CHAPITRE 84
Pluie divine
Ironiquement, le Village Caché par la Pluie souffrait d'une sécheresse inhabituelle. Ses récoltes faiblissaient depuis plusieurs mois. En d'autres temps, cela n'aurait guère posé problème, car sa position géographique lui assurait une facilité d'échanges avec les pays voisins. Mais la géopolitique mondiale était devenue trop instable pour ces pratiques diplomatiques conventionnelles...
Certains habitants de cette ville industrielle voyaient là l'une des conséquences des assauts répétés sur ce monde par son terrible envahisseur aux pouvoirs démentiels. Mais pour d'autres, la raison était peut-être pire encore : aux yeux d'une part non négligeable de la population, leur dieu les avait abandonnés.
Car cette cité perdue au cœur des Cinq Grandes Nations d'antan dont elle essuyait jadis les terribles conflits était, selon les rumeurs et les croyances, guidée par un dieu.
Autant crainte qu'admirée, cette divinité recevait traditionnellement les louanges des habitants quand venait l'anniversaire de son avènement. Et c'était aujourd'hui. En ce dimanche, néanmoins, il n'y avait ni trace de dieu, ni même de la pluie qui, jusqu'à l'année passée, tombait chaque fois ce jour de la semaine.
Les habitants, désemparés et déprimés, poursuivaient toutefois leurs prières – et même plus que jamais – avec cet espoir avoué qu'elles sauraient faire revenir l'entité que ces temps absurdes semblaient avoir séparée de son royaume.
Seule au milieu de la foule accroupie dans les rues, une jeune fille du village restait debout, tenant en main une peluche qui pendait vers le sol à ses côtés où ses parents priaient avec les autres pour cette divinité que tous souhaitaient voir revenir. Mais la gamine ne comprenait pas, au grand dam de ses géniteurs qui se sentaient presque honteux de son comportement involontairement rebelle.
Ils ne pouvaient toutefois guère lui en tenir rigueur. Après tout, leur fille était de cette génération qui n'avait pas connu la guerre, grand bien lui fasse. Il était normal qu'elle ne réalise pas l'importance représentée par ce dieu qui leur avait apporté la paix.
– Maman, prononça la petite fille.
Pourquoi tu te mets sur les genoux ?
– Je prie, ma chérie, répondit sa mère avec douceur, ignorant les quelques voisins qui leur jetaient des regards noirs.
Je prie...
– Moi aussi, moi aussi ! s'exclama la petite fille qui se mit à genoux, imitant sa génitrice.
Et Teddy aussi, il peut ?Elle montra son ours en peluche à sa mère qui dévoila un sourire.
– Bien sûr...
– Je prie bien ? reprit la petite.
– Amaya, intervint alors une voix d'homme à ses côtés.
– Papa ?
– Prier se fait avec le cœur. C'est quelque chose que tu dois croire, au plus profond de toi...
– Comment on fait ?
– Tu le découvriras... C'est ce qu'on appelle la foi...De même que pour la pluie, cela faisait bien longtemps que le village d'Ame n'avait pas accueilli de visiteur...
Mais aujourd'hui, ce fait allait changer.
Car il existait encore des fanatiques pour lesquels ce jour était important. Désireux de montrer leur importance au sein de cette ville, ils frappaient rarement car leurs intrusions étaient chaque fois arrêtées par la pluie régulière qui, selon certains, servait de détection des menaces.
Mais en l'absence de cette météo avantageuse, et en ce jour symbolique pour les groupuscules fidèles à l'ancien régime d'Ame, la vigilance de l'équipe de détection de la cité était élevée.
Positionnés au poste de contrôle, plusieurs ninjas senseurs se tenaient face à une grande sphère d'eau qui lévitait au dessus du sol. Ils semblaient concentrés.
Le liquide s'anima soudain de vaguelettes en formes de cercles concentriques, signes d'une perturbation locale. Cela se répéta deux fois supplémentaires, espacées de quelques fractions de seconde.
