Il faisait chaud.
C'était à peu près tout ce qu'il pouvait ressentir à cet instant précis : la chaleur intense qui l'entourait. Elle était partout autour de lui, chacun de ses pores en était saturé, sa bouche était sèche et ses yeux lui semblaient brûler. Quelque chose au fond de son esprit lui disait que c'était une chaleur létale : il ne devrait pas être encore en vie.
Ce n'était pas étonnant : il avait toujours été exceptionnel.
Ça aussi, il ne comprenait pas d'où cela lui venait, mais il s'en souvenait. Pourquoi ne se souvenait-il pas du reste ? Un choc peut-être ? Oui. Oui, ça semblait exact. Il avait reçu un choc et il ne se souvenait plus de ce qu'il s'était passé. Il ne se souvenait plus de son nom en fait, ni même de ce qui l'avait amené aussi proche d'une chaleur aussi étouffante.
Il aurait préféré s'éloigner de la source de cette chaleur. Il la sentait maintenant : elle était dans son dos, immense. Mais quelque chose appuyait sur son torse, quelque chose qu'il ne pouvait pas repousser et qui l'emportait vers cette chaleur mortelle, inéluctablement.
Cela lui rappelait quelque chose. Une impression, même pas un souvenir. Quelque chose de très lointain.
Une chaleur immense dans son dos, une douleur dans son ventre. Oui, il avait déjà vécu cela. Il y a très longtemps. Mais à l'époque, il s'éloignait de la chaleur. Peut-être qu'il retournait chez lui.
Non. Il n'avait plus de chez lui. Depuis toujours. Il n'en avait jamais eu.
Encore ces impressions. Ce n'était même pas des souvenirs exacts, mais il n'arrivait pas à les contester. C'était vrai, il n'avait pas de chez lui.
Il tenta de se retourner pour voir vers quoi il se dirigeait. Son œil droit le fit instantanément souffrir. Ce n'était pas la chaleur cette fois, mais la lumière. Une lumière tellement intense qu'elle l'avait rendue aveugle de cet œil. Il comprit alors qu'il allait mourir. Aucun être vivant n'était censé pouvoir survivre à de telles conditions.
Alors pourquoi était-il encore en vie ?
La question lui était venue naturellement. Il se savait en vie, mais il savait aussi que son corps n'était pas censé survivre à une chaleur pareille.
Un bouclier. Ça aussi, il s'en souvenait. Il le protégeait de la mort, pour l'instant. Son esprit lui indiqua que cela ne faisait que repousser l'échéance. Mais il avait envie de la repousser : il voulait savoir qui il était avant de mourir.
Son cerveau n'arrivait plus à retrouver ses souvenirs, il était anesthésié par la douleur. Il y en avait trop, venant de toutes les parties du corps, et donc le cerveau avait jeté l'éponge. Mais LUI, il avait envie de savoir, alors il fit ce qu'il avait toujours fait : il força le passage. Réactivant des liaisons, retrouvant des sensations normales.
La douleur le submergea. Ce n'était plus seulement la chaleur, il ressentait maintenant sa peau en train de brûler, son œil en train de fondre. Tout l'eau de son corps qui bouillait, son sang devenait du gaz et faisait éclater ses vaisseaux. Et chaque fois que du sang se répandait dans son corps, il se sentait un peu plus mal. Il voulut hurler, mais aucun son ne franchit ses lèvres. Pourtant, il sentait ses cordes vocales qui vibrait dans sa gorge, jusqu'à la limite de leur résistance. Mais il n'entendait rien.
Une silhouette se manifesta dans son esprit. Ses souvenirs revenait. Il la voyait, grande et imposante au-dessus de lui.
Son père.
Il ne voyait personne d'autre. C'était son père qui s'était occupé de lui, l'avait éduqué, lui avait appris à se battre. Il aimait ça, se battre. C'était ce qu'il faisait de mieux. Alors son père avait insisté pour lui apprendre tout ce qu'il pouvait.
Il lui disait toujours la même chose. Qu'il était un des êtres les plus puissants de sa race, qu'il devait s'entraîner pour leur faire honneur. Et lui, il se sentait de plus en plus fort. Cela avait finit par atténuer la douleur lancinante à son ventre et la peur de la chaleur dans son dos.
