Chapitre 26: Embrouilles
Candya regardait la table devant elle. Elle y avait posé tous ses pions, chacun signifiant un membre puissant de l’armée révolutionnaire, de manière à savoir qui commandait. Heureusement, la salle se montrait assez peu éclairée, ainsi par les hublots du vaisseau d’Ein on ne pensait pas à viser par ici en premier, contrairement aux étages supérieurs qui étaient bombardés par les missiles de Rafi au sol. Elle fit le point sur les unités disponibles en essayant d’oublier la possibilité qu’elle pourrait exploser à tous moments avec le vaisseau : Giorno venait de se diriger vers le QG histoire de sauvegarder quelques plans et mettre fin à la vie de Memento. Aucune nouvelle de lui depuis lors bien que des espions ont pu transmettre la défaite des troupes de Memento, broyées par les abominations fongiques. Laito avait été envoyé en renfort. Plus au nord, Tial et Diavlo se perdaient corps et âmes dans le combat au sol, soutenus par tout le monde. Naranz de même y était. Bacchio surveillait le terrain depuis son avion, mais il a été confirmé qu’il avait dû battre retraite à cause de dommages graves sur sa machine. A Morio, les soldats divins avaient été mis en déroute mais continuaient de garder l’endroit. Pour finir, ici dans le vaisseau, Entier, Ginue, Tekla et Mani se tenaient prêts à être parachutés.
Après avoir passé un large coup d’oeil sur les autres troupes moins importantes, Candya se remémora les informations quant aux ennemis : depuis que Kavoth avait été tué, il ne restait plus que huit des « neufs »Récemment, Gobels avait été vaincu aussi. D’après les informations de feu Bruno, à Thomore se trouvait toujours au moins trois de cette élite suprême. On savait depuis peu que la fameuse et destructrice Boraliza avait rejoins le combat. En ce sens, et avec le fait que Memento était certainement en duel contre Giorno, il ne pouvait comme surprise n’y avoir que trois des « neufs ». Mais outre le vaisseau, Candya avait heureusement trois atouts dans sa manche, trois petites armes de secours qui rivaliseraient avec ces trois personnes là : seulement deux étaient connues. Parmi celles que les leaders rebelles connaissaient tous, il y avait le canon principal du vaisseau qui d’après les tests pourrait raser la moitié de Thomore. Mais ce furent les dires d’Ein. Difficile de croire là-dessus. La seconde révélée était Ein elle-même : sa force gigantesque serait un effet de surprise étonnant, d’autant que sa nature extraklimienne pourrait démoraliser l’armée ennemie.
Tout cela était bien beau, mais Candya avait encore bien plus peur d’une chose. Un élément qui la troublait depuis deux ans à un point tel qu’elle n’en dormait pas parfois. Et cela, un élément qui changerait certainement le cours de la bataille…
...c’était Laktoz.
Candya avait l’horrible impression que son amie sera de la partie. Entier était aussi à bord du vaisseau, aussi quand il vit les quelques gouttes perler sur le front de sa femme, il alla la voir :
-Tout va bien ?
-Que ferais-tu si Laktoz se battait ?
-Je...C’est une question difficile. Je pense qu’elle est devenue plus forte que moi, mais son pouvoir est à double tranchant.
-Justement. Tu prévois de te battre contre elle ? Il n’y a que nous deux qui en connaissons la nature.
-C’est notre devoir de la mettre en déroute, elle est dangereuse. Pour tout dire, je pense même que Giorno est incapable de la vaincre. Je ne suis même pas sur qu’à nous trois on puisse ne serait-ce que la blesser.
-Encore une fois...tu ne saisis pas mes paroles. Jusque...Jusqu’où irais-tu ?
-Je serai incapable de la tuer. Elle a été mon amie la plus précieuse, celle qui m’a toujours motivé à être celui que je suis, avant que tu ne deviennes cette personne. Sans vous trois, avec Tial, je n’aurai jamais été...moi.
-Je suis trop faible pour la tuer mais...si je le pouvais, je le ferai.
-Tu es...sérieuse ?
-Je suis la générale en chef de cette armée. Diavlo, Giorno et...Bruno...ont fait leur temps. Je suis orgueilleuse mais sans moi nous serions tous encore en train de préparer notre révolution dans deux garages délabrés. Laktoz a rejoins l’autre camp : elle est notre ennemie.
-Elle est aveuglée par son désir de combat !
-Et elle a choisi de combattre contre moi. Tu vois ces pions ? Ils représentent tous les ennemis les plus dangereux. A la fin de la journée, je veux qu’il n’y en ait plus aucun sur la table. Celui-ci, c’est celui de Laktoz.
-Tu es déterminée et je ne pourrais rien dire. De toute façon, je suis à tes ordres.
-Ne dis pas ça comme ça.
-Depuis que je vous ai tous abandonnés il y a quatre ans, je me dois de me faire pardonner. Dans mon esprit, ce n’est toujours pas fait. Obéir à la personne que j’ai le plus déçu est la moindre des choses à faire.
-Nous parlerons de ça plus tard. J’ai un plan qui risque comme toujours de dégénérer ou de réussir avec brio.
-Explique toi.
-Sois surpris : demain, nous aurons tué Rafi. Thomore tombera avec lui.
-Demain !? C’est impensable !
