Je vais pas répondre sur tout parce que je pense que nos divergences peuvent s'évanouir si je précise une chose ou deux :
On est bien d'accord que la France toute seule n'a pas le poids qu'elle a pu avoir et qu'il serait tout à fait difficile de résister à la Russie, par exemple. Néanmoins, on peut compter d'une part sur une très vieille histoire pas toujours glorieuse qui nous a laissé de très beaux leviers diplomatiques : on a un siège au conseil de sécurité de l'ONU, on a de très anciennes relations en France-Afrique, on a un des plus grands territoire maritime du monde... etc. Et je parle bien de leviers, parce que même si notre économie est loin d'être la première du monde, ces leviers permettent de peser. Et ça se voit très bien dans les relations diplomatiques internationales, là où l'UE n'a strictement aucune importance puisqu'il n'y a pas de diplomatie européenne unifiée. Pourtant la France est capable de coordonner des événements et même d'être acteur sur certains plans (enfin du moins, quand on est pas suivistes comme depuis quelques quinquennats...).
Pour le reste on est d'accord, il est impossible de se passer d'UE, mais je maintiens que depuis 1992 l'UE n'a rien produit d'intéressant pour les peuples, sauf pour l'Allemagne et dans une certaine mesure l'Europe du Nord parce qu'ils pilotent depuis quelques années. Et d'une manière générale la baisse du chômage doit se faire en dépit de l'Europe plutôt que grâce à elle. En témoigne la bonne santé de la France à rebours de ses partenaires entre 1998 et 2001. L'Euro est par exemple un poids effroyable pour la France étant donnée la structure de son économie. Mais l'Allemagne ne voudra jamais qu'on touche à l'Euro tel qu'il est actuellement car c'est ni plus ni moins le Mark, fort, et qui correspond à sa structure productive. Du moins jusqu'à ce que la Chine la supplante pour les machines outils et les grosses voitures.
Et puis deux trois précisions :
Pour être actuellement à Berlin et avoir eu la chance de recueillir les avis de conseillers et députés allemands, tu te trompes sur ce point. Ou plus exactement, elle comprend en effet mais elle sait qu'au niveau national, elle ne peut justifier ça à un peuple qui ne comprendrait pas "pourquoi on aide des tricheurs".
Je pense que l'ADN politique allemand est basé sur la vieille peur des années 20 et de l'hyperinflation qui aurait amené le nazisme, de la même manière que notre ADN à nous est fondé sur les 30 Glorieuses et surtout l'ère De Gaulle, avec une certaine idée de ce qu'est un chef d’État et les principes républicains (pour l'Espagne c'est la dictature... etc) ; sauf que dans notre cas, nos dirigeants sont justement ceux qui se foutent de ça, d'où le décalage de plus en plus grand qui est en train de se faire, et qui me fait dire que l'ancien clivage gauche/droite, pour pertinent qu'il soit doit peu à peu compter sur un clivage européistes/souverainistes (dont je suis évidemment). C'est en quelque sorte l'horizon métapolitique allemand (chacun les siens, je ne critique pas) et même si on sait que l'hyperinflation n'a pas eu de rôle dans la montée du nazisme il suffit que ce soit une représentation commune. Ça se voit très clairement dans le budget absolument incroyable de l'Allemagne cette année : ils auraient dû s'endetter parce qu'ils avaient des taux d'intérêts négatifs, ils ne l'ont pas fait. Cela ne peut s'expliquer que par des réflexes idéologiques économiques très puissants, et c'est pas Wolfgang Schaüble qui dira le contraire. Non franchement je pense que les Allemands savent ce qu'ils font. Au passage, par rapport à un truc que je vais dire en dessous sur la nation, c'est exactement ce genre de principes pour ainsi dire métaphysique qui déterminent la possibilité d'intérêts communs. Et nous n'avons pas d'histoire européenne commune, par exemple, ou plus exactement, nous n'avons pas un événement qui nous affecte communément et qui serait le fondement de notre métaphysique politique. Bon, je ne sais pas si je suis clair.
Or l'Europe se conduit exactement comme si c'était le cas, et donc est une para-dictature : la BCE a simplement permis un coup de force économique qui a mis à genoux Tsipras et qui mettra demain à genoux le Portugal, l'Espagne voire la France. C'est très très grave de faire ce qu'elle a fait. Elle n'est pas du tout irréprochable. Elle a dépassé de très très loin ses prérogatives et, sans exagérer, a fait ce qu'on pourrait appeler un acte de guerre à l'endroit de la Grèce (ou de Chypre).
Rien à redire là-dessus, mais c'est pas parce que ton gamin te ramène un 2/20 que tu le déshérites.
Oui enfin l'Europe c'est pas un gamin, et encore moins le mien. Sinon ça fait bien longtemps qu'il aurait pris une volée de bois vert.
