Plop. Omurah étant en crise de connexion, c'est moi qui poste aujourd'hui.
Voici toutefois sa réponse aux commentaires.
Il faisait nuit.
Au Kaioshinkaï.
Nuit noire. Et eux… ils avaient été anéantis.
Leur équipe d’élite s’était fait complètement humilier par un certain démon roux, torse nu et débardeur négligemment jeté sur l'épaule ; ce même démon qui sirotait maintenant un jus de framboise en balayant, d’un regard narquois, ses agresseurs… plus si sexy qu'avant.
Cell se redressa… faisant par là même tomber le petit monticule de terre qui avait élu domicile sur sa tête.
C-F quant à lui n’était même plus visible nulle part… seul son tablier rose reposait là, sur le sol, en pièce. Non pas son tablier rose de toujours — perdu depuis le premier combat contre la bande de Tapion — mais l'autre, le deuxième, celui qui avait été généré par la magie de Démigra ; ce dernier l'ayant fait apparaître directement sur C-F, arguant simplement que voir le robot sans son éternel tablier le perturbait.
Autre éploré : Winter. Toujours présent, lui ; mais dans quel état ?
L’ex-nouvel empereur de l’univers — qui avait dû abdiquer suite à un ultime “cas de force majeure” — luttait encore, souffle court. Démigra le tenait sous l’emprise de sa sorcellerie, paralysant tous ses mouvements ; l'Archidémon faisait virevolter le nihilien comme une danseuse, ajoutant la profession de ballerine à la liste de ses humiliations. Si — par un violent accès de fierté ; de fureur — Winter reprenait parfois le contrôle de son corps, il se prenait aussitôt une beigne qui rompait sa concentration, l'obligeant alors à repartir dans une interprétation du lac des cygnes.
Pourtant, quatre fois n'étant pas coutume, il y avait quelqu'un dans les environs qui s'avérait pour une fois plus à plaindre que Winter.
Gohan.
Gohan — qui avait été le meilleur ami de Cell dans une autre vie — était face contre terre, complètement immobile, dans une posture ridicule. Précisément la même que celle de Reecoom sur Namek après avoir été proprement dérouillé et démonté par Goku ; cet hasard tenait moins de la malchance que des facéties de Démigra… qui avait tenu à cette réédition, par solidarité rouquine envers ce soldat dont il avait eu vent des déboires ; soldat vengé de la famille Son… où qu'il soit à cette heure. Et ça, pour être vengé… Reecoom l'était : Gohan portait bien mieux la pose que lui ; le métis avait même réinventé l'échelle du ridicule… et son survêtement vert pomme devait y être pour beaucoup.
Gohan…
Cell ignorait encore ce qui était arrivé au Gohan qu'il connaissait.
Oh, il était mort et enterré… mais quoi ensuite ? Réincarné ? Certainement. Quel gâchis. Et surtout quelle injustice… que de se voir retiré de force — au nom d'il ne savait quelle loi sacrée du cycle de la vie — celui qui lui avait donné l’exemple, l’avait soutenu dans sa bonne conduite, durant des années. Celui qui lui avait patiemment appris à marcher, pas à pas, dans un monde qu'il découvrait… et qui le découvrait. Ce Gohan qui lui avait fait confiance, lui avait accordé une seconde chance, désireux de marcher, ce faisant, sur les traces de son illustre père…
Illustre père pourtant tué par Cell lui-même.
En dépit de quoi… l'hybride avait été épargné. Et ce fut ensuite grâce au soutient de Gohan qu'il avait su marcher seul ; se créer un futur ; devenir ce professeur de génie qui avait la paternité de tant et tant de thèses de médecine et de robotique ; de celles qui permirent entre autres la démocratisation de la greffe de membres cybernétiques, pour handicapés ; sans parler de la découverte d’un remède contre certaines mutations cancérigènes. Oui, c'était avant tout grâce à Gohan… que l'hybride gagnait aujourd'hui sa vie en sa qualité de professeur, accessoirement le plus populaire de son université, tant ses cours étaient simples à comprendre et n’ennuyaient personne.
Il serra le poing, se remémorant les expressions de Piccolo et du Gohan ici présent… quand il les avait rencontrés. Il savait que ce monstre qu'ils avaient cru voir en lui aurait pu exister. Existait, au plus profond de son être. C’était pour cette raison qu’il ne supportait pas ce Démigra qui se délectait de leur malheur à lui et aux autres. Oui, Démigra lui évoquait ce qu'il aurait pu être. Ce qu’il aurait dû devenir.
L'hybride acheva de se relever… et — fermant les yeux — canalisa son aura.
Contrairement à la chiffe molle qui reposait non loin de là — dans la boue et dans une pose quasiment obscène — Cell et le Gohan adulte de son époque n’avaient jamais cessé de s’entrainer, au cas où la Terre serait à nouveau menacée par ils ne savaient quel malade frustré.
Et cet entrainement acharné avait intérêt à payer. Ici et maintenant !
Et cette fois…… cette fois, Cell n'allait pas re-commettre l'erreur de gaspiller son énergie en vue de donner naissance à un Cell Jr qui se verrait écrasé facilement, finissant en purée bleue, comme tous les autres, dont les cerveaux en bouillie tapissaient le champ de bataille.
Non, pas cette fois.
— Voilà, c’est comme ça qu’on fait ! Une, deux, une, deux… poursuivit Démigra en enchaînant deux séries de poses, des plus grotesques ; imité automatiquement par un Winter au bord de la crise de nerf.
Le démon stoppa subitement ses mouvements, avant de lâcher un profond soupir, qu’imita — là encore à contrecœur — l’empereur déchu, devenu violet foncé, de rage.
— Désolé Wiwi, mais quelqu’un veut apparemment interrompre notre ballet, souffla le dieu-démon en notant l'embrasement progressif de l'aura de l'être parfait. On reprendra plus tard. Sans rancune hein ? lâcha-t-il en haussant des épaules, faussement dépité. Winter sentit alors instantanément qu’il avait été libéré du sort qui l'obligeait à imiter les mouvements de son tortionnaire ; le nihilien n'eut pourtant pas le temps de jouir de cette miraculeuse liberté outre mesure… puisque s'étant finalement montré trop lent ; trop lent pour esquiver le monstrueux coup de pied qui s’enfonça bientôt dans son abdomen, le déchirant presque en deux. Sa capacité innée et rarissime de régénération allait certes prendre le relai…… mais Winter savait qu’il était hors combat.
