Qui c'est qui continue son p'tit bonhomme de chemin ?
C'est miah !
Qui est dépitée de ne pas avoir réussi à sortir un dernier chapitre l'an dernier ?
C'est encore miah. U__U
Tout chaud, fraîchement terminé, voici un nouveau chapitre !
Et :
*il bat mon précédent record de longueur
*il a sa suite presque terminée
Allez, place à la lecture !
ATTENTION : encore plein de grossièretés.
CHOUIIIIIIIN !! J'ai mis plus de 30 minutes pour la mise en forme pour la lecture sur forum, et nous sommes passés au 1er Avril, alors que je tenais absolument à poster sur le premier trimestre 2021 !!! ToT
Maudite procrastination! Si je n'avais pas glandé, ce soir, j'aurais terminé dans les temps !---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
-23-
Ils se posèrent devant la maison de Kinoko, où elle et sa famille attendaient visiblement leur retour depuis un moment.
« Je suis désolée d’être partie comme cela… » La métisse fut interrompue dans ses excuses par une Kinoko chamboulée qui lui sauta au cou.
« Joanna ! J’ai eu tellement peur pour toi ! Mais qu’est-ce-qui a bien pu te passer par la tête, à la fin ??
-Kino, Kino ! Tu vas l’étouffer ! Laisse-la parler, si tu veux qu’elle te réponde ! » Renkon prit sa compagne par les épaules pour la tirer un peu en arrière.
La fugueuse regarda la femme avec stupeur pendant quelques secondes, puis éclata en larmes. « Je… Pardon ! J’avais tellement peur ! Je suis désolée ! Je ne voulais pas vous inquiéter ! Pardon ! J’ai été bête ! Pardon ! »
Tôgan ne put s’empêcher de soupirer intérieurement quand il constata que malgré ses émotions elle ne semblait pas sur le point de faire une gaffe. Il avait été prêt à l’assommer furtivement pour faire croire que l’épuisement l’avait emporté et l’empêcher d’en dire trop, mais sa crainte ne semblait finalement pas justifiée.
« C’est ma faute, Joanna, j’ai pas su te comprendre et t’aider… » Avait repris Kinoko de son côté. « Mais tu es dans quel état ! Qu’est-ce qui s’est passé ? C’est encore pire que quand tu es arrivée, hier…
-Je suis tombée dans l’eau, et le courant m’a emportée…
-Et j’l’ai repêchée avant qu’elle soit totalement noyée ! J’t’avais dit, hein, qu’je suis aussi bon pêcheur ? »
Le guerrier ne s’y était absolument pas attendu. Il avait rebondi sur les paroles de la métisse parce que ainsi était le rang C qu’ils connaissaient, un peu crâneur et grande gueule, mais il n’avait pas prévu que la saiyenne se jette à son cou et le serre avec émotion. Deux fois en une journée, cela commençait à être rude pour son petit cœur…
« Oh, Tôgan, merci ! Merci ! Que ferions-nous, sans toi ? »
Le regard que lui lança Renkon le transperça. Son ami avait toujours su pour ses sentiments, il n’avait pas réussi à les lui cacher, et le remord que Renkon ressentait dans ces moments était une double peine pour le guerrier. Pourquoi ne pouvait-il pas simplement souffrir de ce qui n’avait pu être ? Pourquoi fallait-il en plus qu’il souffre du tourment que cela causait à son ami ? Tout à l’heure déjà, quand elle l’avait embrassée sur la joue…
La saiyenne, loin de ces troubles dont elle était l’origine, se saisit de la main de la métisse. « Tu as l’air séchée. Viens prendre un bain !
-Euh… Oui, je suis sèche… Lui, là, il a fait du feu… Pourquoi il faut que je me mouille de nouveau ? »
Le couple la regarda avec stupéfaction, tandis que le troisième homme éclatait de rire.
« Mais non, andouille ! P’tite Kino t’parlait pas d’être sec ! »
Les regards emplis d’incompréhension se tournèrent vers le guerrier qui continua, avec un grand sourire : « Elle a dit qu’t’étais séchée… Crevée, quoi ! »
Joanna resta silencieuse quelques instants avant de lâcher un « Oh. » un peu dubitatif.
Pour le coup, le couple se mit à sourire à son tour.
« Tu connaissais pas ? » L’interrogea Renkon, amusé.
« ‘Tention, Ren, » fit Tôgan en prenant un air exagérément prudent. « Faut pas oublier qu’on a d’vant nous une membre d’la CP et qui cause au gratin du palais, en plus ! Ces gens-là, y causent pas normal ! »
Si Joanna avait pu le foudroyer littéralement du regard, il serait mort sur place.
« Oooh, c’est vrai, oui ! » Rebondit Renkon en se mettant à faire des révérences caricaturales qui firent rire son fils aux éclats. « J’espère que madame excusera les pauvres gens qu’on est, on n’a pas eu la grrrrande et fôôôrmidable éducation de la Classe Particulière qui apprend à faire des phrases de trois kilomètres avec des formulations tordues et compliquées ! »
Les deux hommes se prirent un coup de la saiyenne.
« Oh, vous deux, vous êtes impossibles ! » Elle se tourna ensuite vers la métisse. « Excuse-les, Joanna. Ils sont intenables, quand ils sont ensemble… Ne fais pas attention à leurs conneries…
-Oui, je pense que le mieux serait que je les ignore totalement, » approuva-telle avec un grand sourire pas naturel.
Ils se jetèrent sur elle pour l’attraper et la secouer un peu. « Noon ! Tout mais pas ça !! Ne nous ignore paaas !! »
Kinoko fut obligée de les repousser. « Mais foutez-lui la paix, bordel ! ‘Tain, vous êtes soûlants, quand vous vous y mettez ! »
Tôgan se figea soudainement, le regard dans le vide. « Attendez… »
Même le petit Taasai s’arrêta en levant la tête vers lui, intrigué.
« Non… Je sais pas…
-Quoi, tonton ?
-Quoi ?
-Quoi donc ? »
Joanna se mordit la lèvre pour ne pas lui montrer qu’elle était elle aussi curieuse. Instinctivement, elle avait cherché à sentir si une menace arrivait, mais elle avait abandonné immédiatement cette idée : ce n’était ni de l’inquiétude ni du qui-vive qu’elle percevait chez l’homme.
