CHAPITRE 120
Forces au sommet
Seul retentissait le son du détecteur du Saiya-jin dans cette forêt qui semblait retenir son souffle. Mais pour une fois, son propriétaire ne s'y attardait pas. Il n'en avait pas besoin pour voir l'homme à travers lui.
Comme lui, ce dernier était vêtu d'une armure de combat. Comme lui, ses longs cheveux noirs lui donnaient un air sauvage et inquiétant.
Comme lui, cet individu semblait – d'une certaine manière – étranger à ce monde. Et il était dangereux.
Zetsu avait clairement mis en garde Raditz concernant celui qui se tenait face à lui. Car la présence du symbiote à ses côtés ne laissait aucun doute sur son identité au Saiya-jin.
C'était lui, celui que l'entité maléfique de l'Akatsuki avait tout fait pour ramener à la vie, au prix du retour de l'envahisseur et de la mort de Pain.
Le guerrier n'avait cessé d'y penser. Comment un être terriblement calculateur – son plan en était bien la preuve – pouvait-il choisir de sacrifier un pion aussi important que Pain tout en permettant à l'indétrônable envahisseur de revenir, plus dangereux que jamais ? Le défunt chef de l'Akatsuki s'apparentait à un dieu vivant aux yeux des Shinobi. Et sa menace avait même permis de contenir un temps les pouvoirs du Saiya-jin qui dépassaient pourtant de loin les concepts de puissance des ninjas.
Mais à présent que Raditz se tenait face à Madara, tout s'éclaircissait. En fait, avant même toute analyse du niveau de puissance de la légende revenue des ténèbres, une évidence s'imposait. Cet individu dégageait quelque chose d'effroyable. En cela, il se distinguait encore plus des Shinobi que Pain.
Pouvait-il exister dans ce monde quelqu'un de plus redoutable que le défunt chef de l'Akatsuki aux six corps divins ? Cette seule idée faisait frissonner Raditz.
Mais ce qui le troublait encore plus se trouvait dans les paroles prononcées par le plus grand Uchiha de l'Histoire. Il ignorait si ses mots se teintaient d'une quelconque forme d'ironie. Mais peu importait, car ça n'en changeait guère le sens.
Le Saiya-jin, imposé depuis son arrivée comme étant le pire cauchemar du monde Shinobi, s'était jusqu'alors toujours vu placé sur un certain piédestal – positif ou négatif. Même les plus redoutables adversaires qu'il avait rencontrés l'avaient toujours considéré comme étant à part, étranger, brisant les règles de ce monde.
Pourtant, Madara venait clairement de le considérer comme un simple Shinobi. Sans aucune préparation à cette rencontre, et alors même que, contrairement à tous les autres individus de ce monde, il découvrait pour la première fois son énergie bouleversante, Madara Uchiha pouvait-il réellement le qualifier seulement de prometteur ?
Étonnamment, Raditz ressentit quelque chose de bien étrange à cette évocation. Bien sûr, le compliment lui passait par dessus la tête. Mais cette phrase faisait s'imposer en lui les dernières paroles prononcées par son homonyme au masque :
« Tu n'es qu'un élément intégré à l'impitoyable destin du monde Shinobi qui est maintenant aussi le tien... ! ».
Pour la première fois, le Saiya-jin se trouvait réellement confronté à l'idée de n'être plus seulement un total étranger de ce monde...
Il chassa cette pensée et se concentra sur l'instant présent.
Sa première déduction était qu'il faisait face à un individu inconscient. Aucun Shinobi sensé n'aurait prononcé de telles paroles à la vue de Raditz, encore moins alors même qu'il s'imposait sous sa plus grande forme à leur première rencontre.
Mais le Saiya-jin fronça les sourcils. Madara ne pouvait pas être insensé.
Ses mots s'apparentaient-ils alors plus à du bluff ?
Pour Raditz, cette hypothèse s'avérait séduisante. Mais elle s'opposait à son intuition.
Non, Madara Uchiha n'était ni insensé, ni un idiot jouant sa vie sur un simple bluff.
Il avait vécu une vie entière et vaincu le trépas.
Ses mots, bien que potentiellement teintés d'une part calculée d'ironie, ne trompaient personne.
Raditz lui-même avait déjà entendu parler de Madara Uchiha, lorsqu'il se trouvait à Konoha ; les plus anciens habitants – ceux de la génération de l'Hokage de l'époque – leur attribuaient même une ressemblance troublante.