– Trois autres individus viennent de pénétrer dans l'enceinte, commenta l'un des senseurs en charge du contrôle d'Ame.
Cela fait donc six.
– Je vois, répliqua un Shinobi à l'entrée de la pièce.
Comme je le pensais, en l'absence de pluie, ils testent notre détection...
– Que fait-on ? interrogea son subordonné, à ses côtés.
– Positionnez les unités d'attaque à distance en hauteur. On surveille mais on n'intervient pas. Il faut que l'ennemi baisse sa garde en pensant n'être pas détecté. Ils est possible qu'ils aient des renforts en dehors pour frapper quand nous serons occupés...
– Unité de surveillance visuelle au rapport ! s'exclama un nouvel arrivant qui se mit au garde-à-vous.
Très bonne visibilité, rien à signaler !
– Parfait, ils ne peuvent donc pas nous surprendre par ce côté... Le cercle de détection recouvre-t-il la zone du lac ? demanda alors le chef à son subordonné.
– Affirmatif, répondit ce dernier.
Nous avons procédé à cette modification depuis le mois dernier...Il s'avança vers l'importante bulle d'eau.
– Cela correspond à cette zone, dit-il en pointant du doigt la localisation de la sphère concernée.
Son index fut brutalement éclaboussé par une violente perturbation de la sphère, comme si l'on y avait lancé une énorme pierre.
– Quelle maladresse ! s'agaça son supérieur.
– Mais je... Je ne l'ai pas touchée... se défendit l'interpellé en regardant sa main trempée.
Le chef avait toutefois déjà réalisé à l'expression terrorisée des senseurs qu'il disait vrai.
– Combien de Shinobi peuvent générer un tel splash dans la sphère ? demanda-t-il.
Sa remarque fut suivie d'un silence. Tous les senseurs se tournèrent vers le plus âgé d'entre eux.
– S'il faut considérer la quantité de Chakra... répondit celui-ci d'une voix lente.
Certains avalèrent leur salive.
– ... au bas mot, une armée... acheva-t-il, terriblement soucieux.
– Une... Une armée... ?! répéta, bouche-bée, le chef des opérations militaires.
Mais... C'est... C'est impossible qu'ils aient encore autant de sold...
– Cependant... coupa alors son interlocuteur, s'attirant immédiatement toute l'attention de la salle.
Il prit une profonde inspiration.
– À moins d'entrer précisément au même instant et au même point, une armée créerait une multitude de vaguelettes... Cela ne correspond pas à ce que nous observons...
– Ce qui veut dire ? demanda impatiemment le chef ninja d'un ton tendu.
– Ceci est l'œuvre... d'un seul individu.Tous se regardèrent sans prononcer mot. Car tous savaient qu'ils pensaient à la même chose.
Le silence de la prière fut brutalement dissipé par une tonitruante alarme qui résonna à travers tout le village. Celle-ci n'avait sonné que trois fois dans son histoire, annonçant respectivement l'arrivée des trois Grandes Guerres Shinobi sur les terres du pays...
C'était donc la quatrième fois que chantaient les trompettes de l'Apocalypse d'Ame et nul n'ignorait le seul événement qui pouvait justifier un tel son.
Le Saiya-jin avait repéré ces lieux et s'y dirigeait, tel un démon libéré des enfers qui s'apprêtait à déverser la désolation là où la paix s'était finalement implantée.
Un sourire follement sadique était dessiné sur les lèvres du guerrier à la vue de cette ville lointaine. Il n'aurait jamais imaginé que ce monde regorgeait encore de pareilles cités après qu'il eût détruit ses plus grandes puissances. Finalement, la perte de son Scouter était un mal pour un bien : il aurait déjà détruit tous ces vestiges de civilisation depuis bien longtemps s'il les avait repérés plus tôt... Mais là, le plaisir n'était pas fini !