Avant même d'avoir pu atterrir suite au coup de pied qu'il avait lui-même donné, Démigra pivota sur 360° sans appuis, attrapant le poing de l'hybride qui s’était soudain matérialisé derrière lui, dans une véritable débauche de jets électriques… et surtout bien plus rapidement que ce à quoi l'Archidémon se serait attendu. Cell enchaîna de suite avec un coup de pied circulaire qui cette fois atteignit sa cible, occasionnant une pelletée de dégâts certains, à la grande surprise du démon qui se ramassa violemment par terre.
— Haha… tu en avais encore sous la pédale ? commença le rouquin encore avachi au sol, sans pour autant perdre la confiance dont témoignait son intonation, tandis que sa toute nouvelle blessure - dans la zone du cou - se couvrait déjà d’une lumière rose, résorbant partiellement les dommages subis.
Cell fronça les sourcils… avant de se jeter à nouveau dans un corps-à-corps effréné… dont la configuration trahissait facilement la préférence naturelle qu'avait l'hybride pour les coups de pieds… et Démigra, au contraire, pour les coups de poings. Mais autant l'Archidémon aurait pu chercher Cell sur son propre terrain en mettant un peu plus ses jambes à l'œuvre… autant le mouvement dont se fendit bientôt l'hybride était-il pour le coup absolument hors de portée de l'administrateur en chef de la mana… puisque ce dernier n'avait pas de queue.
Au contraire de Cell qui — après s'être éloigné, d'un bond — plaça soudain son appendice pile devant son propre visage… en faisant passer son cinquième membre par dessus le globe noir d'ivoire qui lui servait de tête. L'embout à la pointe de l'imposante queue s'entrouvrit alors… pour subitement se mettre à cracher quantité de gerbes verdâtres, chacune de la taille d'un sac-à-dos ; Cell visait Démigra… qui esquivait de plus en plus péniblement à mesure que l'hybride accélérait le rythme de ses tirs. L'Archidémon tint pourtant le coup en cela qu'il ne s'était pas encore fait toucher une seule fois au bout de trente secondes ; tout le contraire du champ de bataille, peinturluré à chaque impact des gerbes gluantes sur son sol fracturé.
Cell s'arrêta soudain de tirer ces drôles de choses dont Démigra ne savait toujours rien. Peut-être de l'acide. Toujours était-il que l'hybride abandonnait vraisemblablement la partie de paintball ; Démigra afficha alors un air triomphant et ne manqua pas de fanfaronner un coup, en se réceptionnant au sol après une dernière pirouette.
— Ha Ha ! 141 tirs pour 141 échecs ! Tu es nul, Cell. Désolé pour toi mais la balle au prisonnier est mon jeu préféré et comme tu peux le remarquer… je me débrouille pas trop mal. On peut savoir ce que tu essayais de faire comme ça, sinon ?
Cell ne répondit pas. Il était résolu à ne retrouver sa langue que lorsque Démigra perdrait la sienne, au propre comme au figuré. L'hybride se jeta une fois de plus à corps perdu sur l'Archidémon, engageant un énième combat rapproché.
Sans surprises, au fil des échanges — et de secondes en secondes — la créature repentie voyait ses chances de victoire s’amincir. Cell se battait pourtant bien au delà de ses capacités normales, sacrifiant son corps sur l'autel des prises de risque inconsidérées ; et dilapidant l’énergie normalement réservée à sa capacité de régénération, dans ses tentatives désespérées de causer un maximum — voire un minimum — de dégâts, au dieu-démon.
Mais — à son grand désarroi — l'être parfait était à peine parvenu à essouffler Démigra ; tandis que lui-même — au contraire — avait déjà la raie qui lui servait de gouttière. S'il avait réussi à flirter avec le niveau de puissance brut de l'alter-égo de Shinki en déchaînant son propre potentiel, c’était encore une fois la magie du démon qui le mettait à mal… exactement comme au début de leur affrontement. Parfois son adversaire distordait l’espace pour esquiver ses coups ; parfois encore… Démigra était brusquement remplacé par un vulgaire carton de déménagement, et réapparaissait l'instant d'après dans le dos de Cell… sans jamais manquer de lui asséner quelque contre-attaque mortifère.
Dans une ultime offensive désespérée, le rival alternatif de Gohan esquiva un coup — trop rapide pour qu'il sache vraiment de quoi il était question — et se jeta soudain aux pieds du démon… pour immédiatement porter une attaque verticale haute — du pied — touchant violemment son adversaire au menton ; adversaire pris de court par la distance à d'abord évaluer avant de pouvoir configurer une défense appropriée. Cell ne fut qu'à moitié surpris de constater que son coup avait fonctionné sans bavure. À moitié seulement parce qu'il avait fini par comprendre que, malgré sa force, Démigra était plus un magicien qu’un combattant ; et le genre de tactiques basiques auquel l'hybride venait d'avoir recours restait apparemment efficace contre lui. Cell se trompait. Démigra avait vécu bien assez longtemps pour être aussi fin combattant que magicien. Si erreur il y avait, elle ne pouvait être que le fruit d'un accès de pitié de Démigra à l'endroit de son adversaire.
— Hey ! Fais un peu attention à mon visage, je te prie, réclama l'alter-égo de Shinki, constatant avec ennui qu’une de ses dents parfaites avait été cassée. Mes fangirls vont être furieuses contre toi.
— Que… ? Que fais-tu ? souffla bientôt Cell, surpris par la posture qu'avait soudain prise son adversaire… tout en faisant une croix avec ses deux index.
— Ça ! Kurgë bunchdën no jutsu !
Quatre versions féminines du démon surgirent de nulle part, la bave aux lèvres, la fureur dans les yeux ; elles se jetèrent alors sur l’hybride… avec l’intention de le déchiqueter.