Quand il avait grandit, il avait finit par découvrir la vérité. Il n'était pas seulement puissant. Il était exceptionnel. Il avait découvert son véritable pouvoir, alors qu'il faisait face à son père.
Et pour la première fois de sa vie, il ne ressentait plus de douleur, plus de peur, seulement sa force. Il prenait conscience de ce qu'il était réellement.
Une légende parmi les hommes.
A l'époque, son père en était encore heureux. Il le regardait avec une étincelle de fierté dans le regard. Il se souvenait de cela. Quand la voix de son père pouvait encore lui permettre de retrouver ses esprits.
Car plus il devenait puissant, plus il perdait pied avec la réalité. Chaque fois que son pouvoir se manifestait, il se sentait en colère. La douleur était revenue, et il voulait tuer celui qui lui avait fait cela. Mais il était mort. La chaleur était revenue aussi, celle de son chez-lui qui disparaissait. Il voulait tuer celui qui avait fait ça aussi. Mais son père ne voulait pas. C'était trop dangereux. Et s'il ne se maîtrisait pas ? Il ne pouvait prendre un tel risque.
Alors il devait se défouler sur autre chose, n'importe quoi. C'était lui maintenant, la source de la chaleur. C'était à lui de décider quand les autres souffraient et quand ils survivaient.
Il se souvenait de la chaleur dans ses mains, de la pulsation lente de sa propre puissance quand il l'accumulait.
La sensation le ramena brusquement au présent. Il reconnaissait maintenant ce qui appuyait sur son ventre. C'était cette même chaleur concentrée et violente. Quelque chose qui n'était pas naturel : une création d'un ennemi. Un ennemi suffisamment puissant pour qu'il ne puisse pas répliquer. Et la douleur dans son ventre se fit plus aiguë encore, remontant dans sa colonne vertébrale pour se ficher comme une aiguille à la base de son cou.
Son hurlement était toujours silencieux, mais il avait maintenant l'impression que ses cordes vocales allaient se briser d'un instant à l'autre.
Ce n'était pas la première fois qu'il ressentait cela. Il se souvenait du jour où il avait dépassé son propre pouvoir.
Un jour où la colère avait été trop forte, où il avait perdu le peu de contrôle qu'il avait encore. Il se souvenait des bras de son père qui tentait de le retenir, de l'en empêcher. C'était le jour où il avait blessé son propre père. Le coup avait été net et précis, et la gerbe de sang avait jaillit de l'orbite de son père. C'était la couleur rouge vive qui l'avait ramené à la raison.
Mais il n'avait pas oublier ce qu'il avait appris ce jour-là. Il était bien au-delà de ce que son père pensait. Il avait dépassé toutes les limites de l'univers.
Il était un dieu parmi les hommes.
Il avait sut alors qu'il pourrait se venger, qu'il en avait le pouvoir. Qu'il pouvait vaincre n'importe qui.
Mais ce n'était pas ce que pensait son père.
Il avait cherché un moyen de contrôler ce pouvoir, parce qu'il lui faisait peur, parce qu'il avait été blessé. Son père avait utiliser un appareil, quelque chose qui avait cerclé son esprit, qui l'avait emprisonné, l'empêchant de déployer sa puissance.
Au début, il avait essayé d'être en colère, mais l'appareil l'en empêchait. Il avait toujours mal, c'était même pire qu'avant, mais il ne ressentait plus de colère. Ou plutôt, il n'arrivait plus à l'exprimer. Son pouvoir était sous le joug de son père.
Il était resté prisonnier de son esprit. Pendant des années. Des années pour réfléchir. Sans parler, sans crier, sans se battre.
Il avait eut tout le temps dont il avait besoin pour réfléchir, pour comprendre. Sa colère s'était lentement transformé en haine. L'homme qui l'avait blessé était mort en même temps que son chez-lui, il le haïssait, mais il ne pouvait rien y faire. Alors, il s'était focalisé sur l'être qui avait détruit son chez-lui. Il ne l'avait jamais vu, mais tout le monde en parlait, tout le monde en avait peur. Il l'avait haït, des années durant.
Jusqu'à ce qu'on lui apprenne sa mort.
C'est son père qui le lui avait dit, il lui avait expliqué que cet être que tout le monde jugeait si puissant avait été tué par un membre de leur espèce. Et il lui avait donné son nom.
Kakarotto.
