Effectivement, Foenidis, à partir du moment où tu interprètes le monde, il y a forcément du religieux qui intervient, au sens large. Or tout humain interprète le monde, toujours. Tout humain a des valeurs. Et ces valeurs se basent sur quelque chose d'arbitraire, une vision du monde, une interprétation. J'ai parlé de politique, mais en fait, même dans la politique, il y a du religieux, c'est inévitable. Même s'il n'y a pas de divinité invoquée de façon directe. Mais si on prend ta vision restreinte de la religion (vision effectivement partagée par beaucoup de monde), de toute façon, en quoi serait-ce forcément plus grave d'enseigner à ses enfants qu'il existe un dieu de paix et d'amour qui veut que l'on s'aime les uns les autres inconditionnellement et qu'on ne fasse du mal à personne, même si on nous fait du mal, que de faire comme John Watson, qui a appliqué sa théorie du béhavorisme (théorie qui se voulait très scientifique) dans sa façon d'éduquer ses enfants et les a finalement rendus totalement névrosés? Je prends des exemples extrêmes volontairement (encore que je pense que les parents enseignant l'existence d'un dieu d'amour, c'est pas si rare non plus), mais cela illustre le fait que tout point de vue peut devenir destructeur.
La science n'est pas la vérité, contrairement à ce que tu le crois. Elle est une façon d'atteindre la vérité, comme la religion. Les méthodes sont radicalement différentes, puisque le religieux ne s'intéresse en principe pas tellement à la preuve. Si preuve il y a, c'est dans l'existence des choses qui nous entoure, tout simplement. Cependant, cela n'empêche absolument pas la science d'être parcourue de croyances. Beaucoup de thèses scientifiques ont aujourd'hui été repoussées, tout simplement parce qu'elles n'existaient qu'à cause de l'existence d'idéologies et de croyances, que cela soit la craniologie ou la physiognomonie. Mais aussi bien d'autres choses, tout aussi récentes. Même avec la volonté de vérifier, il se trouve que souvent, on va faire des recherches selon ce qu'on croit que l'on risque de trouver. On oriente ses recherches, même sans le vouloir. Tout simplement parce qu'on est persuadé que l'on va trouver quelque chose de telle façon, et quand on voit que cela ne joue pas, cela peut prendre du temps, avant que cela ne soit rejeté. Pourquoi? Parce qu'on peut rejeter les contre-indices, en disant qu'ils pourraient s'expliquer de telle ou telle façon, sans contrevenir à la théorie. Pour prendre un exemple qui est (a priori) apolitique, la matière noire, est typiquement le genre de chose qui n'est absolument pas prouvé, mais que la majorité de la communauté des astronomes considère comme vraie, car elle permet d'expliquer des variations dans leurs calculs que les théories ne permettent pas de comprendre sans l'existence d'une matière, une force théorique et inconnue, qu'ils ont nommé la matière noire. Les domaines de la différence des sexes et de la sexualité sont également très marqués par des a priori, mais cette fois vraiment idéologiques.
C'est pas Watson, l'un des découvreurs de l'ADN, qui a dit que les Blancs étaient mieux que les Noirs?
J'ai passablement étudié et réfléchi à cette question, et si je suis bien plus proche de la science, et que je crois en son pouvoir (même si je pense qu'elle mériterait plus d'autocritique, plus de modestie, moins de carriérisme et plus d'approfondissement de la réflexion éthique, et sur le pouvoir qu'elle peut avoir), que de la religion telle que définie par le sens commun, je ne suis pas dupe sur le fait que ma foi en la science n'est pas si éloignée que cela d'une fois catholique ou musulmane, et que la science n'est pas dépourvue de croyances et d'idéologies.