Ca, je suis désolé, mais c'est l'argument auquel je ne crois pas. La plupart des habitants de ces pays ne sont attachés à leur nation que depuis qu'on leur a présenté des ennemis pour pouvoir les fédérer et les calmer face aux problèmes de leurs propres pays. Je n'ai jamais entendu autant de nationalistes français que depuis la crise de 2008. Pareil pour l'Allemagne qui ne réveille son amour de la patrie que quand elle est oppressée par un autre pays (la France par exemple). Ce n'est qu'un point de vue personnel, mais pour moi on s'attache à une certaine idée ou à une certaine condition (passée ou présente), voire à la limite à la ville/la région (encore que) parce qu'elles sont proches de nous et qu'on la vit tous les jours. Mais qui vit la France ? Les bretons et les corses ? Les parisiens opposés aux provinciaux ? Ceux qui ne croient plus en leur pays et ne vont même plus voter ?
Peut-être que c'est en parlant aux gens sur Internet ? Mais on ne sait pas du tout si la personne est française ou pas...
Les gens sont attachés pour moi à plusieurs choses par le concept de nation : leurs habitudes (que la nation leur permet de conserver) et une certaine solidarité de fait dans les moments difficiles.
Ouais enfin si tu fais un mémoire, tu dois être en master, donc tu devais pas être bien vieux en 2008...
Par contre je suis désolé mais 4 millions de personne dans la rue le 1Janvier 2015, ça indique assez bien que les gens sont concernés par leur patrie quoique diversement et selon des motifs très variés. Le même attentat à Zagreb n'aurait eu strictement aucun écho en France (au-delà même de l'écho médiatique). L'argument des abstentionnistes c'est juste le signe de la crise politique que la France traverse. Mais les gens sont impliqués puisqu'ils votent à l'élection présidentielle. Les gens ne sont pas fous, ils savent que c'est celle là qui compte. Mais alors pour l'élection européenne...
Ce que tu appelles habitude c'est très important, parce que c'est rien de moins que l'horizon pertinent de la prise de décision et de l'intérêt qu'on porte banalement aux règles qui nous régissent et surtout avec qui on est prêt à faire des compromis ou à discuter. Je pense qu'on a tort de penser que ça n'existe pas parce que c'est abstrait. Je ne vois pas pourquoi j'irais discuter avec un Letton de savoir si la laïcité doit être remise en cause par exemple.
Pour moi, les idées de l'Europe sont assez différentes : accepter les habitudes des autres et surtout apprendre à les connaître (je prêche pour ma paroisse, j'avoue) , et vive avec un changement quasi permanent (à noter qu'effectivement ça peut être négatif parfois).
Je vois pas trop à quoi tu fais référence mais ok.
Et pour les intérêts communs, comme je te l'ai dit, si, on en a
Je ne pense pas, peut-être que ce serait mieux qu'on s'entende, mais ça ne veut pas dire qu'on ait des intérêts en commun, donc qu'on peut s'entendre. Et à mon avis sur la base qui est la nôtre on ne peut pas, pas dans ce contexte institutionnel qui est totalement verrouillé par l'Allemagne. Du coup je ne suis pas d'accord avec ça :
Et de base on est de toute façon plus forts à plusieurs que tous seuls.
Bah pas forcément. Regarde le tir à la corde. Alors là il se trouve qu'on va tous dans le sens de l'Allemagne, mais c'est en jouant contre nos intérêts qu'on le fait. Résultat, le chômage n'a jamais été aussi haut, la fonction publique va très mal et on est globalement paralysé dans l'action publique.
Le problème du TTIP n'est pas du tout qu'il soit bon ou mauvais, c'est qu'il soit négocié de façon tout à fait opaque et sans mandat du peuple alors que c'est incroyablement important (on parle pas de la réglementation de la pêche au goujon, là). En ce qui me concerne, j'espère bien qu'on n'aura pas d'accord. Par contre tu as trouvé où les textes en cours, parce que perso j'ai rien trouvé (j'ai pas regardé depuis longtemps mais enfin...).
Faire ça dans un contexte multilatéral sans instance organisatrice et médiatrice est terriblement difficile
Oui enfin on peut signer des traités multilatéraux, ça ne dérange pas le Canada ou l'Amérique du Sud. Les BRICS ont signé un accord l'an dernier (pour un FMI qui ne serait pas américano-centré je crois, me rappelle plus)... etc. On peut faire des choses très ambitieuses sans le carcan des traités européens, en dehors desquels il n'y a pas de démocratie doit-on le rappeler, du moins si on en croit notre charmant Juncker.
... pfiou, ça n'en finit jamais.
Mais un système fédéral -bien pensé. Pas la Russie ou l'Irak- a bien moins de risque de tomber en dictature qu'une monar... Pardon, une république présidentielle.
Euh mouais, alors là franchement... je vois pas d'où c'est vrai. Déjà l'Europe actuelle montre le contraire.
PS :
En gros : l'UE, oui, mais pas comme ça. En 1992 j'étais horrifié à l'idée qu'on ait refusé l'intégration à l'EEE. Aujourd'hui je bénis les vieux réacs de nous avoir évité ce désastre. On ne peut pas faire une union économique en mettant complètement de côté le social.
Exactement. Je pense qu'il faudrait détricoter pas mal de truc, pour remonter à peu près à 92. On peut très bien garder l'Euro mais faire autrement : par exemple avoir une monnaie commune mais pas unique. En fait ce serait beaucoup plus malin parce que ça permettrait d'ajuster des écosystèmes monétaires adaptés aux spécificités des nations.
PPS :
http://trade.ec.europa.eu/doclib/press/index.cfm?id=1248Pour le TTIP, en fait !