-Nous ne sommes que le matin. J’ai prévu de capturer la dernière des bases cardinales vers 16 heures. Ensuite, j’ordonnerai à tout le monde de se diriger vers Thomore. Contrairement aux soldats de Rafi qui se relaient tous à des heures précises, nous nous sommes capable d’opérer sur des missions de plusieurs jours. Nous aurons l’avantage de l’endurance.
-C’est de la folie !
-Le sacrifice de Bruno n’aura pas été vain. Il sera la clé de notre victoire, enfin. Entier, nous sommes nés dans le pire des endroits, nous nous sommes battus comme des diables et alors que notre espoir nous a menti, cette cité prometteuse, nous nous sommes élevés pour continuer ce que d’autres ont débutés, pour enfin un endroit sur cette maudite planète où l’on peut vivre heureux. Tu veux encore attendre des années pour arriver à cet idéal ?
-J’espère que tu sais ce que tu fais.
-Mais maintenant je vais te donner des ordres plus concrets, mon amour. Emmène Mani avec toi, je vous veux juste ici…
Candya montra un pan de ville qui se trouvait proche du théâtre des affrontements. De manière sûre, cet endroit avait été déserté, mais du fait de son irrégularité de terrain, il constitue un frein à toutes les avancées dans les deux sens. Cependant, c’était aussi un chemin direct mais très long entre la base ennemie et le QG. Si des renforts d’élites, c’est à dire en très petit nombre, voulaient aider Memento, alors ils passeraient par ici. Une autre éventualité était qu’ils fassent un énorme détour, mais le temps manquait à la dictature pour organiser ses défenses. La probabilité pointait vers l’hypothèse de Candya.
-Qu’est ce que nous allons y faire ?
-Vous allez être parachutés là-bas pour servir de barrière aux renforts probables de Memento. Rafi ne voudrait pas gâcher ses meilleures unités en les faisant passer par les voies que nous contrôlons, c’est à dire toutes, même si nous sommes en difficulté par les airs. Il n’y a que par ici qu’ils seraient susceptibles de passer.
-Et pourquoi seulement nous deux ?
-Parce que je ne peux pas prendre le risque non plus de diviser nos troupes. La poussée exceptionnelle que nous leur faisons subir les démoralise. S’ils voient qu’une partie des troupes bat en retraite, cela pourrait en motiver certains. De toute façon, ils ne seront pas plus d’une centaine, ce qui est suffisant pour vous deux.
-Et pourquoi Mani ?
-Contrairement à vous tous, Mani ne représente rien pour moi. Il n’est qu’une monnaie d’échange. Imaginons que son père apprenne sa mort, peut-être qu’il accourra pour se venger. Rien que le fait qu’il se situe tout proche pourrait aider à notre cause. Tu saisis ?
-C’est un peu crue comme façon de voir les choses.
-Mani vous berne par ses belles paroles mais je ne l’ai jamais cru. Crois moi : c’est un opportuniste. Si nous perdons, il nous trahira à la fin et il prétendra s’être infiltré.
-Et bien je vais aller le voir et lui dire. Bonne chance. Appelle au moindre problème, tu es la première personne que j’irai secourir.
-Porte toi bien.
Il ne fallut pas plus de temps à Entier pour attraper le fils de Memento et le jeter dans le vide. Mani ne savait rien de sa mission.
* * *
Peu de gens pouvaient remarquer le contraste étrange entre les deux manières de voir le champ de bataille : dedans et hors. De chaque coté, chacun soutenait l’effort de guerre, mais pour ceux qui faisaient parti de chacun, le poids décuplait sur leurs épaules. C’était le cas de Naranz.
Le combat violent au sol, dirigé par Tial et Diavlo, se montrait d’autant plus sanglant que les deux hommes étaient des brutes. Si le jeu avait été défensif, la difficulté aurait été plus forte, mais étant donné la nature offensive de l’assaut, s’inquiéter serait juste une erreur. Cependant, il ne fallait pas croire que tout était rose : Tial, en première ligne, encaissait avec son propre corps toutes les épines et coups ennemis. Les autres qui constituaient la ligne de front tombaient un par un dans la plus pure boucherie. En fait, certains couraient derrière pour récupérer les corps de leurs amis et les bouger pour qu’ils ne gênent pas. Ceux des ennemis étaient piétinés, servaient de tremplin. L’effet de surprise, la démoralisation, le sous-nombre, et la liste était encore longue pour expliquer pourquoi les soldats de la dictature restaient si faibles. On penserait héroïque malgré le bain de sang la scène, mais il n’en était rien : balayer le champ de bataille et voir en arrière la montagne de corps laissait un goût plus qu’amer dans la bouche. Si vous y étiez, vous n’aviez même pas une chance sur deux.
Dans le vaisseau, dans les hauteurs, simples spectateurs, et les autres qui étaient obligés de voir le massacre, s’en rendaient compte mais ne participaient pas outre mesure. Ils espéraient simplement la fin. Certains même n’avaient pas de camp, voulaient simplement que cela finisse, que tout se taise. Par la dictature comme par les rebelles des soldats avaient été dépêchés pour emmener les civils en lieu sûr. L’Histoire retiendra même des noms de personnes des deux camps s’étant alliées pour protéger les innocents de ces conflits idiots. Les cris de toutes ces familles qui espéraient que leur fils ou leur fille ne meurt pas, en sachant qu’il ou elle n’était pas en vie ceinturaient l’énorme champ de bataille comme une chorale morbide.
