Bon, je vais bien profiter de la nouvelle règle concernant les doubles post et directement balancer mon nouveau chapitre de One Shot ici. Oui oui, prochain chapitre de One Shot, Survivrant attendra encore, malheureusement.
Bref, commençons par les remerciements qui vont tous s'adresser à Omurah, sans qui le prochain chapitre n'aurait jamais été aussi propre. Et dénué de faute (sauf les quelques irréductibles qui sont passées entre les mailles du filet.) Merci à toi Omurah !
Normalement, vous ne devriez pas trop saigner des yeux ! (Coucou Niic !

)
Bref, je vous souhaite une bonne lecture, un bon mindfuck (non je rigole, c'est un talent que je laisse à Omurah) et un bon moment !
De Chef à Gardien
Dessaram courait à toute vitesse sur l’herbe verte qui parsemait la plaine. Une plaine qui était en tout point semblable à sa plaine. Sauf que ce n’était pas sa plaine. Surtout que sur sa plaine, il ne risquait pas de se faire poursuivre par une bande de guerriers qui essayaient de lui faire la peau à coup de kikohas. Kikohas qui, soit dit en passant, avaient le bon goût de rater leur cible et de s’écraser autour d’elle dans une série de petites explosions. Ce qui donnait au mage la sensation d’être le héros d’un film d’action, pris en chasse par les méchants. Sauf que techniquement, ici, c’était lui, le méchant. Mais ça n’avait que peu d’importance, le portail qui allait lui permettre de rejoindre son monde était tout proche : une grosse bulle violâtre qui s’agrippait à la réalité comme une sangsue. Ni une ni deux, le gardien plongea dedans, suivi de près par un kikoha qui, à l’inverse des autres, s’était entêté à atteindre sa cible en ignorant totalement le bouclier magique de dispersion qui entourait cette dernière.
Les voyages par portail avaient un avantage : ils étaient très rapides. Mais ils avaient aussi un défaut : un effet secondaire qui variait d’un utilisateur à l’autre. En ce qui concernait Dessaram, les portails qu’il faisait apparaître avaient la fâcheuse tendance de créer des flashbacks à tous ceux qui les traversaient. Ce qui, comme la plupart du temps, lui arriva.
Un champ de ruines. Du sang. Des corps sur des restes d’habitations. Et des ordres qui ne cessaient d’être gueulés par des supérieurs à travers un dispositif de communication sous forme d’oreillette, muni d'un viseur pour détecter les formes d’énergie. Un dispositif qui allait très rapidement être coupé, d’ailleurs. Une ambiance toute particulière que Dessaram ne connaissait que trop bien. Il se voyait de haut et rapidement sa mémoire se mit en marche.
Il était dans un cratère que lui et son escouade avaient sécurisé avant d’essuyer une attaque par tous les côtés, ce qui arrivait presque à chaque mission. Il était encerclé. Un déjà vu que le Dessaram du souvenir accueillit avec un sourire en vidant son blaster dans un ennemi un peu trop visible. Il adorait ça, les barouds d’honneur désespérés. Et jusqu’à ce jour, il avait toujours survécu.
« -Dessa’, on se fait allumer ! Il faut bouger ! » cria une voix féminine.
Une voix que le concerné reconnut sans peine. Koris, une jeune femme aux cheveux roses et à la peau rouge sombre dont le corps avait empêché bien des ennemis de lui porter le coup de grâce. Pur machisme ? Peut-être. Mais Koris n’allait pas s’en plaindre, avoir des chances de survie plus hautes que la moyenne grâce à ses atouts féminins était un avantage non négligeable. Quant à ceux qui ne l’avaient pas achevé... Eh bien, ils pourront toujours le regretter en arrivant au paradis. Ou en enfer.
« -Négatif ! On tient la position, les renforts arrivent ! »
« -Ben ils feraient mieux de se grouiller, parce que sinon ils auront plus rien à s’mettre sous la dent ! » fit une voix forte, à l’autre bout du cratère.
Lorsque Ghars prenait la parole, du haut de ses deux mètres quarante, c’était rarement pour se plaindre mais plutôt pour donner l’impression qu’il était volontaire pour se faire en solo toute l’armée ennemie. Entre sa taille, ses muscles proéminents, sa voix profonde et sa peau vert sombre, Ghars était le guerrier typiquement massif dont toutes les escouades disposaient. Généralement en un seul et unique exemplaire. Typiquement, Ghars était l’espèce de brute massive qui ne s’éclatait qu’en cassant la mâchoire de son prochain. Par contre, il était bien plus prudent de ne pas le traiter de brute en face. Sinon, il vous brisera quelques os pour essayer de vous convaincre du contraire.