« En fait… » Tôgan tourna son regard vers la métisse, grave. « J’sais pas si j’t’ai entendu pousser un seul juron ou dire une seule insulte, durant ces dernières heures.
-Oh que t’es bête ! » Fit Kinoko en lui donnant une claque sur l’épaule. « Tu m’as fait peur !
-J’t’ai bien eu ! »
La métisse, secrètement soulagée de constater que ce n’était qu’une bêtise de plus de l’homme, se promit intérieurement de faire tout son possible pour ne pas user de langage vulgaire en sa présence. Et pourvu qu’il ne le remarque pas, si cela m’échappe…
« Ah ! Elle est d’retour, l’aut’connasse ! »
L’attention générale fut soudainement déportée sur un Kabocha qui arrivait, furieux. « J’m’en vais te lui apprendre comment qu’on s’comporte, ici ! C’est mon village ! J’vais pas laisser n’importe quelle décolorée s’amuser à fout’la trouille aux gosses pour rien ! »
Joanna esquiva Kinoko et Renkon qui cherchaient à s’interposer pour la protéger et avança vers le quarantenaire en le regardant droit dans les yeux.
« Putain de salope ! Tu mériterais que j’t’en colle une ! »
Il avait levé la main, sur le point d’exécuter sa parole.
Tôgan allait intervenir lorsqu’il vit la métisse se laisser tomber à genoux et poser le front contre terre.
« Je vous prie de bien vouloir pardonner l’étrangère que je suis, ô chef de village ! J’ai fait preuve d’une incroyable bêtise en prenant les nouveaux arrivés pour des ennemis ! J’implore votre clémence et vous jure que plus jamais une telle erreur de jugement n’aura lieu de ma part en ces terres ! »
Tout le monde la regardait, médusés. Intérieurement, elle ne pouvait s’empêcher de ricaner. Ha ! Ils s’étaient moqués de ses manières ? Elle pouvait faire pire encore !
« Oui… Bon… Ça ira pour c’te fois-ci. » Gêné, Kabocha lui tourna le dos en croisant les bras. « Mais que j’t’y r’prenne plus ! »
Kinoko s’agenouilla à côté de la métisse, inquiète. Son fils l’imita, curieux.
« Joanna, tu t’sens bien ? Ça va ?
-Oui, merci, Kinoko. Je suis soulagée. J’avais peur d’être chassée… »
Renkon fronça un peu les sourcils en voyant que son ami se mordait la lèvre pour éviter de rire. Très vite, les coins de ses lèvres se redressèrent.
« Mais non, voyons. Kabocha ne te chassera jamais du village. » Kinoko lui tapotait le dos, rassurante, avec un regard insistant sur le concerné. « N’est-ce-pas, Kabocha ? »
Ce dernier se dandina un peu, mal à l’aise. « Oui, oui… Enfin, du moment qu’elle arrête de foutre le boxon… C’tout, l’reste, j’m’en fous, hein… C’est juste qu’les pauv’gosses…
-Merci infiniment pour extrême bonté ! Je saurai rendre vos bienfaits au centuple, ou mourrai en essayant ! »
Kinoko pinça la femme légèrement pour lui signifier de cesser son petit jeu. Cette dernière tourna légèrement la tête vers elle en souriant.
« Pas une pour rattraper les autres… » Murmura la saiyenne.
Tôgan frappa dans ses mains pour couper court à la scène. « Bon ! Maint’nant qu’tout va bien, j’vais em’ner la d’moiselle se r’faire une beauté, et on va vous laisser profiter d’votre temps en famille, hein ? »
La femme se tordit les mains, visiblement partagée. « Je peux pas continuer à t’embêter avec ça, Tôgan…
-Ton mec, il est pas souvent à la maison, alors laisse-moi faire !
-Et puis il lui faut de quoi se changer, et un bain, et un bon repas…
-Vous savez, je peux aussi rester dormir dehors, » intervint Joanna qui commençait à se demander si elle était un chaton trouvé dans un fossé ou une personne pouvant s’exprimer. « Ce n’est pas si mal que cela, dormir dehors…
-Hors de question ! » La véhémence de Kabocha surprit tout le monde. « Moi vivant, aucun invité ne dormira à la belle étoile ! … T’as vu comme chuis classe, hein, Kinoko ?
-Est-ce-que tu pourrais arrêter de draguer ma femme devant moi, au moins ? » Renkon soupira de désespoir.
« C’est à elle de décider avec qui elle veut baiser ! J’sais qu’t’es pas là souvent, mais ce soir, ce sera p’têt’ mon soir ! »
Kinoko soupira à son tour de lassitude. « Ni ce soir, ni demain soir, ni de la semaine, ni même sur les cinq prochaines années, Kabocha…
-Ha…
-Et dans cinq ans, tu feras quoi, Kino ? » Renkon regardait sa compagne avec une lueur de défi dans les yeux, qu’elle lui retourna.
« Ha, ça, c’est à toi de faire ton possible pour que je renouvelle le bail sur les cinq années qui suivent, mon chéri.
-Très bien ! » Se rengorgea Kabocha qui n’avait rien compris. « Dans cinq ans, on verra qui est le meilleur, Renkon. »
Le couple pouffa de rire. Pour eux, c’était déjà tout vu.
« Ce qui fait que ce soir… » Le quarantenaire ouvrit les bras en un geste d’invitation. « Je suis tout à toi, la décolorée !
-Désolée, mais je tiens à me reposer.
-J’suis très relaxant ! J’suis très doué d’mes dix doigts sur plein d’parties du corps ! »
Mais… Comment lui faire comprendre gentiment que même partager son domicile était inenvisageable vu comme il la mettait mal à l’aise ?
Elle eut la surprise de sentir un bras la prendre en tenaille aux épaules.
« Kabocha, la miss va vivre chez moi. »
Le cri général de stupeur fut tellement synchrone que le guerrier se demanda presque s’ils avaient répété avant de le pousser.
« Oui, elle va prendre mon gourbi. Après tout, chuis là que pas très souvent, alors j’l’embêterai pas trop… »
Kabocha se saisit du bras de la métisse pour l’attirer un peu plus loin. « Tu vas vraiment vivre chez lui ? Chez ce type ?
-Vous n’avez pas l’air de l’apprécier… » Elle était assez étonnée de le voir si inquiet.
