CHAPITRE 109
Le clan profané
Le clan profané
– Dire qu'ils étaient cachés là...
Faiblement éclairé par une lampe grinçant légèrement sous le fin courant d'air de cette vieille salle miteuse, le rictus de l'homme dont les lunettes scintillaient dans la pénombre s'apparentait à un murmure évasif.
– Même Orochimaru-sama...
– La ferme, Kabuto, coupa une voix.
Le jeune binoclard jeta un regard en biais à l'individu au visage dissimulé par un masque représentant une tête de chat. Il n'était pas seul.
– Sans ces entraves, reprit Kabuto avec une provocation menaçante, je vous apprendrais le respect...
L'homme au masque dévoila un mouvement de malaise face au regard dangereux du jeune Shinobi. Mais ce dernier était entouré par d'épaisses ceintures qui, visiblement, bloquaient le Chakra, car cela suffisait à immobiliser ses mouvements.
– Pensez-vous pouvoir me retenir éter...
Mais sa phrase fut brutalement interrompue par un bruit sourd. Une frappe venait de percuter l'insupportable visage de Kabuto avec une telle force que ses lunettes s'en éjectèrent pour s'écraser plus loin dans un silence devenu total.
La jeune fille à l'origine de cette baffe fixa sa cible de son intense regard blanc. Les lèvres de Kabuto s'étirèrent légèrement, mais il ne prononça néanmoins pas un mot de plus.
***
Retrouvant peu à peu sa lucidité, Yugito voyait se dessiner devant elle les iris blancs de Neji. Son esprit encore embrumé lui rappela toutefois aussitôt l'horrible réalité qui précédait sa perte de connaissance.
Elle se leva brutalement, manquant de bousculer le jeune Hyūga au passage, et se mit à regarder autour d'elle avec agitation.
Neji restait en retrait, le visage de marbre. Après quelques pénibles et vains instants de recherche, Yugito se retourna vers lui.
– Bee est vraiment...
Face à l'absence de réaction de son interlocuteur, elle s'écroula.
– ... parti...
Neji ne répondit pas immédiatement et abaissa la tête quelques instants.
– Je... Je suis désolé... avoua-t-il amèrement. J'ai été incapable de...
– Personne n'aurait pu... déclara aussitôt Yugito d'une voix sombre.
– C'est là où tu te trompes, intervint soudain une troisième voix, faisant sursauter les deux autres.
Yugito s'empara vivement d'un kunaï, enchaînant une contre-attaque face à ce personnage qui avait réussi l'exploit de la surprendre ; son cerveau entraîné réagissait instinctivement sur la défensive.
Frappant presque à l'aveugle latéralement – là d'où provenait le son – elle avait également eu le temps de voir se dessiner la silhouette de l'homme. Mais son coup fut contré avec grâce par une technique qui lui était familière – et pour cause, il s'agissait exactement du même type que celles qu'elle avait découvertes chez Neji.
Sauf que Neji, elle le dominait – pas cet homme.
Le jeune ninja ouvrait quant à lui grand la bouche de stupéfaction en fixant le nouvel arrivant.
– Hiashi-sama... ?!
Yugito se calmant légèrement, le chef Hyūga resta droit.
– Bonjour, Neji.
Il s'avança, sous le regard toujours menaçant de la Kunoichi de Kumo.
– Hiashi... répéta-t-elle, les yeux grand ouverts. Hiashi Hyūga... Vous... Vous devriez être mort... !
Neji jeta un coup d’œil surpris à Yugito.
– J'ai vu votre corps, reprit-elle d'une voix méfiante, tandis que la mine du jeune Hyūga semblait s'assombrir.
Hiashi ne répondit rien, son attention focalisée sur son neveu dont la tête abaissée dévoilait un profond ressentiment.
– C'était mon père... lâcha alors Neji à demi-mot, son regard brûlant soudain tout en fixant son oncle. Son frère jumeau...
Les sourcils de Yugito se froncèrent suite à cette révélation. Comprenant peu à peu la ruse de Konoha, elle sentit la colère l'envahir, mais l'expression de Neji attira davantage son attention.
– Visiblement, commenta-t-elle, Il n'y a pas que Kumo qui a été trahi par la décision de Konoha...
– Neji... murmura Hiashi.
– On n'a pas le temps pour ça, répliqua vivement l'interpellé d'une voix sèche. Un Saiya-jin plus puissant que Raditz est arrivé sur ce monde. Et Bee est parti se rendre à l'Akatsuki pour tenter d'utiliser son pouvoir. Avec votre aide, Hiashi-sama, il est peut-être encore temps de l'arrêter.
