Chapitre 5
Amondo commençait à s’impatienter. Il allait rester là avec ce gamin qui ne cessait de le fixer, perché pitoyablement sur cette carcasse de véhicule ? Non, il devait se venger... mais se venger de quoi… ? Copper gisait là sur le sol, celui qui avait fait en sorte qu’il annihile tout son propre peuple. Et s’il le tuait ? Après tout... pourquoi ne pas en profiter ?
Il hésita. Tuer, ça n’avait jamais été quelque chose qu’il aimait faire, ironiquement alors qu’il était le plus grand guerrier de Nutts. Il s’approcha quand même du corps inanimé et le souleva par le cou. Sa misérable tête pendouillait, les yeux encore ouverts et le visage encore stupéfait figé sur sa face de rat. Amondo serra presque autant ses doigts que ses dents, mais résista à la tentation d’assassiner la grenouille. Serait-ce de l’altruisme ? Peut-être de l’idiotie…
Roket était debout derrière le guerrier à la natte, depuis déjà quelques secondes. Il s’avançait lentement, et une fois à proximité, il lui glissa à l’oreille :
- Ne faites pas ça.
- C’est sa faute si j’ai tué les miens.
- Ce n’était pas vous, c’était le possédé. Vous seriez un monstre si vous le tuiez…. Nous pourrions l’enfermer, il ne fera plus de mal.
- Enfermer ce misérable démoniste, qui serait capable de posséder ses gardiens pour s’en sortir ? Non, le seul moyen d’être sûr qu’il ne recommence pas est de s’en débarrasser, à jamais.
Amondo resta ainsi quelques dizaines de secondes à réfléchir. Qu’allait-il faire maintenant que sa vie a été détruite ? Il allait errer dans l’espace, devenir un mercenaire et un criminel, récoltant juste de quoi subsister ? Quel intérêt de continuer de vivre sans sa famille, sans attaches et sans l’envie ? Ce Thalès était une bombe à retardement. Comment pouvait-on lui faire confiance ? Il semblait en plus être recherché parce qu’il appartenait à une race certaine.
Le dernier nuttsien eut un déclic. Thalès était obligé de fuir parce qu’il était un saiyen, et se battait contre tout le monde, contre le monde... pour vivre ? Amondo parut un instant admiratif. Si cet homme mettait tout en œuvre pour continuer sa vie, quel combat se constituait plus respectable ? Oui, et il était dans le même cas que l’endormi. Il ne restait plus qu’un nuttsien dans l’univers entier, quelqu’un a qui on a tout arraché et quelqu’un qui ne pourra jamais retrouver son foyer.
Il allait suivre Thalès, et se battre.
Lâchant Copper comme la dernière des chaussettes, le guerrier se retourna :
- Tu es qui, garçon ?
- Roket Groot.
- Pourquoi tu es dans l’armée du Freezer ?
- J’ai besoin d’argent pour ma famille, je suis parti de chez moi il y a 3 ans et c’est la première fois que je pars en mission.
- Quel âge tu as ?
- Sur ma planète, nous ne comptons pas les âges. J’approche de mon âge adulte.
- Je suis Amondo Sanchez. Je vais suivre le guerrier, et je vais trouver la paix.
- Suivre ce Thalès ? Il est fou et violent…
- Il est comme moi, maintenant.
L’homme à la natte se dirigea ensuite vers la voiture sur lequel le garçon était perché et s’y assit :
- Et toi ? Tu vas faire quoi ?
- Je ne sais pas. Je pense que... je vais aussi le suivre. Parce que j’ai besoin d’apprendre comment me battre, comment éviter la peur, comment ne pas craindre l’ennemi et le vaincre.
Ils se regardèrent longuement avant de laisser le silence gagner la conversation. Roket se posa près de Copper et ferma les yeux. Ils ne leurs restaient qu’à attendre. Attendre que leur nouveau guide, et le pire, ne joue son rôle. Quand il sera réveillé, ils pourront trouver le nouveau sens de leur vie.
