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Et donc voici le chapitre 4, bonne lecture !
Chapitre 4 : La Rafle
Les tensions étaient à leur combles dans les régions du nord. L'état recrutait tant bien que mal des jeunes hommes pour combattre la menace qui sévissait dans les autres régions. Le mal ne perdait pas son temps non plus.
Cela faisait des mois et des mois que les moines se terraient par peur d'être enrôlés par les uns ou les autres. Ils n'étaient pas des combattants et ne souhaitaient surtout pas le devenir.
Non, ils étaient bien à l'abri dans leur temple, vivant de leur propre culture et de leur propres élevages bovins ou porcins. Ils accueillaient les réfugiés, des enfants, des orphelins, des vagabonds. Et pourtant ils fuirent, aussi loin et aussi rapidement qu'ils pouvaient. Ils ne voulaient pas être mêlés à ça de quelconques manières que ce soit.
Ils abandonnèrent l’œuvre de leurs vies à des adolescents, à des vagabonds et à des renégats. Ils laissèrent les enfants face à des hommes et des femmes potentiellement dangereux maintenant qu'ils n'étaient plus là.
Fort heureusement, les adultes marginaux quittèrent eux aussi le temple, pour les mêmes raisons que les moines.
En l'espace d'une semaine il ne resta que deux adolescents, Aurah et son ami, Pan, accompagnés d'une trentaine d'enfants plus affolés les uns que les autres.
Si Aurah et Pan vivaient une certaine passion depuis quelques mois, ils étaient bien trop jeunes pour ne serait-ce que penser avoir des enfants, surtout dans ce monde. Ils se retrouvèrent pourtant malgré eux tuteurs d'une tripotée d'enfant, de deux à treize ans.
Pan était de ces jeunes hommes, totalement en contradiction avec l'autorité. Ils ne respectaient rien du moment que cela lui était ordonné. Il possédait en revanche un cœur d'or et il avait toujours une main tendue pour qui que ce soit.
Bien forcés et surtout paniqués, Aurah et Pan durent se ménager l'un l'autre pour affronter la folie qui se présentait à eux.
La folie n'avait rien de nocive, bien au contraire, elle avait de beaux yeux ronds, des sourires angéliques et des bêtises plein la tête. Ce ne fut pas facile, loin de là, et ils ne parvinrent pas aux résultats qu'ils attendaient.
Gérer une marmaille pareille quand l'on a soi même du mal à gérer ses hormones et son narcissisme exacerbé, c'était un challenge éprouvant, surtout pour Pan. Il se donna tout de même à fond dans la besogne.
Il résolut les conflits entre les garçons qui se disputaient pour un oui ou pour un non.
Il se mit en recherche du « doudou » disparu de la petite Michiyo, sans quoi il n'arrêterait pas la terrible inondation qui sortait de ses yeux, de son nez et de sa bouche.
Il expliqua à Sasuké, que manger avec les mains c'était sale, surtout quand l'on avait des couverts.
Il expliqua aussi à Sasuké que manger les vers de terre ce n'était pas orthodoxe. Quand celui-ci lui demanda la signification d'orthodoxe, il laissa tomber.
Il expliqua à Kaoru que s'enfermer dans les toilettes c'était une bonne idée à condition de savoir rouvrir la porte.
Il soigna la terrible blessure de guerre du genou de Shinomori, qui avait du se faire ça en attaquant un dragon à trois têtes, au moins !
Il y avait toutes ces petites choses que les enfants ne semblaient pas faire quand les moines étaient encore là. Et quand ils sont partis, il semblait y avoir un torrent de déraison et de bêtise qui enivrait les couloirs et les esprits des enfants.
La journée se termina quand même bien. Les deux adolescents tenaient à peine debout et s'affalèrent sur le lit qu'ils partageaient. Ils n'eurent même pas le temps de penser à s'embrasser que la porte de leur chambre se retrouvait entrouverte. Pan se releva, Aurah aussi et ils aperçurent l'une de leur terrible tête blonde, reniflant à chaudes larmes.
-Pan... snif... J'ai perdu Monsieur Toto.
-Il n'est pas sur ton lit ?
-Snif... non... snif...
-Tu ne l'as pas fait tombé ?
-Je sais... snif... pas...
-Bon... J'arrive...
