Chapitre cinquième : le voleur
Maï avait arrêté la voiture à proximité d'un hameau en ruine, au pied de l'imposante montagne de feu rebaptisée “Mont Fry Pän”.
Pendant qu'elle passait sa combinaison ignifugée, Son Gokü découvrait, fasciné, le paysage de mort qui les entourait. Des cadavres décharnés jonchaient le sol, dans un jeu d'ombres et de lumières qui semblait les animer. La désolation apocalyptique des lieux, servie par le degradé orangé et sanglant que faisaient danser les flammes, réveillait ses instincts les plus primaires. Une soif de meurtre et de destruction brûlait ses entrailles.
Tue tous les humains, Kakarottö !!
Son attention se reporta sur Maï. Malgré son épaisse combinaison jaune aux stries gonflées qui scintillaient au rythme de l'incendie, elle était si frêle, si fragile. Il pouvait la briser en deux d'un seul mouvement ! Ou lui arracher les jambes… les bras… les yeux, et la regarder se traîner à terre dans une tentative pitoyable de survie…
— Eh, qu'est-ce que tu as ?
Gokü reprit ses esprits.
— Rien. Enfin si. Je veux savoir à quoi servent ces boules que vous cherchez.
— Je t'ai déjà dit que ça ne te regardait pas, répliqua-t-elle d'un ton sec.
— Si tu ne me le dis pas, je laisse tout tomber et tu te débrouilles avec ton monstre.
Maï hésita. Piläf risquait de ne pas apprécier, mais ce serait encore pire si elle revenait sans la Dragon Ball. Après tout, si le gosse avait envie de savoir, qu'est-ce que ça changeait ? L'important, c'était de récupérer la boule et de décamper au plus vite. Elle prit une décision.
— Il s'agit des Dragon Balls. Il en existe sept, et si on les réunit toutes, le Dragon sacré apparaît et exauce ton vœu.
— Quoi ? Un Dragon sacré qui exauce des vœux ? Tu te fous de moi ?
— C'est ce que prétend la légende et de toute manière, c'est le souci du Seigneur Piläf. Le nôtre, c'est de lui ramener la boule qui se trouve dans ce château, précisa-t-elle en désignant l'imposante bâtisse qui dominait le Mont Fry Pän.
La jeune femme lui semblait sincère. Il regrettait désormais d'avoir confié la boule qu'il avait subtilisée à son grand-père à Röstan. Cet abruti avait certainement dû la vendre à Piläf…
— Bon, j'y vais ! annonça Maï en le soustrayant à ses pensées. Et si Guymaö se montre, qu'est-ce que tu dois faire ?
Il força son soupir pour s'assurer que son exaspération soit manifeste malgré le crépitement des flammes et le casque de protection qu'elle venait de revêtir.
— Je l'éloigne et je me débrouille pour ne pas mourir avant ton retour, graogna-t-il sur le ton de celui qui récite une leçon ennuyeuse pour la dixième fois.
— Bien ! Je fais au plus vite ! conclut-elle en disparaissant dans la fournaise.
— Pfff ! s'agaça le garçon à voix haute après avoir ruminé une fois encore ses instructions. Comme si cet abruti avait la moindre chance de me battre !
Ce soliloque fut ponctué par une énorme hache qui frôla son crâne. Elle emporta deux mèches de ses cheveux avant d'aller se ficher dans les restes calcinés d'un mur voisin. Imperturbable, Gokü se retourna lentement pour faire face à un large géant barbu aux muscles puissants. Un casque surmonté d'une plume et affublé de deux larges cornes latérales trônait sur son crâne, dissimulant ses yeux derrière deux binocles aussi proéminentes qu'inquiétantes. Son torse était recouvert d'une large cuirasse noire et une cape vermillon nouée autour de son cou ajoutait encore à la magnificence de son imposante stature.
Gokü réalisa immédiatement que l'homme était aguerri au combat. S'il l'avait manqué, c'était à dessein. Ce lancer de hache n'était qu'un avertissement, ce que le colosse confirma en l'interpellant:
— T'es qui toi ? tanna-t-il d'une voix grave en toisant le garçon de toute sa hauteur. Encore un d'ces sales voleurs, j'parie !! Tu f'rais mieux d'déguerpir, et vite !!
Mais Son Gokü ne déguerpit pas. Il adopta sa position de combat et lança sur le ton du défi :
— Je parie que t'es moins fort que t'en a l'air, gros tas !