Perché, Naranz pouvait alterner entre ces deux univers. Il préféra intervenir dans la bataille en contrebas. Après tout, son arme n’était pas faite seulement pour tuer. Candya lui avait confié une mission différente de celle des autres snipers. Son Prince avait été modifié par Laito et présentait un chargeur étrange, bifurquant vers le haut. Un prototype étrange qui dépassait en terme de puissance toutes les autres machines. Son viseur n’espérait pas trouver les autres snipers pour les abattre, mais scrutait le sol dans l’espoir d’y voir quelqu’un. Naranz savait exactement à qui il devait percer le crâne.
Mais le sang n’était pas assez proche, il fallait du concret. Tial n’avait jamais autant été au paroxysme de son art, celui de chasser, celui de tuer. Il avait été pourvu d’une armure de combat extrêmement performante et il avait été chargé de foncer dans le tas, pour le dire crû. Menant une des deux parties de la mêlée, il servait de clou supersonique pour bénéficier encore plus de l’effet de surprise. Malheureusement, son élan implacable ne lui laissait pas le temps pour s’occuper des blessés, et nous comprenons aisément pourquoi nous appelions ça une boucherie. Il fallait dire que ceux qui n’avançaient pas étaient piétinés, et ceux qui ne sautaient pas au bon moment alimentaient le cercle vicieux. Au final et parmi l’horreur, tout se passait pour le mieux. Par l’explosion, la muraille avait été percée, mise à jour pour laisser rentrer dans la grande base l’armée rebelle. Et après quelques dizaines de minutes de combat, Tial pénétra dans la base prêt à tout faire sauter.
Si Tial était le clou, alors Diavlo était le marteau. En profitant de la puissance de son allié, il poussait le groupe encore plus fort en se débarrassant de tout ce qui gênait : cadavres ennemis et alliés, unités spéciales, snipers, tactiques surprises. Le dévouement et le sens du sacrifice des fidèles de Diavlo était considéré comme du fanatisme, mais était diablement efficace : le vieux manipulateur qu’il était servait aussi de relais de renseignements entre Candya et le front et des unités très originales pouvaient se prêter au combat, avec les plus connus, les fusées de Diavlo, des vieillards incapables de tenir une arme qui n’en avaient pas grand-chose à faire d’être propulsés par des explosifs, tant qu’ils convoyaient les messages à temps. Dans un sens, les quelques explosions ici et là ressemblaient à des feux d’artifices. Diavlo lui-même traversait le champ de bataille, mais il était moins jeune et se faisait entourer de gardes d’élites, mais élites dans le sens la crème de la crème de luxe, mention élite. Il arrivait de lui-même à quelques pas de la base.
Cependant, quelqu’un les y attendait, et ce fut prévisible de l’attendre : Kahei, la muraille vivante. D’habitude, Kahei gardait la citadelle de Thomore, elle en connaissait tous les recoins, avait mémorisé tous les pièges et tous les passages secrets, mais jour de malchance, elle n’y était pas aujourd’hui, jour de repos. Enfin, ça aurait été un jour de repos si on ne l’avait pas appelée pile à ce moment là pour « sauver Talia ». Son armée personnelle avait aussi été dépêchée. En somme, une véritable masse informe de guerriers et guerrières munies de boucliers plus grands qu’eux. En voyant l’attroupement de boucliers, Tial ne stoppa pas son avancée, n’ayant finalement et simplement pas compris que parmi tout ça se cachait une membre des neufs.
Quand son corps tout entier fut projeté à quelques mètres de là, il y pensa.
* * *
Voilà donc un personnage qui a été oublié depuis longtemps : Trysh. Trysh faisait parti d’un plan de Candya visant à...négocier avec les autres états. En effet, la géopolitique du monde de Klim n’était pas si compliquée mais finalement ne s’arrangeait pas, preuve étant que Rafi K. Ouki n’était pas le dernier des imbéciles. Au nord, le grand état de Kurimu n’avait pas tenté de se battre contre Rafi. En effet, des croyances religieuses avaient emparées le pays, et les incroyables avancées technologiques, de loin les plus poussées de la planète, se constituaient ennemies. Avec un pouvoir aux mains du fanatisme mais le pays entier ne devant sa survie qu’à une technologie omniprésente, les conversations internationales devinrent compliquées. Grâce à la conscience de beaucoup de politiciens qui restaient en place grâce à leur popularité, une paix civile s’installa, malgré quelques attentats pour l’un ou l’autre camp. Aveugles sur les situations à Talia et Morio, ils préférèrent attendre que leur propre situation ne se débloque.
Mais les Kurimiens avaient un sombre secret.