« Chais pas… J’ai toujours eu du mal avec lui. Il a quelque chose qui m’met mal à l’aise… »
Joanna se mordit légèrement la lèvre. Il avait ses défauts, mais il avait pour lui d’avoir de l’instinct. Peut-être même avait-il des bases pour apprendre à sentir les auras ? Elle envisagea l’espace d’un instant d’essayer de développer son potentiel en la matière. Non, c’était une très mauvaise idée. Elle chassa vite cette pensée de son esprit. Pour le moment, rien ne justifiait de griller la couverture de Tôgan de la sorte. Et même plus tard, à bien y penser… Tout ce qu’elle obtiendrait, c’est de voir le pauvre Kabocha se faire tuer en douce pour que rien ne s’ébruite.
Elle détacha gentiment la main de l’homme de son bras, avec un sourire qu’elle espérait rassurant. « Ça ira, n’ayez crainte. Il n’est pas homme à créer des problèmes à ce village. Il l’aime au moins autant que vous, je peux vous le jurer. »
L’inquiétude qu’elle lut dans les yeux bleu nuit lui dirent que sa formulation n’était apparemment pas la plus heureuse qui fut. Elle serra cette main qu’elle n’avait pas encore lâchée.
« Il a un caractère assez… Pénible, mais je peux vous assurer que s’il y a bien une chose sur laquelle nous sommes d’accord, c’est que nous préférerions mourir que de vous causer du tort. Comme chacun d’ici, je pense, non ? Bon, je sais que ma parole d’étrangère avec un lourd passif de connectée à la famille royale ne vaut pas grand-chose, mais… »
Il se dégagea. « D’accord. J’vous crois. » Il partit sans se retourner.
Le bras la reprit en tenailles, la prise plus ferme que précédemment. Elle sentait le dos du poignet appuyer sur la base de sa gorge en menace.
« Dis donc, j’crois que quelqu’un a la langue un peu trop pendu ? Faut-y que j’t’apprenne à la tenir, ou faut-y que j’t’en soulage ? » Le murmure joyeux à ses oreilles lui donna froid dans le dos.
« Je n’ai rien dit qu’il n’ait déjà deviné. » Son murmure à elle était sec. « Et s’il le faut, je resterai nuit et jour avec lui pour le protéger, si jamais il vous venait à l’esprit de lui vouloir du mal. »
La prise se desserra et il chiffonna les cheveux châtains. « Allons, allons, inutile d’en arriver là ! Tant qu’il me cherche pas, il me trouvera pas. Ok ? »
Elle approuva en se recoiffant.
« Il a quoi, Kabocha ? Il faisait une drôle de tête, en partant…
-Bah, ma p’tite Kino, tu sais bien qu’il m’aime pas et qu’il est toujours dég’ de perdre contre moi !
-Oui… » La femme soupira. « Alors, Joanna ? Tu vas rester chez Tôgan, finalement ?
-Oui, j’accepte sa proposition. Je pense que ce sera plus simple pour tout le monde. »
La femme retrouva le sourire. « Alors Tôgan, je te la confie. Tu as intérêt à faire bien attention à elle. »
Après avoir juré sous toutes les formes son dévouement à son invitée, l’homme l’emmena, laissant la famille tranquille.
L’habitation du guerrier était des plus austères : une seule pièce contenait le peu de confort accumulé, soit une sorte d’évier-plan de cuisine sous un robinet de fortune, une table avec deux chaises, un paravent dans un coin et une paillasse en guise de lit.
« Ouais, je sais, c’est pas sexy… C’est qu’pour deux pauv’jours par semaine, j’ai pas b’soin d’grand-chose. Mais j’vais t’trouver un bon lit, t’inquiète.
-Cela ne me pose aucun problème. J’ai un toit pour me protéger, c’est déjà plus que ce que j’en espérais ces derniers jours.
-Allez, assieds-toi, j’m’occupe de tout ! » Il la poussa sur une chaise et sortit.
Désormais seule avec elle-même, ses pensées s’entrechoquaient en tous sens. Avait-elle fait les bons choix ? Accepter de rester avec Tôgan, lâcher des paroles imprudentes à Kabocha… Pourvu que ce dernier ne tente rien. Est-ce qu’il était prudent de rester dans ce village ? N’allait-elle pas les mettre en danger ? Ou l’inverse ?
Le saiyen revint avant même qu’elle ait pu continuer sa liste d’interrogations. Il posa une grande bassine sous sa sorte de robinet et la remplit. L’eau coulait joyeusement dans le silence, tandis qu’elle ne pouvait rien faire d’autre que de le regarder faire. Son corps était toujours sous tension, mais son esprit, un peu tranquillisé par le fait d’avoir l’homme sous ses yeux, se relâchait en faisant le vide.
Une fois le récipient rempli à sa convenance, il plongea la main dedans et le liquide sembla s’illuminer. Rapidement, de la vapeur s’en dégagea.
« Le bain d’la miss est prêt. »
Il prit le paravent pour cacher la zone de baignade, puis désigna le trou qu’il venait de dévoiler. « Toilettes sèches. J’t’expliquerai, si tu connais pas. T’as de quoi t’laver à côté d’la bassine. Prends ton temps. J’vais t’chercher du change et d’la bouffe. »
Il ressortit.
L’attrait d’un bain chaud fut plus fort que sa méfiance. Pour se donner bonne conscience, elle se dit qu’il ne devait pas avoir oublié qu’elle avait la possibilité de savoir où il était, à tout instant. Rapidement nue, elle se plongea avec délice dans l’eau chaude. Le confort était un luxe qu’elle avait oublié d’apprécier à sa juste valeur, ces derniers mois… Elle laissa ses muscles noués se détendre les uns après les autres, en gardant à l’esprit qu’elle ne devait pas relâcher sa vigilance. Un bain… Il n’y avait jamais eu que des douches, dans le palais… Dire que le prince et le roi ne devaient pas connaître un tel plaisir… Peut-être serait-il judicieux de leur proposer d’en construire ? Enfin… Si jamais un jour elle venait à les revoir… Dans de bonnes conditions… Des larmes coulèrent de ses yeux fermés.
Une petite toux la fit violemment sursauter. De l’eau se répandit sur le sol en terre battue.
« T’es pas noyée, la miss ? Elle est pas froide, l’eau ? »
Joanna serra les dents de colère envers elle-même. Elle s’était assoupie.