« -N’empêche que je suis bientôt à court de munitions ! Il faut tenter une percée pour rejoindre nos lignes ! »
Dessaram grommela. Il avait beau être le chef d’escadron, il prenait rarement une décision sans l’aval de Vigor, qui venait de s'exprimer. Et si Dessaram avait pour habitude de consulter Vigor, c'était tout simplement parce que l’espèce de loup-garou aussi bleu que poilu était un très bon tacticien, mais qu’en plus il ne faisait rarement, voire jamais, de réflexions stupides. Si Vigor disait que l’escouade devait se retirer, c’est qu’il valait mieux se retirer. Sinon, ce baroud d’honneur risquait d’être le dernier. Mais Dessaram s’amusait beaucoup trop et il avait connu des situations bien plus désespérées.
« -On reste encore deux ou trois minutes, après on se tire ! »
Vigor grommela. Mais se résigna à contrecœur. Koris répondit par l'affirmative, faisant fi de ses propres craintes. Ghars, lui, poussa un cri de joie en décapitant un soldat ennemi d’un revers, avant de reprendre son mitraillage. La scène se brouilla soudainement. Puis un zoom se fit brutalement sur Dessaram. Jusqu’à le coller, jusqu’à l’atteindre. Jusqu’à entrer en lui. Un nouveau point de vue se fit alors, cette fois à travers les yeux du soldat. Le Dessaram qui voyageait en ce moment-même par portail se sentit spectateur de son propre corps. Mais cette fois, il partageait aussi les sensations. Bien sûr, il connaissait déjà la suite. Ce qui ne l’empêcha nullement de râler.
(Tire-toi pauvre con ! Barre-toi ! Bordel, c’est pas parce tu affrontes que des mecs à moitié à poil et qui ressemblent à de grosses mantes religieuses qu’ils n’ont pas de véhicules ! Fuis, sombre débile !)
Mais le concerné continua de tirer sur les créatures qui venaient en courant dans sa direction et qui explosaient chaque fois qu’un kikoha les atteignait. Une minute venait de passer depuis la dernière conversation avec son équipe. Le Dessaram spectateur sentit sa résistance diminuer. Il était aspiré dans son souvenir. Il avait tenu bon dans un premier temps, mais il savait qu’il perdrait inévitablement prise. Il jura, à pleins poumons. Mais dans les méandres du passé, personne ne pouvait l’entendre. Alors finalement, et contre sa volonté, il céda et les pensées de son double devinrent les siennes...
Et voilà, un de plus ! Ils sont vraiment cons ces Séliciens ! C’est ça, venez vous suicider sur mon arme ! Bon, je commence à manquer de munitions moi aussi. Et ça doit faire trois minutes que je tire. On va peut-être se replier. Tiens, je viens de voir un Idem sur ma droite. Aaaah, les Idem. Tous la même combinaison irréprochable, à part la taille et le nombre de membres, ils sont tous pareils. Comment obtenir un Idem ? C’est simple, mettez un balai dans le cul d’un soldat d’élite ultra sérieux avec une combinaison neuve hors de prix et vous en ferez un guerrier sans personnalité pas fichu de survivre plus de deux ou trois missions. Et surtout, n’oubliez pas une pincée de peur à l’idée de retirer son casque. Les Idem collent au règlement comme un chewing-gum à une semelle de chaussure. Autant dire qu’au bout d’un moment, on ne se fatigue plus à essayer de retenir leurs noms.
« -Chef ! Je crois qu’on va être submergés ! »
Oh c’est trop mignon, il m’appelle chef ! Par contre, ses suggestions, il peut se les carrer où je pense. Mais dans le doute, vérifions… Bon ok, il a pas totalement tort. Bon allez, je vais faire genre que j’avais remarqué qu’il y avait une dix-septième vague derrière la seizième et on décampe fissa. Une seconde… C’est quoi ces trucs dans le ciel… Oh merde, ils ont des avions ! Ces enfoirés d’insectes ont des chasseurs ! Vite, faut prévenir les autres !
« -Chasseurs ennemis en approche, à couvert ! »
Ni une ni deux, je plonge. Une pluie de kikohas verts s’écrase autour de moi. C’était limite. Et j’ai pas envie d’attendre que ces saletés reviennent. Allez, pas le moment de traîner !