* * *
Une intuition ? Le destin ? La chance ? On ne sait jamais. Thalès ne le saura jamais.
Ses paupières s’entrouvrirent légèrement. Il n’y avait personne, mais dehors, bientôt. Il leva son bras gauche devant lui, et le regarda avec insistance. Oui, il la sentait, sa force, un tant soit peu régénérée. Non... Il n’y avait pas qu’elle. Il y avait aussi autre chose, autre chose de plus puissant... de plus sauvage... de primordial.
Il détourna son regard vers sa droite et son autre main ne l’aida pas à comprendre. Une certaine chaleur l’emplissait, le submergeait, une chaleur qu’il aurait tant aimé avoir plus tôt... qu’il aurait toujours voulu avoir. C’était comme s’il avait retrouvé quelque chose qu’il avait perdu. Mais sa main ne lui expliqua rien.
Puis, un troisième élément, littéralement entre les deux derniers, se manifesta. Un troisième membre, un ami perdu, une partie de lui qui le paralysait.
Sa queue.
C’était donc ça qui le rendait si fort ? Pas exactement... mais ça en faisait parti. Puis, Thalès leva sa première main vers le haut. Il se dit alors qu’il était en train de rêver. Et pourtant... il put se caresser les cheveux. Toutes ses mèches se courbèrent au contact de ses doigts. Il laissa ceux-ci posés dedans, comme s’il explorait un nouvel endroit, mais un endroit familier.
Thalès était redevenu un saiyen.
Presque de gêne, mais plus de soulagement, il laissa ses dents s’organiser comme un sourire. Ses yeux, eux, laissèrent même, au grand étonnement de l’univers, une larme symbolique couler. Et sa gorge, éprouvée par sa rage constante qu’il manquait de laisser échapper depuis tant d’années, murmura un ricanement de bonheur. Puis, le ricanement devint un rire, et enfin, un fou rire.
L’immeuble effondré laissa entre ses murs la joie de Thalès se montrer, et son moral se reconstruire avec.
Dehors, il y aurait des ennemis. Beaucoup d’ennemis. Ceux-ci qui venaient le sauver, ceux-ci qui l’emprisonnaient depuis tant de temps. Et bientôt... ils le priveront encore de sa liberté. Bientôt, ils le ramèneront dans ce tourment infini, cet infernal enfermement monotone et frustrant.
Que Freezer ne compte pas là-dessus.
De la folie pure et simple ? Quelle folie y a-t-il a vouloir être libre, à vouloir vivre sans craindre d’être chassé, vaincu et tué ? Aucune, et le saiyen se fera entendre. Il avait réfléchi à un plan, mais celui-ci fut erroné depuis sa naissance. C’était un plan de faible, un plan de perdant, un plan qui le raccompagnerait dans la spirale dans laquelle on l’avait plongé. Non, Thalès allait se battre.
Il se releva. Encore une fois, il posa son regard sur ses mains, mais cette fois-ci pour mieux comprendre quelle force il avait reçu de son réveil, alors qu’il fermait les poings. Que les détecteurs s’agitent ne lui importait peu, car il s’envola alors et sortit de l’immeuble. Amondo et Roket le virent, dans le ciel, et ne comprirent pas tout de suite. Mais ils ne virent pas le hargneux Thalès d’il y a quelques heures, ils virent un homme entouré d’une aura infiniment pire et infiniment plus belle.
Le guerrier à l’armure détruite se posa devant ses nouveaux compagnons et les toisa, souriant :
- J’espère que vous êtes prêts, vous deux.
- Vous... Je veux dire… bafouilla Roket.
- Je suis Thalès et c’est le nom que vous me donnerez, tous les deux. Soit vous m’aidez, soit vous crevez ici, c’est l’un ou l’autre.
Roket se tint plus droit et avança un peu sa tête en direction du saiyen :
- Je... Je suis encore jeune et faible... mais je vous suivrai pour apprendre et devenir un guerrier. Je suis prêt à tout ! dit-il en plaçant sur son torse son poing, empli de courage et de conviction.