Il y a dix ans, Kurimu développa une bombe si puissante que sa simple explosion ferait rentrer le monde entier dans un hiver nucléaire et passer la population klimienne à 10 % de son état actuel, pas la situation espérée par beaucoup en somme. Certains politiciens, parmi les rares à connaître l’existence de cette arme, crurent bon d’utiliser celle-ci à des fins dissuasives, mais d’autres voix s’élevèrent pour éviter que l’existence de cette bombe ne trouble la population. Cependant, force était de constater que Talia ne pourrait pas considérer le danger potentiel de cette arme comme nul, ainsi les scientifiques tentèrent de réguler la puissance de l’arme atomique pour ne pas qu’elle puisse détruire plus que le pays de Talia au maximum. Des taupes de Morio opéraient déjà sur le terrain de Kurimu, apportant ainsi toutes ces informations. Celles ci coûtèrent leurs vies, pour une majorité. Ainsi, Trysh n’avait pas d’autre but que celui de...récupérer cette bombe. Candya ne comptait pas ce bonus comme ses acquis, comme quelque chose qui jouerait un rôle dans la bataille actuelle. Seulement, pour plus tard, au cas où.
La guerrière venait d’infiltrer avec un groupe armé la base militaire où devraient se trouver les missiles. Kurimu n’avait jamais été très belliqueuse, et n’avaient pas les meilleurs militaires. La science, la science, toujours la science, on négligeait les soldats, qui à défaut d’avoir un bon entraînement étaient dotés de bons équipements. Enfin bon, face aux biceps de Trysh, tes millimètres d’épaisseur d’armure, ça ne signifie pas grand-chose. Sans prendre le temps de couvrir ses arrières, en soi un risque énorme, Trysh attrapa une bonne partie des officiers supérieurs de la base, en enferma une bonne partie et prit en otage discrètement les deux dirigeantes de l’endroit, allongées, incapacitées, à la merci de Trysh et ses gars :
-Nous avons balayés toute la zone, et il n’y a pas une seule bombe, ce serait sympa de nous dire où ça se cueille avant que je ne perde patience, engagea-t-elle.
-Vous êtes des terroristes ? De Talia ? paniqua une des deux otages.
-Oui et oui, mais on est pas les méchants. Moi si, mais pas les autres.
-La bombe est ici, mais nous ne vous céderont rien ! Ouki n’a qu’à venir chercher les bombes lui même !
-Oh, justement voilà la méprise. On est pas pour Ouki, mais au nom de la rébellion de Talia.
-Et alors ? Vous finirez simplement par le remplacer, peut-être en pire ! En voilà la preuve, vous venez voler une arme dangereuse !
-Vous savez très bien à Kurimu que Rafi passera un jour par chez vous pour y imposer son mode de vie. Vous avez des enfants madame ? Moi j’avais une fille, elle a été subjuguée par leurs discours, elle est partie dans leur armée et elle est morte en campagne. La dernière fois que je l’ai vue, c’était quand elle était partie le sourire aux lèvres de pouvoir servir son pays ! Si vous pensez que ça m’amuse de vous coller un flingue sur la tempe, alors que vous avez peut-être des gens qui vous attendent à la maison, vous vous trompez.
-Pourtant, vous voulez une arme capable de raser le pays entier. C’est ça votre justice ?
-Nous nous dévouons corps et âmes pour que Talia redevienne comme elle a été par le passé. J’obéis aux ordres, je ne sais pas ce qui est préparé avec ce qu’on cherche. Si ça ne tenait qu’à moi, j’évacuerai tout le monde avant de tout faire sauter et effacer cette image de merde qu’est devenue la ville que ma fille aimait tant. On aurait pas pu négocier l’arme ultime, donc on vient la prendre. J’ai trop parlé, à votre tour, soyez constructive.
-Vous pensez valoir mieux qu’eux ?
-J’ai dis constructive, pas redondante.
-Et c’est dans ce sang, ces prises de force, la prise d’otage que vous nous faites subir que vous espérez bâtir un pays libre ? Vous êtes des barbares comme les autres, je préfère mourir que vous donner le moyen de tuer encore plus.
-Bon, écoutez : notre chef s’est fait sauter y’a quelques heures, la moitié de nos soldats n’ont que quatre bras, depuis plus de décennies que vous ne le pensez des gens crèvent parce qu’ils peuvent pas boire autre chose que leur propre pisse en regardant la photo de leurs proches décédés, on a tous buté des gens à tour de bras sans se demander ce qu’on faisait, on est des monstres à forme klimienne avec de sérieux problèmes physiques et mentaux. Alors oui, ce que vous dites, on le sait. Mais y’a des gens chez nous qui voient plus grands, mieux et sans tâche. On les croit, on les suit, ils sont nos raisons de vivre. On préfère être des sauvages qui se démerdent entre eux plutôt que des moutons incapables de penser par eux-mêmes, mais qui ont un frigo et la clim. Vous comprenez ? Rien n’est juste. Vous devriez revoir vos cours d’Histoire. Dernier avertissement : où sont les trucs qui explosent ?
-Je comprends votre rage et votre peine. Mais mettez nous à notre place. C’est le plus grand secret de notre pays, l’arme la plus puissante jamais conçue sur cette planète. En vous donnant son emplacement, je donne à des gens désorganisés le plus gros risque d’extinction de la race klimienne !
-Désorganisés, c’est pas ce qu’en dit cette opération. c’est pas moi qui suis attachée. Enfin bon, vous avez un courage que je n’aurai jamais cru voir ici. Alors, je vais être gentille et juste vous assommer le temps qu’on trouve. D’ailleurs, si ça peut vous rassurer, on a buté personne. On a blessé vos potes mais personne n’est mort.
-Si vous trouvez, essayez de faire le bon choix.
-Toujours !