Pan se leva et accompagna Michiyo jusqu'à sa chambre. Il regarda sur le lit et comme l'enfant l'avait dit, Monsieur Toto n'y était pas. Il regarda sous le lit et il sentit alors une espèce d'exaspération monter en lui. Il passa le bras et récupéra Monsieur Toto. Il le donna à Michiyo, toute heureuse. Il s'apprêta à sortir quand elle l'attrapa par le bras et le força à se baisser. Une fois à sa hauteur, elle déposa un bisou sur sa joue et elle repartit se coucher. Il la regarda tendrement et en fermant la porte lui murmura :
-Bonne nuit, Michiyo.
-Bonne nuit, Pan.
Pan s'arrêta quelques secondes dans le couloir. Il posa sa tête contre le mur avant de regarder le ciel. Il était dégagé, totalement dégagé. La lune était d'un blanc majestueux. Il la regarda intensément, profondément.
-Rien ne sera plus pareil. Pensa-t-il.
Il revoyait la petite l'embrasser tendrement, l'embrasser comme une petite fille de cette âge le ferait à son père et non pas à un adolescent un peu paumé comme il l'était. Enfin bon, il valait mieux lui, que rien du tout, non ? Se dit-il.
Il retourna dans la chambre, Aurah dormait déjà à poings fermés. Elle n'avait même pas pris la peine de se changer et de se mettre sous les draps...
Les jours continuèrent d'être affreusement longs et mouvementés pour les deux adolescents propulsés chefs de tribus. Très peu de temps pour eux, très peu de temps pour dormir. Ils vivaient au jour le jour, ayant aucune idée de ce qu'ils devaient faire, si ce n'était : Survivre.
Les nuits continuèrent d'être affreusement courtes et de plus en plus sombres. La belle pleine lune dont avait été témoin Pan quelques jours auparavant, n'était plus qu'un minuscule trait oblique dans un noir total et sinistre.
C'était ce soir là que tout changea encore une fois. C'était ce soir là que Aurah comprit que le monde dans lequel elle vivait était encore plus terrible que celui qu'elle avait fuit en claquant la porte de chez ses parents.
Des coups étaient donnés violemment sur la porte d'entrée du temple. Des coups si puissants qu'ils résonnaient jusque dans les étages, réveillant et inquiétant les enfants. Pan se leva et s'habilla rapidement. Son sang ne fit qu'un tour. Il regarda Aurah et elle lui rendit son regard. Il se lisait dans leurs yeux une étrange détresse, des pics de peur. A cette heure tardive de la nuit, cela pouvait être n'importe qui ou n'importe quoi. Des soldats du gouvernements, des brigands, des barbares, des moines revenus investir les lieux. Pan espérait que ce soit les moines. Il leur planterait à chacun un bon coup de poing dans les gencives, à ces enfoirés, comme il les appelait sur l'oreiller et souvent dans sa tête.
Pan avait descendu les marches, il était dans le hall et la porte vibrait encore des secousses qu'elle prenait à vif.
-Qui est là ? Demanda le jeune homme.
Il entendit alors vaguement chuchoter derrière la porte.
-Répondez ! Qui est là ?
D'un coup la porte commença à céder sous des coups encore plus puissants.
L'immense porte était fermée par plusieurs serrures, petites au demeurant, mais aussi par un gigantesque panneau de bois. C'était le panneau de bois, long de quelques mètres qui se mit à craquer sous l'impulsion.
-Oh putain ! Pensa Pan.
Il se retourna précipitamment et se mit à courir en direction des escaliers. A peine eut-il le temps d'arriver sur la première marche que la porte s'ouvrit dans un bruit fracassant. Face au bruit, il s'arrêta net. Quelques marches au dessus, se tenait Aurah. Comme le mari de Dena l'avait fait, Pan ne dit aucun mot et tenta de communiquer par le regard. Il ne lui disait pas de fuir mais de se mettre à l'abri avec les enfants.
Une voix rauque et puissante lança un puissant écho dans ce hall d'entrée.
-Bonsoir.
Pan se retourna et vit un homme, habillé d'un manteau de cuir noir. Son visage et son crâne étaient recouverts d'une capuche. Seule une bouche offrant un sourire malsain apparaissait.
Le jeune homme sentit une de ses mains trembler. Il ferma son poing et serra, il serra fort.
