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@Masenko :
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@Omurah :
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Mais non, je ne vous ai pas oublié ! (enfin si, un peu, ce matin...)
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-11-
La route vers le Nord-Est était longue. Joanna ne sentait que la boule tombée dans cette direction, et ne pouvait donc pas essayer d’en avoir d’autres plus proches. Pourtant elle avait senti toutes les boules du Dragon quand elle s’était concentrée, mais très vite elle n’en avait plus perçu qu’une, comme si les autres se cachaient. Et elle était sûre que l’une d’entre elles était proche de la région d’où elle venait. C’était frustrant.
Mais découvrir de nouveaux paysages était fascinant : la forêt avait fait place à des plaines vallonnées, tellement différentes de la région montagneuse où s’était trouvé le village où elle avait trouvé la première boule ! Elle avait l’impression de tout redécouvrir, les routes, les vaches, les fermes, les poules et coqs… Elle n’avait jamais vu rien de tout cela dans sa nouvelle vie, mais elle avait dû en voir avant son amnésie.
Feu du Ciel commençait à regretter son choix d’accompagner sa pupille : avec elle, il était interdit de chasser les bêtes dans les enclos, proies pourtant si faciles. Et ils côtoyaient trop de Deux-Pattes, et de monstres puants. Il s’en fichait de savoir que ça s’appelait en fait des Humains et des voitures, pour lui c’était juste des ennemis et des nuisances. Il soupira après avoir longuement regardé la jeune fille : il aurait peut-être dû suivre la position de la vieille guenon, et l’empêcher de partir…
Pour ne pas le mettre trop mal à l’aise, Joanna évitait autant que possible les gens, les routes fréquentées et les fermes. Mais cela s’avéra impossible de totalement les éviter, car plus ils avançaient, plus l’air devenait froid, et il fallut marchander des services contre des vêtements chauds. Et ainsi, au bout d’un mois de marche, Feu du Ciel ne bronchait plus en s’approchant des lieux de vie de ces Humains -plus si- détestés. Du moins les fermes.
Leurs pas les menèrent à une ville moyenne, mais Feu du Ciel ne voulait pas se rendre dans un endroit aussi bruyant, ce qu’approuva Joanna à qui ce lieu donnait le tournis. De loin, elle put observer la cité grouiller comme une fourmilière, et découvrit quelque chose d’incroyable.
« Des véhicules volants ! Ils ont des voitures volantes ! »
Feu du Ciel éternua en signe d’hilarité, ravi de la voir enfin prise au dépourvu par ce monde qu’elle redécouvrait. Finalement elle ne savait pas tout, et ça le rassurait : il perdait un peu moins vite la Deux-Pattes qu’il avait sauvé il y avait quelques années de cela.
Ils firent le tour de la commune malgré la curiosité grandissante de l’adolescente.
« Hé, jeune fille, tu vas où, comme ça ? » Appela un fermier sur son tracteur.
« Par là, loin, » lui répondit Joanna, surprise de se faire ainsi interpeller.
« Tu veux que je t’emmène sur un bout, avec ton fauve ? » Proposa l’homme en désignant sa remorque pleine de foin.
« Merci, mais mon loup ne veut pas, » déclina-t-elle.
Le fermier la salua et continua alors sa route.
« Il était gentil, ce monsieur, de proposer de nous emmener sur un bout de chemin… » Expliqua-t-elle à Feu du Ciel.
Ce dernier grogna, sceptique. Parce que ça aurait été gratuit ?
« On pourra toujours voir… Tu sais, c’est pas bête, on pourrait aller plus vite. Mais je sais que tu aurais trop peur de monter dans une voiture, alors j’ai préféré répondre non… Tant pis, on mettra juste plus de temps… »
Le loup ne répondit, rien, vexé.
« Toute cette neige… Elle ne fond donc jamais ? » S’émerveilla Joanna.
« Si, de la fin du Printemps au milieu de l’Automne, » répondit le cocher, amusé par son émerveillement.
« Ça ne fait pas long… » Constata-t-elle. « Il doit y avoir des plantes différentes de là d’où je viens, parce qu’elles n’arriveraient jamais à survivre dans un tel climat…
-Les plantes sauvages ont souvent des cousines adaptées au milieu dans lequel elles grandissent, » lui apprit l’homme, « tandis que les plantes domestiquées par l’Homme n’ont en effet pas beaucoup de chance de grandir par ici, comme le blé, par exemple. Et c’est grâce à ça que je peux vivre, d’ailleurs !
-Ha ? Comment ça ?
-Je suis entre autres choses un marchand ambulant, c’est-à-dire que je voyage pour apporter aux petits villages reculés des denrées qu’ils ne peuvent avoir autrement, » expliqua-t-il. « Et je repars de chez eux avec des produits locaux que je revends dans les régions plus chaudes. Les plantes des régions froides comme celle-ci sont souvent plus robustes et efficaces que leurs cousines des régions tempérées.