Et tandis que l'envahisseur survolait l'immense lac menant au village, la panique montait dans les rues. Délaissant leurs prières, leurs trésors et parfois même leurs proches, tous se hâtaient dans l'objectif désespéré de s'enfuir à temps et échapper au cataclysme qui les guettait.
Totalement déboussolés, les gens ne réalisaient pas que ces mêmes rues se recouvraient à présent de feuilles de papier qui volaient à pleine vitesse contre le vent.
Poursuivant leur course effrénée, elles se dirigeaient droit vers le lac, passant devant deux gardes qui, depuis les quais, maintenaient tant bien que mal leurs positions, luttant contre leur instinct qui leur hurlait de se sauver ; Shinobi dans l'âme ils resteraient, jusqu'à la mort.
Raditz avait repéré ces soldats et avait bien envie de les balayer en premier. Mais à peine cette idée lui avait-elle traversé l'esprit que ses yeux remarquèrent un mouvement anormal dans les airs. Les innombrables feuilles de papier qui avaient traversé la ville lévitaient à présent au dessus du lac et se regroupaient jusqu'à former le corps d'une femme aux cheveux bleus et aux longues ailes blanches.
– R... Regarde ! s'exclama l'un des gardes à son associé.
C... C'est... !
– L'Ange Messager... ! remarqua l'autre.
Et le Saiya-jin s'est arrêté !
– Bon sang... Ce monstre... Tu sens son Chakra ?
– Ouais... C'est... C'est dingue... !
– Tu crois que l'Ange de Dieu pourra repousser un tel démon ?
– Il... Il faut garder la foi...De loin, ils pouvaient remarquer que l'ange et le démon semblaient échanger par-delà les flots déchaînés.
– Il... Il va faire demi-tour tu crois ? reprit l'autre.
– Ouais... Ouais, j'y crois ! Regarde, il semble soucieux.
– L'Ange Messager... Elle a réussi à l'intimider. C'est... C'est un mira...Il s'interrompit brutalement en voyant le Saiya-jin lever son bras menaçant en direction de son interlocutrice qui se volatilisa en une multitude de feuilles de papier.
Ils étaient trop nombreux pour que Raditz ne tente de tous les détruire.
– Un avertissement, grogna le Saiya-jin en repensant à son bref échange avec la femme angélique.
Tu parles...Mais au fond de lui, la satisfaction l'habitait. Cela faisait un moment qu'il avait rencontré ces étranges individus vêtus de capes aux nuages rouges. Et son incapacité à les dominer ou les intimider lui était restée en travers de la gorge. Quelque part, au fond de lui, l'once de l'inquiétude l'habitait même, et cela, il ne pouvait le supporter.
Sauf que cette fois, motivé par son ego face à cette étrange femme, il avait finalement réussi à la faire fuir...
Il reprit sa route.
– Oh... ! s'exclama l'un des gardes à son partenaire.
C'est quoi ce délire ?!
– Il se dirige vers nous... murmura son associé dont les yeux grand ouverts exprimaient la frayeur.
Totalement désemparés, les deux soldats ne reculèrent toutefois pas et pointèrent leurs lances droit sur le monstre de Chakra qui leur fonçait dessus. Les armes tremblaient au rythme des mains qui les tenaient, mais les deux gardes d'Ame restaient déterminés.
En tant que Shinobi de cette ville, ce n'était pas la première fois qu'ils faisaient directement face à la mort. Ils l'avaient acceptée depuis bien longtemps.
Soudain, il y eut un mouvement et un groupe de six individus se plaça entre eux et le Saiya-jin qui ralentit sa course.
– Gardez vos positions, ordonna l'un des nouveaux arrivants.
Nous le retenons !
– Vous êtes... s'exclama un des gardes d'Ame en observant les masques que portaient ses sauveurs.
Ses sourcils se froncèrent.
– ... ses fidèles...Mais le Saiya-jin qui se posait en douceur à quelques mètres d'eux le ramena aussitôt à la réalité. Les deux gardes restèrent en retrait, observant ceux qu'ils avaient identifiés comme des ennemis potentiels pourtant prêts à combattre ce monstre de puissance.