Cell se protégea instinctivement, incertain de la nature de la technique utilisée par son adversaire. Les Démigrettes lui passèrent finalement à travers, comme des mirages… sans lui causer l'ombre d'un dégât. Démigra — profitant alors du trouble notable dans lequel se noyait l'être parfait — avala soudain la distance entre eux et colla à l'hybride un uppercut dévastateur, lui brisant partiellement la mâchoire. Il rompit pourtant immédiatement le corps-à-corps, bien au fait de la réactivité de l’être réputé parfait.
— Nous sommes quittes. Mais te faire avoir par ça, sérieusement. Tu n’avais pas les animés dans ton univers ?
— A… Arrête he he houtre he woi…, fit l'être parfait, la bouche pleine de sang.Sans transition, tout s’enchaina ; plus vite pour Cell, mais plus lentement pour Démigra. L'hybride peinait de plus en plus à suivre, touchait de moins en moins l’entité chaotique qui se jouait de lui ; Démigra le tuait à petit feu… tout en l’humiliant plus qu’il ne l’avait jamais été. Au bout d’un énième enchaînement, l’être parfait mordit enfin la poussière, diminué au point de tutoyer la syncope.
— Tu sais, il y a très peu d’exemplaires de toi dans tous les univers. J’aimais bien ton caractère pourtant. C’est du gâchis ce combat…
Cell ne répondit pas. Vidé de son énergie, il avait du mal à bouger. Il n’était plus qu’une plaie vivante, dégoulinant de sang mauve.
— Ah, chiant. Le sang a caché le cœur que j’avais dessiné au marqueur sur ton bras.
— Va… te…
— Oui, je sais. coupa le démon.Avec un sourire glacial, Démigra envoya une ultime décharge d’énergie ; transperçant l'hybride au milieu du dos ; ce qui acheva de le clouer au sol, définitivement. Cell, dont la vision ne fonctionnait plus, sentit qu’il perdait pied. Son corps ne répondait plus. Quelle triste vie que la sienne. Non… quelle triste fin, seulement. Mais sa vie avait été bien. Pas si mal. Oui, pas si mal. Il avait décidé de suivre l’exemple de Gohan ; de vivre comme un humain, alors qu’il avait le pouvoir d’un dieu. Lui, la créature artificielle ; le clone. Pourtant il n’en existait pas deux comme lui, et il n'en existerait jamais, voilà ce qu'il avait appris à penser. Et ce seul changement de paradigme en avait entraîné tant d'autres. Malgré quoi… les gens qu’il avait commencé à côtoyer — avec les meilleures intentions du monde — avaient continué de le craindre.
Ils l’avaient évités.
Il avait été si seul.
Non. Le visage de Son Gohan lui revint en tête. Il vit à nouveau chacun de ses étudiants, qui avaient tous appris à le tutoyer familièrement ; il vit tous ces mouchoirs brodés et parfumés qu'il recevait par dizaines sur une période d'un an ; il vit chacune de ces têtes terriennes qui avaient plusieurs fois défendu la Terre à ses côtés. Non, il n’avait pas été seul. Il se revit, dans son costume acheté pour l’occasion, à cette cérémonie où il avait reçu son tout premier prix universitaire. Le premier d'une très longue série… menant au prix nobel. Son visage avait été connu, respecté, remercié. Il y aurait des gens pour le pleurer. Des gens qui n’auraient jamais peur de lui. Jamais.
Cela suffisait.
Cela LUI suffisait.
Il sourit, tandis que le vent qui l'avait pris en pitié, pesait gentiment sur ses paupières… pour l'aider à les fermer à jamais, car même ça, l'hybride n'avait plus la force de le faire tout seul.
Pas la force…… et pas la volonté non plus.
Pourquoi diable aurait-il envie de mourir ? Alors même qu'il venait enfin de piéger Démigra ? Le fait que Cell soit à l'agonie n'était pas simulé ; à l'agonie : il l'était vraiment. Ou plutôt : il l'avait été. Par contre… l'expression faciale chagrinée qu'il s'efforçait d'arborer constamment… elle… était du pur cinéma. L'hybride s'avérait juste plus doué pour se retenir de sourire… qu'un certain Yagami. Mais le fait était que Démigra l'avait bien dans l'os… et ce sans même le savoir, ce qui ne tarderait pas trop d'ailleurs. Mais en attendant que le pot-aux-roses soit découvert… Cell se servait copieusement, espérant que son adversaire percute le plus tard possible.
L'être parfait se servait de l'énergie de l'Archidémon, pour remplir ses propres batteries à plat. Démigra avait parlé tantôt de 141 tirs pour 141 échecs. Cell n'avait rien dit… mais il savait que ce résultat — fièrement verbalisé par l'Archidémon — était faux. En réalité il y avait eu 141 tirs pour 140 échecs et 1 succès. Démigra n'avait simplement pas senti la mélasse verdâtre entrer en contact avec son mollet gauche ; parce que cette même mélasse était justement pensée pour n'être pas sentie au moment où elle entrait en contact avec la peau, et sa fonction était précisément d'anesthésier la zone innervée sur laquelle elle se posait. Raison pour laquelle Démigra ne se doutait absolument pas que le dard de Cell avait été discrètement glissé dans son dos… et se trouvait planté en ce moment-même dans son mollet, suçant son énergie à fond les robinets, comme Piccolo s'était fait sucer la sienne par la forme imparfaite de Cell, des années en arrière. Encore que Piccolo avait eu l'occasion de se rendre compte que quelque chose n'allait pas et que son énergie fondait comme neige au soleil. Démigra lui… n'avait aucun indicateur corrélé aux fluctuations de son énergie… sachant qu'il était “né” incapable de sentir le Ki, celui des autres… mais aussi le sien. Il pouvait, de fait, passer de 40 millions d'unités à tout juste 400 unités… sans même s'en rendre compte.
Et ce n'était pas Cell qui allait s'en plaindre. Lui qui avait d'ailleurs déjà, depuis longtemps, absorbé de quoi trouver la force de se relever de sa chute ; l'hybride restait pourtant étendu au sol, l'air abattu, profitant à fond les manettes de toute la crédulité de l'Archidémon. Mais ce qui devait arriver tôt ou tard arriva finalement. Démigra, en voulant épousseter ses épaules, tomba de visu — hasardeusement — sur le dard profondément planté dans son mollet gauche. Lequel mollet était devenu aussi fin, décoloré et flétri qu'une feuille morte. Démigra poussa alors par réflexe un énorme cri de panique et bondit sauvagement en arrière, après avoir donné un gros coup — du pied droit — dans le dard… qui fut instantanément retiré.