Mais Madara Uchiha, c'était aussi l'un des deux fondateurs du village de Konoha, et le plus grand rival historique de l'Hokage, premier du nom.
Était-ce donc cela, la grandeur de l'ancienne génération Shinobi ? Pouvait-il avoir existé de pareils monstres chez les ninjas, pour seulement voir dans le Saiya-jin qui avait fait baver toute une civilisation un simple individu prometteur ?
Ce qu'il observait déjà dépassait nettement le niveau des grands Shinobi. L'armée gisant derrière lui en était d'ailleurs une preuve incontestable. Mais, plus que tout, Raditz connaissait un minimum d'atouts dissimulés par cet individu.
Car il était un Uchiha. Et l'envahisseur en avait déjà combattu un – lequel s'était d'ailleurs imposé comme l'un de ses plus dangereux ennemis. Cela signifiait donc que, comme lui, Madara disposait du Sharingan, la terrible pupille capable de considérablement renforcer les capacités de son propriétaire. Et pour le Saiya-jin, il ne faisait aucun doute que l'homme face à lui pouvait même aller bien au-delà de ça.
Le visage de Raditz se contracta davantage en réalisant soudainement qu'il se tenait face à un homme combinant non seulement l'expertise de l'un des clans les plus redoutables du monde, mais également une expérience qui ferait passer Danzō pour un gamin inoffensif.
Tout en analysant son Chakra, Raditz ne pouvait se fier à son détecteur. Ses sens eux-même trouvaient leurs limites au contact de cet individu si mystérieux. Pourtant, l'intuition du Saiya-jin était claire...
* Cet homme... dissimule une puissance incroyable. *C'était une évidence. Et Raditz le savait à présent.
Celui qui lui faisait face n'avait rien du Shinobi ordinaire. En fait, il n'était même pas un Shinobi extraordinaire, comme Itachi, Danzō ou même Pain. Rien chez lui ne montrait une quelconque influence du monde ninja. Il ne cherchait pas à l'améliorer, l'utiliser ou le dominer.
Car cet individu était à l'origine même du système.
Cela ne faisait plus aucune doute pour Raditz. Cet homme était de sa trempe.
Comme lui, on ne pouvait guère le définir selon les codes communs, à l'instar d'une anomalie.
Raditz, guerrier d'un autre monde, faisait face à un guerrier d'un autre âge.
Car Madara était un combattant. Sa tenue, son regard, son calme, sa prestance, tout chez lui imposaient un respect qui touchait même l'envahisseur jusqu'alors invaincu.
Et les paroles de l'Uchiha légendaire concernant cette génération prenaient ainsi brutalement tout leur sens.
Une goutte de sueur perla le front de Raditz quand il s'imagina débarquer sur ce monde quelques décennies auparavant. Aurait-il pu ne pas être l'être le plus puissant ?
Aurait-il pu être vaincu... par la force ?
Il sentait son cœur accélérer. Étrangement, par delà la prudence, il ressentait une forme d'excitation grandissante. C'était son sang de Saiya-jin.
Les techniques ninjas classiques perdaient leur effet sur Raditz. Il en avait – malgré lui – exploré toutes les subtilités. Il les connaissait. La surprise ne fonctionnerait plus. Le Ninjutsu, le Taïjutsu, le Genjutsu, le Senjutsu, les multiples Dōjutsu et les sceaux les plus puissants du monde Shinobi ne dissimulaient plus de secret pour lui.
Plus que tout, l'inégalable fonctionnement du combat ninja était devenu sien.
Aujourd'hui, il pourrait absolument tout contrer ou s'adapter. Pour le vaincre, il ne restait plus qu'une seule solution. Et celle-ci, aucun Shinobi rencontré jusqu'alors n'avait su en faire preuve, car elle dépassait leurs capacités.
Et pourtant, il s'agissait de la plus ancienne amie de Raditz : la puissance.
Jamais personne n'en avait dévoilée de suffisante pour inquiéter le Saiya-jin. Cela s'accompagnait chaque fois de nombreux autres artifices. Mais ceux-ci ne fonctionneraient plus maintenant. L'inconnu avait disparu. Et la peur qui l'accompagnait autrefois s'effritait.
Raditz était curieux.
Se pouvait-il que Madara dévoile une puissance digne d'un Saiya-jin ?
