Tout commence et finit dans un cri
Au début, c’était… comme un grondement. Un long roulement de tonnerre dans l’esprit ensommeillé de Kyran. Et plus le son s’approchait, plus il tirait le Chik de son sommeil, pour enfin révéler sa vrai nature. Un cri… immense.
Le sol se déroba sous le lit du jeune alien qui bascula quand une immense explosion illumina la nuit à travers les fenêtres de son logement. Puis, le verre vola en éclat, et un immense fracas envahi la pièce, rempli d’échos de batailles. Longtemps habitué aux réveils en sursaut, le soldat Kyran se releva en une seconde, mais sa première pensée ne fut ni pour lui, ni pour le chaos extérieur. Sa bouche bleue s’ouvrit enfin :
- Alia ??
La panique. Totale, qui vous accroche le ventre et le serre dans ses mains griffues. Ou était-elle ?
- Alia ? Alia !?
- Je… kof… je suis là Kyran…
Un soulagement sans borne envahi le jeune homme alors qu’il trouvait enfin sa bien-aimée, coincée sous une armoire massive près de la porte. Il bondit et d’un simple mouvement de main, expédia le meuble à l’autre bout de la pièce. Elle n’avait pas l’air blessée mais…
- Tu vas bien ?
- Ou… Oui, ça va. Qu’est ce qui se passe ?
La réponse vint du couloir menant à leur chambre. La porte de cette dernière sauta de ses gonds quand un jeune officier la défonça en hurlant :
- Capitaine ! on nous attaque !!
Un simple regard vers sa compagne, la rencontre de ses prunelles mauves, fermes et décidés. Aucun mot n’était nécessaire, elle le laissait partir, elle… ça irait. Kyran fit un signe de tête à son subalterne, et tous deux se jetèrent dans le couloir, si vite qu’Alia n’avait même pas vu le mouvement.
Alors qu’ils fonçaient vers la sortie, le capitaine lança :
- Qui est l’ennemi ? Enema nous attaque avec des atomiques ?
- Non capitaine ! l’ennemi ne vient d’un autre pays…
Il prit une pause dans ses mots pour enjamber un meuble écroulé d’un bond :
- L’ennemi ne vient pas de notre planète !
- Quoi ??
Et lorsqu’ils jaillirent à l’extérieur, Kyran, bien malgré lui, stoppa net. Il venait de découvrir d’où venaient les hurlements… et il ne pouvait y croire.
- … mon dieu…
L’ennemi n’était pas nombreux, mais il était… colossal. Cinq monstrueuses créatures réduisaient la ville en poussière devant les yeux du commandant de la garde. Entièrement couvertes de poils, hurlant avec une sauvagerie de bêtes féroces, et pourtant vêtus d’armures de même gabarits qu’eux, comme s’ils avaient une intelligence. Mais étais-ce possible qu’un être intelligent put faire preuve d’une telle sauvagerie ? Le jeune officier lui résuma ce qu’il savait alors que Kyran regardait un rayon d’énergie jaillirent de la gueule béante de l’un des colosses, éclipsant pendant un instant la lumière de la pleine lune.
- Ils sont apparus comme par magie à la nuit tombée. Un instant il n’y avait rien, puis soudain, cinq géants ont… poussés au milieu des bâtiments. La garde urbaine s’est fait taillé en pièce en une minute, on attend le soutien de l’armée mais…
- Ce sera trop tard…
- Monsieur ?
- Ce sera trop tard si on attend ! hurla le commandant en chef de la garde. On doit les retenir au moins un petit peu ! suivez-moi !!
Et il bondit si haut qu’il atterrit sur le toit d’un immeuble de plusieurs étages, son subalterne sur les talons. Vif comme l’éclair, il se mit à bondir de toit en toit, voyant les monstrueux géants grandirent encore plus avec son approche. Il vit des gardes retranchés sur un toit plus loin, et hurla. Le temps d’un autre saut, ils étaient à ses côtés, dix hommes… contre cinq démons. Jamais il n’avait vu une telle puissance que celle dégagé par ces tirs d’énergies, et ces poings écrasant sans le moindre effort des immeubles entiers. Parmi son peuple, il était l’un des plus forts, et sans doute aurait-il pu, avec beaucoup d’efforts, faire sauter la ville tout entière, mais il semblait que la moindre attaque de ces bêtes contenait autant de force que lui. Ils étaient encore à quelques centaines de mètres quand l’un des colosses aux yeux brulants, vêtu d’une armure verte et noire, les aperçut. Kyran aurait même juré l’avoir vu esquisser un sourire avant que son horrible gueule ne déverse un torrent de puissance droit sur eux :
- Attention !!! séparation !!
Et les dix hommes bondirent de toute part, évitant de justesse le rayon. Dans les airs, Kyran hurla :
- Formation du piège, allez !!
Et il se jeta en avant, comme si la gravité lui obéissait. Il pressentait depuis quelque temps déjà qu’il était capable dans une certaine mesure, de contrôler ses sauts, de planer plus loin qu’il n’aurait dû, et même parfois de ralentir sa chute de sa simple volonté. Il aurait aimé avoir plus de temps pour apprendre à contrôler cet étrange don. Ce serait néanmoins suffisant pour l’instant. Il avait déclenché le piège, ses hommes savaient ce qu’ils avaient à faire, aussi se jeta-t-il droit sur le monstre. Une sorte de rire de gorge retentit aux oreilles du Chik, et il sentit ses entrailles se tordre sous l’effet d’une peur glacée. Puis un visage lui revint, et cette cuisante terreur disparut. Sauver la ville, sauver le monde, oui, mais par-dessus tout, il devait la sauver, elle.