« -Hey, soldat, on… ! »
Oh merde. Il est mort. Merde. Merde. Merde. D’habitude, ils meurent par incompétence, pas par ma faute. Fait chier, ça a beau être un Idem, il avait pas à mourir comme ça. Je suis un peu responsable quand même.
« -Graaaaarglbl ! »
Oh toi la ferme ! Saleté d’insecte ! Tu veux me bouffer ? Tiens, avale mon poing et mon blaster ! Tu veux de l’aide pour mâcher ? Laisse-moi presser la détente ! Et hop, plus de cervelle ! Bon, c’est pas tout ça, mais je vais quand même vérifier si l’Idem respire encore. Ne sait-on jamais. Miracle, blessé mais vivant. Par contre, autant retirer son casque, il est abîmé…
Oh ! C’est une fille ! Avec un joli minois en plus ! Pas de formes mais un très beau visage ! Totalement mon genre. Double raison de lui sauver ses petites fesses !
« -Allez, repli général ! Koris, Ghars et les Idem restants, ouvrez le chemin, Vigor, couvre nos arrière, autorisation d’utiliser les vapeurs de glace ! »
Ah, les vapeurs de glace… Tout d’abord, il faut savoir que Vigor vient d’une planète gelée. Ensuite, il faut aussi savoir que son corps produit une espèce liquide qui gèle très vite une fois au contact de la moindre source de chaleur. Ça a l’air ridicule dit comme ça, mais en réalité ça a du sens. Le liquide pompe l’énergie de la source en question pour continuer à durcir jusqu'à se donner une ressemblance étonnante avec la glace. À la base, ça permet à Vigor de faire glisser les coups de poings et les tirs de kikohas sur la peau. Mais il peut aussi en lâcher par la bouche sous forme de nuage, et grandement déranger nos poursuivants. Ce qu’il est d’ailleurs en train de faire. Ces retraites ne sont possibles que grâce aux compétences spéciales de Vigor. J’adore ce gars.
D’ailleurs il vient de me demander pourquoi je m’encombre d’un Idem à l’agonie. Je lui dis que je laisse pas tomber un soldat derrière moi. Il dit qu’il ne me croit pas. Je lui avoue qu’en réalité c’est une Idem, une Idem qui est très mignonne. Il se marre. Moi aussi. Par contre, dès que je vois les chasseurs fondre face à nous, je me marre beaucoup moins.
Ils tirent une salve. Je calcule l’angle d’attaque. Vigor va se faire toucher à coup sûr, surtout qu'il est trop occupé à couvrir notre retraite en crachant ses fameuses vapeurs pour voir venir le danger. Koris et Ghars risquent de se faire toucher, eux aussi. Même si c’est moins sûr. Quelques Idem risquent aussi de se faire atteindre, même si je m’en cogne un peu. Et pour ce qui est des non-Idem, si c'est pas dit qu'ils mourront, ils seront en tout cas blessés, au minimum. Rien d’insurmontable en somme. Normalement. Ou alors ils mourront et y a que moi et l’Idem sur mon épaule qui allons survivre à cette mission. Tant pis, ça arrive. Ce qui importe dans l’immédiat, c'est que les tirs des véhicules aériens ne m’atteindront pas, je ne suis pas visé. Alors pourquoi prendre un risque inutile ? Pourquoi sauver mon escouade dans un geste héroïque qui ne me ressemble pas ? Je me fiche des médailles, des honneurs ou d’un enterrement en grandes pompes. Surtout si c'est pour que des enfoirés de gradés que j’aime pas viennent faire semblant de chialer sur ma tombe avant de me complimenter alors qu’ils m’ont tous balancé un blâme à moment ou à un autre. Par contre, les gars de mon équipe iraient pleurer ma mort, ça j’en suis sûr. C’est des bons gars. Bordel c’est vraiment chiant d’être chef d’escouade…
Je balance Miss joli visage sur Vigor qui tombe à la renverse puis je plonge en avant. Je balance un gros Kiaï à deux mains. Le plus puissant que j’ai jamais balancé ! Enfin, je crois… Tout le monde tombe à la renverse en face de moi. Ami comme ennemi. Membre connu et Idem. Je vois les tirs se rapprocher à vitesse grand V. Je suis gâté, ils sont tous pour moi. À mon tour de tomber en arrière…
Je ne vois plus rien, ou presque… Des ombres, des bruits de tirs. Je vois Ghars, plus loin, qui gueule de colère en tirant sur les avions ennemis. Vigor est à côté de moi. Il me parle. Je ne lui ai jamais dit, mais il est moche. C’est encore pire vu de près. Mais je l’aime bien, cette boule de poil bleue. Puis je vois Koris. Koris et sa jolie tête et ses belles formes. J’ai déjà couché avec elle. Pas de regret de ce côté-là. C’était sympa. Par contre j’ai mal partout, et ça c’est moins sympa. Ils parlent trop forts tous les deux. Peut-être qu’ils n’ont pas compris qu’ils sont censés se barrer. Je vais le leur rappeler gentiment.