Avant même une réponse, Amondo s’agenouilla devant Thalès, non pas pour attendre la mort, comme plus tôt, mais pour lui montrer son dévouement :
- Amondo Sanchez, dernier guerrier de Nutts. Je vous suivrai partout jusqu’à ce que je trouve un sens à ma vie. Et j’obéirai, quoiqu’il se passe.
Le premier sentiment qui traversa l’esprit de Thalès fut l’étonnement. Quel pouvoir exerçait-il sur ces deux personnes ? Sur l’enfant qu’il méprise et sur cet homme qu’il avait voulu tuer... Mais ils semblaient prêts à l’aider, prêts à tout faire pour le suivre. Que Freezer ne compte pas dormir sur ses deux cavités auditives, car c’est avec ces deux hommes que Thalès lui déclarera ouvertement la guerre.
Il leur demanda de se remettre en place d’un geste de main, et considéra ses alliés :
-Je vois. Alors, vous tuerez si je vous le demande, et ferez d’horribles choses quand il le faudra.
Ils se turent, mais ils durent s’y résoudre.
- À la base, mon plan était de vous cacher et d’accuser la vermine d’avoir éliminé le commando, puis que je m’infiltre dans le vaisseau afin de pouvoir survivre, mais il comporte trop de risques.
Il se suréleva de trois mètres :
- Je sais qu’ils vont arriver bientôt, alors préparez-vous à vous battre. Toi, gamin, tu vas prendre la grenouille et l’emmener au vaisseau quand Amondo et moi aurons éliminé chacun des soldats en renfort. Toi, mon gaillard, tu cherches le plus fort et tu le tues en un coup avec ta technique. Vous avez compris ?
Ils acquiescèrent en même temps qu’une goutte de sueur sur leur tempe.
* * *
L’ombre d’un rocher emportait le dernier saiyen et le dernier nuttsien dans l’invisibilité. Tous deux attendaient que le vaisseau, descendant doucement jusqu’au désert en face, se pose. Une fois que ses pattes pointues aient percées le sable rouge, la porte s’écrasa dans ce dernier sans un son. Quelques soldats, des nouveaux et des très bas gradés, sortirent pour préparer le terrain. Aucun d’eux ne semblait muni d’un scouter ou d’un équivalent. Thalès leva les cheveux quelques secondes pour comprendre de quelles races ils faisaient parti et jugea qu’aucune d’elles ne devaient posséder des pouvoirs magiques. Amondo s’apprêtait à rassembler son énergie pour former une boule tranchante, mais le signal du saiyen ne se montra pas encore.
L’attention des guerriers de Freezer venus en secours se porta sur un enfant blessé qui traînait langoureusement le corps inanimé d’une grenouille. Il pleurait et semblait faible car meurtri. Quelques soldats se précipitèrent vers lui pour l’aider, et d’autres retournèrent au vaisseau pour prévenir quelqu’un. Après quelques minutes, un lézard à moustache rougeâtre sortit avec élégance relative de l’appareil céleste. Il ne s’approcha pas trop de Roket, et préféra regarder au loin, histoire de chercher un éventuel signe d’attaque, balayant les montagnes en face de lui, les décombres de la ville à proximité, les étendues désertiques juste devant, le vaisseau, la porte de celui-ci, le sable...
... le vaisseau, la porte de celui-ci, le sable, le vaisseau, la porte de celui-ci, le sable…
Les soldats novices ne réagirent pas tout de suite. Ils fixèrent longuement la tête de leur supérieur dégringoler jusqu’à leurs pieds. Certains se regardèrent dans les yeux pour se rassurer avant d’enfin s’affoler. Quelques uns tirèrent même au hasard, dans le ciel, pour tuer les adversaires. L’un d’eux fit même l’erreur de se mettre dos à Roket. Il ne sentit plus ses cervicales quelques secondes après.
