Les liens des âmes
Le silence s'était abattu. Seul, perdu au milieu de cette immensité blanche, recouvert par sa longue chevelure noire, Orochimaru l'immortel était à genoux, face à l'immatérielle mort qui semblait l'avoir épargné.
Et tandis que le temps passait, matérialisé par la douce neige qui tombait inéluctablement sur ce paysage glacial, le visage terrifié du Sannin fit peu à peu place à un sourire tandis qu'il relevait la tête.
Son esprit avait été comme emporté par la peur, mais ce n'était pas seulement ça. Il avait eu une révélation. Le jeu en valait la chandelle, car en dépit des risques courus, plus importants que prévus, il était parvenu à obtenir la dernière pièce d'un puzzle mental.
Acnologia n'était finalement qu'un messager, à son insu. Certes, il était puissant, probablement plus que tous les autres dragons...
Mais par le biais du Senjutsu, l'esprit du Sannin avait réagi avec celui du terrifiant dragon noir. Cela n'avait duré qu'une fraction de seconde, mais il s'était produit quelque chose...
Alors, soudainement pris d'un éclat de folie contrôlée, il fut emporté par un rire dément, qui résonna au milieu des montagnes les plus reculées de ce monde...
Errant parmi les arbres, boitant, appuyé contre une branche, tel un fantôme aux yeux blancs spectraux, Neji était encore complètement sous le choc. Ce qu'il venait de vivre dépassait l'imagination. Se faire attaquer par un fanatique dangereux était une chose, mais la suite des événements n'aurait jamais pu être anticipée.
Il détenait des informations cruciales. Il devait absolument les partager. Il fallait que le monde sache...
Mais à qui les transmettre ? Ne restait-il pas que ce que l'humanité avait de pire ? Même la Résistance, le dernier espoir du monde, était aussi la plus terrible organisation terroriste qui soit...
Il repensa à Sasuke.
D'une certaine manière, on pouvait penser que son choix les avait sauvés tous les deux. Pourtant, il ne cessait de se dire que quelque chose clochait...
L'Akatsuki semblait prête à repartir en les laissant tous deux en vie. Et c'était alors l'Uchiha qui avait décidé de les rejoindre.
Était-ce donc seulement un sacrifice, ou un choix ?
Jusqu'à quel point Sasuke pouvait-il être prêt à aller pour faire partie du seul groupe capable de défier le Saiya-jin ? Et pouvait-ce être là la seule raison qui le pousserait à prendre une telle décision ?
Il avait parlé de son frère. Y avait-il un lien ?
Il ne put guère y réfléchir davantage, car son cerveau le perdait peu à peu. Sans repère ni objectif précis, la motivation qui l'avait accompagnée venait de subitement s'effondrer, et il se rendait brutalement compte que l'épuisement lié aux souffrances physiques et psychiques des dernières heures le rattrapait d'un coup. Se sentant sombrer dans l'inconscience, il ne réalisa qu'avec une distance mentale devenue onirique que sa chute était rattrapée avec une douceur inouïe que son esprit endormi associa aux souvenirs de sa défunte mère...
Une fois l'effet de distorsion temporelle estompé, Sasuke s'était retrouvé dans un étrange lieu obscure, sur des supports aux formes droites. Il n'avait cependant pas eu le temps d'avaler ce changement brutal de décor que Deidara, réalisant sa présence, se jetait sur lui, fou de rage.
Les Sharingan de Sasuke lui permirent d'avoir le réflexe de réaliser un pas en arrière alors même que son assaillant balayait rageusement l'air de son kunaï. Mais il se trouvait à présent juste au dessus d'un vide dont il ne percevait pas le fond, totalement noir... Et déjà, Deidara repartait à la charge.
Sasuke effectua une série de Mūdra dans un geste de désespoir quand son agresseur fut brutalement arrêté à quelques centimètres de son visage. Il venait d'être stoppé par le long dard de scorpion de Sasori, qui lui enveloppait la taille.
L'artiste, dont les yeux – et le Scouter – se trouvaient à proximité de ceux de l'Uchiha, fixa ses Sharingan d'un regard mauvais, avant de se retourner violemment tandis que Sasori relâchait son étreinte.
– Faîtes comme vous voulez, cracha-t-il. Mais je vous préviens, si ce gamin veut se la jouer Itachi avec moi...
– Tu n'as toujours pas avalé l'humiliation qu'il t'a faite ? demanda Kisame avec un sourire provocateur.