« -…Barrez-vous, bande de cons… »
« -On te laisse pas ici Dessa’, on t’emmène ! »
Chiale pas Koris, sinon moi aussi je vais pleurer. De toute façon, je suis à moitié foutu, je sens presque plus rien et j’ai du mal à respirer. Y a du sang partout. Barrez-vous, que je ne meure pas pour rien.
« -M’en balance, barrez-vous… vite… »
« -Attends, on a une équipe qui arrive pour nous aider ! Y a des médecins avec eux, il faut juste tenir un peu ! »
Vigor n’a jamais été aussi con. Tenir un peu ? À découvert ? Avec des chasseurs qui essayent de nous descendre ? Ben voyons. Bon, faut que je me montre plus convaincant.
« -C’est un ordre, cassez-vous… Sinon je vous fais exécuter… pour insubordination... »
« -Dessa’, on te laisse pas ! »
« -Ta gueule… Koris… barre-toi… »
J’arrive à peine à pointer mon blaster dans sa direction. Ça y est, je chiale à moitié. Merci beaucoup, Koris. Espèce de sale bouille d’ange adorable. Ma petite génocidaire préférée, je te déteste. Je vous déteste toi et tes jolies formes. Toi et ton foutu optimisme…
Elle se retire enfin. Vigor lui a donné un ordre. Elle m’embrasse sur le front. Puis sur la bouche, longuement, avec la langue. La saleté, elle me fait pleurer. Puis elle s’éloigne, en me regardant avec des yeux mouillés. Si on avait eu des gosses, ça aurait été de vraies terreurs. Une petite famille parfaite, en somme. Trop tard pour ça.
« -Vigor… sauve Idem… alias joli visage. Moi… je vais faire une sieste… »
« -À vos ordres chef. Une dernière volonté ? »
Il fait le fort, mais lui aussi il a envie de pleurer. T’es grillé, mon vieux.
« -Non… aucune… Sauf que… c’était vraiment génial de vous commander… vous gérez, les gars… Ah et avant que j’oublie, t’as vraiment une sale tronche, Vigor… »
« -Je sais chef, tu me l’avais dit le jour où tu m’as rencontré. »
C’est qu’il a raison, cet idiot. J’avais oublié. Ça me fait rire. Ce qui me fait super mal. Je lui dis adieu. Il me répond adieu. Il prend Miss Idem joli visage. Je lui dis de pas trop la tripoter. Il me dit qu’il fera de son mieux. Je rigole encore. J’ai encore mal. Je lui dis de rappeler à Ghars que c’est une grosse brute mais que je l’adore. Il rigole à son tour et dit que ce sera fait. Je lui dis encore adieu. Il me répond encore adieu. Il s’en va. J’agonise en regardant le ciel, en sentant les multiples hémorragies internes me vider de mon sang. Du coin de l’œil je vois un insecte prendre en chasse mon groupe qui se replie. Je pointe mon blaster dans sa direction. Comme je n’arrive pas à serrer le poing droit, je tape dessus avec mon poing gauche. Ou plutôt je laisse mon poing gauche tomber sur le blaster. Le tir part. Il ricoche sur la tête de l’insecte qui meurt sur le coup. Puis le même tir traverse le crâne d’un autre insecte bipède. Même à l’agonie, je reste le meilleur.
Une énorme explosion à lieu dans le ciel. Je crois bien que Ghars a dégommé un chasseur qui a percuté un autre chasseur. Ou alors c’est un bombardier. J’en sais rien, ils se ressemblent tous, leurs avions. Y a une explosion proche de mon groupe. J’espère qu’ils vont bien. Je vois la boule de feu qu’est devenu le chasseur fondre sur moi. Ça y est, je suis mort.