Ah… plus d'open bar alors… ? pensa Cell pour lui-même, en souriant.
Il souriait parce que la supercherie avait quand même su durer largement assez longtemps pour lui permettre de revenir dans la course sur les chapeaux de roues, ce qu'il fit d'ailleurs en se redressant subitement sur ses deux jambes, frais comme un gardon, sous les yeux catastrophés de Démigra qui n'avait pas encore bien compris ce qu'on lui avait fait. Le regard du dieu-démon se durcit d'ailleurs avec la panique ; il pointa alors soudain l'auriculaire gauche en direction de l'hybride, ce qui refroidit immédiatement les ardeurs de ce dernier, qui s'inquiéta du sort que l'autre lui réservait…
— Je ne sais pas ce que tu m'as fait… mais crois-moi, tu n'auras pas le temps d'en profiter, siffla Démigra, sans sourire.Pourtant… vingt longues secondes s'écoulèrent suite à ces mots… sans qu'il ne se passe quoi que ce soit, sinon que la perplexité de Cell allait croissante tandis qu'il avait toujours le regard fixé sur l'auriculaire encore inflexiblement braqué dans sa direction. Cell demeurait néanmoins parfaitement aux aguets… prêt à esquiver in extrémis l'éventuel rayon magique que Démigra s'apprêtait certainement à tirer, par surprise.
Grosse surprise il y eut bien, pour l'hybride, lorsqu'il se vit subitement entouré d'un vif halo de lumière vert citron… qui s'estompa presque aussi vite qu'il était apparu. Ce halo, pourtant, Cell le connaissait bien, pour en avoir déjà fait les frais. La couleur variait mais la sensation, elle, était univoque : il venait d'être victime d'un nouveau sortilège du démon.
De la triche ? Oui, il eut tout du moins été légitime de le penser.
Si Démigra pouvait vraiment se passer d'avoir à tirer quelque rayon magique en direction de ses cibles pour pouvoir ensorceler ces dernières… alors le mot triche n'aurait effectivement rien d'abusif. Pourtant, Cell savait très bien que le fairplay n'avait en rien été bafoué, sur ce coup. L'hybride s'était simplement fait avoir comme un débutant. Pour être activé, le sort que venait de lancer Démigra nécessitait probablement que L'Archidémon ait sa cible bien dans le viseur, sans interruption, pour un temps donné ; vingt secondes en l'occurrence. Il aurait donc suffit à Cell de se déplacer sur la “carte” pour générer l'interruption en question et saboter par là même toute l'opération.
Au lieu de quoi, il était resté parfaitement immobile, campé sur ses appuis, en attente d'un tir à esquiver.
— Bon…… qu'est-ce que tu m'as fait ? souffla calmement l'hybride, qui savait admettre une défaite lorsqu'elle était actée.
— Oh, trois fois rien, tu n'es juste plus capable d'utiliser ni la téléportation ni la danse de l'air… et ce pour une durée de trois petites minutes seulement, la belle affaire n'est-ce pas ? lâcha gaiment Démigra, qui avait apparemment retrouvé son sourire d'ange.
— Et donc… ? Tu penses vraiment que ça me dérange ?
— Ah ça je ne sais pas. Tout ce que je sais, c'est que ça m'arrange, moi, souffla l'ex-immortel en orientant l'index gauche en direction du ciel… pour aussitôt décocher un rayon mauve qui alla se perdre au zénith.Rien ne se passa, pendant quelques secondes.
Cell se renfrogna et — croisant les bras, d'agacement — leva vaguement les yeux au ciel… en attente de la suite.
Suite qui prit la forme d'énormes nuages rouges qui couvrirent bientôt toute la surface de la voûte céleste.
L'orage grondait déjà au dessus de la tête des deux adversaires ; un orage apparemment annonciateur de drame.
Un coup de tonnerre surpuissant retentit soudain, accompagnant le tout aussi subit déluge de stalactites roses démesurées ; déluge qui avait jailli du manteau de cumulus rouge et fondait désormais en direction du sol. Cell, par fierté, se retint de s'accroupir comme n'importe qui l'aurait fait par réflexe. Il ne l'avait pas fait, lui ; mais il ne pouvait pas dire qu'il n'y avait pas au moins pensé. La surprise lui avait tout du moins fait décroiser les bras.
Les millions de stalactites cessèrent de s'allonger avant d'avoir pu atteindre le sol. Leurs pointes mortelles formant désormais le nouveau “plafond” du champ de bataille. Plafond qui se tenait à 100 mètres à peine… au dessus du plancher. Cell orienta finalement un regard interrogatif en direction de Démigra… qui se contenta quant à lui d'un sourire.
— Il a dû te coûter cher en tgcm, ce tour-là, lâcha l'hybride, sur un air détaché et désinvolte, en redirigeant finalement ses yeux vers le plafond serti de milliers de pointes mortelles.
— Tu n'imagines pas à quel point, rétorqua Démigra avec un regard étonnement sincère. Je vais même te faire une confidence : avec ça, je suis rincé. Mais crois-moi, cet investissement en vaut carrément la peine.
— Ah oui ? Tu veux m'embrocher dans ce plafond… c'est ça ? souffla l'hybride sur le même air que précédemment… et toujours sans détacher ses yeux des stalactites au dessus de sa tête.
— Eh bien… oui. Bravo Sherlock, tu as compris. Il suffit que je te frappe assez fort vers le haut… et vu que tu n'es plus capable de voler… tu ne sauras pas réfréner ton ascension… et tu finiras en brochette.
— Ce qui suppose que tu parviennes à me frapper, sourit finalement l'être parfait, sur un air de défi, en reportant enfin son regard sur son adversaire. Trois minutes, c'est ça ? Eh bien… qu'attends-tu pour venir me chercher ? Tempus fugit, termina l'hybride en se tapotant le poignet gauche, tout ironique.
— Ah non, excuse-moi, on s'est mal compris je crois, lâcha Démigra en portant soudain les deux mains à plat sur le sol.
Rien ne se passa, pendant trois secondes.
