Je ne sais pas si ça sera aussi pertinent que les remarques de Zhatan mais voilà ce que m'inspire le manifeste:
Le viol est un crime. Mais la drague insistante ou maladroite n’est pas un délit, ni la galanterie une agression machiste.
Bon, on commence avec des remarques assez consensuelles sur lesquelles peu de monde aura à redire je suppose.
À la suite de l’affaire Weinstein, a eu lieu une légitime prise de conscience des violences sexuelles exercées sur les femmes, notamment dans le cadre professionnel où certains hommes abusent de leur pouvoir. Elle était nécessaire.
Ok.
Mais cette libération de la parole se retourne aujourd’hui en son contraire : on nous intime de parler comme il faut, de taire ce qui fâche et celles qui refusent de se plier à de telles injonctions sont regardées comme des traîtresses, des complices !
Rien compris. On oblige à dire quoi désormais ?
Le #metoo a entraîné dans la presse et sur les réseaux sociaux une campagne de délation et de mise en accusation publique d’individus qui, sans qu’on leur laisse la possibilité ni de répondre ni de se défendre, ont été mis exactement sur le même plan que des agresseurs sexuels. Cette justice expéditive a déjà ses victimes, des hommes sanctionnés dans l’exercice de leur métier, contraints à la démission, etc., alors qu’ils n’ont eu pour seul tort que d’avoir touché un genou, tenté de voler un baiser, parlé de choses « intimes » lors d’un dîner professionnel ou d’avoir envoyé des messages à connotation sexuelle à une femme chez qui l’attirance n’était pas réciproque.
Alors, c'est vrai que la délation sur internet pose de grandes difficultés mais au final, je n'ai pas l'impression que les #MeToo et #BalanceTonPorc aient eu beaucoup de victimes. Il y en a eu sans doute mais j'ai trouvé que les personnes qui témoignaient sur Twitter dans leur immense majorité avaient eu la grande sagesse de décrire des situations et pas de donner des noms. ça m'a d'ailleurs surpris de voir que les médias en avaient une vision apparemment si différente, comme si des milliers d'hommes avaient été dénoncés. Franchement, je ne sais pas si j'ai vu plus de deux ou trois twits permettant d'identifier quelqu'un.
Cette fièvre à envoyer les « porcs » à l’abattoir, loin d’aider les femmes à s’autonomiser, sert en réalité les intérêts des ennemis de la liberté sexuelle, des extrémistes religieux, des pires réactionnaires et de ceux qui estiment, au nom d’une conception substantielle du bien et de la morale victorienne qui va avec, que les femmes sont des êtres « à part », des enfants à visage d’adulte, réclamant d’être protégées.
Comme dit
supra, je n'ai pas trouvé qu'il y avait de fièvre à dénoncer des porcs donc je ne peux pas arriver à la conclusion de l'auteur. Et même si c'était le cas, faudrait savoir; la prise de conscience postérieure à l'affaire Wenstein était elle nécessaire ou pas finalement ? Je ne vois pas en quoi dénoncer des harceleurs servirait à lutter contre la liberté sexuelle. ça pourrait être utilisé par les ennemis de la liberté sexuelle, les extrémistes religieux, etc, certes, mais il faut aussi que chacun sache faire la part des choses.
En face, les hommes sont sommés de battre leur coulpe et de dénicher, au fin fond de leur conscience rétrospective, un « comportement déplacé » qu’ils auraient pu avoir voici dix, vingt, ou trente ans, et dont ils devraient se repentir. La confession publique, l’incursion de procureurs autoproclamés dans la sphère privée, voilà qui installe comme un climat de société totalitaire.
J'ai pas vu d'hommes se repentir de simples "comportements déplacés".
La vague purificatoire ne semble connaître aucune limite. Là, on censure un nu d’Egon Schiele sur une affiche ; ici, on appelle au retrait d’un tableau de Balthus d’un musée au motif qu’il serait une apologie de la pédophilie ; dans la confusion de l’homme et de l’œuvre, on demande l’interdiction de la rétrospective Roman Polanski à la Cinémathèque et on obtient le report de celle consacrée à Jean-Claude Brisseau.