« Depuis quand êtes-vous rentré ?
-Une bonne dizaine de minutes. Chuis content d’voir qu’tu m’fais suffisamment confiance pour te détendre. »
Il n’y avait aucune ironie dans sa voix. Elle se décrispa. Et soupira de dépit. L’eau était effectivement tiède. Elle prit le pain de savon et se nettoya en vitesse, désormais pressée de regagner le confort isolant du body.
« Est-ce-que… Vous auriez une couverture un peu chaude à me prêter ? » Dans son ton hésitant, elle tentait de masquer sa peur d’être de nouveau attaquée verbalement par la langue acérée de l’homme. Présentement, elle n’était pas en état pour une joute verbale.
« L’eau est froide, c’est bien ça ? Tu veux que j’vienne la réchauffer ?
-Non ! … C’est bon, ça ira, je vous remercie…
-J’comptais m’bander les yeux, mais puisque tu refuses… »
Elle l’entendit sa chaise bouger, puis un drap fut posé sur le haut du paravent, à côté d’un autre tissu.
« Confonds pas avec la serviette, s’teup’, cherais un peu dég’ qu’tu trempes la seule bonne couverture qui m’reste. »
Elle sortit de l’eau et s’enveloppa dans le bon tissu le temps de se sécher. Puis, timidement, elle apparut, emmitouflée dans une courtepointe moelleuse et épaisse.
Tôgan sourit. « J’espère qu’tu y f’ras attention. C’est ma p’tite Kino qui m’la faite juste pour moi !
-Oh ! » Dans sa panique, Joanna se dévoila partiellement, puis se ré-emmitoufla en rougissant.
« Bah… Pourquoi qu’t’as pas mis de tenue ? » L’homme, surpris, était légèrement gêné.
« J’ai remarqué que quand on met cette tenue alors que l’on a froid, il est très difficile de réussir à se réchauffer… L’isolation thermique n’a pas que de bons côtés…
-Alors viens vite manger une bonne soupe bien chaude ! Tu vas voir, ça t’requinqu’ra ! »
Elle ne se fit pas prier. Le saiyen réchauffait de ses mains chaque plat qu’il tendait ensuite à son invitée, qui mangeait tout en étant étonnée de recevoir si bon traitement. Cet homme pouvait donc avoir parfois de bons côtés…
« Est-ce-que je peux vous poser une question ?
-Tu viens bien d’le faire, pourquoi qu’tu continuerais pas, la miss ? »
Elle se renfrogna un peu. « Ce n’est pas ce que je comptais vous demander au départ, mais… Pourquoi m’appelez-vous tout le temps comme cela ?
-Ha, ça, c’est toi qui l’as cherché. J’t’ai pas entendu une seule fois m’appeler par mon nom alors qu’ici, t’en as eu plusieurs fois l’occasion ! »
L’air boudeur de la femme s’accentua. Elle avait été découverte. « Je n’étais pas sûre d’avoir bien retenu votre nom, et je ne voulais pas l’écorcher… Monsieur Tôgan.
-Bouaah, Kek’c’est qu’ce monsieur ? Si j’l’entends encore, je s’rais obligé d’trouver aut’chose d’mon côté !
-Bon, d’accord, d’accord… J’arrête. Mais dites-moi… Pourquoi Kinoko s’est montrée aussi gentille avec moi ? Qu’est-ce-que cela cache ? »
A sa grande surprise, il baissa les yeux en souriant tristement. « Elle est juste comme ça, kestu veux… Moi aussi, ça m’a surpris, quand j’l’ai rencontrée. Elle est… Beaucoup trop pure pour ce monde pourri. Elle est ce qui sauve cette planète viciée. Sa bonté inonde Vegeta, elle en est le véritable soleil. »
Joanna lui tendit une des assiettes. « Vous devriez manger, vous aussi. Un ventre plein ne fait pas tout, mais il console un peu les chagrins. »
Gêné, il obtempéra en grommelant.
La fin du repas fut plutôt silencieuse. La métisse s’endormait presque sur la table, pendant que le saiyen laissait ses pensées vagabonder.
Ils finirent par se coucher tôt, elle sur un matelas qu’il avait pris le temps de ramener, lui sur sa paillasse habituelle.
« Joaaannaaa… Tu es réveillée ? Tonton, elle répond pas…
-Vraiment, Taasai ? Moi, j’pense qu’elle te fait une blague, et qu’elle attend qu’tu l’attaques.
-Mais maman, elle m’a grondée, hier, quand j’ai fait ça…
-Ben môman, elle est pas là, là. Et j’pense que Joanna, elle a envie d’jouer, là. Allez, vas-y doussment, pour la surprendre ! »
Taasai, poussé par l’homme, avança sur la pointe des pieds, en exagérant bien le mouvement dans l’espoir que cela le rende encore plus silencieux. A quelques pas de la couche à même le sol, il se ramassa, prêt à bondir, mais un regard noir sorti de sous la couverture le figea sur place.
Il rebroussa chemin aussi précautionneusement qu’à l’aller. « Tonton… Je crois qu’elle est réveillée… Et qu’elle a pas envie de jouer…
-Oooh, t’es réveillée ? » Se mit à parler bien fort Tôgan. « Ben alors ? Fallait le dire plus tôt, si tu voulais pas jouer ! Regarde le pôv’petit ! Il est tout déçu, maintenant ! »
L’agitation non loin d’elle avait suffisamment tiré la métisse de son sommeil pour qu’elle saisisse avec un temps de retard le sens des paroles prononcées et l’approche de l’enfant.
« Je dormais, jusqu’à ce que vous veniez me réveiller, » grogna-t-elle en se redressant.
« Oh, là là, quelle tête horrible ! Tu pourrais faire fuir toute l’armée de Freeza, avec une tronche pareille ! »
L’enfant éclata de rire, comprenant juste que c’était une blague. Il n’avait jamais entendu parler du mécène dont le nom n’avait jamais atteint autrement que dans des murmures le village caché.
Joanna se renfrogna encore un peu plus en entendant le nom de ce désagréable individu. Cette journée avait tous les symptômes d’une journée pourrie.
« Je déteste être réveillée contre mon gré, surtout quand pour une fois je dormais bien. Je déteste voir des gens à mon réveil, je déteste qu’on s’agite autour de moi tant que je ne suis pas complètement réveillée, je déteste qu’on complote pour me piéger, je déteste les mauvaises personnes qui abusent de l’innocence des autres, et je me demande ce qui me retient de dire à tout le monde quel sale type vous êtes.