À la quatrième : une infinité de cristaux longs comme autant de défenses de mammouth ; épais comme autant de stalagmites géantes ; tranchants comme autant de sabres ; et tourbillonnant comme autant de tornades ; jaillissait subitement du sol sur dix kilomètre à la ronde. Les cristaux aux reflets roses, étant enchevêtrés anarchiquement, crissaient entre eux dans leurs rotations, à en faire saigner des oreilles.
Exception faite de la zone où se tenait Démigra — zone sur laquelle rien n'avait poussé — les pointes s'élevaient bien à 40 mètres de haut. Ces mêmes pointes au bout desquelles avait été atrocement embroché Winter… qui agonisait et hurlait d'une douleur étonnamment retrouvée, à plusieurs dizaines de mètres au dessus du sol, troué comme un gruyère.
Cell par contre…
… se trouvait précisément à 60 mètres au dessus du plancher des vaches sacrées, donc hors de portée du tapis de pointes mortelles.
— Oh… joli, admit Démigra à contrecœur, en levant les yeux vers l'hybride. Un kaméhaméha avec les pieds… j'avais jamais vu ça, termina-t-il en haussant le ton pour couvrir le bruit assourdissant des pointes qui crissaient follement.
— Il faut un début à tout.
— Certes. Fort bien. Mais dis-moi, comment t'es-tu débrouillé pour figer ton kaméhaméha ? rétorqua le dieu-démon en posant ses yeux sur la colonne de Ki bleu à la cime arrondie ; cime sur laquelle se tenait l'hybride.
— Il n'est pas figé.
Démigra s'en était rendu compte un peu avant que Cell ne lui ait soufflé la réponse. Effectivement… en observant le sommet du Kaméhaméha, le démon remarqua le mouvement de flottaison verticale qui permettait visiblement à l'hybride de ne pas retomber au sol pour y être embroché… tout en ne montant pas trop haut non plus, sachant que, juste au dessus… l'attendaient les stalactites mortelles ; desquelles fuitaient d'ailleurs un liquide dont la couleur verdâtre trahissait peu ou prou sa nature de poison létal. Cell coupait en fait volontairement l'alimentation de son Kaméhameha et relançait cette même alimentation juste après, évitant ainsi de retomber de trop ; il la recoupait ensuite, une fois de plus, avant de monter trop haut. De cette drôle de gymnastique provenait l'impression visuelle de flottaison.
— Bravo ! Tu as une sacrée maîtrise de ton Ki. Tu aurais sans doute fait un très bon chirurgien.
— Garde tes félicitations pour toi et fait tes prières… j'arrive.
— Attends, juste un truc. Tu sais, tout à l'heure, j'ai lu tes pensées… au moment où tu étais en train de te convaincre toi-même du fait que je n'avais pas triché avec le rayon vert citron ; et que l'erreur - que tu as finalement payée cash - venait de nul autre que toi-même.
— …
— J'avais trouvé ça vraiment très honorable de ta part, que de m'innocenter ainsi.
— …
— Mais tu n'aurais pas dû. Vraiment pas. Je suis embarrassé maintenant, lâcha Démigra, qui, en effet, avait passablement perdu son sourire. Parce qu'en réalité… tu avais raison, je suis un tricheur. C'est même tout l'intérêt d'être magicien.
— Ne t’inquiète pas pour ça, la triche ça n'existe pas. Chacun abat simplement les cartes à sa disposition, et d'ailleurs - si tu pouvais te taire deux secondes - il me semble bien que c'est à mon tour de jouer. Et puisqu'on en est à parler de cartes, j'en profite pour t'apprendre que je viens à l'instant d'en acquérir une toute nouvelle, sans égal. Et, n'étant pas égoïste, j'ai bien l'intention de te faire découvrir cette même carte, pas plus tard que tout de suite.
— La triche ça n'existe pas ?
— Non.
— Alors comment est-ce que tu expliques ça ?
Démigra claqua des doigts de la main droite.
Et ce fut le début de la fin pour Cell.
Le sol trembla.
Les cieux tremblèrent.
Et soudain…
Les stalactites et les stalagmites se remirent à pousser, allant par là même les unes à la rencontre des autres.
L'hybride se retrouva très bientôt entre le marteau et l'enclume.
Il avait en toute hâte dissipé son kamehameha… et retenait à présent — des pieds — une stalagmite ; et des mains : une stalactite. Ses muscles avaient déjà quasiment doublé de volume et même ses plaques osseuses semblaient se découvrir des veines.
Démigra regardait Cell dans les yeux. Il ne le regardait pas avec le sourire, non. Son air, pour une fois, était grave. Il le dévisageait avec les honneurs, une manière de lui témoigner une forme de respect. Et c'est au nom de ce même respect que le démon avait l'intention de contempler la mort de l'hybride, qui avait involontairement su gagner sa sympathie ; contempler la mort de Cell jusqu'au bout, sans céder à la tentation de s'en détourner par moquerie.
— Si tu as encore une carte à jouer… be my guest, mais dépêche-toi, d'ici quelques secondes… ta gorge ressemblera à une flûte à bec ! scanda Démigra, sans ironie aucune ; il espérait même sincèrement que Cell ait encore un joker dans sa manche… histoire que la fête continue. L'hybride avait commencé à hurler pour se donner du courage et de l'allant… tandis que les deux pointes se rapprochaient dangereusement de son corps. Il poussait de toutes ses forces mais les cristaux ne semblaient pas reculer du moindre centimètre. Cell activa son aura à 100%… il la libéra, l'attisa, l'excita, l'enragea, la densifia, la démultiplia, la surchargea… et tant d'autres mots en “a” que la température moyenne — sur toute la surface du Kaioshinkaï — gagna un degré
kalta symbolique.
Et pourtant…
Les cristaux n'avaient pas reculé d'un millimètre ; ils poursuivaient toujours leur inexorable progression… et ne s'arrêteraient probablement que lorsqu'ils seraient totalement imbriqués entre eux.
Cell découvrait, à l'aube de sa mort, ce qu'était la véritable différence entre le Ki et la magie :
“Les mots souvent font plus mal que les coups”
Assurément.