Ce n'était pas la première fois qu'il entendait ce nom. Il se souvenait du murmure d'une femme, au-dessus de son berceau. Il se souvenait de cela, mais aussi d'un bruit atroce, constant, qui lui vrillait le crâne. Et ce nom. Kakarotto.
Il l'avait privé du seul être qu'il pouvait haïr, mais il avait besoin de sa colère. Il était la colère, il devait haïr quelqu'un. Alors l'appareil lui permit de se focaliser sur de nouvelles cibles. Des cibles qu'il pourrait atteindre, qu'il allait forcément atteindre un jour.
Son père. Et Kakarotto.
Il côtoyait tous les jours le premier mais ne pouvait pas l'attaquer, car l'appareil le contrôlait. Mais Kakarotto, il ne l'avait vu qu'une seule fois. Son esprit déformé par la colère avait cristallisé cet unique souvenir pour être sûr de le retrouver. Et surtout ses cheveux, parce qu'il savait qu'ils ne changeraient jamais.
Heureusement, son père lui avait offert l'occasion de se venger. Il avait lui-même arrangé la rencontre. Et le fait de côtoyer l'être qui cristallisait sa haine lui avait permis de se libérer. Sa colère avait explosé, malgré le contrôle de son père, malgré tout le temps qu'il avait passé sans rien ressentir. Il avait brisé l'appareil. Et il était redevenu le dieu parmi les hommes.
Brusquement, une douleur atroce lui vrilla les tempes. Ce n'était pas la chaleur qui le brûlait, ni la peur de mourir qui lui revenait. C'était le souvenir.
Il n'était plus un Dieu. Il avait perdu. Pas une fois, deux fois.
Lui qui s'était cru l'être le plus puissant qui soit, il avait été battu.
La première fois, il avait été surpassé par un seul homme. Celui-là même qu'il avait décidé de haïr. Et il avait survécu, malgré la douleur atroce qui avait détruit son ventre.
La deuxième fois, ils s'y étaient mis à plusieurs. Et Kakarotto n'était même plus là. Il l'avait crut au début, mais ce n'était que sa descendance. Son ennemi déclaré était mort depuis longtemps quand il avait enfin trouvé le moyen de le retrouver.
Et sa descendance l'avait battu.
C'était pour cela qu'il était là, au beau milieu de l'espace, fonçant vers sa mort certaine. Ce qui appuyait sur son ventre était un rayon d'énergie pure.
Derrière lui, c'était une étoile. Le plus pure et le plus puissant concentré d'énergie qu'on puisse trouver dans l'univers. Quelque chose que même lui ne pouvait espérer affronter.
Son corps céda. Il sentit sa peau partir en lambeaux, et la douleur devint musculaire, puis osseuse. Son hurlement se stoppa brutalement, parce que ses cordes vocales ne marchait plus. Sa gorge le brûlait.
Il sut que cela était bientôt terminé. Pourtant, lui, il n'avait pas finit. Il ne se souvenait pas lui. Il ne connaissait toujours pas son nom.
Tout ça parce qu'il avait échoué ? Parce qu'il était monté trop haut ? Parce qu'il n'avait jamais été un dieu, ni même une légende ?
Mais il avait réussi ! Il avait gagné. Le Roi Végéta était mort. Freezer était mort. Paragus était mort ! Même Kakarotto était mort !
Il avait fait tout ce qu'il pouvait, mais il avait terminé ! Il n'avait plus de raison d'être en colère. Il restait la douleur.
Une vague de chaleur brutale dépassa son bouclier et elle fit exploser son ventre, détruisant à jamais son corps. Cela fit disparaître la douleur. Son cerveau ne pouvait plus gérer une telle quantité de douleur. Il ne ressentait plus rien.
Plus de haine. Plus de colère. Plus de douleur.
Son œil gauche intact perdit sa couleur blanche, dévoilant une pupille d'un jaune dorée. L'espace devant lui était beaucoup plus beau que ce dont il se souvenait.
Alors qu'un sourire fendait lentement les restes de son visage, il se souvint de son nom.
Il s'appelait Broly. Le seul et unique Super Saiyen.
Dans une ultime éruption, le Soleil fit exploser le bouclier d'énergie qui protégeait la légende. En un instant, son corps fut pulvérisé, et son esprit fut enfin libéré.