Cette fois-ci, aucun Scouter ne lui indiquait plus rien. Même ses propres sens devenaient caduques.
Car Raditz avait une certitude.
Le cœur de l'homme face à lui vibrait de cette même excitation naissante face à cette interrogation terriblement excitante... Car cette question chamboulait totalement la vision de Raditz du monde des ninjas par sa totale nouveauté.
Lequel des deux était le plus fort... ?
– Ça suffit, intervint soudain Zetsu noir, sentant la pression de l'air augmenter franchement tandis que se déchaînait peu à peu un vent de puissance pure entre les deux guerriers.
Zetsu blanc fronça les sourcils sur sa face qui se recouvrait de sueur. Un étrange sentiment parcourait l'atmosphère.
– Madara est-il... en danger... ? chuchota-t-il à sa moitié, visiblement mal à l'aise.
– Il est celui dont je t'ai parlé... reprit Zetsu noir à l'adresse de l'Uchiha, profitant de la brève interruption des deux guerriers.
D'une certaine manière, on peut dire qu'il est, pour l'instant... notre allié.Ce dernier mot résonna parmi les arbres, comme pour se graver dans l'atmosphère, tel un pacte inavoué. Le profond silence qui s'imposa par la suite dénotait d'un étrange sentiment.
– Madara, intervint alors Zetsu blanc, son timbre provocateur se mêlant au malaise,
Raditz.Il prit une profonde respiration avant de lever son regard vers le Saiya-jin.
– Raditz, poursuivit-il alors.
Madara.Présentations faites, elles n'apportaient du reste aucune utilité. Mais c'était dit. Cela ne généra aucun changement dans l'intense échange de regard qui liait les deux concernés.
Raditz s'était toutefois calmé depuis l'intervention de Zetsu noir, lequel l'avait fixé avec une intensité particulière au moment de prononcer son dernier mot : « allié ».
S'agissait-il donc vraiment de ce qu'il voyait en lui ?
Quoi qu'il en fût, le plus sage aujourd'hui restait de suivre son conseil. Après tout, Zetsu lui avait assuré que s'il respectait leur pacte de non agression, alors l'Akatsuki en ferait de même. Et si faire confiance à une pareille entité frôlait la folie, attaquer un individu potentiellement plus dangereux que Pain pour le seul plaisir de combattre à pleine puissance revenait à plonger dedans.
Pire : selon Zetsu, ils partageaient quelques objectifs communs et pourraient même s'avérer utiles l'un pour l'autre.
L'objectif premier de l'envahisseur – sa mission – restait le nettoyage de ce monde. Et cela semblait plus ou moins correspondre au souhait de Madara.
Raditz se souvenait particulièrement bien de son échange avec Zetsu, alors même qu'il pétrissait sous le poids du châtiment de Pain. Lorsque le Saiya-jin, choqué par cette proposition d'alliance, avait évoqué son intention de tuer tous les ninjas, la réponse de l'entité maléfique avait fait frissonner le pourtant réputé impitoyable envahisseur :
« Le Chakra retournera dans la terre... ».
Au-delà même du sens de ces mots, Zetsu n'avait montré absolument aucun attachement pour l'intégralité de ce qui, pourtant, devait être son peuple.
Alors, Raditz se surprit pour la première fois à ressentir une forme d'empathie pour le monde Shinobi. Car, chose inédite, il réalisait n'être plus le seul loup débarqué dans la bergerie.
* Ce monde... n'a vraiment pas de chance. *En dépit de son excitation grandissante, Raditz parvenait toutefois à garder sa lucidité concernant Madara. Il était potentiellement trop dangereux de l'attaquer. Il ne connaissait rien de lui. S'il était plus fort que Pain, Raditz pourrait peut-être quand même le vaincre aujourd'hui, s'étant maintenant parfaitement acclimaté au monde Shinobi. Mais rien n'était sûr. Prendre de tels risques ne présentait aucune utilité, surtout qu'il avait finalement bien plus à gagner à collaborer, au moins sur le court terme.
– Uchiha Madara, le salua Raditz dont le timbre respectueux se voulait dégager une menace provocatrice parfaitement dosée.
C'est un honneur...D'un geste, il appuya sur son Scouter, marquant le point représentant l'Uchiha légendaire d'un motif unique. C'était bien la première fois que Raditz utilisait ce symbole que peu de son peuple s'autorisaient jadis à utiliser, par fierté...