Thalès d’abord, Amondo reprenant sa position initiale après avoir lancé son kikoha après, ils apparurent d’un bond prodigieux sur la scène sablonneuse et ne prirent pas le temps de jauger leurs adversaires. En quelques coups et kikohas, Thalès en tua une bonne partie. Le guerrier à la natte incapacita les siens ou les assomma. Roket récupéra le corps de Copper et s’approcha du vaisseau en respirant très fort :
- Amondo, achève-les, cria le saiyen.
- Ils ne sont plus un danger, nous pouvons les…
- Tue... les... ordonna-t-il en s’approchant sourcils froncés du dernier nuttsien.
Le crac sonore des cous brisés fit frissonner un Amondo décontenancé. Puis Thalès arrêta en se dépêchant le plus jeune guerrier qui montait dans le vaisseau :
- Attention, il reste du monde et tu dois faire gaffe. Pourquoi tu respires comme ça ?
- J’ai... euh... Non, c’est bon.
- Tu t’y habitueras, pour les faibles comme toi, tuer est difficile au début. On s’y fait et ça devient amusant. Je passe devant, dit-il en abaissant le son de sa voix.
Le saiyen faillit se casser une dent en trébuchant sur la partie manquante du vaisseau, un trou causé par la déflagration du kikoha d’Amondo. Mais il l’enjamba et regarda en face de lui. Il n’y avait qu’un couloir sombre et silencieux. Nul doute que quelqu’un se terrait là et attendait de pouvoir opérer une attaque surprise. Le saiyen eut une idée. Son énergie forma une boule de ki dans sa main gauche. Il serra les dents et augmenta au maximum sa puissance.
Dans la pénombre, un cri après le son d’une explosion et précédant la tombée d’un cadavre se fit entendre. Thalès avait espéré que ce ne soit que des scouters bas de gamme. Il avait eu raison. Mais il laissa un doute traîner dans son esprit. Un seul scouter confié à un gus qui n’a même pas survécu à l’explosion du-dit appareil ? C’était ça les renforts ? Ils n’auraient pas tenu dix secondes, autant que le confrère de Dalas qui mangeait actuellement du sable.
Les opérations se verraient donc plus simples.
- On peut y aller. Le gamin, tu poses le magicien en stase et Amondo, tu vas tuer les techniciens qui se cachent, tu jetteras aussi leur cadavre et celui-là par-dessus bord. Moi, j’ai un message à passer.
Ils acquiescèrent. Le plus puissant du groupe alla en salle de commandes et écrasa le plexus des deux conducteurs suppliants avant de les balancer dans le couloir pour que l’homme de ménage ne s’en occupe. Il s’assit et démarra une communication avec le relais :
- Quelqu’un !? cria-t-il en étant faussement choqué et bouleversé.
- Vaisseau de renforts B-612, un problème ? Ici la base…
- Nous sommes actuellement retenus en otage sur Nutts. Les pillards désirent maintenant un entretien avec le seigneur Freezer.
- C’est impossible, le seigneur Freezer n’accepte pas les…
- Quelqu’un de proche de lui ? Nous allons tous mourir !
- Je vais voir ce que je peux faire, patientez un instant.
Thalès attendit donc, un sourire mauvais sur les lèvres, et une hâte enfantine, celle de la bêtise qu’on veut faire et qu’on va faire.
- Vaisseau de renforts B-612, le seigneur Zarbon est prêt à une audience de quelques minutes. Son temps est précieux, ne le gâchez pas.
La ligne bascula sur celle du second du démon du froid. La communication vidéo s’activa automatiquement, laissant découvrir le visage verdâtre – mais magnifiquement entretenu – de Zarbon. Et en face, celui tuméfié et sale de Thalès, allongé les bras croisés en arrière sur le siège de conducteur :
- La forme, Zarbi ?
- Mais qu’est-ce que !?
- Ouais, je sais ce que tu vas dire : « Oh la la ! Un singe ? Qu’est-ce que c’est pas beau ! Bla bla cosmétiques bla bla shampoing ». Mais je suis pas venu pour ça ma jolie, je viens te transmettre un message.
- Dépêche-toi de parler, sous-race éteinte ! hurla-t-il agacé.