-P’t-être le fait qu’tu sais pertinemment qu’personne n’te croira ? Par contre, j’peux trèèèès facilement t’aider à r’gagner ton p’tit confort solitaire du palais, en retour de politesse… » Le sourire qu’il fit était trop éclatant pour ne pas comprendre que ce n’était pas là une menace en l’air.
Heureusement, l’enfant interrompit le duel de volontés. « Tu m’aimes plus ? » Il était au bord des larmes.
Le cœur de Joanna s’attendrit à le voir ainsi inquiet. « Ça dépend… Tu es un petit garçon turbulent et bruyant que je n’aime pas ou un petit garçon sage qui me fait des câlins que j’aime ? »
Taasai se jeta dans les bras qu’elle avait ouverts à son intention. « Je suis un bébé-câlin, c’est maman qui l’a dit !
-Ha ? Alors j’aime beaucoup les bébés-câlins, dans ce cas ! » Ce contact si plein de spontanéité et d’innocence lui fit monter les larmes aux yeux. Cela lui manquait terriblement. De la chaleur, de l’affection, de la tendresse… Depuis combien de temps n’en avait-elle pas eu ?
« Et tonton, tu le détestes ? » Le petit, après quelques instants de câlins, tentait visiblement de pousser son avantage.
« Dis, Taasai, on reparle de ce que t’a dit ta mère hier matin ? Qu’on ne saute pas sur les gens endormis ? Et que les gens qui ne répondent pas, c’est qu’ils sont sûrement encore endormis ?
-Mais tonton, il a dit…
-Tonton, il t’a dit des bêtises.
-Je suis ici chez moi, je fais c’que j’veux, » glissa l’intéressé dans la discussion.
« Oui, bien sûr. Mais cela ne m’empêchera pas de le dire à Kinoko.
-Oh nooon ! » S’exclama l’enfant. « Maman, elle va encore me gronder, si tu fais ça !
-Je dirai bien à maman que c’est la faute de Tôgan, pas de la tienne. Et c’est Tôgan qu’elle va gronder, pas toi.
-Nooon, s’teuplé, dis rien à maman, sinon elle va être triste !
-Ouiii, s’teuplé, dis rien à ma p ‘tite Kino ! » Rajouta Tôgan, taquin.
« Oh, je ne pense pas qu’elle sera triste, ne t’en fais pas, Taasai, » continua Joanna en essayant de ne pas s’énerver avec les interventions de l’homme. « Elle va juste être fâchée après lui. C’est tout !
-Non, moi je sais qu’elle va être triste… »
Les deux adultes échangèrent un regard perplexe, face à tant de certitude larmoyante.
Tôgan vint s’asseoir à côté du duo. « Et pourquoi qu’elle serait triste, ma p’tite Kino, dis-moi, Taasai ?
-Parce que ça veut dire que Joanna, elle déteste tonton, et hier soir, maman, elle a dit à papa que ça serait vraiment super si tonton et Joanna ils finissent amoureux, parce que maman elle est toujours très triste de voir tonton toujours tout seul… »
Un silence gêné s’installa.
Joanna se dit que finalement sa journée n’était pas si pourrie que cela, à côté de la tournure que prenait celle de Tôgan.
« Je crois que tu as raison, Taasai. J’ai été méchant avec Joanna. Tu veux bien m’aider à me faire pardonner ?
-Oui, tonton !
-Alors viens m’aider à lui préparer un petit-déjeuner qui lui redonnera le sourire !
-D’accord ! » L’enfant partit en trombe vers le coin cuisine.
Il venait de parler correctement. Elle avait deviné juste.
« Désolée, » ne put s’empêcher de dire Joanna, une fois presque seuls.
« Ça veut dire qu’tu vas rien dire à p’tite Kino, pour le coup ? Sinon elle va me gronder et être très triste… » Le plus triste était le sourire qu’affichait l’homme en cet instant, un sourire si résigné que la gorge de la métisse se serra.
« Disons que cela dépendra du petit-déjeuner ?
-Alors j’vais m’évertuer à faire des prouesses en cuisine. Mais attention : rappelle-toi que je chuis pas un cœur à prendre ! »
Il prit le temps d'attraper la serviette et de la lui lancer gentiment sur la tête alors qu’elle s’approchait. « Va te laver, on s’occupe de tout ! » Il posa sa main sur la tête voilée et murmura à travers le tissu : « Merci de pleurer à ma place. »
Laissée seule, Joanna se rendit alors compte que les larmes coulaient sur ses joues sans retenue.
Une heure plus tard, repus et propres, ils se posèrent en forêt, au milieu de nulle part.
Joanna regarda autour d’elle, curieuse. En dehors des arbres et des collines, il n’y avait pas grand-chose à voir. « Pourquoi nous avoir amenés ici ?
-J’me suis dit qu’ça pourrait être sympa d’jouer loin du village… » L’air innocent que tenta de prendre Tôgan sonnait faux. La métisse soupira.
« Jouer… Mais bien sûr.
-Si, j’t’assure ! »
Taasai attrapa la femme à un bras pour le secouer. « Dis, dis, c’est qui qui commence ? »
L’homme devança la réponse. « C’est nous qu’on va s’cacher, Taasai ! Tu vas voir, la Jojo, elle est super forte pour trouver !
-Plus forte que toi, tonton ?
-P’têt’même qu’elle est plus forte que moi ! Alors j’compte sur toi pour t’donner à fond, d’acc’ ?
-Oui, tonton ! »
Joanna toussota pour attirer l’attention. « Vous pourriez m’expliquer ?
-On va jouer à la chasse. Tu es le chasseur, nous sommes le gibier, » développa Tôgan à sa demande. « Nous avons dix minutes pour nous cacher. Tu peux aller loin, si tu veux, Taasai, tant qu’tu fais super attention à t’cacher super bien. Ceux qui sont pas trouvés au bout d’une heure ont gagnés, si tu nous trouves tous les deux on a perdus. Taasai, rappelle-toi de pas t’montrer tant qu’j’ai pas donné l’signal pour qu’tu t’montres, d’ac’ ?
-Oui, tonton !
-C’est bon pour toi, Jojo ?