Associé au point représentant Madara Uchiha, Raditz avait placé le symbole du danger.
– Nous nous recroiserons sans doute... reprit le Saiya-jin d'une voix calculée.
Puis il éclata d'un rire amusé en s'éloignant dans les cieux à pleine vitesse. Madara haussa les sourcils.
– Ah, je vois, commenta ce dernier d'un ton teinté de déception.
Quel dommage...Il reprit calmement sa route, comme si rien ne s'était produit, son épaisse chevelure noire virevoltant au rythme de ses pas autour du symbole des Uchiha tandis qu'il s'éloignait de ce lieu d'une rencontre insupportable pour le destin Shinobi.
– Il aurait fait un ennemi intéressant...***
Tout en volant parmi les cieux, Raditz gardait son regard sur le signe du danger affiché par son Scouter. Pour l'heure, il se contenterait d'en rester éloigné. L'excitation qui l'avait traversé face à lui ne devait plus se dévoiler de nouveau, car elle lui ôtait tout le discernement qu'il avait appris malgré lui depuis son arrivée sur ce monde.
Croisant les bras en survolant les forêts, Raditz se demandait quand même comment tout cela tournerait. Les Shinobi se cachaient particulièrement bien maintenant. Il savait qu'ils communiquaient et parvenait à les mettre en défaut grâce à cela.
Il trouvait dommage que l'armée du Ninja Gardien ait été si vite abattue. Il l'aurait évidemment achevée tôt ou tard, mais il espérait davantage les concernant.
Peu importait : trouver des larbins pour récolter des informations ne serait pas un problème.
Et avec l'Akatsuki à ses côtés, les choses devraient s'accélérer.
Il plaça une main dans son armure et en sortit une unique graine. Elle lui avait été laissée par Zetsu à l'époque, pour communiquer, si cela s'avérait nécessaire. Bien que cette idée le rebutât, Raditz jugea utile de conserver précieusement cet étrange outils : le monde Shinobi allait évoluer, et plus seulement par sa présence ; mieux valait rester le premier informé...
Une chose était sûre : sa mission initiale n'impliquait pas un nettoyage collaboratif, mais l'extermination pure et simple de toute créature potentiellement dérangeante. Et cela allait du juvénile aux cris dérangeants jusqu'au plus puissant guerrier, lequel venait de se présenter de lui-même aujourd'hui.
Autrement dit, là où les plans pourraient diverger à terme se trouvait être dans le fait que théoriquement, celui de Raditz impliquait également l'élimination de l'Akatsuki.
Et il se demandait d'ailleurs si le plan de l'organisation terroriste n'impliquait pas également sa propre fin.
Ses yeux se posèrent sur l'horizon d'un monde baigné sous l'intense lumière du Soleil.
* Au pire, ça devrait être suffisant pour survivre... Et pour le cas Madara... *Ses sourcils se froncèrent tandis qu'un terrible frisson parcourait son échine.
* Je laisserai gérer Vegeta. ****
C'était l'heure !
Naruto allait enfin découvrir la suite de son entraînement. En dépit de l'excitation, l'étrange atmosphère du Mont Myōboku combinée à son épuisement jusqu'alors inavoué avaient eu raison de lui. Mais ce n'était pas plus mal. Il se sentait maintenant fortement requinqué, à tel point que ses performances de la vieille lui apparaissaient comme d'une simplicité déconcertante aujourd'hui.
Et cela tombait bien, car d'après Jiraiya, il aurait franchement besoin d'être frais pour appréhender la suite...
* AAAH ! pensa-t-il soudain regardant la hauteur du Soleil dans le ciel.
Je suis en retard ! *Le jeune Uzumaki, à peine réveillé, se leva d'un bond, attrapa son petit-déjeuner à la volée – lequel était constitué d'une forte variété d'arthropodes dont il s'était fatalement habitués – et fusa en direction du lieu de rendez-vous, non loin d'une série d'étranges plantes desquelles coulaient de délicats courts d'eau. Le Mont Myōboku ne cessait d'émerveiller Naruto par la richesse de ses paysages et l'apaisement global que cela procurait. Méditer devenait parfaitement naturel, même pour un Genin surexcité, et on en oubliait franchement vite la position de très haute altitude des lieux...