- Thalès. Mon nom, c’est Thalès. Je suis un saiyen comme tu le vois et je viens déclarer, tu transmettras le message à monsieur, que je vais dans quelques mois venir faire avaler plus vite qu’il ne le faudrait son vin à Freezer. Et pas que ça. Compris ? Qu’il aille se réfugier sous la cape de son père si ça lui chante.
- Tu vas le payer espèce de morveux, je vais te trouver et te…
- Ouais ouais, va te faire foutre, sourit-il en éteignant la communication.
Non sans fierté, Thalès se releva et jubila. Ses yeux ronds et ses dents serrées tout autant que ses poings témoignaient de son état. Ses deux compagnons, revenus de leur tâche, contemplaient leur chef avec inquiétude. Ils n’osaient pas s’approcher de ce démon souriant. Allait-il les tuer dans un excès de colère ?
Il finit par relever la tête et les regarder à son tour. Ensuite, il souleva le corps du conducteur le plus proche et le posa devant les yeux d’Amondo et Roket :
- Cette image sur son torse, tu la vois ?
- Que représente-t-elle ?
- Le signe de l’Empire. À partir de maintenant, nous sommes des ennemis publics. Il n’y a que moi qui sois connu pour le moment, Roket étant certainement considéré comme mort ou disparu.
Ce dernier trembla. Savoir qu’à son âge il était déjà considéré comme une cible à abattre le terrorisait. Thalès le remarqua :
- Tu es faible mais tu ne le resteras pas longtemps, car tu te battras, et tu tueras, et feras d’autres choses bien pire. Tu comprends ? Tuer ou être tué. Tu t’y feras ou tu mourras. Et je ne te le réexpliquerai pas, compris ?
Il hocha la tête et sécha ses larmes. Cet homme le fera devenir puissant. C’était pour sa planète après tout : si Freezer meurt, il n’y aura plus aucun problème.
Tout en s’asseyant sur le siège de commande du vaisseau, le saiyen ferma les yeux quelques minutes. Il était bien plus que libéré maintenant, il était le garant de la liberté de l’univers, car il allait tuer Freezer et le vaincre. Il suffisait de monter une armée pour prendre d’assaut Freezer 8, sa planète de résidence, et de le trouver pour enfin en finir. Mais qui oserait ? Personne d’autre, à cause de la peur, de l’immense pression qu’il représente. Personne n’est assez courageux pour tenter l’aventure seule, et personne n’est là pour les rassembler. Qui de mieux pour ramener sous la même bannière les hommes en quête de vengeance qu’une personne qui s’est battue toute sa vie contre celui qui a exterminé son peuple ? Thalès allait mener au combat les pires monstres de l’univers contre l’ultime de ceux-ci. Il suffisait de les trouver, et pour ça de se faire connaître.
- Amondo, nous allons piloter ce tas de ferraille pendant que le gosse va aller se soigner en cuve, ordonna-t-il implicitement. Nous allons sur Brutael IV.
Ne pouvant s’empêcher de s’interroger avant de partir, Roket posa une question :
- Brutael IV ? Mais c’est la guerre là-bas, on ne va pas interférer alors que des dizaines de généraux plus forts que nous y sont !?
- Gamin, déjà on va y aller mais en plus on va se battre contre ces généraux.
- Mais…
- La guerre est essentiellement spatiale pour le moment, seuls quelques avant-postes ont pu être déployés sur Brutael IV, et on va justement se servir de cette faible présence de soldats de l’Empire sur le globe pour organiser une résistance puissante.
- Qui voudrait obéir à des soldats de l’armée ? Même si nous sommes des déserteurs, ils ne nous croiront pas.
- Un saiyen qui obéit à Freezer ? Y’a que ce faiblard de Prince et son consanguin de larbin qui font ça sérieusement. Nous, on va profiter du fait que Brutael ne soit pas dans le secteur de Zarbon, et donc que l’avis de recherche arrive plus tard pour nous infiltrer. Suivez mes ordres et ne faites rien de stupide, ça doit faire dix ans que je travaille pour ce connard, alors je sais quoi faire.