* * *
— C'est quand même dommage que ce garçon n'ait pas voulu nous écouter. Sa technique n'était pas mal du tout, commenta Gohän tandis que l'aéroglisseur filait à travers le désert, en suspension à quelques centimètres au dessus du sable qui s'envolait sur leur passage.
— Nous avons assez d'un voyou au sein de l'école, maugréa Kamë Sennin. C'était un bandit, rien de plus.
Son Gohän ne répondit pas tout de suite. Il savait que si le radar n'avait pas révélé qu'une boule de cristal se trouvait à la montagne de feu, son ancien maître ne les aurait pas accompagnés et serait rentré sur son île. Il valait mieux éviter le sujet de Guymaö pour le moment. Il décida de rester sur sa première idée.
— Si vous vous entêtez à ne pas prendre d'élève, il n'y aura bientôt plus d'école du tout.
— Je ne suis pas pressé… L'immortalité a quand même quelques bons côtés…
— Je croyais que vous étiez décidé à entraîner vous-même Gokü, quand nous l'aurons retrouvé. Il lui faudra bien un partenaire…
— Nous verrons cela en temps voulu, trancha Mutën Roshi. Commençons par retrouver ces boules de cristal et ton petit-fils, ensuite…
Mais le vieux maître ne termina jamais sa phrase.
Il eut à peine le temps de saisir Bulmä au col et de sauter hors du véhicule que celui-ci fut pris dans l'explosion d'une roquette. Il roula à terre et y déposa délicatement la jeune fille. Puis il chercha des yeux Son Gohän, pour constater qu'il était lui aussi sain et sauf. Alors, les deux combattants aperçurent de concert l'espèce de robot géant qui venait d'extirper des décombres de la voiture la mallette contenant les Dragon Balls.
Mutën Roshi hésita un bref instant sur la conduite à adopter. Il n'avait pas pour coutume d'attaquer sans prévenir, mais leur agresseur semblait dénué de scrupule et méritait une bonne leçon. Il s'élança donc le pied en avant, mais le robot esquiva d'un bond vertical impressionnant. Et quand il fut au faîte de son ascension, un système de propulsion s'activa pour le maintenir en l'air :
— Vous ne vous attendiez pas à ça, hein ?!! hurla victorieusement Sobä depuis le cockpit.
Et sur ce fait, il enclencha deux nouveaux réacteurs qui l'emportèrent au loin à toute vitesse. En moins de temps qu'il ne fallait pour le dire, les deux vieillards, impuissants, ne contemplèrent plus qu'un point brillant qui scintilla une dernière fois à l'horizon avant de disparaître définitivement.
— Décidément, on n'arrête pas le progrès, commenta Käme Sennin.
* * *
Son Gokü encaissa un nouveau coup de plein fouet et roula au sol avant de se remettre sur pieds d'un salto arrière, le visage marqué et douloureux. Son adversaire était finalement encore plus puissant qu'il n'en avait l'air. Sa technique de combat était excellente et il avait bien plus d'allonge que lui, sans compter qu'il encaissait les rares frappes qui l'atteignaient sans broncher.
Si ça se trouve, il est plus fort que mon grand-père, enragea Gokü. Je ne suis même pas sûr de réussir à fuir… Il va me tuer…
Mais étonnamment, son adversaire abandonna sa position de combat.
— T'es surprenant, p'tit gars ! Qui t'a appris à t'battre ? T'es un élève de maître Mutën ?
Cette remarque déstabilisa Gokü. Sous le coup de la surprise, il répondit :
— Non… Non, c'est mon grand-père qui m'a entraîné.
— Oh ! Et qui c'est ton grand-père, p'tit gars ?
— Il s'appelle Son Gohän.
Le visage du géant s'éclaira d'un large sourire.
— Ça alors ! Un gamin au Gohän ! Ça explique pourquoi ton style ressemble autant aux prises d'la Tortue ! Et comment qu'y va, l'Gohän ?
Son Gokü fit les yeux ronds. Ce mec connaissait son grand-père ? Ça expliquait pourquoi il était aussi fort. Il devait absolument tourner la situation à son avantage. Une idée germa dans son esprit.
— Il est mort, annonça-t-il en essayant de prendre un air aussi triste que possible.
— Mort ? L'Gohän ? Oh… Je… j'suis désolé, p'tit…
— C'est pas grave. D'ailleurs, c'est justement pour le ressusciter que je suis venu ici…
Gokü retint le sourire satisfait qui le démangeait. Rien qu'à son air intrigué, il savait que ce gros abruti allait avaler son histoire. Si Maï avait dit vrai, alors le vœu serait pour lui…
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