-Hooo… Vous êtes donc sorcier, que vous en savez autant ? » La question le fit rire.
« Non, je ne suis qu’un simple herboriste.
-Alors les femmes sont des sorcières, et les hommes des herboristes ? »
Il rit de nouveau. « Mais non, les herboristes ne sont que des herboristes, peu importe que ce soient des hommes ou des femmes. Et il y a les sorciers et les sorcières, qui ont des dons et des pouvoirs très peu répandus. Comme par exemple parler à un loup… » Il glissa un coup d’œil à son autre passager, compagnie bien moins agréable que la jeune fille, qui le fixait sans arrêt pour guetter le moindre geste dangereux de sa part.
Ils s’étaient rencontrés quelques heures auparavant, dans une ferme à la limite des Terres Froides, où, comme à son habitude il laissait son oiseau pour prendre son renne, plus résistant aux basses températures et au sabot plus sûr sur le sol glacé.
Il s'appelait Yon, avait dans les quarante ans, et ses cheveux et sa barbe passaient déjà d’un noir de jais à un beau poivre et sel. Il avait travaillé un temps dans une société qui concevait des médicaments, dans l’espoir de pouvoir améliorer la vie des gens malades et souffrants, mais il avait fini par se rendre compte que dans ce domaine-là aussi le bénéfice régnait en maître, au détriment du bien-être des êtres vivants. Il avait fini par tout plaquer pour vivre en baba cool, en prodiguant des soins quand il pouvait avec des produits qui mettaient peut-être un peu plus de temps à agir, mais qui ne créaient pas d’autres problèmes en retour.
Il terminait ses préparatifs lorsque était arrivé un duo assez étrange, une jeune fille tremblant de froid et son loup. L’animal était resté au portail de la propriété, visiblement habitué à ne pas s’approcher pour éviter de faire paniquer les résidents à deux et quatre pattes, tandis que sa compagne venait tenter de troquer ses maigres biens contre des vêtements plus chauds et de la nourriture. Quand il avait entendu qu’elle allait dans la même direction que lui, il lui avait tout naturellement proposé de l’emmener, ce qu’elle avait accepté après en avoir discuté avec son loup.
Cela l’avait fortement impressionné : il n’avait encore jamais vu personne avoir un tel taux de maîtrise de conversation avec un animal. Et il lui avait passé sa veste de rechange, pensant lui faire un peu la charité contre deux ou trois objets, mais il avait été là aussi très surpris de constater que les produits avec lesquels elle avait eu l’intention de marchander étaient de très bonne qualité.
Et ils avançaient ainsi depuis près de cinq heures, avec des pauses pour laisser souffler le renne. Le loup avait marqué une nette réticence avant de se décider à monter dans la roulotte, et quelque part Yon regrettait qu’il n’ait pas décidé de les suivre à pattes, surtout maintenant qu’il savait que c’était non pas un simple animal de compagnie mais bien un animal sauvage absolument pas dressé.
« Vous ne dormez pas dans la roulotte ? » S’étonna Joanna lorsque vint l’heure de dormir.
« Comment pourrais-je sauver mon renne si des bêtes venaient à l’attaquer, si je dors dedans ?
-Ah, oui… C’est évident, en fait… » Réfléchit la jeune fille.
« Par contre, vous allez pouvoir dormir dedans, toi et… Ton père, » fit l’homme, en butant sur le nom, encore un peu déboussolé par cette étrange parenté.
« Oh, non, Feu du Ciel n’appréciera jamais de se retrouver enfermé. Nous aussi, nous allons dormir dehors.
-En fait, je préfèrerais quand même que vous dormiez dedans, sans quoi ton père va effrayer Sven, » s’excusa le voyageur.
« Nous nous mettrons à contre vent, comme ça il ne sentira pas notre odeur. » C’était une technique de chasse classique, que de se mettre sous le vent pour qu’il n’apporte pas son odeur à sa proie et la fasse fuir.
A court d’arguments, l’homme se rendit.
La nuit fut calme.
Cinq jours après, ils arrivèrent en vue du village de Jingle. La forme d’igloo des maisons surprit moins la jeune fille, comme il était logique qu’en ce lieu souvent enneigé elles aient une forme arrondie pour éviter que la neige ne s’accumule dessus à outrance et ne risque de les écraser de son poids. Mais Joanna savait maintenant que ce style de maison se rencontrait partout, en ville comme à la campagne, comme elle avait vu quelques fermes de cette forme, et aperçu des demeures comme ça dans la ville qu’ils avaient croisé quelques temps auparavant.