Dix secondes avant le crash. Neuf. Huit. Sept. Six. Cinq. Quatre. Trois. Deux trois-quart. Deux et demi. Deux. Un et demi. Un et quart. Un. Zero. Game Over…
…
Je rouvre les yeux lentement. Pas de chasseurs. Pas d’insectes. Pas de Koris, Ghars ou Vigor. Pas de Idem non plus. Juste une grotte dans la pénombre. Avec des runes, partout. Je me lève lentement. J’ai des courbatures partout et une serviette sur le corps. Je me sens faible. J’ai survécu ? Ou alors je suis au paradis. Si c’est le cas, il faut revoir le service d’accueil. Surtout que ça manque d’ambiance.
« -Te voilà enfin debout, Dessaram. »
Je me retourne, un gars qui me ressemble me fixe intensément. Il est vieux. Plus que moi en tout cas. Il a une barbe grise et courte. Il a l’air de me connaître. Ce qui n’est pas réciproque.
« -Oui, faut croire. Et tu es qui au juste ? »
« -Ton père. »
Je laisse quelque seconde passer. Il a l’air sérieux. Mais moi j’ai du mal à le croire, surtout que je n’ai connu que ma mère. Si mon père débarque comme une fleur après m’avoir abandonné, autant dire qu’il va avoir des comptes à rendre. Mais ce serait beaucoup trop gros.
« -Ouais, très drôle. Hilarant comme blague. »
« -Je suis très sérieux. »
Il est donc vraiment sérieux. Mais j’ai pas envie d’en parler, j’ai autre chose à faire que de lui donner de l’importance. Dans l’immédiat y'a autre chose qui m’intéresse.
« -Et qu’est-ce que je fais là ? »
« -Tu as été ressuscité. »
OK. En temps normal je prendrais ça pour une blague mais vu le contenu de mes derniers souvenirs je suis bizarrement enclin à la croire.
« -Euh… bah merci papa, je suppose. Juste comme ça, c’est par où la sortie ? »
Il ne note pas le sarcasme. Ou alors je fais un peu trop sérieux.
« -Tu veux partir ? »
« -Le prends pas mal, l’endroit est chouette, mais j’aimerais rendre visite à mes coéquipiers. Juste leur faire coucou et leur dire que je suis encore vivant. »
Il fait une drôle de tête. Puis il sourit. J’aime pas son sourire, on dirait moi.
« -Depuis combien de temps tu crois dormir Dessaram ? »
« -Euh quelques jours ? Semaines ? Mois ? »
Il secoue la tête à chaque fois. Maintenant il fait des devinettes, le saligaud. Il faut que j’insiste en plus parce qu’il ne veut pas cracher le morceau.
« -Allez, accouche, qu’on en finisse. »
« -Tu as dormi 638 ans, 42 jours et 16 heures. »
Mine de rien, ça fait un choc. Et un gros. Je suis du genre grand dormeur, mais j’ai mes limites.
« -…C’est quand même une sacré sieste là… »
« -En effet, même si pendant la durée totale de cette sieste, tu étais mort. Ta résurrection a juste pris un certain temps. »
« -Et j’imagine que tous mes amis sont morts à l’instar de tous ceux que j’ai connus. ‘Vrai ? »
« -Tu connais déjà la réponse à cette question. Mais je ne peux que le confirmer, malheureusement. Tes amis n’existent plus depuis longtemps. »
« -… Y'a une procédure de résurrection pour eux aussi ? Et une plus rapide si possible. »
J’le crois pas, il rigole.
« -Ahahah ! Non, désolé, pour la procédure rapide, il faut voir avec Porunga. Kjork est plus lent, mais il est aussi plus facile à trouver. »
« -Qui et qui ? Attends, ça fait beaucoup. Entre toi qui débarques comme si tu étais mon père, moi qui ressuscite et ces noms que tu balances tranquillement, comme si j’étais censé les connaître ! Je… Porunga, c’est pas une espèce de grosse bestiole verte avec une crête dorsale et des yeux entièrement rouges ? ...Comment je suis censé savoir ça moi ? Comment… que… quoi… Merde à la fin ! »
« -Doucement, respire Dessa’. »
« -M’appelle pas comme ça ! Y'a qu’une personne qui peut m’appeler comme ça et elle est morte ! Morte ! Tu m’entends ?! Morte ! Alors ferme-là ! »
« -D’accord, d’accord. Doucement, respire Dessaram. Nous avons beaucoup de choses à nous dire. »
Je respire. Je respire. Je fais que ça, respirer. Et lui il me regarde tendrement, avec patience. J’ai envie de le cogner et de foutre en l’air sa précieuse grotte. Même mort, j’ai pas la paix. Et voilà qu’il recommence à parler. Il veut faire quoi, rattraper le temps perdu le vieux ? Et puis il a quel âge déjà ? Et pourquoi… Mais pourquoi il a une espèce d’auréole dorée sur la tête ?!