Mais l'heure n'était plus à ces considérations. Arrivant dans une glissade effrénée, Naruto remarqua sans surprise que Jiraiya, Tsunade ainsi que les deux vieux crapauds l'attendaient.
– Une heure et sept minutes de retard, fit remarquer Tsunade d'un ton blasé.
– Tu as bien fait de lui fixer rendez-vous une heure trop tôt, mon petit Jiraiya, fit remarquer Fukasaku.
– Hein ? s'offusqua Naruto.
Vous avez...
– Ça suffit, coupa aussitôt le Sannin.
Il décroisa les bras.
– On n'a pas de temps à perdre. Raditz est de retour... Et j'ai un... mauvais pressentiment.Il jeta un regard concerné en direction de Tsunade. Naruto se sentit alors honteux. Fonçant les sourcils, il frappa de son poing contre sa paume ouverte.
– Je suis prêt !Jiraiya reporta son attention sur lui. Il resta un moment silencieux, comme s'il hésitait à poursuivre. Puis l'expression de l'ermite s'assombrit.
– En es-tu sûr ?
– ... ?
– Ce que tu t'apprêtes à apprendre n'a rien de commun avec l'enseignement Shinobi classique. Pour être honnête, de tous mes disciples, le seul à s'y être penché... est le Yondaime Hokage.Les yeux de Naruto se mirent étrangement à briller. Mais cela n'échappa pas à son maître qui soupira.
– Ce n'est pas un entraînement qu'un gamin devrait...
– Je sais, coupa aussitôt Naruto, son timbre devenant étrangement plus sérieux.
Mais j'ai déjà dépassé l'enseignement Shinobi classique...
– ... ?
– ... avec Raditz.Tsunade haussa les sourcils, surprise de voir Naruto évoquer ainsi l'entraînement dont lui avait déjà parlé Jiraiya. La mine de Naruto, jusqu'alors totalement expressive, devenait désormais totalement insondable.
Et pour la première fois, la plus grande ninja médecin du monde se surprit à ressentir un étrange sentiment d'empathie vis à vis de cet orphelin. Car elle réalisait que ce petit être qui lui faisait face partageait avec elle un passé plus profond que la majorité des Shinobi qui ne voyaient en lui qu'une arme de destruction massive.
Jiraiya, ressentant le trouble s'installer, décida de rompre le silence. Et il savait qu'il devait frapper fort pour capter l'attention du jeune Uzumaki dans un moment pareil.
Cela tombait bien.
– Naruto, il est temps pour moi de te faire découvrir... le plus puissant secret de la grandeur d'un ninja légendaire.L'interpellé lui jeta un regard intrigué.
– Pa', Ma', poursuivit le Sannin à l'adresse des deux crapauds,
prêts pour une petite démonstration ?Les deux batraciens se placèrent chacun sur une de ses épaules. Et Jiraiya s'assit alors en tailleur à même le sol.
Naruto mourrait d'envie de savoir ce qu'il faisait, mais il retint étrangement la question de sortir de ses lèvres. L'atmosphère autour de lui semblait étonnamment réagir à la concentration excessive de l'ermite.
Tsunade, bien que peu surprise, ne put toutefois s'empêcher d'être curieuse. Sans perdre de son regard fasciné son acolyte, elle plaça machinalement son avant-bras contre le torse du jeune Naruto qu'elle força ainsi à reculer de quelques pas sécuritaires tandis que semblait vibrer le Chakra environnant.
Le visage de Jiraiya se déformait peu à peu, s'allongeant en même temps que ses mains et ses pieds se palmaient légèrement. Les marques entourant ses yeux semblèrent s'étirer avec ses pupilles.
Sa transformation se stabilisa tandis que les vieux crapauds sur ses épaules se concentraient à leur paroxysme.
Et Jiraiya releva la tête, dévoilant son nouveau visage oscillant entre l'humain et le batracien.
– Désolé, Tsuna... marmonna-t-il.
Il n'est pas dans mes habitudes de me présenter ainsi devant une Dame...Mais Tsunade, bien que décontenancée, semblait tout sauf outrée par la nouvelle apparence de Jiraiya. Tout chez lui respirait une puissance surhumaine qui forçait le respect.
Même Naruto s'était tu, ne laissant même pas s'exprimer ce qui, en d'autres temps, aurait été une réaction prévisible de sa part concernant la face de son mentor. Bouche-bée, il réalisait enfin ce qui faisait la grandeur de Jiraiya.
