale de la graine s'éteignait en elle. Sahane retournait cette force infinie contre elle-même, saisissait la haine que la graine lui vouait et s'en servait pour racler la corruption hors du corps de la reine. Elle aurait voulu l'embrasser, mais il y avait comme une connexion fondamentale entre elle et cette inconnue. La terrienne n'avait pas prononcé un mot, Baphasi ne lui avait rien dit (elle n'aurait pas pu, avec ses mâchoires lignifiées) mais elle avait compris. Elle savait.
Elle savait pourquoi Baphasi était venue. Elle savait que cette tâche était nécessaire, qu'elle n'avait jamais eu le choix, qu'elle mourrait heureuse si les sayens agissait justement. Et ils le feraient, Baphasi l'avait compris en communiquant d'une manière si pure avec la clairvoyante. Elle plaiderait en sa faveur, ils laisseraient le peuple du Makaï s'installer en surface, quitter leur terre condamnée pour survivre. Ils n'étaient pas maléfiques, pas irrémédiablement affectés par la graine. Loin des makaïoshins, ils prospéreraient, ils abandonneraient leurs coutumes barbares et embrasseraient la civilisation. Sous le règne de Panka, cette fille qui était un cadeau inestimable pour elle et son royaume, qui avait été si droite, si parfaite en toutes circonstances, il ne pourrait naître qu'une nouvelle ère de paix. On pouvait avoir confiance en elle, reposer le monde sur ses épaules, même si elle ne méritait pas un tel fardeau, elle était la seule à pouvoir l’assumer.

Et elle l'assumerait jusqu'au bout, maintenant qu'il n'y avait plus personne pour se mettre en travers de son chemin. Maintenant que toute la noblesse dégénérée du Makaï, que tout ces tyrans cruels et décadents avaient été écrasés, avec leur fierté et leur démence, sur l'autel sacrificiel qu'avait été la terre.

Elle avait vu de ses propres yeux la puissance des sayens, et savait que seule la graine lui conférerait la moindre chance de victoire contre les guerriers les plus formidables et les plus violents du monde. Mais les sayens de la terre étaient pacifiés, on pouvait leur faire confiance, lui avait susurré Sahane. Ils épargneraient Panka, car elle saurait les convaincre de ses nobles intentions.

Oh, elle s'en voulait tellement ! Elle regrettait la destruction irraisonnée qu'elle avait semé sur le monde, mais toute son amertume était noyée dans la soulagement que lui apportait Sahane.
Son torse était à vif, un entrelacs sanguinolent de chair, d'os et de pousses végétales. La corruption ne s'était pas limitées à la peau, et s'était infiltrée en profondeur, dans chaque fibre de son être. La douleur hurlait une douce berceuse à ses oreilles. Elle chantait la mort de cet horrible corps qui n'était plus le sien. Sous sa boite crânienne, elle sentait l'agitation des premières racines, qui sentaient venir leur heure.

Elle allait mourir. Baphasi croisa le regard de Sahane, et il y avait la même sérénité dans leurs yeux à toutes les deux.

Elle avait prévu que ce serait Abel mais peu importait, au final. Il comprendrait. Il était dangereux, mais il les aimait profondément, elle et Panka, même s'il ne le savait pas encore. Elle saurait le contenir. Oh, elle saurait faire tant de choses. Rien n'aurait été possible sans elle.

Le coup fatal approchait et la reine s'autorisa à pleurer, de joie. Loin, la graine et sa horde si horrible hurlait sa haine et sa rage, dans des oreilles qui ne l'écoutaient plus.

« Ah, ça y est, j'ai trouvé. »


Cette voix appartenait à la horde.

Devant ses yeux encore troublés, elle vit un makaïoshin, implacable et monstrueux, qui enserrait fermement la main de Sahane. Qui l'empêchait de libérer la frappe finale, celle qui mettrait un terme à son calvaire. Furieux, avec dans es yeux une perversion qui détonnait horriblement avec tout ce que représentait Sahane, il abattit son poing griffu sur le crâne de la clairvoyante.

Ce combat se déroulait en Baphasi, et la force de l'impact n'avait aucune espèce d'importance. La graine avait trouvé la faille, elle n'allait plus se laisser rendormir par qui que ce soit. D'autres makaïoshins se matérialisèrent autour de Sahane. Dix, puis cent, et l'issue du combat que menait cette lueur de clarté dans l'esprit de Baphasi ne fit plus le moindre doute. Les larmes sur les joues de la reine prirent une saveur amère alors que la douleur au niveau de son torse se résorbait, que les racines reprenaient de plus belle et comblaient ses plaies malgré les attaques désespérées des sayens.
Elle ferma les yeux, mais le spectacle ne disparut pas. Fermement agrippée de toutes parts par une foule de monstruosités silencieuses, Sahane s'éteignit avec ses derniers espoirs d'une fin heureuse.

Plus de douleur, plus de soulagement. Le monde se résumait à la horde qui lui susurrait ses mensonges à l'oreille et de la sensation toujours plus répugnante du corps végétal qui prenait petit à petit le dessus sur elle. Les jambes immobilisées, elle sentait à nouveau les racines qui pendaient vers le sol, insensibles à la violence désespérée que les terriens déchaînaient sur elles. Elle se sentait mal pour eux. On ne pouvait pas vaincre la graine. Les voix la pressaient de part en part, lui intimaient de répliquer, de se joindre à elles...