Et ça… l'être parfait ne le comprenait que trop tard. Son esprit n'avait pas été configuré pour ça. Il avait été le disciple de Shinki… et Shinki ne jurait que par les coups. Mais désormais, l'hybride savait que Shinki avait tort… et Démigra, raison. Et puis quoi d'ailleurs ? Dieu n'avait-il pas créé le monde par le verbe ? Oui… Démigra n'était pas ni du nombre des obscurcis ni du nombre des ignorants ; encore moins du nombre des éternels chercheurs, qui ne pensent même pas à trouver, depuis le temps. Non, lui, le démon, avait compris que les mots étaient bel et bien le véritable Saint-Graal.
On pouvait combattre le Ki par encore plus de Ki.
Et on pouvait combattre le Ki par les mots.
Mais on ne pouvait pas combattre les mots par le Ki.
Le sort du démon stipulait que les stalagmites et les stalactites se rejoindraient, inéluctablement ; Démigra avait payé le prix pour que cette stipulation soit gravée dans la pierre ; et Cell comprenait enfin qu'il n'y pouvait désormais plus rien. Ce n'était pas une question de force. Il venait à l'instant de libérer toute la puissance du super sayen 3 codé dans ses gènes… et pourtant les cristaux n'avaient même pas tremblé. Ils ne trembleraient jamais… même si l'hybride trouvait le moyen de libérer le super sayen 42. La seule manière pour lui de s'en sortir… était tout simplement de s'en aller ailleurs. Et Cell comprenait enfin pourquoi Démigra s'était assuré qu'il ne puisse plus ni voler ni se téléporter.
L'être parfait échangea un dernier regard avec Démigra… qui lui fit cadeau d'une expression dûment respectueuse. Cell décida de refuser ce cadeau, en fermant dignement les yeux. Des yeux qu'il n'ouvrit à nouveau que pour regarder en direction du cadavre — lui aussi embroché — de Gohan, longuement. Il avait ainsi descellé ses paupières uniquement parce qu'il préférait que la dernière image qu'il ait vue, de son vivant, soit celle de son meilleur ami, son mentor ; plutôt que l'image du visage de Démigra. Cell… content d'avoir pu voir Gohan une dernière fois… referma alors les yeux.
Et ne les ouvrit plus jamais.
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Une minute plus tard…
Les stalactites étaient retournées dans leurs nuages et les stalagmites sous terre. Démigra quant à lui traînait à quatre pattes, au sol. Totalement décoiffé. Il avait été flanqué dans cette position humiliante par le déchaînement de l'aura de Cell… une minute plus tôt. L'Archidémon en tremblait encore, de tout son être. L'énergie déployée par l'hybride avait tutoyé — l'espace d'une seconde — celle de Shinki. Démigra pourrait le jurer. Lui qui pourtant ne savait pas sentir les énergies. Il ne tarda pas à comprendre, par ailleurs, que Cell avait en réalité bénéficié de ce que d'aucuns, dans l'univers n°4 en particulier, nommaient communément : “Zpu”. Cell avait certainement acquis ce bonus de dame nature suite au passage à tabac duquel il s'était lui-même fait réchapper en pompant l'énergie de son agresseur. Ce
Zpu était d'ailleurs probablement ce à quoi l'hybride avait fait référence… lorsqu'il avait prononcé ces quelques mots, qui résonnaient encore à l'oreille bourdonnante de Démigra…
“Et puisqu'on en est à parler de cartes, j'en profite pour t'apprendre que je viens à l'instant d'en acquérir une toute nouvelle, sans égal. Et, n'étant pas égoïste, j'ai bien l'intention de te faire découvrir cette même carte, pas plus tard que tout de suite.”Oui… l'Archidémon en était désormais persuadé. Cell, en disant cela, parlait du
Zpu. Un
Zpu qui lui avait permis de surpasser le niveau de Goku en super sayen 3 — et donc le niveau de Démigra lui-même — qui savait désormais pertinemment que si le combat avait été repris sans l'épisode des cristaux impossibles à arrêter… il aurait alors été terrassé sans l'ombre d'un doute. D'autant qu'il n'avait plus une goutte de magie en réserve. Mais, au final, comme il l'avait promis à Cell…
“Je vais te faire une confidence : avec ça, je suis rincé. Mais crois-moi, cet investissement en vaut carrément la peine.”Les mots de l'Archidémon s'étaient finalement avérés véridiques. L'hybride avait péri embroché… et n'avait même pas eu l'occasion de faire tâter de son
Zpu à Démigra ; lequel se releva finalement… et fixa le corps charcuté de Cell, qui trainait au sol, baignant dans son propre sang. Démigra resta là, prostré, à le contempler longuement… puis alla lui fermer les paupières, avant de se détourner définitivement du cadavre.
Il entama alors une petite marche, vers nulle part. Ses pas étaient lourds. Il était fatigué ; il commençait à comprendre que Cell lui avait en réalité pompé son énergie en secret. Et pas qu'un peu.
Le tiers ?
La moitié ?
Les trois quarts ?
Voire bien plus ?
Démigra ne savait pas. Tout ce qu'il savait…
… C'était qu'il commençait à avoir sommeil…
Il marcha alors, lentement, calmement, erratiquement ; comme perdu dans ses pensées…
… Jusqu’à arriver devant Winter, qui se roulait mollement dans la poussière, comme un animal mourant ; mourant et troué comme une passoire. Il essayait désespérément de se relever… sans jamais y arriver, tant il était épuisé ; de fait, tout ce à quoi il ressemblait à cet instant… c'était à une personne totalement novice en patinage sur glace qui tenterait de se relever d'une lourde chute, sans y parvenir.
— Oh…, tu ne t'es pas encore régénéré alors… ? Tu ne le peux plus ? Et moi qui venais pour jouer encore un peu avec toi…. On dirait que tu es cassé toi aussi…. Je suis bien embêté maintenant, je suis presque sûr que tu ne peux plus danser…. Winter profitait encore de ce qu'il lui restait de présence d'esprit pour penser à un moyen de s'en tirer.
Mais, de moyen… il n'y avait pas.
Ou plutôt…
… il ne voulait pas y penser.
— Alors…… j’ai gagné, non ? demanda candidement Démigra, en s'accroupissant lentement auprès du nihilien étalé sur le dos.