La chaleur de l’accueil qui leur fut réservé aurait fait fondre jusqu’à la neige couvrant le paysage. En dehors de Feu du Ciel avec qui ils étaient restés prudemment distants, ils s’étaient montrés d’une amabilité qui émerveilla la jeune fille en voyage.
Ils furent invités à séjourner dans la maison du Maire, un homme costaud à la tête longue et rectangulaire, qui arborait un boulon à chaque tempe.
Joanna le renifla un peu. « Qu’est-ce-que vous êtes ? » Demanda-t-elle, curieuse.
La question choqua les habitants, mais ne fit que surprendre l’intéressé. « Comment as-tu su que je ne suis pas Humain ?
-Votre odeur, elle n’a rien de vivant.
-Quel flair ! » S’émerveilla le Maire. « Je suis en effet un androïde, ou un robot, si tu préfères. Je m’appelle Hachan.
-Vous êtes impressionnant ! » Répondit sincèrement la jeune fille.
Un hurlement de surprise, accompagné d’un grondement féroce, les interrompit.
Joanna se précipita de suite dehors, ayant reconnu la voix de Feu du Ciel. Elle découvrit le loup en posture défensive et une jeune femme aux cheveux roux allongée dans la neige, apeurée.
Le loup grogna de nouveau qu’il l’avait vu se précipiter vers la maison dans un état d’agitation inquiétant.
« Oh, je t’en prie, tu l’as dit toi-même, elle n’était pas une menace ! Et elle est ici chez elle ! » Le rabroua-t-elle. Elle se pencha vers la femme et lui tendit la main. « Je suis désolée que mon père vous ait fait peur, il n’a pas l’habitude des Humains, et vous l’avez surpris. »
L’apeurée lui prit machinalement la main, puis son regard tomba sur le groupe de gens derrière la jeune femme. « Ha ! Monsieur le Maire ! Monsieur Hachan ! C’est terrible !!!
-Que se passe-t-il, Suno ? » S’inquiéta le robot en s’avançant.
« Stiban, Jia et Dao ont disparus !
-Comment ça ? Que s’est-il passé ?
-Ils ont découvert les ruines de la Tour du Muscle, et ont décidé de la retaper… Je leur ai pourtant dit de ne pas se rendre là-bas, que c’était dangereux… Ils ne sont pas rentrés hier soir, et tout à l’heure leur hibou P-chou est revenu, mal en point… » Déclara Suno, tête basse.
Le Maire serra ses larges poings. « Je vais les chercher ! Je suis celui qui craint le moins, ici. »
Joanna s’avança. « Vous ne préférez pas que j’y aille ? » Proposa-t-elle.
« Non, mademoiselle, » déclina Hachan. « La ruine de la Tour du Muscle est un endroit dangereux, hanté depuis une dizaine d’années par des esprits malveillants. »
Joanna fouilla dans sa sacoche, sortit la boule orange et la présenta. « Je cherche une boule comme ça. Il y en a une dans le coin.
-Une boule du Dragon ! » S’écria Suno, surprise.
« C’est une boule du Dragon, » renchérit Hachan, tout aussi surpris. « Où l’as-tu eu ?
-Quelqu’un à qui j’ai rendu service me l’a offerte. Je voudrais que vous m’aidiez à la chercher, en échange de mon aide.
Les villageois se regardèrent sans rien dire, un air étrangement craintif et indécis sur les visages.
La jeune fille ferma les yeux et se concentra, puis les rouvrit et pointa un doigt dans une direction. « Je sais qu’elle se trouve par là. A quelque chose comme une dizaine de kilomètres. »
Le silence se fit plus intense. Finalement, le Maire répondit : « C’est la direction des ruines… Elles sont à cette distance…
-Problème réglé, dans ce cas ? Après tout, nous allons au même endroit… » Dit-elle en souriant.
« Je viens aussi, » déclara Yon, à la surprise générale. « Je n’ai jamais vu de fantôme, ça m’a l’air intéressant. » Joanna lui sourit, contente de le voir apporter son aide.
« Mais qu’avez-vous à y gagner ? » Demanda Suno, décontenancée. « Votre amie part chercher un Boule du Dragon, mais vous ?
-J’aime bien les légendes locales, j’écris un livre dessus à mes moments perdus. Ça fera de la matière pour mon recueil. »
Les villageois ne savaient plus que penser de ces gens qui semblaient chercher les problèmes.
Le Maire finit par acquiescer. « Après tout, il y a une quinzaine d’années de cela, nous avons été sauvés par un étranger qui a décidé de se mêler de nos affaires… Puissiez-vous nous porter chance à votre tour. Préparons-nous. »
Il fut prêté de meilleurs vêtements à la jeune fille au loup, et, le robot portant l’adolescente s’en alla, escorté par le canidé et le renne attelé à un traineau.