- …
- Qu’est-ce que tu attends ? Va te coucher.
Roket, perturbé, s’en alla tout de suite. Prendre des forces sera vital pour ce que le conducteur du vaisseau puisse compter sur lui.
Thalès brisa les antennes de communication pour éviter qu’on ne repère le vaisseau et démarra. Ils s’échappèrent vite de l’atmosphère. Amondo appuya fixement son regard sur l’étendue désertique et la contempla, pensif. Un certain saiyen lui souffla sur l’oreille de loin :
- Hé, maintenant la vie, c’est devant toi.
Amondo regarda Thalès et acquiesça. Son avenir sera tracé dans le sang de la justice.
* * *
Le vaisseau amiral de la flotte du commandant Obey stationnait autour de Brutael IV, accompagné de ses seize Floors. Engins rapides, les Floors étaient très prisés pour les conquêtes spatiales, car peu chers, extrêmement mobiles et assez résistants pour encaisser des tirs plusieurs heures. Leur forme en V aérodynamique augmentait leur vitesse d’assaut, de déplacement et donc de fuite, tout en empêchant des tirs précis. Les Floors avaient cependant la seule contrainte de ne pas pouvoir garder énormément de personnel, avec un maximum de sûreté de trente. Leur nom, venant d’une langue disparue, signifiait entre autre qu’ils étaient capables, et c’était pour cela que leur célébrité fut acquise, de changer leurs ailes et moteurs en pattes capables de se poser et de se déplacer sur le sol terrestre. Ce changement de mode était un atout non-négligeable pour les conquêtes. Le commandant Obey privilégiait le nombre de seize, assurant ainsi un nombre égal en défense et en attaque de huit. Mais Brutael IV avait chamboulé tous ses plans.
La planète, la quatrième et dernière acquisition du légendaire colon pacifique Brutael, aussi appelé le démoniaque purificateur, se voyait largement protégée, d’une part par les nombreux canons anti-aériens capables d’endommager sérieusement un Floor à peine sa rentrée en atmosphère, mais aussi par l’ingénieuse armée de Brutael le cinquième, fils de l’empereur lumineux. Obey attaqua par surprise et conquit le sud de la planète, mais les résistances furent farouches, ainsi une grosse partie des avant-postes furent réduits à néant. Seule une base, celle de Mortera, résistait encore et toujours du coté des envahisseurs, sur laquelle le sergent Najaï officiait.
Au centre de la planète, Brutael lui-même commandait de son trône l’armée gamaraénne, de l’ancien nom de la planète, Gamarane, soutenu par son fils, sa fille et ses élites. Le temple dans lequel il se terrait, lieu de croyances et de rites sacrées, était très imposant mais camouflé aux yeux des ennemis par un système magico-technologique qui ne laissait place qu’à un désert infini plutôt qu’à une structure. Ainsi, même la vision orbitale des vaisseaux d’Obey ne pouvait le discerner. Leurs tirs, rares mais concentrés, avaient déjà atteint cinq villes, trois villages de pêcheurs développés sur des dizaines de kilomètres, et deux fausses villes, tracées par les magies des gamaréens.
D’ailleurs, ceux-ci maîtrisaient des magies millénaires. Les contes et légendes de la planète narraient les aventures d’un titan capable de se transformer en tout fruit de la création, ayant alors vaincu les démons détruisant les terres grâce à son ingéniosité. À sa mort, son corps se dégrada en des milliards et milliards de fils d’énergie éthériques, lesquels se dispersèrent et pouvaient être récupérés par les gamaréens pour tisser leurs fils illusoires. Lorsque Brutael conquit la planète, il glorifia ces croyances et les considéra comme sacrées dans son parcours vers l’illumination. Les magies gamaréennes sont devenues pieuses. Au niveau physique, les gamaréens étaient chétifs, jaunâtre et pourvus de cornes, d’apparence humanoïde avec des sabots et tachetés sur les bras, lesquels arrivaient aux genoux. Leur taille dépassait les deux mètres mais leur finesse ne leur accordait qu’un poids ridicule de trente kilogrammes. Ils n’étaient pas du tout des guerriers à cause de leur frêle constitution, mais des magiciens capables de toutes disciplines dans ce domaine, ainsi que de rusés et fourbes calculateurs. Les quelques migrants dans l’armée de Freezer étaient de puissants soutiens.