Il fallait attendre Abel. Si Baphasi tenait jusqu'à son arrivée, alors il saurait quoi faire. Ce serait dur pour lui, mais il saurait agir comme il s'imposait et la délivrer de cette horreur. En position fœtale, elle se barricada dans les dernières fortifications de son esprit, et tint bon. Attendre, il ne lui restait plus que ça à faire, et Panka saurait construire un monde meilleur, sans elle.
Loin, beaucoup plus loin que le vacarme bourdonnant du millier de voix divines qui l'assaillait, résonnaient de lointaines déflagrations. Elles étaient éloignées, mais assez fortes pour qu'à un univers d'écart, elle les perçoive toujours. C'était... Ah oui, c'était les sayens. Elle les avait presque oubliés.

Ils étaient là parce que... Parce qu'ils défendaient leur terre natale, oui. Ah, les pauvres, pauvres sayens. Perdus dans un monde si dur, si hostile. Elle au moins, elle savait ce que le monde leur réservait à tous. Elle avait vu le lion qui régnait sur l'univers, et elle avait vu le roi qui, les mains fermement enserrées sur ses mâchoires, l'empêchait de clamer leur petit oasis de paix et d'ignorance. Maudite soit-elle, elle avait vu ces mains trembler, elle savait que le lion viendrait. Il fallait qu'elle le fasse, qu'elle sauve son peuple, qu'elle sauve Panka...
Il fallait...

Il fallait...

Ah oui.

Il fallait qu'elle tue les sayens.


*******



    - Encore la réincarnation instantanée ? Il va falloir changer de botte secrète, un jour.

    - On ne peut pas tous avoir un... Hurrrgh !
Le torse d'Abel ne correspondait plus à la taille de son pharynx. Il fallut quelques secondes de plus pour que la chair de Psychée achève de se distordre pour prendre l'apparence du nécromancien. Il matérialisa son habituelle panoplie noire et dorée au lieu des loques ensanglantées qui le couvraient d'un claquement de doigts, fit craquer ses articulations alors que sa peau s'assombrissait pour reprendre son bronzage habituel et reprit la conversation avec l'immortel.

    - Je disais : on ne peut pas tous avoir une régénération de fou furieux comme toi.
Unio était horrifié mais, comme d'habitude, il on ne faisait plus attention à lui. Il venait de voir sa tutrice broyée suite à un combat dont il n'avait pas pu suivre une seule passe, puis le nécromancien posséder et transformer ce cadavre en sa forme originelle. Et il plaisantait. Lui et l'immortel s'envoyaient des piques comme deux adolescents alors que deux autres guerriers monstrueusement puissants s'approchaient à toute vitesse.
Il n'y avait pas de gravité, pas de défaite dans leur monde, réalisa Unio. Pour ces deux immortels, aucun obstacle, aucun ennemi n'était plus qu'un contretemps. Et si les sayens gagnaient, alors ? Ils reviendraient tous les deux, tôt ou tard, et leurs ennemis pourriraient dans leur tombe, incapables de les arrêter. Et si la singularité venait, finalement ? Ils la traverseraient tous les deux, riraient un bon coup, et reprendraient leur routine. Le monde brûlerait à nouveau comme il avait déjà brûlé. C'était une certitude pour le nécromancien et une expérience pour l'immortel. Ils se fichaient complètement de le faire brûler, localement, quelques fois de plus.
Ils auraient pu empêcher ça. Empêcher ce carnage, et ils ne l'avaient pas fait. Ils n'avaient même pas envisagé de le faire.

Unio prenait progressivement conscience qu'il était dans le mauvais camp. Que la résignation qui n'avait jamais quitté Psychée venait de ce fait. Les démons, Freezer... Ils étaient un mal temporel, vincible et localisé. Mais ce que ces deux immortels, ce que Primus incarnaient... C'était un mal éternel, indestructible, généralisé et infatigable justement parce qu'il se figurait nécessaire.

Et Unio ne pouvait rien y faire du tout. Il courut se cacher loin de ces monstres et de ceux qui s'approchaient. Paralysé, il murmura ses sortilèges de camouflage, en priant pour la victoire de l'ennemi.
Le nécromancien, d'un ton horriblement banal, reprit.

    - Tu prends lequel ? Le gros ou le petit ?

    - Le petit, il a l'air énervé.
Le mouvement d'air arriva en premier. En second, la déflagration due à l'arrivée du sayen assourdit les fragiles tympans du namek. Même à cette distance, avec l'aura crépitante du sayen qui couvrait ses cris, il comprenait tout. Il percevait que, sous les hurlements furieux, la voix était sur le point de se briser.

    - Où est Son Gohan ? Qu'est-ce que vous lui avez fait ? Je vais vous tuer !
Un mauvaise plaisanterie. Toute cette histoire était une mauvaise blague qui ne faisait rire qu'Abel.

    - Haha, je voudrais bien te voir essayer!
Dernière édition par Lamantin_Furtif le Mar Mars 05, 2019 11:14, édité 3 fois.
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Re: DBAF-Lamantin

Messagepar omurah le Jeu Juil 05, 2018 15:06

Bon, là j'en suis à la partie où j'ai compris bien avant d'avoir lu son nom, que modafuckin Derek is back :mrgreen:

Trop d'émotion, je continuerai ma lecture dans la soirée :mrgreen:

(bon en vrai c'est surtout que je suis en speed, mais trop d'émotions quand même, et pour une fois, je pense pouvoir faire un commentaire un chouïa plus détaillé que "omagad cé tro bi1")
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