— …
— Meh, c’était plutôt marrant. Mais toutes les bonnes choses ont une fin, n'est-ce pas ? Faire ce qu'il s'apprêtait à faire allait s'avérer plus humiliant que tous ce qu’il avait subi. Plus humiliant que d'être estropié par Yamcha avec sa brosse à dent en bouche. Plus humiliant que d'être réduit en compote par un collégien durant sa récréation. Plus humiliant que de faire du café pour le vieil aigri. Plus humiliant que de se trimbaler une jambe de bois. Plus humiliant que d'être servi sur une assiette avec une pomme dans la bouche. Pire que de faire la danseuse étoile. Pourtant, Winter n’avait plus le choix. Son instinct de conservation lui hurlait que c’était sa seule chance… tandis que Démigra soulevait déjà ce qu’il restait de lui, par télékinésie.
— Bon…, comment te dire…… ? C’est ton tour, Winter. Kept you waiting huh ? murmura le dieu-démon en faisant apparaître, l'espace d'une seconde, un cache-œil sur son coté droit, pour la référence ; la toute dernière de l'histoire.
Winter se résolut à ce moment là.
— GEROOOO ! Je sais que tu es là, quelque part ! Je ne te le demanderai pas deux fois ! AIDE-MOI ! s’époumona le nihilien.Alors que le démon, accroupi torse nu, clignait des yeux de surprise, Hiéronimus, à quelque dizaines de mètres de la scène, se crispait… tandis que sa main se resserrait inconsciemment sur sa précieuse télécommande principale ; celle à laquelle Winter faisait subtilement allusion. Gero avait vu C-F en toucher mot à son oncle, juste avant de disparaître. Cette confidence avait d'abord étonné Gero, jusqu'à ce qu'il en vienne à la conclusion qu'elle faisait finalement sens… sachant que le robot n'était plus tenu d'obéir aux ordres et aux interdictions de son premier maître, qui avait justement donné la consigne de garder secrète l'existence de cette télécommande, dont l'une des principales fonctions était de permettre à Winter de retrouver son stade ultime. Celui qu'il avait atteint durant son combat contre Gohan… cinq ans auparavant.
Celui qui se trouvait au dessus du stade “Golden” lui-même.
Celui qui laissait sa peau plus blanche que le lait ; qui portait ses capacités de régénération à un niveau de maîtrise si élevé… qu'il pourrait être assimilé à la triche dont se réclamait Démigra lui-même ; celui qui permettrait à Winter de retrouver sa capacité à manipuler d'énormes quantités de plasma à tire-larigot.
Celui qui pouvait peut-être tous les sauver…
Mais les sauver de quoi ? La mort ? Gero n'avait pas particulièrement peur de la mort. Bien au contraire. Depuis que Shenron lui avait appris qu'il ne reverrait jamais ni Gordon ni Samir ni Rachel… le premier étant tombé dans le néant, suite à son décès, plutôt que de monter au poste-frontière ; le second ayant péri comme tant d'autres durant le processus de fusion des univers ; et la dernière ayant été réincarnée depuis longtemps ; depuis qu'il avait appris tout ça… Gero n'avait plus eu aucun attachement à la vie.
Il n'avait même pas envie de se venger de Démigra.
Il était simplement mort à lui-même.
Pourtant… il avait formulé le vœu de monter au Kaioshinkaï. Pas pour aider Cell, Gohan et les autres. Simplement pour voir le visage de celui à cause de qui il ne reverrait jamais sa famille. C'était fait. Gero avait vu le visage de Démigra. Ça ne lui avait rien fait. Ça n'avait rien provoqué en lui. Ni colère ni haine.
Il fallait de l'énergie pour éprouver colère et haine. Or, Gero n'avait plus aucune énergie.
Aucune volonté.
Pourtant… et cela il ne se l'expliquait pas, le fait d'avoir accidentellement revu le visage de Winter…
Le fait d'avoir revu le visage de Winter… lui avait fait…… plaisir.
Oui, Gero avait ressenti cette chose, qui le vivifiait. Qui donnait un peu de sens à sa vie… quand il n'en trouvait plus.
Cette chose…
… c'était le fait d'emmerder Winter.
Oui, emmerder Winter, comme au bon vieux temps pas si vieux que ça ; il n'y avait vraiment plus que ça… pour faire un peu sourire Gero, aux larmes encore ruisselantes ; à cette minute où il avait tout perdu. Certains se noyaient dans l'alcool pour oublier… pour s'oublier. Gero, lui, emmerdait Winter. C'était ça son truc. Son péché mignon. Sa soupape. Et ça ne pouvait marcher qu'avec Winter, personne d'autre.
Était-ce une forme d'affection ?
Probablement… parce que Gero se savait justement tiraillé entre l'envie impérieuse d'embêter Winter, là maintenant tout de suite, et celle de lui venir en aide, comme on aiderait un ami.
Non, pas un ami.
Un membre de la famille. À part entière.
Oui, Gero était tiraillé entre deux envies diamétralement opposées. La première — embêter Winter ; le faire devenir tout rouge de colère — le démangeait violemment… tandis que l'autre — lui venir en aide — ne cessait de toquer à la porte triplement verrouillée de son cœur.
La télécommande que le vieux moustachu avait dans la poche de sa combinaison pouvait en réalité rendre à Winter sa puissance maximale ; et, avec, la faculté de réutiliser le plasma à plein régime ; mais elle pouvait aussi faire tout l'inverse ; à savoir : faire exploser le nihilien. Car ce dernier avait bien une bombe de logée dans les entrailles, contrairement à ce que lui avait juré Gero quelques quarts d'heure plus tôt. Pur mensonge.
La télécommande possédait deux boutons : un vert et un rouge. L'ange au dessus de l'épaule droite de Gero le suppliait d'appuyer sur le vert… tandis que le petit démon à tête de Démigra, sur son épaule gauche… lui susurrait d'appuyer sur le rouge. Cette dernière option était tentante, non seulement c'était la meilleure manière d'emmerder Winter une toute dernière fois… mais Démigra aurait aussi toutes les chances d'y passer sur un malentendu… s'il se trouvait trop près du nihilien au moment de l'explosion.