« -Tout d’abord. J’ai une question à te poser Dessaram. Que sais-tu du rôle de Gardien de l’Univers ? »
Le portail s’ouvrit sur une nouvelle plaine. Celle de Dessaram. Ce dernier en jaillit, se retourna dans les airs et stoppa avec la paume de sa main le kikoha qui lui était destiné. Puis il s’écrasa sur le dos, glissant sur l’herbe avant de se relever d’une roulade arrière. Le portail se ferma soudainement, il se résorba dans un bruit de succion avant de disparaître. Comme si c’était le signal qu’ils attendaient, les oiseaux se remirent à chanter au loin.
« -C’était quoi, ça ? »
La question de Dabra ne surprit pas Dessaram. Bien sûr que le démon savait ce qu’était un portail, il en avait déjà employé. Et si chaque portail avait une limite ou un effet secondaire, cela n’intéressait pas l’ancien roi. Non, ce qu’il voulait savoir c’est ce que Dessaram venait de faire.
« -Mon cher Dabra, ‘’ça’’, comme tu dis, c’est une mission d’infiltration réussie avec brio dans le camp ennemi. »
Le démon arqua un sourcil, le Kaïo sourit légèrement, Gohan se montra intrigué et Cold n’en n’avait absolument rien à faire.
« -Et donc, cette mission d’infiltration ? » poursuivit le démon.
« -Eh bien… Je sais maintenant avec certitude que notre ennemi a réuni quatre guerriers. Voilà. »
Quelques secondes passèrent. Dabra attendait la suite. Mais la suite ne vint pas. Alors Gohan posa à voix haute la question que tout le monde pensait. Hormis Cold qui s’en fichait toujours autant..
« -Et c’est tout ? »
Dessaram soupira.
« -Ouais. Je ne connais pas les races qui ont été convoquées, c’est un univers complètement différent. En plus leur gardien s’est mis à me tirer dessus alors j’ai eu juste le temps de reconnaître l’un de nos futurs ennemis. »
Gohan regardait le mage en armure noire avec de gros yeux. Ce dernier ne comprit pas immédiatement pourquoi. Puis enfin, il sut que sa langue avait fourché. La boulette.
« -Comment ça, un gardien ? »
Tout le monde s’intéressait désormais à l’explication de Dessaram. Même Cold, ce qui n’était pas peu dire. Il était allé jusqu’à décroiser les bras.
« -Tss… Autant jouer carte sur table. Je suis en guerre avec un gardien et j’ai besoin de vous pour gagner. C’est la stricte vérité. »
« -Tu es en guerre contre quelqu’un qui protège son univers du néant ? »
La question de Gohan avait l’air simple mais la réponse de Dessaram pouvait influencer toute la cohésion du groupe. Un simple ‘’Oui’’ ne suffirait pas.
« -Deux gardiens qui protègent chacun leurs univers sont en guerre, oui. »
Gohan croisa les bras. Une nouvelle question vint.
« -Pourquoi vous êtes en guerre ? »
Avec une grande discrétion, Kaïo effleura légèrement la jambe de Cold du bout des doigts. Ce dernier demeura stoïque, mais la veine qui gonfla sur sa tempe droite trahissait sa soudaine concentration.
« -Ce… gardien a pris mon bâton. Il faut absolument que je le récupère. C’est tout. »
« -C’est tout ? »
« -Oui, même si c’est une guerre, personne n’a à mourir. Je sais que c’est dur à avaler, mais c’est la vérité. Très honnêtement, je me passerais bien de ce conflit. »
« -Donc tu as réuni une équipe comme la nôtre pour voler un bout de bois ? »
Le visage de Cold se plissa de manière plus notable. La concentration était désormais visible mais Dessaram ne pouvait pas le voir car le Démon du froid était dans son angle mort.
« -Récupérer un bout de bois. Il m’appartient. On m’a volé et je veux obtenir justice. »
« -Très bien. Je te crois, mais j’ai une dernière question. »
Les yeux de Cold se fermèrent, son visage exprimait un effort intense, voire insoutenable, au point de trembler légèrement. Tout le monde semblait l’avoir remarqué, sauf Dessaram.