– Naruto, l'interpella alors ce dernier.
Il savait, au visage du jeune ninja, qu'il avait déjà capté toute son attention.
– Suis-moi.Alors, le maître et l'élève s'éloignèrent dans un silence total. Tsunade ne put s'empêcher de rester un moment immobile, le regard figé sur leurs dos, frappée par une soudaine nostalgie.
C'était comme voir Jiraiya et Minato marcher côte à côte.
Elle se décida enfin à les suivre à distance, sa curiosité prenant le dessus.
Ils arrivèrent rapidement sur le lieu qui les intéressait. Il était composé d'une multitude de crapauds de pierre. Jiraiya fit signe à Naruto de s'arrêter, puis lui-même s'avança vers l'une des immenses statues.
Naruto le regarda avec étonnement, intrigué. Et Jiraiya s'abaissa, plaçant ses mains sous la pierre du colosse immobile le plus proche qui devait cumuler au moins autant de tonnes que d'années.
Et il le souleva !
Dévoilant une expression de fierté sous le regard émerveillé de son disciple, Jiraiya sentit soudain son dos craquer et il perdit l'équilibre. L'immense statue bascula.
– Merde ! s'exclama Fukasaku.
Rattrape-la !Mais trop tard : elle lui échappait des mains. Et alors qu'elle allait s'écraser violemment sur le sol, elle fut retenue par une tierce personne...
– Imbécile, grommela Tsunade, prenant le monument des mains de son associé comme s'il ne s'agissait que d'un simple objet banal.
Je te rappelle que tu étais totalement paralysé il y a à peine quelques semaines. Ce n'est pas parce que tu es guéri qu'il faut faire des folies.Jiraiya et Naruto ouvrirent grand les yeux tandis que Tsunade reposait délicatement le monstre de pierre.
– Elle vient de complètement briser ton effet, lui fit remarquer Fukasaku.
– Mon pauvre Jiraiya... compatit Shima.
Jiraiya se gratta la tête d'un air penaud, puis il reporta son regard en direction de Naruto, lequel semblait à présent plus terrifié par Tsunade qu'autre chose.
– Dire que je l'ai affrontée au bras de fer... marmonna-t-il.
Il avala péniblement sa salive.
– Et tu pourrais bien être en mesure de la battre, reprit Jiraiya.
Naruto tourna son regard dans vers son aîné.
– Eh oh ! s'exclama Tsunade à son adresse.
Lui raconte pas des trucs pareils.
– Laisse-moi faire mon taff ! ronchonna Jiraiya.
– On dirait un vieux couple... commenta Naruto.
– PAS DU TOUT ! tonna la Sannin, alors même qu'elle aurait juré entendre un « vraiment ? » sortir de la bouche de son alter-égo.
Tournant son regard noir dans sa direction, elle remarqua avec satisfaction qu'elle avait été devancée alors même que l'ermite se prenait un coup simultané de chacun des deux batraciens sur ses épaules.
– Et pourquoi vous me montrez tout ça ? s'agaça Naruto.
Je veux pas ressembler à un crapaud, moi !
– Je pense... que tu ne devrais pas sous-estimer le mode Sennin...Jiraiya reprit aussitôt contenance en se raclant la gorge.
– Ceci, Naruto, est l'art le plus abouti d'un Shinobi.Naruto tourna son regard vers Tsunade, comme pour voir ce qu'elle aurait à ajouter cette fois. Mais celle-ci, d'un infime signe de tête, l'intima à écouter l'ermite.
– ... Au-delà du Ninjutsu, du Taïjutsu et du Genjutsu... Voici le Senjutsu.Naruto fronça les sourcils.
– Vous allez rester un crapaud indéfiniment ?Jiraiya et Tsunade se jetèrent un regard las. Puis l'ermite retrouva peu à peu sa forme normale tandis que s'extirpaient de son corps les deux batraciens.
– Le mode Sennin est limité, et ma maîtrise incomplète. J'ai besoin des deux crapauds pour m'aider à synchroniser l'énergie naturelle. Sans eux, je serais incapable de maintenir le flux correctement, ou alors je finirais comme ces crapauds de pierre...Voyant Naruto grimacer, Tsunade s'installa aux côtés de Jiraiya
– Cette technique fait de Jiraiya l'un des plus puissants Shinobi du monde.Le concerné fronça les sourcils.