Derrière son crâne, un soldat de Trysh lui amena la crosse de son fusil et elle s’allongea inconsciente auprès de l’autre cheffe de l’endroit qui ne parlait pas. Trysh s’agenouilla devant celle ci :
-Faut que je répète tout ?
-Je ne vous dirai rien non plus.
-Soyez plus coopérative, vous aurez un bon point.
-Assommez moi, qu’on en finisse…
-Non, je suis sur qu’on peut obtenir quelque chose de vous.
-Qu’est ce que je viens de dire !? N’essayez même pas de m’enrôler, je ne me laisserai pas faire.
-Elle je l’ai assommée, vous je vous tuerai.
-Mais vous êtes folle ! Pour…Vous êtes une folle !
-Pourquoi moi et pas elle ? C’est ce que vous alliez dire ? Je joue avec votre peur. Vous pensiez juste recevoir un coup sur la tête et nous ralentir, mais non, ce sera la mort. C’est injuste mais je suis pas venue avec un drapeau « Paix, amour, égalité ». C’est m’aider ou mourir.
-Vous ne le ferez pas. Vous n’avez tué personne, vous ne le ferez pas pour moi.
-L’exception qui confirme la règle ? Enfin bon. Ce serait trop cliché de faire un décompte, vous répondriez au 1, ça n’a pas de suspens. Alors je vais vous laisser une dernière phrase, choisissez bien vos mots, je serai implacable.
-Je vais vous aider...à...à…
-Voilà qui est raisonnable. Mais « à » quoi ?
-Je veux, j’exige… que vous ne relatiez pas ces faits à nos supérieurs. Savoir que j’ai volontairement offert la bombe la plus puissante du pays à des terroristes me vaudra la peine de mort. J’ai encore besoin de vivre pour stopper les attentats fanatiques de ces extrémistes qui détruisent le pays. J’espère que vous venez vraiment de Talia...Je ne supporterai pas de donner l’arme à ceux que je hais.
-Exiger n’est pas une bonne idée quand on a un fusil pointé sur le crâne. Soyez rassurée, nous savions tout ça. Quand nous serons partis, vos amis vous retrouveront tous assommés et attachés, avec un petit message signé de la part de Diavlo, un gars de chez nous qui est responsable de pas mal de trafics à Kurimu.
-Vous utilisez un gars de chez vous comme cible ?
-Diavlo est mal aimé ici. Il a lui même endossé la responsabilité de ces actions. C’est même lui qui a commandé toute cette opération.
-La bombe n’est qu’une garantie ?
-En vérité, je sais tout et c’est la marque du mauvais joueur.
-Expliquez vous.
-C’est simple : on perd, on lance la bombe, Talia est rasée, gagnants comme perdants, fin, Morio repasse sur les décombres, fais le ménage et tout rentre dans l’ordre.
-Et si vous gagnez ?
-Nous détruirons la bombe, sans déconner, vous vous rendez compte de ce que vous avez construit ? Vous rendez ça public et le monde est à vos pieds, moi je vous le dis.
-Ce serait lâche.
-On est plus à ça près. En parlant de ça, levez vous et guidez nous. C’était sympa mais j’ai plus le temps de causer. Allez.
Les rebelles s’emparèrent une heure plus tard de la bombe. Ils feront transporter celle-ci par avion et, même si les autorités de Kurimu avaient été prévenues et qu’elle s’opposèrent au transport, les rebelles réussirent à passer l’arme jusque dans les territoires rebelles. Pour information, Trysh n’aurait pas tué la commandante, de même qu’elle relâcha cette dernière comme les autres otages sans violence. Au total, deux personnes seront tuées dans l’assaut : une guerrière rebelle et un tireur embusqué kurimien lors de la bataille du transport de la bombe.
Les rebelles avaient réussis à obtenir un moyen de gagner la guerre peu importe les situations. Restait à savoir si ils gagneraient dans les mauvaises.
* * *
Kavoth Sven-Tvsekoeg avait écrasé son démon à l’intérieur de lui il y avait fort longtemps. Le guerrier n’avait jamais trouvé d’intérêt à garder son alter ego. La malédiction de sa famille pesait trop lourd sur sa conscience. Son frère Memento était de toute façon le préféré, il avait toutes les faveurs des ancêtres, et lui Kavoth se devait de suivre la cadence de son prodige petit frère. Ainsi, pour ne pas lui ressembler, et pour aversion pour cette malédiction, il obtint quelque chose de mieux : dans la drogue qu’était le Zaka modifié, il réussit à fusionner l’esprit de son démon avec le sien, et il obtint la force démentielle que le monde lui reconnut avant les événements de l’attaque initiale de la base Nord, il y a quatre ans. Son cas était unique, mais justement, c’était parce qu’il était unique qu’il était haït. Tout le reste de la famille Sven-Tveskoeg avait été tué, il ne restait maintenant plus que deux membres, père et fils. Le démon intérieur de Mani se montrait étrange, dans le sens où il n’agissait pas comme tous les autres démons : d’habitude, ils aidaient leur hôte à rester en vie. Dans le cas du démon de Mani, ce dernier semblait assoiffé de sang, se libérant quand il le fallait pour prendre des vies, et quand un élément le dérangeait, qu’il ne voulait le supporter, il laissait Mani le faire, souvent dans la douleur.