« -Pourquoi m’avoir choisi à la place de mon père ? » lança Gohan.
« -Parce que ton père aime se battre alors que toi non. En plus, tu es plus puissant que lui. Autre chose ? »
Devant le manque de développement, le métis se contenta de soupirer mais son regard conserva sa dureté.
« -Non, ce sera tout. Je veux juste en finir. »
Le métis se tourna vers Dabra. Si Gohan semblait calme, en réalité il était relativement tendu.
« -J’ai besoin que tu m’apprennes toutes les techniques non mortelles que tu connais à l’épée. »
Le démon haussa les épaules puis hocha la tête. D’un mouvement de la main, Dessaram envoya le duo dans un espace désertique pour les laisser en paix. La conversation s’était mieux passée que prévu. En apparence. Gohan voudra sûrement lui parler seul à seul, il allait peut-être même pousser une gueulante. Mais Dessaram s’y était préparé, alors autant que ça sorte. Le mage sortit de ses pensées puis il se tourna vers Cold et le projeta au sol d’un kiaï poussé du revers de la main.
« -Que tu fasses semblant de ne pas t’intéresser à la conversation, je m’en fiche. Par contre, n’essaye plus jamais de lire dans mes pensées, sinon tu peux dire adieu à ta place dans cette équipe et à ton vœu, c’est clair ? »
Le père de Cooler se releva lentement, nettoya la poussière sur son corps d’une brève impulsion de ki et répondit enfin à son interlocuteur avec un regard plein de colère et une voix parfaitement maîtrisée :
« -Très clair. »
« -Bien. Je te laisse méditer ici, il faut que je parle avec le Kaïo, seul à seul. »
Sur ces mots, les deux mages disparurent pour réapparaître sur le balcon d’un chalet qui donnait une superbe vue sur un lac plus bas.
« -C’était vraiment vicelard. »
Le Kaïo haussa les sourcils avec l’air de ne pas comprendre le sous-entendu.
« -C’était vicelard de demander à Cold de lire mes pensées. »
« -Qui te dit qu’il ne l’a pas fait de lui-même ? »
« -Cold a beaucoup plus de pouvoir que ce que tout le monde pense, mais il manque d’imagination. C’était ton idée. »
« -Oups, je suis démasqué. »
« -Bah ! »
Le mage en armure marcha jusqu’à la rambarde pour s’appuyer sur cette dernière, dirigeant son regard, à défaut de son attention, vers le lac à l’eau d’un orange pur.
« -Et j’imagine que tu es tout excusé pour avoir fouillé dans mes souvenirs et dans ceux des trois autres personnes que tu as conviées ici, je me trompe ? »
« -Hmph, pas pareil. C’était nécessaire. »
Le Kaïo se rapprocha de Dessaram pour s’accouder à son tour à la rambarde.
« -Tu ne nous donnes presque aucune information, presque rien sur nos ennemis ou tes intentions. L’intrusion de Cold dans ton esprit était aussi une nécessitée. »
« -Ben voyons. Je vous ai donné mes véritables intentions assez vite. Il ne manquait que le statut de notre ennemi. »
« -Tu nous caches autre chose ? »
Dessaram sourit.
« -Ah ! Si tu savais… Pour le reste ça ne vous regarde pas. Crois-moi, vous n’avez vraiment pas à le savoir. »
Un silence s’installa, long, à peine perturbé par le vent qui secouait les cheveux des deux personnes présentes, non plus perturbé par les bruits d’animaux vaquant à leurs occupations au loin. Mais comme tous les silences, celui-ci fut temporaire. Et c’est Dessaram qui en marqua la fin.
« -Cold a beaucoup progressé. Il va vraiment être utile. »
« -Oui. Ça m’a fait bizarre de l’entraîner, ça m’a rappelé… hmm… tu sais... »
« -La sélection au poste de gardien de l’univers ? »
« -Oui, voilà. Elle a commencé un peu après ma libération du corps de Buu. Quand il a été tué. »
« -Ouais, je m’en rappelle, autant dire que tu es arrivé à temps. »
« -Oui. Mais ça n’a pas suffi. »
« -C’était de la triche, mon père était l’ancien gardien. Il a eu tout le temps de me former ce vieux borné. »
« -Oui c’est vrai… N’empêche, quand je pense que tu étais un soldat sous les ordres du grand-père de Cold de ton vivant. Quelle ironie d’avoir Cold dans ton groupe maintenant. »
« -Ahahah, je croise les doigts pour qu’il ne le découvre jamais ! Ça et bien d’autres choses. »
« -Quand même, c’est un peu vicieux d’avoir fait appel à moi dans ton groupe. Je suis quand même le finaliste lors de la dernière sélection de gardien, j’ai le droit d’avoir un peu de fierté et de ne pas devenir ton sbire. »
« -J’avais besoin de quelqu’un de puissant et de digne de confiance pour mon équipe, vers qui d’autre je pouvais bien me tourner ? »
Un nouveau silence se fit. Plus court que le premier.