Oui, cette télécommande était clairement le dernier joker que pouvait jouer Gero… pour s'amuser une dernière fois. Une ultime fois. Mais s'amuser comment… ? Là était la question. En tuant Winter ? Ou en permettant à ce dernier de jouer les prolongations…
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Hanté par la binarité de sa décision, Hiéronimus sortit enfin la télécommande de sa poche et — de sa main tremblante — la pointa en direction du nihilien qui avait décidé de miser sa vie sur lui. Démigra de son côté secouait la tête d’un air affligé, écartant les bras comme si Winter venait de gâcher sa fête d’anniversaire. Il resta quelques secondes ainsi, à contempler le nihilien à terre, avant de soupirer.
— Wiwi…… Je peux t’appeler Wiwi n'est-ce pas ? Wiwi, personne ne viendra ici, encore moins un simple humain. Mais… permets-moi de prendre mes précautions. Gero, interloqué, plissa les yeux afin de mieux entrevoir la scène et voir venir les choses, à couvert derrière son rocher. Mais il ne fut pas assez rapide. La vague de lumière et de chaleur le heurta de plein fouet. Il fut projeté en arrière, comme frappé par un coup de poing. Et pas celui d’un gringalet comme Gordon, plutôt un poing comme celui de Boris, le gérant du bar, qui pesait sans doute cent cinquante kilos et qui, selon la rumeur, aurait su assommer un taureau d'un seul coup de poing.
Si la combinaison d'invisibilité de Gero était parfaitement étanche et absorbait très bien la chaleur et les chocs, ça ne marchait pas aussi bien pour la lumière. Hiéronimus était par conséquent aveuglé. Il ne voyait plus rien, sinon du blanc ; et ses oreilles sifflaient de manière insupportable. Il pouvait même sentir un mince filet de sang s’écouler de son pavillon droit, sous son masque. Mais le retraité, qui ne serait finalement jamais grand-père, se rendit rapidement compte qu'il y avait encore pire que ses maux de têtes. Bien pire…
La télécommande ! Le bouton vert et le bouton rouge, il ne savait plus lequel était lequel… et il ne percevait plus les couleurs !
Il se concentra, se frotta les yeux, les plissa, les écarquilla, mais rien n’y faisait. Sa mémoire non plus ne lui sauvait pas la mise.
Bouton rouge en haut… et bouton vert en bas ? Ou alors l'inverse ? Il ne savait pas… il n'y avait pas fait plus attention que ça.
Devait-il choisir à l’aveugle… ? Ou attendre de retrouver la vue ?
Il parvenait pourtant déjà à voir quelque chose. Voir étant cela dit un bien grand mot, sachant qu'il pouvait simplement distinguer les formes, vaguement. Les formes… mais toujours pas les couleurs. Sa vision floue ; son ouïe endommagée ; son crâne prêt à exploser ; son vieux corps qui le faisait souffrir : il les maudit, tous autant qu'ils étaient. Il se serait rongé les ongles s'il avait pu.
Et voilà. Il commençait à être en sérieux manque de café…
… et pas moyen de trouver une cigarette…
Hiéronimus laissa son doigt en suspens quelques secondes, au dessus de la télécommande, hésitant. Vraiment plus moyen de se souvenir…. L'envie de tout laisser tomber n'était bientôt plus seulement une envie, mais une obsession ; et surtout,
laisser tomber, ça au moins il savait faire. Il était doué pour ça. C'était même ce qu'il savait faire de mieux, après
échouer.
Sur toute la ligne.
Il ne serait jamais grand-père. Rachel ne serait jamais grand-mère. Jamais. Son cœur en saignait abondamment. Il n’avait pas réussi à sauver ses propres fils. Pire encore : il avait, par pure négligence, poussé le second au suicide. Pourtant il le savait… il savait Gordon instable psychologiquement… et même sous traitement médical à cet égard. Le jeune garçon était notamment sujet, depuis tout petit, aux sentiments — souvent infondés — de culpabilité, à la dramatisation d'un rien… et à la paranoïa. Ce qui n'avait fait que s'accentuer avec l'âge. Gero était au courant de tout ça… et avait pourtant commis bourdes sur bourdes. Conneries sur conneries.
Si c'était à refaire… si seulement c'était à refaire…
… il rendrait service à tout le monde et se laisserait tuer par Trunks, dans ce laboratoire.
Le vieux surdoué, fatigué de cogiter, pressa le bouton du bas, incertain du résultat. Il était toujours parfaitement sourd et incapable de voir à trois mètres. Ce qui n'empêcha pas une certaine onde de se propager sur le champ de bataille, et d'atteindre l’émetteur/récepteur implanté en Winter depuis l'opération qui lui avait sauvé la vie.
Pour peu que Gero ait pressé le bouton rouge, une réaction chimique se produirait dans le corps du démon du froid, inconscient du phénomène ; lui qui attendait encore l’aide gratuite de son
démon gardien. Son énergie vitale s’embraserait, dévorant son Ki et sa chair. Une immense explosion soufflerait alors tout le monde, carbonisant tous les corps, ne laissant même pas les os. Il ne resterait plus aucune trace du nihilien, vaporisé par celui sur qui il avait fait reposer tous ses espoirs ; sur qui il avait parié son dernier jeton.
Pour peu que le docteur ait pressé le bouton vert, l’inhibiteur incorporé à la flore interne du nihilien se désactiverait et s'autodétruirait, libérant les ondes nerveuses nécessaires à la renaissance de Winter.
Hiéronimus n'avait plus rien d'autre à faire qu'attendre.
Et dans son oisiveté, il crut soudain distinguer quelque chose.
Quelque chose qui le concernait, lui. Quelque chose qui l'appelait, lui.
Des ces appels de cabine téléphonique que tout le monde reçoit, un jour ou l'autre.
De ces appels un peu différents des autres.
Car ceux-là… ils surviennent sans s'annoncer.
Car ceux-là, lorsqu'ils nous viennent enfin…
… on ne peut pas ne pas décrocher.
Gero s'agrippa soudain la poitrine… et grommela.
Et voilà. Encore cette lumière…
Encore cette stupide pluie de magnifiques lumières, partout.
Et encore cette sublime lumière débile, au bout du sentier…
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Ces quelques chapitres restants vont être les plus intenses de CGS, à tout point de vue, on a tous les deux bossés dessus pour obtenir le meilleur résultat dont on était capables et on espère de tout coeur que cette fin d'arc vous plaira.