– Répète un peu ?! s'énerva Deidara, piqué au vif en se plaçant juste sous le nez du grand épéiste.
– Dernière sommation... grogna Kakuzu, à ses côtés.
Le jeune blond tourna les yeux dans sa direction, mais préféra s'abstenir d'ajout dangereux.
– Eh ben, c'est animé, chez vous... commenta Hidan.
– Et t'as pas vu le boss ! répliqua Tobi, puérilement enthousiaste.
– Ouais, bah j'attends de voir ce qu'il dira à propos de ça, grommela Deidara en montrant dédaigneusement Sasuke d'un geste de la tête.
– Il est au courant, déclara Zetsu blanc. T'es le seul à n'avoir rien compris...
Tandis que Deidara pivotait son regard fou dans sa direction, l'homme-plante lui tourna le dos et commença à avancer, évitant ainsi un conflit sans intérêt.
– On y va... dit alors Zetsu noir.
Jiraiya observait la réaction du Jinchūriki. Ses pupilles dilatées sous l'effet de la colère avaient pris la forme de fentes, mais cela n'inquiétait guère le Sannin. Il avait appris que Naruto pouvait à présent maîtriser jusqu'à trois queues de son démon. Le jeune Uzumaki gardait le contrôle...
Il avait cependant marqué un temps d'arrêt pour aider le jeune garçon à digérer la nouvelle. Il se doutait que c'était particulièrement difficile à encaisser pour un gamin aussi jeune.
Après tout, Jiraiya avait lui-même connu les difficultés d'un monde en perdition, du temps de la Deuxième Grande Guerre Shinobi, alors que celle-ci avait commencé lorsqu'il était adulte, contrairement à Naruto qui n'était qu'un enfant...
– C'est quoi un Jinchūriki ? demanda alors le jeune Uzumaki.
Jiraiya manqua de tomber à la renverse – avant de toutefois réaliser qu'il était déjà allongé. Il s'était attendu à une multitude de réactions de la part de l'imprévisible ninja, mais visiblement pas toutes.
– L'hôte d'un Bijū...
– Ah, oui, ça... marmonna le Genin en plaçant sa main contre son ventre qu'il fixa d'un air songeur. Il me semblait bien avoir déjà entendu Raditz utiliser ce mot, durant notre entraînement...
Jiraiya l'observa avec intensité. Jamais jusqu'alors Naruto n'avait évoqué son entraînement avec celui qui venait d'anéantir la civilisation Shinobi.
– Mais je ne comprends pas, reprit Naruto, comme pour parler d'autre chose. Des gens se retrouvent avec une radio du jour au lendemain et ils ne se posent pas de question ?
– Je ne crois pas que tu m'aies toi-même posé la question ?
– J'avais plus urgent en tête, 'ttebayo !
– Et c'est bien là-dessus que comptait l'Akatsuki. Ça, ajouté au fait que dans les clans importants, les radios sont déjà communes, me fait penser qu'un pourcentage non négligeable de survivants a eu accès aux informations de l'Akatsuki...
Naruto fronça les sourcils en regardant la radio de Jiraiya.
– Alors pourquoi vous la gardez, vous ? Vous savez, pourtant...
– C'est justement parce que je sais... Et, après tout, la recherche d'informations, c'est mon domaine...
Naruto releva alors la tête.
– Mais vous savez, Jiraiya-sensei... On n'a pas le temps pour tous ces détails...
Le Sannin haussa les sourcils.
– Vous devez vite vous faire soigner par votre princesse... répondit l'Uzumaki avec un sourire.
– ...
– Ensuite, poursuivit Naruto d'un ton plus grave, on pourra s'occuper de ma mission...
– Ta... mission ? répéta Jiraiya d'un air hébété.
– D'abord, sauver le monde...
* Était-il vraiment sérieux quand il parlait de combattre Raditz ? pensa Jiraiya avec étonnement. *
– Puis il faudra le reconstruire, murmura Naruto, et enfin, avant de devenir Hokage...
Son regard se fit plus lointain, mais aussi plus déterminé que jamais.
– J'ai le sentiment qu'il a survécu...
– ...
– Sasuke...
– Sasuke, Hidan... Bienvenue dans l'Akatsuki.
Tels furent les premiers mots de Pain, le chef de l'organisation, lorsque l'Uchiha et le groupe l'entourant l’eurent rejoint. Le jeune Genin n'avait d'ailleurs pas immédiatement repéré l'homme, trop occupé qu'avaient été ses Sharingan à contempler l'imposante silhouette qui s'était rapidement imposée à l'horizon de cette immensité presque obscure.