Bref, le cas classique et poussé à son paroxysme, c’était bien évidemment Memento, et son démon, Mori. Il n’avait pas un démon couard, donc il pouvait contrairement à son fils laisser sa vie être gardée par son démon, et il n’avait pas consumé le monstre comme son frère, permettant de libérer toute sa puissance. Et justement, Giorno, qui devait affronter la chose, commençait à comprendre pourquoi il avait toute la confiance de Rafi, parce que sa puissance dépassait l’entendement. Son aura, rouge foncée, recouvrait jusqu’à ses membres. On eut même dit qu’il n’avait plus six bras, mais simplement deux, deux énormes bras.
-Mori, pour vous servir...
Quand Mori s’approcha de Giorno dans l’espoir de le tuer, le leader rebelle ne resta pas statique.
Il avait peur.
Ce n’était pas une peur constante, une peur qui le hantera toute sa vie, elle était simplement passagère, éphémère, c’était l’aura de Mori qui le faisait frissonner, perdre ses moyens dans l’instant. En relativisant, Giorno comprit que Mori était moins fort, moins résistant, moins préparé, et qu’il n’avait pas à le craindre, pourtant il restait horrifié, son corps voudrait partir. C’était cela Mori, une incarnation de la peur dans sa plus simple idée, se diffusant plus vite qu’on le croit, avant qu’on ne le sache.
Mais Giorno devait affronter la peur, la surmonter pour sauver les intérêts de la rébellion. La première chose à faire était de faire partir Mori d’ici, pour ne pas qu’il détruise le QG. Prenant son courage à six mains, Giorno Gévana joua le jeu et créa l’illusion d’être encore plus apeuré qu’il ne l’était, cherchant de ses yeux une fenêtre par laquelle sauter. Mais alors qu’il faisait la comédie, Mori susurra :
-Non Giorno...La vraie terreur…tu ne la ressens pas encore…
Une voix de mort. Même un mort ne parlerait pas aussi mortellement, même une tombe trouverait le cadavre en dessous plus vivant. Cette fois, le cerveau de Giorno arrêta de réfléchir et il se laissa envahir. Il cherchait cette fois un échappatoire pour survivre. Quelque chose lui intimait de se battre, mais la peur avait le dessus, et Giorno brisa une fenêtre proche pour garder sa propre vie. Le simple fait de protéger sa vie avant l’intérêt de toute la rébellion lui était bien nouveau, car l’horreur qu’il ressentait annihila toute parcelle de notion de bien commun en son esprit.
Maintenant qu’il était à sa merci, Mori n’avait pas à aller bien loin. Giorno sera décontenancé et mourra vite. Memento lui avait promit plus que ça...autant dire que son alter ego était grandement déçu. Alors, il sauta aussi par la fenêtre, mais plus vite, et écrasa au sol le fameux Giorno, lui soufflant l’idée de pouvoir s’enfuir, et son cri de terreur résonna jusque dans les oreilles des soldats affrontant les abominations.
-Une fin minable pour quelqu’un de pathétique. Tout le monde espérait mieux de toi.
Le bras droit de Mori s’apprêtait à perforer la nuque de Giorno et l’assassiner, annihilant tous les espoirs de vengeance de Bruno, et peut-être après la motivation de tous les rebelles. Mais il fallait croire que l’intuition féminine avait un pouvoir immense. Un véritable barrage de roquettes fusa sur Mori qui fut obligé de battre en retraite par un saut périlleux sous peine de déguster. Les projectiles allèrent raser une habitation plus loin.
-Hey mon pote, je suis sûr que t’es content de me voir.
Laito, bien sur. Ainsi que son meilleur ami : le robot géant. Une véritable machine de guerre sortie tout droit des cerveaux du monde entier, Laito étant allé se servir dans toutes les contrées du monde, Kurimu incluse, pour s’offrir plus ou moins légalement les pièces de ce monstre mécanique. D’une apparence très simple, il était façonné pour détruire un maximum d’après son arsenal : juste au dessus du cockpit central, un énorme canon, sur chacun de ses bras énormes, des dizaines de lances-missiles, sur ses jambes massives, des pièges pouvaient être déclenchés, relâchés et activés, derrière, un énorme système de propulsion au zaka, et en guise de coeur, de la technologie alien offerte par Ein pour tout alimenter.
En voyant cela, Mori ne savait pas quoi faire. Pour avoir déjà essayé, c’était en contact direct avec ses yeux que la terreur s’exerçait, et Laito était protégé par une vitre de verre. Enfin, aucun des deux rebelles ne possédait cette information. Le double de Memento allait devoir briser cette couche inutile pour pouvoir terrifier l’ennemi. Giorno, lui, se remettait un peu des effets de la peur, comme il le disait à son ami :
-Il me fait trop peur pour que je puisse l’approcher. Il va falloir que tu m’aides.
-C’est ce que je fais. La cavalerie est arrivée, c’est pas génial ?
-Tu ne ressens pas la peur ?
-Jamais, je suis un chevalier des temps modernes.
-Je vais essayer de le combattre à tes cotés. Est-ce que tu as un plan ?
-Tu viens sur ma monture et je pars au galop.
-Arrête de parler de chevaux. Non, il vaut mieux qu’on se sépare pour l’attaquer sur deux fronts.