Ce contexte de guerre n’avait laissé pénétrer dans l’atmosphère brutaelienne aucun Floor, aussi le commandant Obey eut d’extrêmes difficultés à conquérir ce monde qu’il aurait cru plus simple à vaincre. Il avait sous-estimé l’expérience de Brutael, propriétaire de quatre planètes, et aucune sous contrôle d’un des trois empires ! Le sergent Najaï tentait plutôt de faire résister Mortera que de prendre du terrain. Il fallait vite que les renforts arrivent, mais le gérant de ce secteur de la galaxie, Dodoria, préférait garder les troupes pour ses propres attaques.
C’est pour cette raison qu’Obey fut décontenancé de voir un vaisseau ridicule s’approcher de sa flotte.
S’engageant dans les garages du vaisseau amiral, les Floors n’en étant pas pourvus, le vaisseau de renforts B-612 ouvrit sa porte trouée dans le hall, accueilli par une quinzaine de gardes armés à 1500 unités de moyenne. Après quelques secondes d’hésitation, Amondo, une goutte de sueur sur le front, se tint droit et fit face à l’assistance. Roket, les genoux tremblants, se tint à ses cotés. Sortant de l’ombre après que la couleur soit annoncée, un humain aux longs cheveux noirs, au nez aquilin et au menton fin, dans une armure dorée d’élite laissant traîner une cape violette, regarda de ses yeux perçants, presque félins, le dernier nuttsien. Ainsi, le commandant Obey plaça les premiers mots :
- Un vaisseau aussi ridicule portant la signature de l’Empire, mais ayant coupé tout signal. Vous avez eu de la chance que je ne vous abatte pas à vue en pensant à des voleurs !
Le guerrier à la natte fit porter sa voix pour qu’Obey l’entende correctement :
- Je suis le dernier nuttsien, de la planète Nutts aujourd’hui sous contrôle de l’Empire. Ce vaisseau a été envoyé en renforts sur ma planète pour soutenir votre armée. Des vandales ont assassiné le personnel affecté. Ce garçon en est le seul survivant, et nous nous sommes occupés d’éliminer ceux qui avaient endommagé le vaisseau et interrompu la mission. Nous avons erré dans l’espace durant des jours sans savoir où nous allions, notre matériel a été brisé.
- Comment puis-je croire à votre histoire ? N’êtes vous pas vous-mêmes un de ces vandales ?
- Je ne serai pas venu me réfugier ici, je ne suis pas suicidaire.
Le commandant sourit à cette remarque. Il chuchota quelques mots à un homme à sa droite et celui-ci lui donna un scouter, qu’il posa sur son œil droit. Encore une fois, un rictus s’afficha sur ses lèvres :
- Et cet être à 5000 unités qui se trouve dans le vaisseau. Il est suicidaire lui ?
- Que voulez-vous…
Le commandant Obey chargea une boule d’énergie mauve et commença à hurler :
- Qu’il sorte d’ici ou je fais exploser votre vaisseau sur le champ !
Roket donna un coup d’épaule à Amondo, lequel transpirait déjà. Il lui chuchota alors :
- J’ai trouvé. L’énorme gond vert foncé en haut à droite.
- Tu es sûr ?
- Oui…
Une veine saillante se dessina sur le front d’Obey qui redoubla de puissance :
- Ne m’obligez pas à abréger le décompte… Je ne suis pas quelqu’un de patient !
- Maintenant ! cria Roket en tremblant comme le plus froussard.
