Petit Colonel, c’est ainsi qu’on l’appelait, ne sentait ni le vent ni le froid, pourtant mordant, qui courraient sur le toit de l’immeuble désaffecté sur lequel il trainait.
En tendant l’oreille, il se rendit compte que le rythme de la vie semblait s’atténuer dans les différentes strates du bâtiment, signe que ses dix-huit habitants s’apprêtaient à gagner leurs couches.
Non pas sous le coup du sommeil. Mais simplement pour se calquer sur le rythme des humains. Pour gagner, par avance, une habitude qu’ils retrouveraient un jour ou l’autre. Humains qu’ils sont. Humains qu’ils se rêvaient être.
Ces même dix-huit êtres rejetés par l’humanité, et qui ne reconnaissaient pourtant que cette dernière comme mère.
Petit Colonel décompta brièvement dans son esprit. Voilà exactement un mois et douze jours que Yamcha lui avait cédé les rennes de tout ce petit monde. Un mois et douze jours que Yamcha les avait quittés, suivant ces Vargas qui lui avaient promis, à lui et aux autres, des affrontements de légende.
Mais à eux, ses vingt compagnons, Yamcha avait promis la délivrance. Il avait dit n’avoir que faire de ce tournoi. Qu’il avait une autre idée que les vœux promis, pour retrouver le savoir perdu de Dr. Gero.
Petit Colonel avait encore foi en Yamcha. Malgré ce mois écoulé qui n’était, aux dires initiaux de Yamcha, censé n’être qu’une poignée de jours, quatre, tout au plus. Malgré le fait que les heures paraissaient des jours et les minutes des heures, qu’aggravaient l’absence et le silence de Yamcha.
Petit colonel restait pourtant fidèle. Malheureusement, cette confiance n’était pas partagée par tous les habitants de l’immeuble branlant.
Yamcha aurait normalement du revenir depuis longtemps. Même si, le concernant, rien ne pressait. l'ex disciple de Muten-Rōshi ne craignait en effet rien pour lui-même. Étant donné qu’il était le dernier né du cerveau du scientifique. Et donc, sa plus belle création. L’impérissable. Celui qui n’avait nul besoin de mise à jour.
Les autres cyborgs, eux, ne pouvaient y couper.
A l’époque, ils y avaient droit une fois par an, puis, au fil du temps et de l’usure, c’était devenu une rengaine hebdomadaire et impérieuse.
Mais le fait était que Gero gardait jalousement le savoir-faire et la méthode. Cette maintenance, il la faisait lui-même, à la seule force de sa mémoire et de connaissances qu’il avait pris soin de ne consigner dans aucun carnet.
Mais tout cela était de l’histoire ancienne. Petit Colonel, toujours assis sur le sol en béton, se remémora la mort de son créateur, puis lâcha un soupir et n’y pensa plus.
D’autres pensées le travaillaient. Notamment l’incident survenu dix jours plus tôt. Quelqu’un avait forcé le laboratoire de Gero, pourtant soigneusement scellé par Yamcha lui-même.
Qu’avaient découvert cette ou ces personnes, une fois à l’intérieur de l’antre du scientifique ? L’homme brun n’en avait aucune idée. Pourtant, la disparition de n°3 à peine deux jours plus tard, n’avait en rien l’air d’une coïncidence.
Petit Colonel, à force de réflexions s’était demandé s’il n’avait pas été trouvé une méthode subsidiaire à la maintenance. Une méthode plus barbare, comme se servir des composants d’un autre cyborg pour remplacer les siens.
Il avait alors mené son enquête, et, sans avoir les noms des responsables, découvrit rapidement le pot aux roses ainsi que la méthode en question qui collait bien à l’idée qu’il s’en faisait.
Les jours qui suivirent la disparition de N°3 n’avaient été marqués par aucun événement particulier.
Petit Colonel n’avait même pas mentionné le fait. Appuyant même l’idée selon laquelle, elle serait partie tenter une percée dans le monde humain.
En éludant ainsi la vérité, il espérait éviter de jeter la suspicion, et surtout l’opprobre, sur certains d’entre les habitants de la vieille bâtisse. Car l’opprobre et le sentiment d’être rejeté étaient bien la meilleure manière de faire se braquer les égos.
Non, la stratégie du brun avait été toute autre. L’avant-veille, il avait en effet réuni tous ses camarades et avait fait une révélation étonnante, se présentant comme ayant découvert une méthode permettant de prolonger la vie d’un cyborg de manière éphémère, en se servant des pièces indispensables à l’existence d’un autre. Petit colonel avait tout expliqué, de la manière de retirer les dits composants à celle de les remplacer par les siens, afin de faire disparaitre les pièces à conviction de la plus simple des manières.
Le fait que Petit Colonel se mette à raconter tout cela semblait proprement aberrant. C’était comme donner un couteau à une personne, et lui tourner le dos ensuite.
Mais c’était bien là le fond de son idée. C’était la seule manière qu’il avait trouvée pour instaurer la confiance. En dévoilant un secret aussi gros que celui-là et en le confiant à tout le monde.
Il l’avait aussi fait pour protéger les meurtriers de N°3. Pour les déculpabiliser. L’air de leur dire « je vous comprends. Maintenant, s’il vous plait, ne recommencez pas. »
Et toute cette soirée, il avait prêché le retour de Yamcha, tenté d’étouffer les théories selon lesquelles Yamcha se serait en fait enfui pour éviter d’être lui-même démonté pièce par pièce à la recherche de la connaissance de Gero.
Petit Colonel avait demandé à gauche à droite ce que les gens feraient de l’info qu’il avait divulguée, exhortant tout le monde à se faire confiance. Et tout le monde avait promis. Petit Colonel, qui n’avait de petit que le surnom, fut un peu rassuré car il lui sembla réellement lire une sincérité sans failles sur de nombreux visages. Et il en était satisfait.
Le brun avait tout de même bien précisé avant d’aller se coucher que personne ne devait plus quitter le bâtiment, jusqu’au retour de Yamcha. Petit Colonel s’était toutefois gardé d’énoncer à haute voix ce que tous avaient déjà compris, à savoir que celui qui dérogerait à la règle serait considéré comme coupable. Il n’énonça pas non plus que rester groupé était la meilleure défense contre les traitres au sein du groupe car ce serait justement admettre qu’il y avait des traitres.
Il était donc allé se coucher, trainant le corps piteux et en stade final de décomposition qui était le sien, jusqu’à l’étage où se trouvait sa chambre. Programmant ensuite sa réactivation pour le lendemain huit heures, ou suivant le premier bruit suspect que percevrait son système auditif.
Quelle ne fut pas sa surprise, à son réveil, en descendant les escaliers du deuxième étage du bâtiment, de constater au milieu de l’attroupement qui s’était créé, le corps sans vie d’Igor, jonchant le sol.
C’était le matin même. Le souvenir et les sentiments qui allaient avec étaient encore vivaces dans l’esprit de Petit Colonel qui à cet instant contemplait encore son reflet dans la flaque luminescente.
L’homme brun le savait, Il le sentait, il irait se coucher, s’enfermer où bon lui semblera, et le lendemain encore, il y aurait un nouveau drame.
Contexte ©omurah.
Reste en vie :
J'envoie les rôles par Mps ^^