-Tant que tu pleure pas parce que le grand méchant loup t’as fait peur, c’est ok. Tu le retiens et je le dézingue ?
-On va essayer ce plan.
Mori était déjà redescendu. Ne pouvant affronter Laito dans son armure, il tira sa langue fourchue vers Giorno pour le paralyser à nouveau, mais le robot géant se positionna dans le champ de vision du démon. Laito se moqua de lui en tirant quelques petits missiles pour créer un large écran de fumée. Ce fut ce qui arriva. A en juger par le souffle et les dégâts de l’explosion précédente, Mori ne pouvait pas prendre de plein fouet ces missiles et esquiva. Grimpant sur un toit, il cherchait à prendre de la hauteur pour éviter d’être surpris par les deux ennemis en même temps. Son but était bien entendu de les paralyser tous deux. Giorno chercha à contourner la battisse. Il devait vraiment compter sur Laito malgré le fait qu’il ne lui faisait pas confiance, après tout le scientifique était imprévisible.
Voyant à travers la fumée, le robot géant la traversa le poing en avant pour éclater Mori. Ce dernier le remarqua et bondit sur le bras juste avant de se faire toucher pour courir jusqu’à la vitre et la briser. Mais c’était bien l’idée de Laito et pointa quelques micro pistolets directement sur la créature. Mori les esquiva aussi en se précipitant sur le coté, par contre son jeu aérien n’était pas franchement top et l’anticipant, le scientifique fou put lui décocher une bonne grosse balayette. Façon de dire qu’il finit dans le mur. Encaissant, Mori fonça cette fois directement par la voie du sol. Il se dit que le klimien à l’intérieur avait prévu toute éventualité consistant à briser la vitre, aussi pour empêcher ce dernier de continuer à se moquer, il fallait casser un ou deux genoux. La poussière restait levée mais elle se dissipait. Juste à temps pour montrer à Mori l’armement extrême qu’il s’apprêtait à frapper, et aussi les missiles qui furent décochés. Cette fois, pas question de les esquiver ; il les détruira en plein vol quitte à prendre un peu de dégâts.
C’était sans compter sur Giorno qui tira un rayon d’énergie au loin, dans la direction présupposée de l’avancée de Mori. Ce dernier n’avait pas le choix : dévier le rayon et prendre les missiles, ou esquiver les missiles, prendre leur souffle et le rayon. Dévier le rayon vers les missiles ne ferait que renforcer le tout et engendrer plus de dégâts. La spécialité de Mori était le combat en duel, et il n’avait pas prévu que quelqu’un protégé par une vitre ne vienne l’affronter. Ah, ce n’était pas très chanceux. Mori était après tout un double maléfique, il avait ses spécificités, et Memento d’autres. Alors, il se laissa rendormir et donna le lead à son véritable lui. Quelques secondes auraient pu être sympas, mais non : Memento ne put réfléchir à autre chose qu’à faire exploser son énergie autour de lui.
Giorno et Laito passèrent un bras devant leurs yeux pour éviter la poussière, le second plus par réflexe car il n’en avait pas besoin. Memento était à genoux, brûlé de tous les cotés, et il fixait Giorno avec des yeux larmoyants. Il ne bougeait absolument pas, pétrifié dans ce regard. Il n’était pas Mori, aussi Giorno n’avait pas de crainte à avoir. Il haussa le ton en s’adressant à lui :
-Pour tout ce que tu as fais Memento, tu devrais mourir, plusieurs fois même, mais je déteste avoir à tuer. Quand je peux l’éviter, j’évite. Alors rends toi ou oublie ce que je viens de dire.
-Tu es trop bon. C’est pour ça que tu es faible.
-Je m’en fous, t’as perdu. Ne perdons pas de temps en discussions.
-Où est mon fils ?
-Après tout ce temps, tu en as enfin quelque chose à faire de Mani ?
-Ce crétin arrogant tient plus de mon frère que de moi. J’agis dans l’ombre quand il se manifeste au grand jour, il est un gros bourrin teigneux quand j’apprécie donner des coups de couteaux dans le dos. Mais il reste mon unique enfant. Qu’avez vous fait de lui ?
-On l’a remis dans le droit chemin. Je crois. Peut-être. Enfin bref, il n’est pas dans ton camp et c’est le principal. Je te passe les menottes ou tu veux le faire toi même ?
Alors qu’il disait cela, Giorno vit que Memento n’avait que deux bras. Oui, seulement deux bras, comme Mori. Il savait que quelque chose clochait alors il voulut se défendre. Mais trop tard, Memento lui éclata la nuque avec la force ultime de ses six bras. En fait, l’agenouillé était une projection de Mori, une image rémanente. L’effet de surprise fut total et malgré l’infériorité au combat de Memento Mori, l’attaque laissa Giorno out, assommé. Il n’aura plus besoin d’avoir peur.
Laito, abasourdi, voulut tirer tous ses missiles sur l’ennemi, mais ce dernier attrapa le corps inanimé de Giorno pour l’en dissuader. Le scientifique détestait ce genre de situation, aussi parla-t-il en premier :
-Qu’est ce que je dois faire pour éviter qu’il ne meurt ?
-On se soumet déjà ? Giorno est le nouveau dirigeant rebelle à ce qu’on sait, entre autres, et je ne veux pas qu’on en fasse un martyr comme avec Bruno. Je ne vais pas le tuer, mais je vais faire pire.