L'expression dure de Yugito se décomposa soudain face à l'analyse de Neji. Par-delà les querelles des villages, il existait peut-être encore un moyen de sauver Bee !
Mais sa soudaine ouverture d'esprit se heurta au mur de l'expression toujours impassible de Hiashi qui ne semblait pas vouloir bouger.
Fronçant les sourcils, elle le fixa avec froideur, comprenant en même temps que Neji qu'il n'avait pas l'intention de les accompagner.
Un Chakra dense commença alors lentement à entourer la jeune femme.
– Vous devriez savoir que nous sommes en guerre... reprit-elle d'une voix menaçante tandis que tremblait le sol sous leurs pieds. Et en temps de guerre, si vous n'êtes pas avec nous...
Et soudain, Hiashi activa ses Byakugan, à la stupeur de Neji qui ne s'attendait absolument pas à une telle tournure des événements.
– Je vois, réagit Yugito dans un sourire mauvais.
Mais le jeune Hyūga remarquait que son oncle ne semblait pas décidé à se battre, en dépit de ses yeux. Sa pose restait parfaitement droite, ce qui ne correspondait absolument pas au style de combat de leur clan.
Comprenant davantage, Neji activa à son tour ses Byakugan et scruta l'environnement.
– Attends, Yugito ! s'exclama-t-il soudain. Bee... n'est pas encore trop loin !
Yugito tourna vivement son regard dans sa direction.
– Et... analysa Neji. Il... Il combat... !
***
Non loin de là, le combat entre Bee et son adversaire ne laissait transparaître aucune faille. Les sept épées du Jinchūriki rencontraient l'unique katana de l'épéiste dans une danse envoûtante et mortelle. Leurs pas semblaient glisser avec autant d'agilité sur le sol que leurs lames léchaient l'air sans un bruit.
***
– Pourquoi tardes-tu tant à utiliser mon Chakra ? s'exclama Hachibi. Cette femme est dangereuse...
– Ce n'est pas que je traîne, répliqua Bee. C'est que je peux pas...
– Hein ?
– Chaque fois que j'essaye, elle brise ma concentration. Elle lit mes mouvements, c'est dingue.
***
– Je ne savais pas que la femme du chef était si forte... ! murmura l'un des observateurs avec fascination.
– Seuls ceux qui l'ont connue durant la guerre peuvent en témoigner, à condition d'avoir été dans son camp, répliqua l'homme à l'avant, qui semblait le plus âgé du groupe et qui observait avec attention ce violent combat d'artistes. De tout notre clan, elle était l'un des piliers. Même le Yondaime Hokage admirait sa force.
– Vous exagérez sans doute un peu, Yashiro-sempai, répliqua derrière lui un jeune homme d'un ton grognon.
Sa remarque provoqua un ricanement amusé de la fille qui les accompagnait, laquelle observait également le combat avec admiration.
– Ça te gêne tant d'être dépassé par une femme ? répliqua-t-elle.
– La ferme, Izumi... bougonna le concerné.
***
Nappa s'était immobilisé, observant ses mains qui brillaient. Il commençait vraiment à ressentir un étrange sentiment...
Était-ce de la peur ? Il n'aurait su le dire. Mais c'était aussi intense, et désagréable.
– Quelle est cette magie ? murmura Nappa.
Danzō ne répondit pas. Il semblait dans l'immédiat trop concentré et épuisé pour articuler correctement.
Mais Nappa restait toutefois suffisamment confiant pour ne pas perdre son sens des réalités. Le fait que Raditz fût partiellement mis en difficulté par des techniques étranges à son arrivée était normal et logique : l'écart qui le séparait des très bons ninjas était certes élevé, mais pas au point de le rendre totalement immunisé contre toute attaque.
Dans le cas de Nappa, le gouffre de puissance entre lui et un Shinobi comme Danzō était considérable, au point de visiblement forcer son adversaire à se sacrifier. Mais Nappa était avant tout un guerrier d'expérience. Contrairement à Raditz, il avait déjà combattu sur de nombreuses planètes, et face à des adversaires aux techniques particulièrement poussées.
Certes, ce monde de ninjas présentait des capacités totalement inédites dans ce domaine, en plus d'avoir visiblement des individus dont la puissance surpassait clairement le niveau moyen du soldat de l'Empire – comme cette tortue géante qui hurlait étrangement derrière le vieil homme. Mais, passée la surprise et la reconnaissance, rien n'était vraiment en mesure d'inquiéter Nappa.
Alors pourquoi brillait-il ainsi ? Devait-il vraiment craindre la détermination du vieil homme ?
Nappa n'était pas un grand stratège – sur ce point, Raditz l'avait même déjà largement dépassé. Mais il restait un habitué des situations de combat parfois critiques. Et cela lui permettait d'analyser calmement le cas présent.