– Oh... murmura le Saiya-jin d'une voix amusée.
Il existe donc encore des ninjas assez fous pour m'affronter...Un sourire déforma ses lèvres.
– Intéressant... !– Nous nous battons pour l'honneur d'Hanzō, répondit l'un des soldats dont la voix féminine résonnait dans son masque à oxygène.
Nous allons te combattre pour la gloire de son village !
* C'est bien ce que je pensais... se dit l'un des gardes en retrait.
Ce sont ses derniers fidèles... Ils devaient être dissimulés, prêts à agir pour reprendre le pouvoir sur Ame... *Ses capacités sensorielles lui permettaient par ailleurs de le sentir : ces individus étaient forts.
* Ils comptaient frapper ce jour où nous fêtons l'anniversaire de la fin de son règne... *
– Hanzō... répéta Raditz d'un air songeur.
Ce nom m'est familier...Ses interlocuteurs eurent une même réaction de surprise.
– Le vieux Danzō m'en avait parlé, à Konoha... reprit le Saiya-jin.
Alors je suis à Ame ici, c'est ça ?Croisant les bras, le colosse éclata soudain d'un rire qui résonna dans le silence du crépuscule.
– Maintenant que les Kage sont tombés, c'est peut-être le dernier de ce monde capable de me divertir !
– Je ne suis pas surprise que la renommée du grand Hanzō la Salamandre soit arrivée jusqu'à toi, guerrier... répliqua d'une voix mêlant fierté et défi la femme qui se tenait au plus proche de l'envahisseur.
– Oh... ? enchaîna Raditz, surpris par sa réaction.
– Après tout, reprit son interlocutrice, galvanisée par ses propres paroles.
Il est celui qui a tenu en respect les Sannin...
– Amenez-moi à lui ! ordonna aussitôt le Saiya-jin.
C'est lui que je cherche...* Et je n'aime pas l'idée qu'un type pareil se ballade dans les parages... *Depuis son arrivée sur ce monde, son état d'esprit avait fortement changé. Il était devenu particulièrement prudent vis à vis des plus grands ninjas, après avoir frôlé la mort à plusieurs reprises. Certes, cela l'avait renforcé, et son sang Saiya-jin bouillonnait toujours avec la même appétence du combat, mais il préférait éviter d'être pris à revers...
Sa remarque provoqua une réaction défensive des soldats qui se mirent aussitôt en garde.
– C'est lui que tu cherches, dis-tu ? réagit la soldate en avant.
Que veux-tu dire ? Je croyais que tu ne savais pas qu'on était ici à Ame...
– Ta gueule et conduis-moi à ton chef, s'impatienta Raditz.
Les sous-fifres comme vous ne m'intéressent pas.Voyant que les soldats face à lui maintenaient leurs positions, ils se décida à accélérer les choses et se jeta aussitôt sur eux.
Les gardes qui observaient en retrait le combat réalisèrent aussitôt sa supériorité écrasante sur ses adversaires. Ces derniers parvinrent à ruser à un bref temps à l'aide de clones et de diversions. Mais le Saiya-jin était un vrai monstre de puissance, broyant sans forcer les os de ses pauvres victimes et arrachant leurs organes à main nue.
En un temps absurde par sa courte durée, le groupe d'élite d'Hanzō fut complètement balayé, transformé en un mélange de viande, d'os et de sang disséminés sur les quais. Raditz n'avait épargné que celle avec qui il avait échangé verbalement : cette dernière était étendue contre une barrière, son bras droit à peine rattaché à son corps que par quelques centimètres de peau, la face en sang et son masque brisé dévoilant un visage couvert de cicatrices.
– In... croyable... articula la soldate vaincue.
Telle... est donc... ta vraie... puissance ?
– Où est Hanzō ? demanda le Saiya-jin en pointant son paume illuminée à quelques centimètres des yeux de sa victime.