Au fur et à mesure de leur approche, elle s'était rapidement présentée comme étant une statue presque aussi grande qu'une petite colline, dont l'apparence avait des airs démoniaques d'humanoïde fou.
Mais à présent qu'il se tenait face au plus haut gradé de l'Akatsuki, Sasuke ne pouvait détacher son regard de celui qui semblait tous les observer de ses étonnants yeux aux cercles concentriques. Nul besoin était d'être expert en Dōjutsu pour deviner qu'ils recelaient un pouvoir qui n'avait pas à rougir devant le Sharingan. C'était comme s'ils n'étaient pas de ce monde...
– Cela a pris du temps, reprit Pain.
Il y eut un bref silence.
– Ouais, répondit finalement Zetsu blanc de sa voix détachée. Un vieil ami nous a salués...
– Orochimaru, poursuivit Zetsu noir en réponse au regard interrogateur de leur chef.
Il y eut un bref silence.
– Et Sasori s'est montré particulièrement intéressé par les nouvelles de son ancien partenaire... commenta alors Zetsu blanc.
Pain ferma les yeux un bref instant avant de les rouvrir, fixant intensément l'homme-scorpion.
– Je vois... Je ne te savais pas si... patient, Sasori.
Le concerné ne répondit rien.
– Je pensais pourtant que les objectifs de la mission étaient clairs, poursuivit alors le chef sans jamais quitter des yeux le marionnettiste.
– Nous devions connaître ses motivations, sembla se défendre Sasori. Cela pouvait être utile.
– Je comprends. Qu'as-tu appris d'important ?
Tandis que Sasori récapitulait les événements et les révélations concernant son ancien partenaire, Sasuke ne pouvait s'empêcher de constater l'étonnant rapport de force qui s'était immédiatement installé. Alors qu'avec Kakuzu, l'homme-scorpion s'était jusqu'alors montré particulièrement autoritaire, la présence de Pain semblait avoir brutalement changé cette tendance. Et si Sasori ne montrait aucun signe d'inquiétude, il était tout aussi évident qu'il obéissait à son supérieur.
Même Hidan paraissait plus calme. Lui qui jusqu'ici n'avait montré de respect envers personne ne disait plus mot, sans toutefois perdre son regard mêlant l'agressif au provocateur que son nouveau chef ignorait toutefois.
Lorsque Sasori eut fini son récit, Pain ferma de nouveau les yeux.
– Bien. Orochimaru n'est donc pas le problème le plus urgent.
Cette phrase avait été prononcée de manière claire et directe et le silence qui suivit laissa tacitement entendre que chacun avait perçu le fin voile de reproche qui l'accompagnait. L'absence de réaction mit fin au débat.
– Qu'en est-il du Saiya-jin ?
– Il a été attiré par le combat opposant l'Uchiha à Hidan, répondit Kakuzu d'une voix calme.
– C'était à prévoir, répondit Pain. Quelle est ton analyse ?
– Il est fort.
– Même si Samehada n'a pas vraiment apprécié son Chakra... commenta Kisame.
– Sera-t-il difficile à supprimer ?
– Honnêtement, répondit Kakuzu, s'il n'avait pas été fatigué par son combat, je ne suis pas sûr que nous aurions pu aussi facilement le tenir en respect.
– T'exagères pas un peu là ? répliqua Deidara, passablement contrarié.
Tout le monde resta un bref instant silencieux.
– En plus, intervint Zetsu blanc, il semble devenir plus fort avec les combats... Avec les Saiya-jin, c'est no pain, no gain !
Pain lui lança un bref regard qui calma rapidement son enthousiasme humoristique naissant.
– Donc, reprit alors le chef de l'organisation, quand l'heure viendra, vous aurez besoin...
– ... de toi, Pain, termina Zetsu noir.
Les Rinnegan du concerné semblèrent étinceler.
******
Le Rikudō Sennin se tenait devant son arbre. Il levait haut ses deux mains. Étonnamment, tous ceux autour de lui en faisaient autant.
– Euh... murmura Gokū. Que faîtes-vous ?
Pour toute réponse, les Rinnegan du sage se tournèrent vers lui et le jeune guerrier comprit ce qu'il l'invitait à faire. Alors, Son Gokū leva ses mains en l'air, comme les autres.
