Lalilalo a écrit:Zhatan a écrit:PS : tiens je me posais la question pour le préambule de la loi travail (article 1), question pour les juristes, donc :
Les libertés et droits fondamentaux de la personne sont garantis dans toute relation de travail. Des limitations ne peuvent leur être apportées que si elles sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché.
Est-ce que ça ne risque pas d'introduire l'idée que les règles de l'entreprise sont supérieures aux lois ? J'ai l'impression qu'il y a un cheval de Troie là, mais peut-être me trompé-je.
Cet article ne fait plus partie de la dernière mouture du projet de loi.
http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/3675_article_49_3.pdfLes principes fondamentaux du droit du travail, issus de la commission Badinter, ont tous été écartés lors des débats sur la Loi El Khomri.
Zhatan a écrit:Argh, que c'est compliqué :'(
Et ç'aurait pu, ou pas ?
Je passe sur ce topic qui me parait plus adapté.
Il existe en fait déjà un article qui reprend des notions très proches de celles exposées dans cet article 1er, mort-né, de la loi travail :
Article L1121-1 du Code du travail: "
Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché".
Alors que ce texte ne distingue pas de quels droits il s'agit, l'article 1er envisageait expressément les droits et libertés fondamentaux, c'est-à-dire ceux prévus par le bloc de constitutionalité (la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le préambule de la Constitution de 1946 (repris par celle de 1958), la Constitution de 1958 et la Charte de l’environnement de 2005.
On constate ensuite que le texte actuel précise que les libertés peuvent être réduites en raison de la
nature de la tâche à accomplir et à condition que les moyens employés soient proportionnées au but recherché.
Le futur ex-article 1er, lui, aurait mentionné que les
nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise , proportionnées au but recherché, auraient pu permettre de limiter l'application de droits et libertés fondamentaux.
Franchement, je ne sais pas ce qu'aurait pu recouvrir de plus cette rédaction différente et ce que le législateur avait en tête.
Il faut toutefois noter selon moi que cet article devait être inséré dans un préambule intitulé "
principes essentiels du droit du travail" qui reprenait une liste d'une soixantaine de principes, rédigés de manière extrêmement vague afin de fixer les grandes orientations du droit du travail. Ils permettent ainsi d'interpréter un texte plus technique ou plus obscur au regard de ces grandes orientations.
On aurait donc effectivement attiré l'attention des juristes sur le fait que les droits fondamentaux pouvaient être rangés au placard pour la bonne marche de l'entreprise.
Enfin et pour te donner une idée de ce qui peut déjà être fait avec cet article L1121-1 du Code du travail qui vaut pour moi, plus ou moins, cet hypothétique article 1er (si ce n'est qu'il n'a pas sa valeur symbolique), tu peux te reporter à l'arrêt Baby Loup du 25 juin 2014:
Mme Fatima X était employée de la crèche Baby Loup en qualité d'éducatrice de jeunes enfants. elle s'est présentée dans les locaux de la crèche vêtue d'un « voile islamique intégral », selon les termes utilisés par son employeur. Elle a alors été invitée à se changer puisque le règlement intérieur interdisait le port de signes religieux. Ayant refusé, elle se voit notifier son licenciement pour faute grave (je simplifie, apparemment, son comportement n'a pas non plus été exemplaire).
La liberté (fondamentale) de Mme X qui a été limitée ici était donc sa liberté religieuse évoquée dans l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Après un marathon judiciaire, la Cour de cassation, en application des articles L. 1121-1 (que nous avons déjà vu) et L. 1321-3 du Code du travail va finir par dire que "
la cour d'appel a pu en déduire, appréciant de manière concrète les conditions de fonctionnement d'une association de dimension réduite, employant seulement dix-huit salariés, qui étaient ou pouvaient être en relation directe avec les enfants et leurs parents, que la restriction à la liberté de manifester sa religion édictée par le règlement intérieur ne présentait pas un caractère général, mais était suffisamment précise, justifiée par la nature des tâches accomplies par les salariés de l'association et proportionnée au but recherché"
Or, aux termes de ses statuts, la crèche avait pour mission de "
développer une action orientée vers la petite enfance en milieu défavorisé et d'oeuvrer pour l'insertion sociale et professionnelle des femmes (...) sans distinction d'opinion politique et confessionnelle ".
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000029153791&fastReqId=32518962&fastPos=1