– À partir de maintenant, murmura-t-il,
on entre dans un domaine que les plus grands Shinobi n'ont qu'à peine exploré. En fait, le Yondaime Hokage lui-même ne maîtrisait pas parfaitement le mode Sennin.Les yeux de Naruto se mirent à briller d'excitation.
– Comme tu as pu le voir, le mode Sennin des crapauds renforce considérablement les capacités physiques. Il confère également, à moindre mesure, des sens accrus et une certaine aptitude de régénération... Cependant, il possède deux principaux défauts, qui le rendent si difficile d'utilisation en combat même par les plus grands experts.Jiraiya soupira.
– Le premier, c'est l'énergie naturelle...
– Jiraiya a raison, intervint Fukasaku.
On explore un domaine vraiment à part. L'énergie naturelle ne correspond pas au Chakra tel que les Shinobi ont appris à l'utiliser. C'est une source extérieure, qui vient se greffer au Yin et au Yang de l'utilisateur. Cela demande un équilibre parfait et une certaine sensibilité. C'était, entre autres, l'un des objectifs de la première étape de ton entraînement. Mais ce n'est pas le principal frein...Naruto haussa les sourcils.
– Bien que l'énergie naturelle soit proportionnelle à la puissance de l'utilisateur, reprit le maître batracien,
sa facilité de maîtrise l'est également.Prenant un bâton, le vieux crapaud dessina deux cercles de tailles différentes à même le sol qu'il divisa chacun en trois parts.
– Le Yin, le Yang et le Senjutsu ont toujours les mêmes proportions d'efficacité optimales. Mais le plus grand potentiel énergétique de base aura plus d'aisance à équilibrer ses énergies.
– Hein ?
– Plus t'as de Chakra, plus c'est facile, lui chuchota Tsunade, ayant visiblement anticipé sa réaction ahurie.
– Ah... ! Alors pour moi...
– Tu dispose d'une quantité de Chakra très élevée pour ton âge, l'informa Jiraiya.
D'abord pétillant, le regard de Naruto s'assombrit.
– Pour mon âge...
– Le mode Sennin nécessite une quantité de Chakra phénoménale. Je te l'ai déjà dit, seuls quelques Shinobi d'élite d'exception en seraient capable. Ce n'est pas quelque chose qui s'enseigne à un gamin de 13 ans, même avec de telles dispositions.Naruto fronça les sourcils.
– J'ai assez de Chakra ! Je vais y arriver !
– Non.Jiraiya croisa de nouveau les bras.
– Pas encore. Tu es trop jeune. Mais ton potentiel est tel que d'ici trois ans, tu seras peut-être en mesure de...
– TROIS ANS ?! répéta Naruto, choqué.
ON A PAS TROIS ANS !!!
– Tu as raison... lui concéda enfin l'ermite.
Un léger sourire se dessina sur ses lèvres.
– C'est là que vient le génie de mon entraînement, reprit fièrement Jiraiya.
Pour être honnête, sans Raditz, je n'aurais jamais pu t'apprendre une telle chose aussi tôt. Mais comme il t'a fait maîtriser une portion du Chakra de Kyūbi, il t'a, en quelque sorte, permis d'augmenter ta réserve de Chakra significativement.Il le fixa avec sérieux.
– Autrement dit, en utilisant cette portion du Chakra de Kyūbi, ta réserve dépasse allègrement celles de la grande majorité des Shinobi. Et le mode Sennin devient plus facile d'apprentissage, en plus de te rendre d'autant plus puissant.
– Le truc des crapauds sur la couverture du renard ? murmura Naruto d'une voix rêveuse.
La classe... !Fukasaku se racla la gorge.
– Il y a un autre défaut, reprit-il.
C'est la durée.Naruto haussa les sourcils.
– Que voulez-vous dire ?
– Le mode Sennin nécessite un temps pour rassembler l'énergie naturelle. Puis celle-ci peut être utilisée environ cinq minutes, après quoi le mode Sennin s'estompe.
– Cinq minutes ? C'est court...
– À vrai dire, c'est normalement suffisant pour battre à peu près n'importe quel adversaire... de ce monde. Et c'est pourquoi nous nous intégrons au corps de Jiraiya. Nous servons ainsi d'antenne à énergie naturelle, pour à la fois rassembler et contrôler le flux d'énergie naturelle et équilibrer sa perte.Naruto s'imaginait déjà arborer fièrement les deux crapauds sur ses épaules.