-Si vous pouviez arrêter de m’appeler de la sorte, oui. » Elle tentait de cacher sous un air bougon la confusion provoquée par la consonance nostalgique de ce diminutif.
« Alors, c’est parti ! »
A ces mots, l’enfant partit en courant sans demander son reste. Entraîné depuis des mois par le guerrier infiltré, il filait aussi vite que possible le plus loin qu’il pouvait, sautant parfois sur des arbres pour avancer de branches en branches histoire de brouiller les pistes, traversant un cours d’eau repéré en chemin pour effacer partiellement ses traces, sautant de rochers en rochers pour laisser le moins d’empreintes possible. Sous l’égide du meilleur pisteur, il était doué pour se camoufler, malgré son jeune âge.
« Vous vous croyez tellement bon à cache-cache que vous pensez avoir besoin d’un malus ? » Joanna était un peu piquée de voir l’homme immobile alors que le signal avait été donné.
Tôgan, un sourire goguenard sur les lèvres, prit le temps de s’asseoir confortablement avant de répondre. « Maint’nant, on a du temps pour papoter. »
La femme leva les yeux au ciel en soupirant. « Parce que ce n’est toujours pas suffisant ? Nous n’avons fait que cela, depuis hier !
-Oooh, tu voudrais des activités un peu plus sportives ? Genre celles proposées par Kabocha ? Chuis pas contre, après tout… Du moment qu’ça reste du cul pour l’cul… » Il évita sans difficulté la pierre qu’elle lui envoya de colère.
« Rendez-moi mes larmes !! Jamais je n’aurais dû compatir pour une personne aussi… Enervante et… Agaçante, et… Enquiquinante que vous !! » Elle tendait la main en criant de frustration, comme si le dédommagement était quelque chose de matériel. « Rendez-les-moi !! Et avec les intérêts, en plus !! »
Se tenant les côtes, le guerrier explosa de rire, faisant rougir la métisse de honte. Le ridicule de sa demande venait de lui sauter aux yeux. Elle s’assit en tailleur, furieuse.
« De toute façon, je n’ai pas oublié que c’était à vous de parler. Vous ne m’avez toujours pas répondu sur la manière dont vous vous y êtes pris pour ne pas déclencher les détecteurs.
-Ah, vraiment, vraiment ! » Hoquetait le saiyen dans son fou-rire. « J’ai jamais vu personne réagir comme tu l’fais ! J’pourrais même finir par t’apprécier ! » Calmant son rire, il lui fit un clin d’œil. « En tout bien, tout honneur, bien sûr.
-Vous avez intérêt, j’ai autre chose à faire que de gérer un casse-pieds transi d’amour.
-Tu l’as toujours dans ton radar ?
-Hein ? Après ce qui s’est passé, vous ne croyez pas que je n’ai pas compris qu’il me fallait passer à autre chose ? » Le rouge était un peu monté aux joues pâles.
« Tu parles de qui ?
-Vous ne parliez pas de Vegeta ? »
Tôgan ne répondit pas de suite. Son regard perplexe décontenança son interlocutrice. Il finit par reprendre la parole. « C’est quoi, l’rapport avec le prince ? »
La teinte des joues de la femme s’intensifia un peu. « Vous parliez donc de qui ? Quel radar ?
-Taasai, avec ton moyen de r’pérer les gens… »
Le rouge devint quelque peu cramoisi. « Taasai… Bien sûr… Il doit être en train de chercher à se cacher, il n’avance plus aussi vite qu’avant…
-Bien. Alors, pourquoi t’as parlé du…
-Evidemment que je surveille le petit ! » L’interrompit-elle. « Je n’allais pas le laisser s’éloigner sans m’assurer qu’il n’ait pas de problèmes ! D’ailleurs, je vous trouve bien peu responsable ! Pourquoi ne pas lui avoir dit de ne pas trop s’éloigner ? C’est même le contraire ! Vous avez idée de ce qui pourrait lui arriver, loin des adultes ?
-Ouip, il pourrait par exemple réussir à disparaître des scaouteurs des guerriers qui pourraient chercher l’capturer… Par exemple. »
Joanna ouvrit la bouche, incapable de répondre sur le coup.
L’homme s’étira en soupirant. « Sérieux, j’arrive toujours pas à savoir si t’es aussi stupide qu’t’en as l’air et qu’par moments t’as comme des éclairs de génie, ou si t’as réellement un minimum de réflexion avec des pannes de cerveau. »
Cela lui valut un nouveau regard noir de la métisse.
« Ça vous amuse, de m’insulter à longueur de temps ? »
Tôgan prit un air stupéfait et choqué. « Quoi, moi ? J’t’insulte ? Genre j’passe mon temps à te taquiner ? Et genre j’kiffe ça parske t’es facile à embêter ? Et genre j’me défoule avec toi paske j’peux l’faire avec personne d’autre ? »
La métisse grinça des dents de colère contenue, se retenant de sauter à la gorge de son interlocuteur en voyant le sourire narquois dont il la gratifia.
« Franchement, Jojo, t’en as pas marre de parler d’façon aussi ampoulée ?
-Quoi ? Qu’est-ce-qu’elle a, ma façon de parler ?? » Elle semblait aboyer ses mots.
« Trop polie, et puis ce vouvoiement… Ça m’fait saigner les oreilles. Et j’t’ai vraiment jamais entendu dire un seul gros mot. Hé ! Décoince-toi ! T’es plus au palais ! Détends ton plastron ! Quand on t’voit, on dirait qu’t’as un bâton dans l’derche ! »
Les poings serrés de rage, les yeux semblant lancer des éclairs, elle se leva brusquement, cherchant semble-t-il à l’assassiner du regard.
Il s’interrogeait malicieusement sur ce qu’il pourrait encore dire pour la pousser à bout. Elle ne devait plus être loin de craquer…
Il la vit se détourner de lui, le dos rond, les bras croisés. Il siffla d’admiration intérieurement. Elle avait plus de self-control qu’il ne l’aurait cru il y a un instant…
Avant qu’il ait pu trouver un nouveau sujet de taquinerie, elle était partie.
Il lui emboita le pas, soudainement angoissé.
« Taasai ? » Il saisit la femme par la taille pour l’emporter au-dessus des arbres.
Elle lui indiqua une direction. « Par là. Je ne sens plus sa présence.