– Tu... murmura son adversaire agonisante.
Tu... ne... le... trouveras... jamais...La vue de Raditz se brouillait. Il se rendit soudain compte que cela venait de la combinaison déchirée de son adversaire qui semblait libérer un gaz concentré. Son effet fut si violent que son auteure sentit la vie la quitter dès la première inhalation.
Les deux gardes, seuls témoins survivants de ce massacre, réalisèrent aussitôt le danger. Ils reculèrent d'un bond en arrière pour éviter cette fumée hautement toxique qui emplissait l'atmosphère, masquant rapidement à leur vue le Saiya-jin.
Des toussotements se firent entendre dans le nuage empoisonné. Les gardes se regardèrent, pensant tous deux la même chose : se pouvait-il que le Saiya-jin puisse être vaincu ainsi ? La tournure que prenaient les événements était totalement improbable, et une lueur d'espoir anima les garants de la sécurité du village qu'ils protégeaient.
Mais l'émanation d'énergie qui les projeta au sol en balayant la fumée ramena aussitôt à la réalité les ninjas tandis que le guerrier refaisait son apparition au milieu de quelques toussotements.
– Balaise, ce parfum... grogna-t-il.
Face à cet increvable monstre, les soldats d'Ame se relevèrent péniblement et firent face. Mais, ayant goûté à l'espoir, ils avaient ouvert la porte à la peur.
Tiraillés par l'effroi, ils ne voulaient plus mourir. Ils ne voulaient pas subir le sort des défunts soldats qui avaient eu l'audace de tenir tête au Saiya-jin.
Leur détermination s'était envolée, laissant place à la terreur représentée par le monstre qu'était Raditz.
Et pourtant, tandis que ce dernier s'approchait d'eux d'un pas calme et menaçant, le même sourire se dessina simultanément sur les lèvres des pauvres gardes.
– Vous, les ninjas, vous êtes vraiment tenaces... grommela le Saiya-jin.
Laissez-moi deviner... Vous ne me direz pas où est Hanzō et vous être prêts à vous battre ?
– Tu as tout faux, monstre... répondit l'un des gardes d'une voix tremblotante sans toutefois perdre la joie qui animait son visage horrifié.
– À vrai dire, poursuivit l'autre.
On est trop effrayés pour se battre... Mes jambes tremblent tellement...
– Quelle façon pitoyable de crever, commenta Raditz qui se plaça juste devant, dominant de sa corpulence les pauvres ninjas incapable de bouger.
– Hanzō... reprit alors l'un des gardes.
Raditz lui jeta un œil et attrapa la tête de son partenaire, levant avec nonchalance son corps d'une main. De multiples de gouttes coulèrent aussitôt sur le quai. Le Saiya-jin jeta un œil intrigué en direction de la flaque qui se formait sous l'homme qu'il maintenait en l'air de son bras.
– L'enfoiré... Il s'est pissé dessus...Passablement dégoûté, il broya presque involontairement le crâne de sa victime terrorisée dans sa paume. Le garde encore en vie observa d'un regard horrifié le mélange pâteux de sang et de cervelle qui ruisselait entre les doigts épais du bourreau pour goutter et se mêler à la flaque d'urine. Il prit note que celle-ci se teintait de reflets orangés, son esprit étant incapable de pousser davantage la réflexion, comme s'il se protégeait du traumatisme que serait une compréhension consciente de la réalité.
– Je t'écoute, reprit calmement Raditz.
Où est Hanzō ?La scène était tellement irréelle pour le dernier survivant de cette scène macabre qu'il était comme dans un rêve. Il se sentait totalement séparé de son corps, comme témoin de sa propre vie qui lui semblait bien volatile. Ses jambes s'arrêtèrent de trembler. Du moins, c'est ce qui lui sembla, car il n'avait plus aucune emprise dessus.
– Hanzō est mort. Il a été tué...Sa remarque fut suivie d'un silence. Le Shinobi n'avait plus aucune notion du temps. Il aurait pu s'écouler une fraction de seconde comme plusieurs années ; dans son état mental, tout cela revenait au même.