Un poing gigantesque s’abattit sur lui, et il esquiva de peu par le côté. Le bâtiment d’acier sous lui n’eut pas cette chance et vola en éclat. Il tendit la main vers le visage du monstre. Impossible de rater une cible si grosse. L’énergie quitta son corps sous la forme d’une sphère jaune qui alla s’écraser sur la joue du géant, lui arrachant un petit grognement. Le deuxième poing s’arma vers le capitaine, mais un filin d’énergie l’enserra. La surprise donna juste le temps suffisant à l’escouade. Huit autres fils d’énergies agrippèrent différente partie du corps en armure, et tous les gardes se rejoignirent au-dessus du monstre. Ce dernier releva la tête vers eux, et reçu une forte vague d’énergie dans le menton, puis dans les côtes, puis dans le dos. Kyran ne lâchait pas la créature, bondissant comme un diable de toit en toit tout autour de lui pour l’arroser de boules d’énergies. Il savait que ça ne faisait rien d’autre que l’épuiser, mais il devait donner le temps aux autres. Déjà il les voyait tomber dans le dos du monstre. C’était la partie finale. Alors que le colosse se rendait compte que quelque chose n’allait pas, Kyran bondit haut dans le ciel, et concentra autant d’énergie qu’il le pouvait dans sa main. Une seule chance… la sphère la plus puissante qu’il eut jamais créée quitta sa main pour filer tout droit sur le nœud d’énergie formé par ses hommes, aux bouts des filins d’énergie. Elle entra au milieu de la toile jaune et libéra toute sa puissance motrice. Avant qu’il ne comprenne quoi que ce soit, le géant se sentit attiré, puis véritablement catapulté à la suite de la fusée. Cette dernière brula vite son carburant, mais pas avant d’avoir donné à sa charge la vitesse et la trajectoire voulue.
Le monstre géant faucha un, deux, puis trois de ses camarades dans sa chute, les envoyant bouler dans les ruines de la ville. Kyran, ainsi que tous ses hommes, hurlèrent leur joie, mais le cri du capitaine fut le premier à s’éteindre, car il était assez haut pour voir leur erreur.
Le dernier monstre, revêtu d’une armure et d’un justaucorps rose, regardait vers les impudents avec une lueur de meurtre dans le regard. La vague qu’elle déchaina fut terrifiante, mais pas destiné à Kyran. Littéralement mort de peur, ce dernier ne put que regarder le tir avaler la ville, droit vers une petite maison qu’il connaissait par cœur.
- NOOOOOOON !!!!!!!
Mais c’était trop tard. Son cri se perdit dans l’explosion qui projeta un champignon de poussières dans l’atmosphère, et il fut fauché comme un brin de paille. Il sentit sa peau bruler, mais il n’en avait cure. Son cœur venait juste de mourir sous ses yeux, son corps n’était que peu de chose en comparaison. C’était fini.
En tout cas… ça aurait dû. Une douleur totale l’envahi quand il revint à lui en hurlant. Il dut forcer, mais finit par s’extirper du verre brulant dans lequel il était prisonnier. Il regarda autour de lui, et ne vit plus rien. Une plaine sans fin, avec un cratère fumant tout au bout. Famille, amis, compatriotes, frères de race… tout cela volait autour de lui en fine poussière. Il voulut serrer le poing, mais se rendit compte de la douleur que cela lui infligé, et baissa les yeux.
Il n’était plus qu’un amas de blessures. Il était brulé sur l’intégralité du corps exposé à l’explosion. Il saignait abondamment. Il le savait, seule sa puissance exceptionnelle l’avait gardé en vie. Et pourtant, il se sentait si mort… sa colère, ses émotions… tout était parti. Il n’était plus qu’un corps sans vie. Sans crainte aucune, il se retourna alors, et les vit.
Les cinq monstres se tenaient debout, à un kilomètre à peine de lui. Il en était sûr à présent, ils souriaient. Kyran vit celui qu’il avait attaqué s’avancer en le fixant. L’un de ses amis émit un grognement, mais le chef fit un geste de son énorme main. Ne bougez pas… puis il regarda le capitaine dans le fond des yeux, et tendit la main. Lentement, ses doigts se refermèrent, sauf l’index, qui recula et avança plusieurs fois de suite vers le monstre. Une invitation… Kyran, vidé, mort, sourit. C’était l’acte final. Une dizaines de minutes auparavant, il dormait dans les bras de son épouse, et maintenant, il marchait doucement dans ses cendres, à elle, et à sa civilisation. Un autre aurait peut-être hurlé « pourquoi ». Un autre aurait peut-être fuit… mais le jeune capitaine Chik, Kyran, se mit à courir. Ignorant la douleur, il se jeta en avant. Il se souvenait en cet instant du début de ce macabre spectacle. Un cri poussé par le monstre. Un cri qui annonçait la fin d’un monde. Non… il ne devait pas en être ainsi… le monstre se mit à courir lui aussi, droit sur l’insecte qui l’avait défié. Non. Le point final de cette pièce ne serait pas le hurlement de la destruction. Ce serait le cri de la révolte, le cri du courage, le cri qui annoncerait la fin prochaine de l’existence ces créatures. Et alors qu’il bondissait vers le visage du géant, il hurla, si fort que toute la plaine retentit de son cri, retentit de la vie de tout son peuple, une dernière fois.