-Ça signifie quoi ?
-Au mieux qu’il est endormi ou inconscient. Il est très difficile, presque impossible de réussir à sentir la présence d’une personne endormie ou inconsciente.
-Et s’il s’était soudainement éloigné ?
-D’une, il n’est pas assez rapide pour s’éloigner suffisamment vite au point que brusquement je ne puisse plus le percevoir, de deux, ce n’est pas le même genre de sensation. Ça, ce que je viens de ressentir, c’est la disparition d’une personne. Maintenant, je m’en souviens. Je déteste sentir les présences. Parce que je les sens disparaître par villes entières, et je ne peux rien faire. Je suis trop faible. Malgré tous mes efforts, je reste faible. Et je ne peux pas m’arrêter de sentir les présences. Parce qu’après le passage du désastre, il faut chercher des survivants. Et je suis la seule à pouvoir les trouver pour les sauver. Je suis toute seule. J’ai peur de rester seule. Ici ! Stop !! Stop, j’ai dit ! »
Le saiyen, fasciné par la confession donnée d’une voix étranglée, dut rebrousser chemin de quelques mètres, pour s’arrêter au-dessus d’une colline qui tranchait comme une tonsure dans une épaisse chevelure.
« Il est par ici. J’en suis sûre. Il faut chercher ses traces. »
Tôgan se posa après avoir inspecté le sommet, qui s’avéra vierge de toute empreinte. Ils descendirent chacun d’un côté, cherchant quelque indice permettant de retrouver la piste de l’enfant.
La panique envahissait Joanna proportionnellement au temps qui filait sans rien découvrir. Passer la pente au peigne fin n’avait pas été compliqué, mais maintenant qu’elle était de nouveau dans la forêt, c’était une autre histoire. Elle avait l’impression de passer à côté de plein d’indices, et elle ne cessait de se demander si elle n’était pas en train de perdre son temps, s’il ne valait pas mieux qu’elle cherche à se concentrer sur la présence de l’enfant, maintenant qu’ils étaient censés être plus près…
Ne s’était-elle pas vantée, tout récemment, de ses capacités de chasseuse ? Pour du gibier normal, à la rigueur, elle pouvait donner le change, mais face à une proie qui cherchait à dissimuler ses traces, avait-elle réellement les compétences requises ? Mais si elle s’arrêtait pour se concentrer, n’allait-elle pas juste perdre du temps en vain ?
Incapable de se décider, elle faisait les choses à moitié, cherchant des traces tout en tentant de se focaliser sur l’étincelle d’âme de l’enfant. Elle sentait bien qu’elle paniquait, et cela accroissait sa peur.
Une idée lui traversa l’esprit, et elle s’empressa de rejoindre son compagnon de recherche.
« Tôgan ! Et si le petit était tombé sur un guerrier qui l’avait emmené ? Il est peut-être au palais, à l’heure qu’il est ! »
Elle vit l’homme pâlir, puis rougir de colère. « Et c’est maintenant qu’tu l’dis ?? » Il l’attrapa au col et décolla, pour la balancer au sol l’instant d’après, arrachant des protestations surprises à la femme.
« Aïe ! Ça ne va pas, la tête ?
-Attends… T’as toi-même dit, t’aleurs, que c’était pas possible. » Il ne cachait pas son ton accusateur. « Tu m’as pipeauté ? »
S’attirant un regard empli d’incompréhension, il continua, la colère lui montant au nez : « C’est moi l’premier à avoir parlé d’un enlèvement, et t’as dit qu’tu l’aurais senti s’éloigner, qu’c’était pas pareil, trop brutal. »
Elle baissa les yeux. « Je… J’ai pu me tromper… Les rangs S peuvent être très rapides… Peut-être…
-Dans s’cas t’as senti quelqu’un d’autre, tout à l’heure ? Pourquoi t’as rien dit ?
-N-non, je n’ai senti personne d’autre… Je n’ai senti… » Tout en parlant, elle réalisait ce qu’elle disait. « Je n’ai senti personne d’autre…
-Put… » Il manqua de peu de lui allonger une gifle de colère. Il s’était arrêté à temps, mais cela engendra tout de même un mouvement de défense à la métisse, qui serait arrivé trop tard sans le contrôle dont venait de faire preuve le saiyen. Il s’éloigna en crachant entre ses dents serrées de frustration : « Temps perdu pour rien ! Pas possible d’être aussi conne ! »
La métisse regardait ses pieds, désemparée. Il avait raison, elle venait de leur faire perdre du temps stupidement. Au lieu de paniquer inutilement, elle devait réfléchir, mais elle se sentait tellement en-dessous de tout… Seule avec elle-même, elle n’était qu’une bonne-à-rien.
Je vous en prie, peu importe si je dois finir enfermée, ou je ne sais quoi, mais qu’on le retrouve sain et sauf… Je vous en prie…Tout en priant, elle se mit à faire courir son regard autour d’elle. Il était impossible que Taasai soit sur cette colline. La végétation la couvrant était bien trop rase. Même les buissons qui tentaient d’y pousser ne dépassaient pas ses genoux, comme s’ils n’avaient pas suffisamment de terre où s’accrocher. Et puis les pentes étaient trop régulières, il n’y avait pas même le moindre amoncellement de rochers pour créer une quelconque cavité où se cacher. Mais une part d’elle ne pouvait s’empêcher de s’accrocher à l’idée que l’enfant n’était pas loin.
Alors elle revint au sommet, pour regarder la forêt l’entourant. La hauteur où elle se tenait surplombait la cime des arbres, et elle avait autour d’elle un diamètre d’un bon kilomètre d’espace dégagé. Impossible qu’il fut là. Il avait pourtant dû arriver ici, et il lui était arrivé quelque chose qui, au mieux, lui avait fait perdre connaissance. Voilà, sa seule certitude était que quoi qu’il se fut passé, c’était ici. Et s’il avait été enlevé par un animal ? Y avait-il seulement des animaux suffisamment dangereux pour des saiyens, sur ce monde ? Un très gros oiseau, peut-être ?
Hésitante, elle redescendit vers l’homme en pinçant les lèvres. Il allait sans nul doute l’envoyer une fois de plus sur les roses, avec sa nouvelle théorie… Mais autant il avait eu raison de souligner qu’elle n’avait senti personne, autant cela ne signifiait pas qu’il n’y avait pas eu d’animal.