– Mort ? répéta Raditz en l'étudiant d'un air méfiant.
Il avait beau se creuser la tête, il ne voyait pas comment un individu dans une telle situation pourrait mentir.
– C'est tout ? fit-il.
Je savais que ce pays était en guerre civile, mais c'est décevant, d'imaginer qu'une armée a pu venir à bout de ce type...Il soupira et poursuivit sa route, oubliant même d'achever le Shinobi immobilisé par l'horreur.
– Une armée ? répéta alors dans son dos le dernier garde d'Ame en riant malgré lui.
Aussi fort fut Hanzō... il ne faisait pas le poids... contre lui...Raditz s'arrêta dans sa marche tandis que le ninja éclatait d'un rire désespéré.
– Lui ?
– Le seul pouvant détrôner une légende... Et mettre fin à la guerre...
– ...
– J'ignore pourquoi tu es ici, envahisseur... Mais tu n'aurais jamais dû venir...Raditz était surpris de voir un homme aussi effrayé continuer pourtant à le provoquer.
– Tu vas me dire de qui tu parles ?Le ninja éclata d'un rire fou tandis que ses jambes, incapables de le soutenir davantage, le faisaient s'écrouler sur les rotules. Il s'interrompit brutalement, laissant le silence s'emparer des lieux, puis il fixa Raditz avec un regard aussi sérieux qu'éclairé.
– ... Dieu.Raditz resta un moment silencieux, observant l'homme d'un regard pensif. Le ninja se mit de nouveau à rire, avant de s'écrouler totalement en éclatant en sanglots. Le Saiya-jin grimaça.
– Sombre fou...Il détourna alors son regard et s'éloigna, sans même prendre la peine d'achever cet homme mentalement détruit.
– Bon sang... commenta un ninja positionné sur un building, observant au loin avec des jumelles les agissements du Saiya-jin.
Les fidèles d'Hanzō l'ont défié... et ont tous été tués... Pourquoi ?
– Ils tenaient autant que nous à cette ville, murmura sombrement le Shinobi à ses côtés.
Qu'en est-il du Saiya-jin ?
– Il vient de passer les gardes. Il va attaquer... Qu'avons-nous prévu contre cette menace, Kazuki-sama ?
– Rien.
– Rien ?
– Rien...
– Mais... Mais Kumo s'était préparé et...
– Kumo, au même titre que les Cinq Grandes Nations, a été anéanti par ce monstre ! s'exclama le Shinobi.
Se préparer n'aurait rien changé ! Tout ce que nous pouvons faire, c'est tenter de préserver les civils et...Il soupira alors qu'au loin, un immeuble était brisé en deux après que le Saiya-jin lui fût rentré dedans à pleine vitesse.
– Prier...Raditz gardait en main le building, survolant la ville dans laquelle il voyait ses habitants tenter de fuir. Puis il jeta l'immense bloc en l'air avant de s'envoler au dessus et d'y frapper avec une puissance si extrême que le béton se décomposa en multitudes de pierres qui s'écroulèrent, à la manière de débris de météore, et frappèrent aléatoirement la foule qui tentait de fuir. Des dizaines de personnes se retrouvèrent ainsi gratuitement transpercées de toutes parts, de la tête jusque dans leurs plus profonds organes, par ces projectiles jetés du ciel.
Raditz se déchaînait maintenant totalement sur cette pauvre ville. Son visage était déformé par un sourire carnassier en observant les habitants mourir avec impuissance sous ses feux.
Sans Scouter en sa possession, il n'avait plus su repérer les zones habitées et errait donc dans le monde avec un certain ennui. Découvrir cette ville était une véritable aubaine pour le Saiya-jin qui prenait un sadique plaisir à générer souffrance et désolation dans ce lieu qui pensait avoir échappé à son courroux.