Il sentit alors son énergie diminuer. Ne comprenant pas au premier abord, il se rendit toutefois vite compte que le Rikudō Sennin lui absorbait une partie de sa force avec son accord inconscient. Sans même réfléchir, il savait que ce n'était pas dangereux ni malsain. C'était juste l'énergie que son cœur acceptait de transmettre à son mentor.
L'énergie se dirigeait au dessus des mains du possesseur du Rinnegan, mais au lieu de s'y concentrer en une éventuelle boule, comme la logique martiale de Gokū l'aurait imaginé, elle était directement absorbée par le sage.
Après un court instant, le Rikudō Sennin abaissa ses mains et les plaça contre le fruit rouge de l'arbre, devant lui. Gokū fronça les sourcils.
– C'était quoi, cette technique ?
– Oh... Le fruit d'une collaboration avec un vieil ami...
L'attention du guerrier se concentra alors sur le fruit rouge. Il brillait intensément et ressemblait à s'y méprendre aux yeux du Rikudō Sennin, en dehors de sa couleur et du fait que les cercles concentriques étaient parsemés de motifs noirs. L'aspect n'en restait pas moins fascinant.
– Ceci est un jeune Shinju, expliqua le sage à la question muette de Gokū. Il s'agit en fait d'une variété de Kaiju, issue du même fruit rouge que tu peux contempler, bien que celui-ci n'en soit qu'un ersatz... Approche-toi.
Hésitant, le jeune homme obéit. Le Rikudō Sennin plaça alors une main contre sa poitrine. Le guerrier, surpris d'abord, perçut soudain une incroyable énergie l'envahir. La sensation était follement agréable. Ce n'était pas tant la puissance effarante qui était plaisante, mais le lien profond qui l'unissait soudainement au sage.
C'était en fait indescriptible, comme si le corps du Rikudō Sennin était une excroissance du sien. Il voyait par ses yeux aussi bien que par les siens. Et tandis qu'il observait le sage, il se voyait en même temps à travers son regard.
Et il pouvait ainsi constater la couleur écarlate de ses cheveux flamboyants qui semblaient réagir à l'insaisissable Ki du Rikudô Sennin, au même titre que ses propres yeux étaient à présent identiques à ceux du Rikudō Sennin, comme si ceux de son maître se reflétaient dans les siens.
Et les quatre yeux divins semblèrent soudainement briller.
Alors, Gokū et le Rikudō Sennin furent brutalement coupés du monde. Le jeune homme regarda autour de lui, surpris. Rien n'avait changé, à l'exception près que toutes les couleurs s'étaient inversées et que les autres ne semblaient plus les voir.
En dehors des deux hommes, seul le fruit rouge de l'arbre semblait inchangé...
Gokū tourna de nouveau la tête vers Hagaromo, et remarqua soudain avec stupéfaction que ce dernier avait également changé. Au milieu du motif circulaire marquant son front s'était ouvert un troisième œil, un œil recopiant à l'identique les motifs du fameux fruit rouge.
Le Rikudō Sennin se tourna derrière lui et se concentra.
Alors, Gokū, toujours lié à lui, ressentait l'énergie considérable, astronomique, qu'il rassemblait. Une telle puissance n'avait absolument rien de naturel !
Était-ce là l'énergie qu'il avait rassemblée en levant les mains ? Combien de personnes avaient participé ? C'était complètement fou, cela dépassait l'entendement.
Mais avant que Gokū n'eût pu appréhender cette puissance effarante, il remarqua soudain que naissait, devant eux, une sorte de portail noir.
Le Rikudō Sennin s'avança, sous les yeux prudents du guerrier qui se décida à le suivre. Et les deux d'entrer dans le portail noir...
Alors, Son Gokū et Hagaromo Ōtsutsuki se retrouvèrent soudain dans un décor totalement autre. C'était une sorte de ville sous un ciel d'un pur bleu azur. Cela rappelait à Gokū les grandes capitales qu'il avait connues de son vivant.
Autour d'eux se tenaient de nombreuses maisons, et devant, une ville immense, aux bâtiments d'apparence bien plus riche que les autres.
Gokū fronça les sourcils et observa le Rikudō Sennin d'un air interrogateur. Celui-ci avait retrouvé son état normal et le jeune guerrier conclut facilement que son propre état avait probablement été temporaire aussi.
* Alors c'est ici que je vais m'entraîner ? *
Le sage lui sourit d'un air rassurant avant de retourner son attention en direction de l'incroyable cité.
– Bienvenue, Son Gokū, à la Soul Society.