Son regard se posait sur les étranges et multiples iris rouges de son adversaire. Il se souvenait de l'avertissement de Raditz à leur propos. Cet œil devait être lié aux atouts du vieil homme.
Nappa se rappelait également l'étrange comportement de son partenaire face à Danzō. C'était comme s'il était soumis à une étrange force qui n'avait rien de physique, tel un dangereux pouvoir affectant l'esprit...
De pareilles capacités n'étaient pas à prendre à la légère, même pour un Saiya-jin confirmé.
Mais Nappa avait déjà pris au sérieux le monde Shinobi.
Alors il se concentra. Il allait utiliser sa puissance écrasante pour anéantir toute forme d'oppression mentale.
Sa vue se troubla jusqu'à deviner une silhouette aux côtés de Danzō. Mais cela ne faisait que conforter l'idée qu'il était bien sous l'emprise d'un sortilège, duquel il sortait peu à peu...
Continuant à se focaliser, il entendit peu à peu s'atténuer l'omniprésent hurlement de l'immense tortue.
– J'aurais dû m'en douter ! s'exclama Nappa, ricanant tandis que la lumière qui l'entourait s'estompait. C'était juste une illusion !
Il garda un sourire dangereux tout en fixant de son œil belliqueux le visage épuisé de Danzō.
– Je te l'ai déjà dit : aucune de vos techniques ninjas ne peut m'atteindre...
***
Le regard de Yugito fut brutalement attiré par un bruit venant de son dos. En se retournant, elle remarqua qu'un nouvel arrivant apparaissait aux côtés de Hiashi Hyūga. Elle ne reconnaissait pas cet homme. Ses yeux n'avaient d'ailleurs rien des iris blancs propres au clan de Neji. Ils étaient au contraire intégralement noirs. Cela donnait une étrange apparence à cet homme.
Par sa vision au Byakugan, Neji l'avait également remarqué. Son visage et le chignon caractéristique dans ses cheveux bruns lui disaient vaguement quelque chose, mais il aurait été bien incapable de deviner son identité. Il ne semblait toutefois pas menaçant, tandis qu'il se plaçait simplement aux côtés de Hiashi.
Dans l'immédiat, il y avait plus important : Bee était en danger !
– Il faut qu'on l'aide ! pressa Yugito.
– C'est une mauvaise idée, répondit Hiashi.
Neji fronça les sourcils, observant son oncle dans son dos sans tourner la tête.
– Cette femme... est liée à vous ?
– ...
– ... Quel est son but ?
***
Bee et son adversaire n'avaient rien perdu de leur vivacité. Cela tombait bien que l'endurance de l'épéiste de Kumo fût un point fort, car tenir le rythme face à cette femme qui ne semblait pas soumise aux règles de base du vivant – telles que la fatigue – était franchement énergivore. Cela restait toutefois dérangeant : tôt ou tard, le rythme du rappeur finirait par diminuer...
Si ce combat s'éternisait, il perdrait. Mais cette femme était trop forte pour se permettre des tentatives risquées, car la moindre ouverture lui serait également fatale.
– Putain, mais pourquoi tu me combats à la fin ? parvint à grommeler Bee en plein échange, tentant de libérer avec sa frustration la peur qui s'y distillait.
– Pour... sembla réfléchir la femme. Pour mesurer ma force ?
Le Jinchūriki fronça les sourcils.
***
– Cette femme... murmura Yugito, écoutant les commentaires du combat du jeune Hyūga. Elle ne doit pas seulement être terriblement technique...
Elle fronça les sourcils.
– Pour réussir à égaler Bee face à son enchaînement de katanas, elle devrait être au moins aussi rapide que le Raïkage...
Une goutte de sueur coula sur la tempe de Neji.
– Comment... ?
– C'est impossible, répliqua aussitôt Yugito, balayant violemment l'idée de son ton agacé, comme si elle venait de son interlocuteur. Si c'était le cas, tu ne serais pas en mesure de suivre ce combat du regard.
– Alors...
– Alors, si Bee ne se retient pas, cela signifie qu'elle dispose de sens particulièrement affûtés qui lui permettent une anticipation exceptionnelle de chacun de ses coups.
– Des capacités sensorielles... d'un tel niveau ?
Mais Yugito ne répondit pas immédiatement, plongée dans ses pensées.
* Des sens... Des sens capables de rivaliser avec les sept épées de Bee... Impossible... ! Se pourrait-il qu'elle soit... ? *
– ... ou de très bons... commençait à comprendre la jeune femme. BON SANG, NEJI, REGARDE SES YEUX !
Neji se concentra face au ton soudain hystérique de sa partenaire. Mais avec la distance et dans l'action, cela relevait clairement de l'exploit.