Lorsque Nappa arriverait, il comptait bien lui montrer à quel point il avait brillamment rempli sa mission.
Alors il tuait, sauvagement, parfois individuellement. Il aurait pu en finir depuis bien longtemps, mais ce n'était pas son but. Il souhaitait savourer. Il prenait donc son temps, et tuait, villageois par villageois, goûtant chaque fois une nouvelle souffrance véloce.
Les minutes passèrent ainsi, dans un chaos indescriptible que même ces habitants habitués des guerres ne savaient supporter. Les pleurs et les cris déchirants de ceux qui n'avaient plus rien pour raccrocher leur esprit à ces derniers instants de vie se mêlaient aux détonations impitoyables de l'envahisseur.
En fait, étonnamment, la petite fille qui avait refusé de prier était la plus calme en apparence. Bien sûr, elle avait peur, comme tout le monde, mais elle était avant tout perdue. Elle ne réalisait pas bien ce qu'il se passait, et son cerveau était dépassé par les événements. Elle n'avait jamais vu les adultes se comporter ainsi, sans retenue aucune.
Son père la portait d'un bras, tenant la main de sa mère de l'autre qu'il entraînait dans une course aussi effrénée que futile. Ils ne pourraient sans doute pas quitter la ville, ou échapper à l'attaque imminente du puissant guerrier...
Car, sans même être ninja, chacun le savait : l'envahisseur s'amusait, mais il pouvait faire bien pire. Et il ne tarderait pas à reproduire la même horreur qu'avec Konoha, et tous les autres : une destruction pure et simple de la ville entière. Personne n'en réchapperait.
Mais ils couraient, car c'était tout ce qu'ils pouvaient faire pour se donner l'illusion de rester maîtres de leurs destins en conclusion.
Soudain, le père s'immobilisa. La jeune fille dans ses bras ne comprit pas immédiatement, car sa tête était tournée vers sa mère derrière elle dont elle devina toutefois la terreur sur le visage, tandis qu'une ombre imposante se dessinait devant elle.
Le Saiya-jin était là, debout, juste devant eux. Il venait d’atterrir après un vol supersonique que leurs yeux d'humains n'avaient su repérer.
La gamine fut d'abord impressionnée par sa corpulence. Il était encore plus grand que son père, et son corps épais transpirait une puissance que même un étranger au Chakra n'aurait su ignorer.
– Prends Amaya et fuis, Miu ! ordonna l'homme à sa femme en lui donnant sa fille.
Je le retiens...
– Oh... ? murmura Raditz, intrigué.
Serais-tu un combattant ?
– Je suis un Chūnin du village d'Ame, répliqua l'autre d'une voix déterminée en se mettant en garde.
Je serai ton adversaire.Tandis qu'il parlait, sa femme s'éloignait à toute vitesse en portant sa fille avec elle. Raditz les observait du coin de l’œil, amusé.
– Maman ? fit la fillette.
Pourquoi tu pleures ? Papa va gagner, pas vrai ?Avant même que sa mère n'eût pu répondre, elle vit passer un projectile à toute vitesse devant elle, fusant à une allure telle que ses yeux peinèrent à le voir. Mais son cœur, lui, se serra à temps, réalisant avant ses sens ce que cela signifiait...
Le projectile était en fait son mari et le père de sa fille, tué et propulsé sur des centaines de mètres par un seul coup du Saiya-jin.
Quant à ce dernier, il se tenait à présent juste devant elle. Elle s'immobilisa, terrifiée.
– Ce bâtard faisait des signes bizarres de la main. Il était tellement plein d'ouvertures que j'ai pas pu résister...Le regard de la femme rencontra celui de sa fille et ses sourcils se froncèrent. Posant cette dernière au sol, elle se plaça instinctivement devant elle et leva les bras, comme pour la protéger.
– Pitié... implora-t-elle au bourreau de sa ville.
Je vous en supplie... Tuez-moi si tel est votre souhait mais... Épargnez ma fille !La concernée ne voyait pas ce qu'il se passait, le corps de sa protectrice prenant tout son champ de vision. Elle n'entendit qu'un ricanement.