-Il ne parlera pas sous la torture, je suppose. Moi oui, mais pas lui.
-Quelle fidélité à la cause. Et bien, voilà ce que je demande ; décharge toutes tes armes sur ces bâtiments. Tu me laisseras ensuite partir et je le relâcherai. Je respecte une majorité du temps ce type d’arrangements.
En demandant cela, Memento savait qu’une fois le quartier général détruit, d’une la dictature s’en trouvera renforcée, ou en tout cas la rébellion amoindrie, mais en plus la destruction des documents importants par un membre des rebelles, ici Laito, sèmera le doute et la discorde dans les rangs ennemis quant à la loyauté du scientifique. Memento repartirait gagnant dans tous les cas.
Cependant, Laito n’arma aucun de ses canons.
* * *
Laktoz, elle était juste là, brillante et transpirant la puissance, dans le viseur de Naranz. C’était elle qu’il cherchait, et un peu par hasard, il la vit débouler à toute vitesse sur un passage dans les hauteurs, loin de la bataille principale que couvrait le jeune sniper. Elle avait changée : une couronne d’acier recouvrait son crâne, camouflant ses antennes, et une épaisse cuirasse la protégeait partout, sauf sur les bras. Quand certains rebelles l’attaquaient, eux qui étaient en repli, elle ne les tuait pas, mais les balançait au loin avec une facilité déconcertante. Les quelques buissons des hauteurs se montraient trop, et Naranz aurait du mal à avoir un bon point de vue pour l’abattre. Lui qui visait la tête en permanence, avec la protection crânienne de la guerrière ainsi que sa vitesse, il lui sera difficile de la toucher efficacement.
Mais par chance, Laktoz stoppa sa course effrénée : elle semblait regarder un dispositif sur son bras, comme un communicateur haute technologie. Il n’en fallut pas plus à l’expert pour faire ce qu’il devait faire, et Naranz appuya sur la gâchette, décocha du prince une balle spécialement conçue pour les cibles puissantes, c’est à dire les personnes ayant des habilités au-delà du commun des mortels. L’épine fusa si vite que Naranz fut poussé en arrière au moment d’appuyer sur la détente. La seconde qui suivit sembla si longue pour le tireur alors même qu’elle n’était qu’une seconde, car au cas où il réussirait à tuer Laktoz, il aurait littéralement vaincu une pièce maîtresse de la dictature. Le jeune homme n’avait jamais connu Laktoz, et quand elle trahit le camp rebelle il y a deux ans, Naranz n’y avait pas prêté grande attention.
Et effectivement, l’épine s’enfonça jusqu’à en ressortir de l’autre coté du cœur d’une Laktoz stupéfaite.
Figé dans le temps, le corps de Laktoz ne s’effondra pas, bloqué sur des genoux qui n’en démordaient pas, car la force de son métabolisme empêchait le choc de l’épine de le faire choir. Son expression d’étonnement ferait plaisir à n’importe quel sadique de l’assassinat, mais pas à Naranz qui restait prêt à réitérer l’attaque. Et rien ne se passa, Laktoz ne bougeait pas, ni pour tomber, si pour se redresser. Un moment le tireur pensa à une sorte de métaphore de la guerrière qui meurt debout, mais non, car l’instant d’après…
...Laktoz disparut, pour réapparaître, quelques pas en arrière.
Littéralement, on aurait cru que Naranz avait juste fantasmée la scène. N’était ce pas le cas ? Naranz avait bien imaginé quelle avait été la capacité liée à l’essence de laktoz, car elle avait bien été exposée à l’essence il y avait de cela des années, en contact d’un tigre de Latcalis. Les pouvoirs d’Entier et de Tial étaient déjà tordus, il imaginait bien que Laktoz pouvait faire quelque chose comme cela aussi. Mais où était l’échange dans ce pouvoir ? Elle aurait échangé une envie avec un véritable fait ? Il n’y avait qu’un moyen de le savoir : Naranz regarda dans son chargeur pour savoir si l’épine avait bien été tirée...et oui.
En contrebas, Laktoz se rendait bien compte que quelque chose s’était passé. Elle devait se douter qu’un sniper l’avait attaquée, alors elle chercha dans les hauteurs. Naranz prit ses jambes à ses ailes et recula jusqu’à ne plus être repérable. Du point de vue de Laktoz, la surprise avait été immense. En lorgnant du coté de l’épine dans le sol, elle se doutait bien qu’elle en aurait été tuée si effectivement la balle avait touchée au but...et même si elle avait touchée la tête, il s’en était fallu de peu pour qu’elle y reste, ou en tout cas la trace du passage. Mais non. Cependant, Laktoz ne pouvait perdre du temps à attaquer le sniper, car elle devait s’acquitter de sa mission en priorité. Normalement, le passage était sûr, Rafi n’avait peut-être pas anticipé que la rébellion ne le voit, et encore moins que quelqu’un n’arrive à tirer de si loin. Mais elle aura la tête de Giorno...si Memento ne l’avait pas déjà entre ses mains. Après tout, Laktoz concourrait pour appartenir aux Neufs, ou plutôt pour remplir les trous que Kavoth et Airémaire ont laissés.
Il ne lui restait qu’un fait d’armes suffisamment prestigieux et ce serait dans la poche.