Plutôt ok avec ça. Ne pas confondre l'oeuvre et son auteur.
Au bord du ridicule, un projet de loi en Suède veut imposer un consentement explicitement notifié à tout candidat à un rapport sexuel ! Encore un effort et deux adultes qui auront envie de coucher ensemble devront au préalable cocher via une « Appli » de leur téléphone portable un document dans lequel les pratiques qu’ils acceptent et celles qu’ils refusent seront dûment listées.
Démonstration par l'absurde. Comme d'hab, le problème est que l'absurde ne survient jamais dans la vraie vie.
Ruwen Ogien défendait une liberté d’offenser indispensable à la création artistique. De la même manière, nous défendons une liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle.
En fait c'est pas vraiment une liberté d'importuner, c'est une liberté d'aborder qui comprend un risque d'importuner celle qu'on aborde. Le but de la drague n'est pas d'importuner (surtout pas) mais ce risque doit pouvoir être pris.
Nous sommes aujourd’hui suffisamment averties pour admettre que la pulsion sexuelle est par nature offensive et sauvage, mais nous sommes aussi suffisamment clairvoyantes pour ne pas confondre drague maladroite et agression sexuelle.
Oui à ce sujet je suis très surpris des arguments - en général masculins - qui consistent à dire, depuis les #MeToo et #BalanceTonPorc, on ne sait plus comment aborder une femme sans passer pour un harceleur. Je suppose que de part ma formation universitaire, je suis particulièrement bien placé pour savoir ce qui relève de l'agression ou non mais même avant cela, je savais parfaitement faire la différence entre une drague et du harcèlement.
Donc soit il y a un vrai problème d'éducation de ceux qui disent cela, soit c'est un bien joli morceau de pipeau. Et je penche plus pour la deuxième option.
Surtout, nous sommes conscientes que la personne humaine n’est pas monolithe : une femme peut, dans la même journée, diriger une équipe professionnelle et jouir d’être l’objet sexuel d’un homme, sans être une « salope » ni une vile complice du patriarcat.
Ok.
Elle peut veiller à ce que son salaire soit égal à celui d’un homme, mais ne pas se sentir traumatisée à jamais par un frotteur dans le métro, même si cela est considéré comme un délit. Elle peut même l’envisager comme l’expression d’une grande misère sexuelle voire comme un non-événement.
Oui pourquoi pas mais il s'agit quand même d'admettre que d'autres puissent mal vivre cette expérience. Et s'agissant d'une agression, il parait normal qu'une majorité vive mal cet événement.
En tant que femmes, nous ne nous reconnaissons pas dans ce féminisme qui, au-delà de la dénonciation des abus de pouvoir, prend le visage d’une haine des hommes et de la sexualité.
Argument typique des anti-féministes. Certaines féministes sont peut-être misandres mais ce n'est pas ce qui caractérise le féminisme.
Nous pensons que la liberté de dire non à une proposition sexuelle ne va pas sans la liberté d’importuner. Et nous considérons qu’il faut savoir répondre à cette liberté d’importuner autrement qu’en s’enfermant dans le rôle de la proie. Pour celles d’entre nous qui ont choisi d’avoir des enfants, nous estimons qu’il est plus judicieux d’élever nos filles de sorte qu’elles soient suffisamment informées et conscientes pour pouvoir vivre pleinement leur vie sans se laisser intimider ni culpabiliser. Les accidents qui peuvent toucher le corps d’une femme n’atteignent pas nécessairement sa dignité et ne doivent pas, si durs soient-ils parfois, nécessairement faire d’elle une victime perpétuelle. Car nous ne sommes pas réductibles à notre corps. Notre liberté intérieure est inviolable. Et cette liberté que nous chérissons ne va pas sans risques ni sans responsabilités.
Franchement, je ne sais pas trop quoi penser de cette fin. Je ne contredis pas forcément ce qu'il est dit mais je crois que ne partageant pas les prémices des auteures de cette tribune, je n'en partage pas les conclusions ou au moins, pas pour les mêmes raisons.