Alors, consciente que celui face à elle ne montrerait aucune pitié, sa mère perdit toute raison et elle se jeta sur Raditz. Animée d'une rage destructrice, elle frappa le corps musculeux du Saiya-jin avec une puissance qu'elle n'aurait jamais soupçonnée.
Mais le guerrier ne bougeait pas d'un pouce et la regardait faire sans perdre son sourire. La petite fille le vit serrer lentement son poing tandis qu'un éclair malveillant traversait son regard.
Elle voulut hurler à sa mère d'arrêter, mais ses propres forces la quittaient tandis que Raditz, insensible aux coups de la femme, armait un violent upercut qu'il envoya avec une puissance totalement disproportionnée pour son adversaire.
L'impact fut tel qu'un torrent d'hémoglobine s'échappa du corps de la femme qui fut propulsée dans les cieux à une vitesse suffisante pour générer le fameux Mur du Son. Dernier rempard de sa pauvre fille, cette mère venait d'être sauvagement pulvérisée sous ses yeux impuissants.
Celle-ci ne réalisait pas, mais son corps incapable de bouger la ramenait à la réalité.
Son père était mort. Sa mère était morte. Elle était orpheline.
Et elle allait mourir.
– Qui joue au guerrier doit assumer ! s'amusa le Saiya-jin en regardant la petite fille.
La fillette n'avait plus rien pour se raccrocher. Sa raison de vivre lui échappait. Elle était comme perdue dans un monde dont elle ne pouvait être qu'étrangère.
Tout cela n'était qu'un cauchemar.
Et personne ne l'en sortirait jamais...
Perdue dans le plus profond désespoir, elle joignit ses mains, sans même vraiment réaliser son geste, reproduisant le fameux genre de mouvements qui précédaient une technique ninja.
– Toi aussi ? s'étonna le Saiya-jin qui fut pris d'un éclat de rire.
Bon sang, ce monde ne cessera jamais de m'émerveiller !Il croisa les bras et attendit.
– Quel est ton... Jutsu, gamine ? demanda-t-il avec une provocation malsaine.
– Une prière, répondit celle-ci d'une voix totalement absente, concentrée, ses yeux clos, des gouttes coulant sur ses joues.
Mais au grand étonnement du Saiya-jin, ce qu'il pensait être des larmes n'en étaient pas. Les gouttes venaient du ciel.
En fait, l'expression de la jeune fille ne trahissait pas l'ombre de la peur.
Cette fillette était plus courageuse que tous les pitoyables pantins qu'il avait massacrés.
Elle avait sincèrement foi en sa prière.
Raditz leva les yeux vers les cieux et ouvrit la paume de sa main pour y recueillir les gouttes qui y tombaient.
* De la pluie... ? *Il resta ainsi pensif un instant, contemplant ce phénomène qu'il n'avait vu venir. L'instant d'avant, le ciel était totalement dégagé...
– Une prière ? répéta alors Raditz, le visage dressé vers la pluie qui y ruisselait.
Fermant un instant les paupières, il abaissa sa tête.
– Et pour quel dieu ? demanda-t-il avec mépris en rouvrant les yeux pour fixer la jeune fille face à lui.
Le malsain sourire goguenard déformant les lèvres du Saiya-jin semblait soudain fondre. La gamine s'était dissimulée derrière un nouvel individu. Mais ce n'était cette fois aucun de ses défunts parents.
C'était même peut-être le seul homme qui pouvait effacer aussi brutalement l'expression victorieuse du visage du guerrier...
Ses cheveux étaient roux.
Sa cape était noire, parsemée de nuages écarlates.
Son visage était impassible, recouvert d'étonnants piercings obscurs.
Quant à ses yeux, ils étaient durs, froids, mystiques, et le fixaient sans ciller de leurs étranges motifs aux cercles concentriques.
– ... Pain.