Le dernier nuttsien tira un de ses kikohas rougeoyants sur le gond dont parlait son coéquipier, provoquant la fureur du commandant qui n’attendit pas que la boule d’énergie touche au but pour abattre le vaisseau. Les soldats en avant, apeurés, reculèrent pour leur vie. Roket et Amondo placèrent leurs bras devant eux pour se protéger désespérément de l’attaque qui les tuerait. L’explosion double transforma le garage à vaisseaux en une vaste étendue poussiéreuse brunâtre, et aucune vie ne semblait laisser signe. Puis, sur la porte trouée du vaisseau, on vit une botte brûlée, une botte en décomposition accélérée, chaussée par une jambe musclée, qui au fur et à mesure de la descente de la fumée, laissa découvrir une queue frétillante, puis un bras en avant, grillé jusqu’à l’os, ayant encaissé l’entièreté de l’explosion. Le regard que Thalès porta au général Obey encore haletant de l’attaque dévastatrice qu’il avait exécutée était significatif. Se redressant, le saiyen au bras dévoré par l’attaqué, auquel manquait une partie de la peau du torse et du visage, acheva le moral des officiers le dévisageant. Plus qu’un démon, la prestance diabolique de son regard et sa blessure horrible n’appelaient pas à ce qu’on le définisse comme un simple homme, mais comme une bête sauvage.
Thalès attendit qu’enfin toute la poussière se soit écartée pour montrer que derrière lui, Amondo et Roket n’avaient pas été tués, mais surtout que dans sa main droite encore intouchée, était tenu par le cou un ridicule tas de chair manchot, Copper qui tentait de ne pas mourir par suffocation. Les yeux du commandant Obey s’injectèrent de sang en voyant que leur vaisseau avait été annihilé, mais pas eux…
...ils redoublèrent de volume en apercevant l’Espace se découvrant devant lui.
Le gond de l’immense entrée du vaisseau amiral avait été brisé et cette dernière repoussée en arrière par l’explosion dantesque d’Obey. Le vide infini déferlait en quelques secondes sur les soldats. Certains suffoquèrent quelques secondes avant de geler complètement. D’autres virent le contenu de leur crâne sortir par leurs oreilles avant. Obey hurla et son aura l’entoura, le sauvant de la mort.
Copper, son dernier bras valide en avant, créa un bouclier magique bleuté autour d’eux, Amondo et Roket, s’assirent en sûreté à l’intérieur. Le magicien noir souffrait de la pression des doigts du saiyen sur son frêle dos, obligé d’obéir pour ne pas mourir. Le guerrier à queue de singe toisa Obey qui rampait en tentant de maintenir son énergie assez chaude :
- Rappelle-toi de mon nom : Thalès. La prochaine fois que tu l’entendras, c’est quand cette planète sera devenue mienne et que le peuple le clamera !
La bulle de Copper s’éloigna dans le vide. Le groupe vit le commandant s’enfuir en hurlant vers le centre du vaisseau. En sécurité, le saiyen s’assit et serra les dents de douleur, souffrant le martyr comme cinq mille vies. Amondo et Roket respiraient comme s’ils avaient échappé à un combat contre Freezer lui-même. Enfin, la grenouille grise continuait de canaliser son énergie, les mains collées sur la bulle, pour empêcher cette dernière de se dissoudre. Il se permit de pitoyablement crier sur le saiyen de sa voix chétive et faiblarde :
- Où... allons nous !?
Dans un grognement qu’il eut du mal à laisser sortir, Thalès révéla :
- Brutael IV. Conduis nous là-bas en vie…
Il ferma les yeux et se reposa. Amondo crut un instant qu’il agonisait mais il n’en était rien. Ce coup d’éclat de la part du petit groupe était risqué, mais il n’y avait pas d’autres moyens pour eux d’atteindre le globe que de porter l’attention sur le vaisseau amiral. Comme le remarqua Roket, les Floors se sont stationnés près du plus grand véhicule pour endiguer l’attaque après le signal. Personne pour surveiller leur entrée, et trop petits pour être abattus par les canons anti-aérien, le plan impossible à mettre en place s’avéra fructueux.
Le plus dur restait cependant à faire.