– Malheureusement, ça ne sera probablement pas aussi simple pour toi... soupira le vieux crapaud qui tourna son visage vers Jiraiya.
– J'ai déjà réfléchi à ça, expliqua ce dernier.
Je doute que ça soit possible, encore plus si on utilise le Chakra rouge...
– Pourquoi ?
– Kyūbi...Naruto soupira en pensant à son odieux démon. Même avec son contrôle d'une portion du Chakra du Renard, la haine de ce dernier restait trop forte pour permettre à un corps étranger de se synchroniser avec son Chakra.
– Mais ce n'est pas un problème. Car c'est là que Tsunade intervient.Naruto la fixa avec surprise.
– Vous aussi, vous maîtrisez le mode Sennin ?Elle croisa les bras.
– Le Mode Sennin ? Je n'en ai pas besoin...Un sourire mystérieux se dessina sur son visage.
– ... pas avec le Byakugō.
– Attendez... Vous allez m'apprendre un truc aussi cool que le Mode Sennin ?
– Sûrement pas. Ne compte pas sur moi pour te lancer dans une technique aussi complexe et dangereuse.Face à la mine décontenancée de Naruto, elle ne put s'empêcher d'étirer légèrement son sourire.
– ... mais on va peut-être en explorer la surface...Jiraiya ne put s'empêcher de sourire à son tour en croisant le regard pétillant de son plus jeune disciple.
– Le Byakugō est une technique médicale qui nécessite à elle seule un entraînement aussi poussé que celui du Mode Sennin. expliqua Jiraiya.
Je ne pense pas que tu saisisses pleinement la mesure de ce que cela représente...Naruto fronça les sourcils.
– Mais la base est une technique de sceau héritée de Mito Uzumaki. Elle consiste à stocker une certaine quantité de Chakra au niveau de ton front.
– Stocker mon Chakra ? Vous voulez dire que...
– ... à terme, tu apprendras à stocker l'énergie naturelle.Fukasaku regarda les deux Sannin d'un air pensif. Puis son regard se posa sur Naruto.
* Avoir ces deux là comme maîtres... ! *– Pour récapituler, reprit alors Jiraiya, conscient d'avoir pleinement capté l'attention de son jeune disciple.
La première étape t'a aidé à t'équilibrer avec la portion du Chakra de ton démon pour être réceptif à l'énergie naturelle. Et les deux étapes suivantes, qui seront faites en parallèle, te permettront de la stocker et de l'utiliser avec puissance et endurance.Naruto ouvrit grand les yeux de stupeur.
– Je serai aussi fort que vous ?
– C'est possible... reconnut mystérieusement le Sannin.
Et, tandis que Naruto laissait vivement échapper sa motivation, Tsunade se rapprocha de son acolyte.
– Avec ça, personne ne pourra...
– Si, coupa aussitôt Jiraiya.
J'ai utilisé le mode Sennin contre Raditz, à deux reprises.Naruto ouvrit grand les yeux de surprise.
– Incroyable...
– Je n'ai pas eu la moindre chance.
– ... Mais alors, pourquoi... ?
– Pourquoi utiliser le mode Sennin ?Jiraiya éclata de rire.
– Parce que si je ne l'avais pas utilisé, je ne serais plus de ce monde.Naruto grommela quelque paroles inaudibles et pourtant parfaitement imaginables concernant son état guère plus enviable des derniers mois.
– Et puis, reprit Jiraiya dont le regard se mettait à briller.
Parce que je sais d'expérience que les Sannin fonctionnent mieux... à trois.Tsunade lui jeta un coup d’œil étrangement complice.
* Je me demande ce que dirait Orochimaru, s'il découvrait son futur successeur... *Et Naruto s'imagina alors combattre d'égal à égal aux côtés de ses deux mentors. Les trois Sannin contre le Saiya-jin, cela sonnait plutôt bien...
– Tu ne lui as pas tout dit... souffla alors Tsunade, accusatoire, dans l'oreille de Jiraiya.
– C'est vrai, reconnut Jiraiya, tout aussi silencieusement.
Mais si ce gamin avait une idée prématurée du réel potentiel de la quatrième étape...Il fronça les sourcils.
– ... il pourrait tenter quelque chose de stupide.