-Que voulez-vous ? Nous n'avons rien ici !
L'homme souriant resta muet et immobile tandis que d'autres hommes rentrèrent comme des forçats venus pillés une maison de riches.
L'être qui venait de dire « bonsoir » se décida à retirer sa capuche. Son visage apparut : une immondice. Les yeux de Pan s'agrandirent instantanément, il porta la main à son visage, cachant sa bouche, empêchant le dégoût de sortir par un quelconque mouvement physique ou verbal.
-Je pense que nous allons quand même trouver notre bonheur, Jeune Homme. Fit-il sur un ton enjoué.
Pan le regarda étrangement. Il était à deux doigts de fuir dans les étages. Son corps le suppliait de prendre ses jambes à son cou face à cette abominable créature. Rien d'humain ne pouvait être comme ça.
Le temps qu'il passait là, était du temps gagner pour les enfants. C'était ce qu'il s'était dit et en fait, cela ne marcha pas.
-Saisissez-le. Ordonna l'immonde créature. Allez dans les étages, visiblement il s'y dirigeait et d'après ce qu'on sait on trouvera ce que l'on est venu chercher dans le nord.
-Non ! Arrêtez ! Cria-t-il
Pan essaya de se débattre, de se défendre, de se défaire de l'emprise de ces deux gorilles qui venaient de l'empoigner mais rien n'y faisait, rien du tout. Ils étaient bien plus costauds que lui. Il usait ses forces pour rien. Mais il ne pouvait pas s'en empêcher et il redoubla d'efforts quand il entendit.
-Ils sont là !
La créature au sourire de glace tourna légèrement la tête et ordonna :
-Sortez et amenez les cages.
Pan entendit les enfants crier, il entendit Aurah les défendre. Il lui sembla entendre le claquement d'une gifle.
Il se démena alors comme un lion, essayant de défaire ces deux paires de bras musclés qui tentaient de le maintenir immobile. Il essaya de frapper, de griffer, de mordre.
-Vous avez de l'énergie à revendre, Jeune Homme. Déclara la créature. Il serait peut-être intéressant de vous compter dans nos rangs... Oui, nous allons faire ça ! Emmenez-le, lui aussi !
La tête de Pan se vida d'un coup, soudainement puis elle se remplit aussi vite de visions toutes plus terribles les unes que les autres.
Aurah, les enfants, lui. Qu'allaient-ils advenir d'eux ?
Non ! Non ! Non ! Il ne pouvait pas laisser faire ça, il ne pouvait pas !
-Aïe ! Aïe ! Aïe ! Pan ?! Pan?! Est-ce que ça va ?
Il se démena pour se tourner à l'écoute de cette voix, douce, fragile et apeurée. Il la vie à genoux, tirée par les cheveux, son corps à peine couverte d'une veste.
-Aurah ! Ma puce...
Il se retourna vers le chef, visiblement, de l'opération.
-Espèces d'enfoirés ! Bâtards ! Laissez-la ! Laissez-les gosses tranquilles.
-Je ne peux accéder qu'à l'une de vos requêtes, Jeune Homme. Nous allons la laisser. Et nous allons laisser une partie des enfants. En revanche vous et l'autre partie allez nous suivre bien gentiment, auquel cas, nous utiliserons la force. Et soyez en sûrs, personne n'y prendra du plaisir, personne à part nous...
-Lâchez-moi bande d'enfoirés ! Lâchez-moi !
Pan était dirigé vers la sortie. Tous les garçons du temple furent kidnappés et mis sous cage comme de vulgaires animaux à domestiquer. Aurah resta là, tétanisée sur ces marches d'escalier, tandis que tout le ramdam de la soirée commença à s'éloigner. Les cris de rage de Pan s'estompèrent rapidement, il fut mis dans une fourgonnette et probablement dans un piteux état.
L'étage continuait de hurler à la mort, toutes les petites criaient et pleuraient. Elles appelaient leurs parents, elles appelaient Pan, elles appelaient Aurah et personne ne monta les réconforter, personne. Aurah avait le regard complètement dans le vide.
L'être au sourire malsain s'avança vers elle de petits pas, dans une démarche à la fois majestueuse et distinguée et il dit, sur un ton solennel.
-Nous ne vous importunerons plus. Bonne Soirée, Madame.