Tandis qu’elle descendait vers lui, lui était en train de monter vers elle, les yeux rivés sur le sol.
« Je crois que… » Commença-t-elle, hésitante.
Il la coupa d’un signe de la main. « J’ai une piste. »
Le cœur bondissant d’espoir, elle sauta un petit éboulis pour le rejoindre et sentit le sol se dérober sous les pieds.
« Wah ? »
Ce fut tout ce qu’elle put dire sous la surprise, tandis que son corps disparaissait sous terre. Le plastron arrêta brutalement la chute, lui coupant à moitié le souffle, et elle sentit un poids se déverser sur son dos, la plaquant sur le ventre, et recouvrir sa tête, cherchant à l’asphyxier.
Avant même qu’elle n’ait eu le temps de comprendre qu’elle venait d’être ensevelie sous un glissement de terrain, Tôgan était là pour la dégager.
« Oï, Jojo, ça va ? Qu’est-sy t’est arrivé ? » Il avait prestement dégagé sa tête et tentait désormais de la tirer de sous la terre, la faisant crier.
« Arrêtez ! Je suis coincée !! »
Après deux minutes de chaos durant lesquelles il fut question de terre lancée dans tous les sens à quelques mètres d’eux et de gesticulations pour s’extirper du piège, le duo put regarder sa trouvaille : un trou dans une surface non naturelle cachée sous cinquante centimètres de terre.
« Mais comment je n’y ai pas pensé plus tôt ? » Se morigénait Joanna. « Pourtant tout était là, sous mes yeux ! Une colline trop régulière, une végétation trop rare, un manque d’accidents de terrain trop anormal, une lisière de forêt trop… Oh, punaise ! Ce n’est pas possible d’être aussi bête !
-Pousse-toi, qu’j’agrandisse le trou ! Taasai doit nous attendre ! »
A la grande surprise de l’homme, elle s’interposa. « Surtout pas !
-Putain, mais casse-toi ! »
Malgré la différence de force, elle se jeta sur lui pour le repousser. Tous ses doutes étaient désormais envolés, et elle ne pouvait plus ignorer son instinct qui, désormais, agitait une alarme de danger.
« Non ! Arrêtez ! Il ne faut surtout pas faire cela ! »
Il la poussa sans difficulté sur le côté, et concentra son énergie pour la propulser.
« Vous allez l’enterrer !! »
Il suspendit son geste en fronçant les sourcils. « Kestu racontes, encore ?
-On ne sait pas dans quel état est ce bâtiment ! S’il y a un trou ici, cela signifie que la zone est fragile ! Si vous cherchez à l’agrandir, vous risquez de tout faire s’écrouler et de l’enterrer ! »
Le saiyen baissa le bras en crachant de colère. « Comment j’vais faire pour aller l’chercher, alors ? Tu passes à peine ! Comment tu veux qu’je fasse, moi, avec ma carrure ? »
L’homme faisait près du double des épaules de la femme, avec ses gros muscles.
« Je vais y aller. De toute façon, j’ai l’habitude, moi, de chercher dans des endroits dangereux de ce genre !
-Toi ? Me fais pas rire ! T’étais en train de péter de trouille, y’a pas cinq minutes ! Tu vaux pas un clou ! »
Sans lui répondre, elle se défit de son plastron et s’avança jusqu’à l’ouverture. Elle était profondément vexée, parce qu’elle savait qu’il avait entièrement raison et elle avait doublement honte, honte de l’attitude qui lui était reprochée à juste titre et honte de lui en vouloir de dire les choses telles qu’elles étaient. Se rattraper devenait de l’ordre de l’obligation, maintenant qu’elle s’était ressaisie.
Une fois au trou, elle y passa la tête pour y scruter les ténèbres. « Je ne crois pas qu’il soit là… »
Elle ressortit.
« Les traces mènent là. Il y est forcément. Y’en a pas d’autres ailleurs. » L’homme se ferma d’un air buté.
Elle soupira de façon exagérée pour exprimer son agacement. « Je n’ai pas dit qu’il n’était pas là-dedans, j’ai dit qu’il ne me semblait pas être juste en-dessous de nous. Il a pu entrer et aller plus loin, avant qu’il ne lui arrive quelque chose.
-Comment qu’tu peux en être aussi sûre ?
-Je ne sens pas son odeur. S’il avait été tout près, je pense que j’aurais pu le sentir. »
Le saiyen réfléchit un instant. « Ok. Donc tu entres, et ?
-Déjà, il me faut de la lumière. Vous auriez une lampe de poche ?
-Une quoi ?
-Quelque chose pour faire de la lumière mobile… Et pas de flammes, on ne sait pas s’il n’y a pas une fuite de gaz quelque part. » Une part de son esprit lui disait que s’il y avait eu une fuite de gaz à une époque, elle devait s’être épuisée depuis belle lurette. Mais une autre part de son esprit rétorqua que le gaz en question pouvait être resté stocké dans une zone, sans échappatoire. La première part répondit à la seconde qu’elle était chiante à avoir raison et que d’accord, il valait mieux jouer la prudence jusqu’au bout. Une troisième part se demanda si Tôgan aurait relevé l’utilisation d’un terme aussi familier dans la situation présente.
Etranger à l’échange interne de la femme, ce dernier lui tendit un objet sorti d’une bourse attachée à sa ceinture. « Tu sais t’en servir ? »
Joanna nia. Personne n’avait jugé jusqu’à présent utile de lui apprendre à se servir d’un scaouteur.
Il le lui fixa sur son œil droit, puis guida ses doigts sur les boutons. « Avec ça, tu peux avoir une vision de nuit. Tu allumes, tu éteints. T’occupe pas des autres boutons. Attends… » Il toucha quatre fois un autre bouton. « Là. J’vais aller m’en chercher un autre. J’vais faire vite. J’t’ai mis sur un canal sécurisé. J’fais vite pour rev’nir. T’as intérêt à me répondre.
-Oui, bien sûr. » Savoir qu’elle ne serait pas longtemps seule la soulageait. En l’attendant, elle avait l’intention de faire son maximum pour trouver l’enfant. Elle comptait l’accueillir avec une bonne nouvelle. Son estomac se serra à cette idée. A condition que l’enfant soit toujours vivant.
Tôgan aida la métisse à se glisser dans l’ouverture avant de s’envoler.