– Je... Je ne peux pas...
– Leur couleur, le pressa-t-elle. Dis-moi juste leur couleur !
Le Hyūga s'exécuta avec difficulté. Il ne s'attendait pas à plus de succès, quand un étrange reflet cyan attira son attention, à la manière d'une lueur éphémère qui illumina l'étrange sourire guerrier de la femme entre deux enchaînements.
Ou peut-être était-ce simplement la conclusion évidente que se faisait inconsciemment son esprit à la vue des quatre paires d'yeux du même éclat de ceux qui observaient à distance le combat.
Bien sûr, la couleur cyan était liée à la perception du Byakugan, qui inversait les teintes. Mais le cerveau entraîné de son possesseur avait appris à retranscrire instinctivement la réalité. La réelle couleur de ces yeux s'imprima donc dans l'esprit du Hyūga.
– Rouge.
Il crut soudain voir une lueur aussi intense briller dans les yeux de Yugito, oscillant entre la surprise et la rage.
– Impossible... Elle... Elle devrait être morte... ! Comme le reste de son clan...
Alors, Neji se souvint plus précisément de la personne qui accompagnait son oncle. Il s'agissait d'un défunt membre de l'ancienne Police de Konoha, laquelle était autrefois tenue par un clan disparu dont la grandeur n'était plus à prouver.
– Uchiha... murmura Yugito. Mikoto... !
Spoiler
***
– À quoi bon utiliser tes pouvoirs contre moi ? interrogea Nappa, satisfait d'avoir percé à jour l'étrange habileté de cet homme. Même avec les meilleures techniques, un insecte n'a aucune chance de me vaincre.
– En fait, répondit Danzō, je crois que tu n'as pas bien compris. Ce n'est pas toi que j'ai plongé dans un Genjutsu.
– ... ?
– Toute chose sensible au Chakra peut souffrir de l'emprise du Sharingan.
Danzō le pointa alors du doigt.
– Y compris ton détecteur.
Nappa ouvrit grand les yeux de surprise en voyant les chiffres de son Scouter se mettre à tourner en boucle.
– Enfoiré... !
– Vous, Saiya-jin, êtes vraiment prévisibles avec ces appareils. À quoi bon user d'illusions contre votre puissant Chakra si l'on peut vous manipuler encore plus facilement ?
Nappa resta un bref instant sans voix, surpris par les artifices du ninja. Clairement, si les Shinobi étaient plus puissants, ils seraient incroyablement redoutables.
Il éclata de rire. En dépit des aptitudes de son adversaire à défier la mort et faire durer le combat de façon presque outrageante pour le gouffre de puissance qui les séparait, cela ne suffisait toutefois pas à lui poser quelque problème.
– Tu as compris qu'il était inutile de m'attaquer directement, déclara Nappa, faisant référence à l'illusion liée à la lumière l'entourant qui avait disparu depuis. Alors, tu t'en prends simplement à mon Scouter ?
– J'admets ne pas pouvoir directement utiliser de Genjutsu contre un Chakra aussi puissant, reconnut Danzō. D'ailleurs, si ton esprit ne s'était pas inutilement focalisé sur de vains détails, tu n'aurais peut-être eu aucun mal à contrer le Genjutsu de l'individu que ton détecteur déréglé n'a pas su afficher.
D'abord surpris, Nappa dut bien se répéter trois fois la phrase de son adversaire pour subitement en comprendre le sens. Stupéfait, il se retourna brusquement, mais ne vit personne.
– Malheureusement, reprit le vieil homme, comme son Genjutsu est à présent actif, il t'est forcément difficile de le voir...
– Arf, répliqua alors une voix face à Nappa. T'étais vraiment obligé de casser mon jeu, Danzō ?
Une silhouette se dessina soudain, dévoilant un homme dont les sombres cheveux mi-longs et ondulés étaient seulement coiffés par un bandeau au motif du village de Konoha. L'individu, bien que d'apparence plus jeune que Danzō, s'adressait toutefois à lui avec une familiarité dont bien peu de Shinobi se permettraient. Aussi surprenant que cela pût paraître, c'était comme s'il s'agissait d'un vieil ami.
Mais cet écart générationnel n'était pas l'élément le plus perturbant dans ce qui ressemblait à une étonnante camaraderie. Ce qui l'était le plus, pour toute personne un minimum informée sur le caractère et les idéaux du vieux chef de la Racine, se trouvait bien dans la découverte d'une complicité entre lui et un homme dont les vifs yeux écarlates ne laissaient que peu de doutes quant à ses origines...
– Tu sais bien que je n'aime pas les jeux de ton clan, répondit Danzō, Kagami.
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