« -Dis-moi Dessaram, qu’est-ce qui se passe ? Ça m’étonnerait énormément qu’un gardien déclare la guerre à un autre gardien à la légère. Alors dis-moi vraiment ce qui se passe. »
Dessaram inspira longuement et expira en prenant tout son temps.
« -Tu te rappelles des raisons pour lesquelles un gardien peut déclarer la guerre à un autre gardien ? Ou ça a été effacé de ta mémoire avec le reste de l’initiation ? »
« -Hmmm… c’est très flou. Éclaire-moi je t’en prie. »
« -On ne peut déclarer la guerre à un autre gardien que pour deux raisons : la première étant un litige extrêmement grave et très variable. C’est du cas par cas et la violence est un dernier recours. »
« -…Et la seconde ? »
« -Pour cause de haute trahison… »
Dessaram laissa sa voix en suspens, puis il se tourna vers l’être à sa droite, qu’il dominait par la taille, pour plonger son regard dans le sien .
« -Kaïo, On a un traître parmi les gardiens. Peut-être même plusieurs. Je ne peux compter que sur moi et sur vous pour régler ce problème. On est juste nous cinq pour éviter un cataclysme. En gros, on est dans la merde comme t’as pas idée. »
Le Kaïo n’avait pas besoin de compétences psychiques pour lire dans les pensées de Dessaram. Rien qu’à la voix de ce dernier, à son souffle et à la détresse dans son regard, l’ancien chef des Kaïo sut qu’il disait la vérité.
« -La meilleure dans cette histoire, Kaïo, c’est que ça fait même pas un siècle que je suis gardien et je me retrouve avec l’une des crises les plus graves de ces dix derniers millénaires sur les bras. Je crois que c’est officiel, j’ai la poisse… »
Gohan para une nouvelle frappe du plat de sa lame avant de bondir en arrière. Son visage présentait quelques cicatrices qui réapparaissaient dès qu’il s’entraînait avec Dabra. Une idée de ce dernier pour rappeler à Gohan ce qu’il en coûtait de ne pas maintenir sa garde ou de manquer de réflexes. Lorsque Dessaram avait vu le métis avec ses cicatrices, il lui avait dit qu’il ressemblait beaucoup au mentor du Trunks du futur. Après cette information, le mage s’était volatilisé, sans laisser le temps au père de Pan de poser la moindre de question.
« -C’est bizarre Gohan, quand Dessaram t’as avoué la situation dans laquelle il se trouvait, je pensais que tu allais vraiment te mettre en colère. »
L’époux de Videl fit rouler ses épaules avant de retirer son haut qui collait à sa peau à cause de la transpiration, dévoilant un torse musclé qui comptait lui aussi quelques cicatrices.
« -J’aurais pu m’énerver, c’est vrai. Et je ne fais toujours pas confiance à Dessaram. Mais je veux connaître le fin de mot de cette histoire. »
« -Comme nous tous. »
Dabra fit apparaître une hallebarde qu’il saisit à deux mains alors que son adversaire commençait à décrire des cercles autour de lui, tenant son épée longue bien droite. Avant que le combat ne reprenne, le démon posa une dernière question :
« -Mais tu as déjà envisagé que tout ça pouvait très mal finir ? »
« -C’est justement pour ça que je suis resté Dabra… »
Gohan fit craque sa nuque d’un mouvement rapide avant de finir sa phrase.
« -…Comme ça, si ça dégénère, je pourrais régler son compte au fauteur de troubles. Hors de question de rester de côté, surtout si un ou plusieurs univers sont en jeu. Pour ce qui est de préserver la vie de milliards d’innocents, je n’ai confiance qu’en moi. Sans vouloir t’offenser. »
Le démon sourit en entendant ces excuses prudentes.
« -Aucun problème. »
Et l’entraînement reprit de plus belle...