Plop
Nouveau chapitre, après une éternité. Comme d'hab'
Donc merci bbeaucoup pour vos retours, même si je ne répond pas tout de suite, je les lis avec attention et ils me font très plaisir. La plupart des questions/interrogationstrouvent leur réponse dans le chapitre qui suit, inutile de répondre ici. Cette exception, tout de même :
Antarka a écrit:Taris est mort y'a 1-2-3 chapitres si je ne m'abuse (en percutant la lune avec le croiseur doré).
Il est vivant, pour le coup (oui, le croiseur est complètement surabusé)
et :
Antarka a écrit:Je m'interroge beaucoup sur la nouvelle forme de Goujin perso. C'est juste un SSJ3 avec les parties manquantes lumineuses ? (Style énergie solide de Gotenks et Vegetto ?) Ou plus que ça ?
Hum... Pas loin. DIsons que c'est ma vision du SSJ4. Obtensible seulement au cours d'une expérience de mort imminente, et avec l'aide d'une entité supérieure. Dès la transformation, le sayen est condamné à mort, et il brûle toute son énergie vitale en ki, le rendant plus ou moins invincible pendant ses derniers instants.
Et ccontent que Goujin vous plaise. Il est devenu un de mes personnages préférés avec le temps.
Chapitre 24 - Victoire
Encore un pas. Son tibia craqua, et elle s’arrêta, grimaçante, attendant un pic de douleur qui ne vint pas. A la place, elle put observer son os se reconstituer doucement, sa chair se déplaçant lentement pour compléter la fracture. Elle sentait ses muscles bouger, mais une anesthésie locale protégeait des pointes de douleur qui auraient dû arriver. Encore un pas, et ce fut une de ses vertèbres qui céda. Répétition du processus, mais cette fois ci, ses jambes s’étaient raidies pour la maintenir debout malgré la perte de contrôle sur le bas de son corps.
Ça durait depuis trop longtemps, et elle avait envie de vomir. L’attaque du sayen avait touché, l’avait réduite en charpie mais, elle en avait maintenant la confirmation, Panka était bel et bien immortelle.
Le contrôle de ses jambes venait de revenir. Elle serra le poing, et, après que plusieurs os aient craqué, le sortilège se remit au travail. Les os bougeaient doucement, et la chair se levait pour leur libérer le passage. Les phalanges se réarrangèrent aussitôt qu’elle leur laissa le chemin. Toute son agilité de chirurgienne était revenue, elle n’avait pas besoin de sorcellerie pour le savoir. Tout ça malgré des nerfs irrémédiablement détruits…
Ils n’étaient strictement rien comparés au savoir du nécromancien. Ramener les morts à la vie, en soi, était déjà une preuve de la différence infinie entre eux et cet être. Qu’il soit, à lui seul, une menace supérieure à l’armée du makaï entier n’était qu’une preuve supplémentaire, inutile, de cette réalité. Ils étaient des pions dans une partie d‘échec qui les dépassait.
Mais une des pièces était là, dans cet arbre. Et cette pièce souffrait.
Et cette pièce était sa mère.
Alors Panka se releva, après avoir rendu à la terre le contenu de son estomac, et se remit en route, au son de ses rotules craquantes. Chaque pas un peu plus horriblement indolore. Chaque enjambée voyait sa moelle fuir, refluer, et rentrer dans des os fracturés. Comme une mort à l’envers, elle contemplait son organisme remonter le temps, se rappeler à tâtons, avec erreurs, trop d’erreurs, comment l’original était arrangé. Deux pas en avant, un en arrière. Et elle dût s’arrêter pour laisser son genou remonter de deux centimètres. Une seconde de cicatrisation plus tard, et elle ne boitait plus.
Panka fit une autre halte, pour cracher ce qui lui restait de bile au fond de l’estomac. Ce fut en remontant la tête, le ventre vidé de toute échappatoire au mal-être qui lui rongeait les os, qu’elle aperçut l’éclair doré.
Le super-sayen était là.
C’était une révélation, une vérité absolue qui la frappait avec une exactitude qu’elle n’avait ressenti qu’une seule fois dans sa vie, lorsque sa mère lui avait annoncé le funeste sort du Makaï. Le vrai super-sayen était enfin arrivé, celui dont tous les autres n’avaient été que des simulacres.
Maintenant que l’armée des démons avait disparu, que le nécromancien, son père, cet usurpateur, était défait, qu’elle-même avait eu la volonté de combattre soufflée hors de son corps à coup de kikoha. Il arrivait, sur un champ de bataille propre, nettoyé de toutes ses indésirables par le destin. Ils étaient deux : Baphasi et le super-sayen. Non. La graine et le super-sayen.
C’était une étoile en mouvement, en guerre contre l’immensité du ciel nocturne. Il attaquait l’arbre, mais celui-ci ne ressentait pas la nécessité de répondre. Transie de terreur et de fascination, Panka taisait l’instinct animal qui lui hurlait de faire demi-tour. A la place, péniblement dressée sur des jambes qui se réarrangeaient au fil des minutes, elle contempla le dernier combat de cette ère.
Appeler ceci un combat était élogieux. Il s’agissait plus d’un marteau invincible s’abattant à répétition sur une enclume indestructible, et de voir l’immobilité l’emporter sur le mouvement.
La force du sayen était inconcevable, et Panka avait depuis longtemps renoncé à tenter de suivre ses déplacements. Mais ses frappes étaient amples, il prenait son temps pour ajuster ses coups et maximiser les dégâts. On comprenait facilement la pose et l’ordre de ses attaques, à défaut de percevoir les mouvements qui les espaçaient.
Rien ne le forçait à se presser : Baphasi avait achevé sa métamorphose, et l’arbre était aussi indestructible qu’immobile. Les épaisses couches d’écorce, stoïques, encaissaient les coups sans broncher. Tout au plus, quelques feuilles tombaient-elles, immédiatement remplacées par de nouvelles. Et puis, soudainement, quelque chose lâcha.
Ce qui n’avait semblé que l’acharnement d’un dément portait enfin ses fruits. Sans l’absorption de l’arbre, les coups du sayen révélaient toute leur puissance. L’impact suivant déracina toute la structure, et l’état de contamination du sol alentours devint apparent.
A un kilomètre à la ronde, le sol se désolidarisa, projetant des milliers de tonnes de terre, de sable et de gravats en l’air. Les racines, exhumées, révélaient toute leur aberrante étendue. Il y avait là assez de tentacules lignifiés pour enlacer la terre entière. Ils agrippaient la roche, pénétraient le sol de part en part. Au plus profond, ils attaquaient le manteau rocheux, et les failles révélaient comment les racines avaient rongé la pierre.
Panka dut prendre son envol, pour éviter d’être prise dans l’avalanche de gravats. L’arbre avait vite trouvé un nouvel équilibre, soutenu par sa masse de branches souterraines. Elles n’avaient pas fini de craquer sous son poids quand un autre impact doré éclata.
La coupe était nette. Une branche large comme une autoroute chuta au sol, dans un tremblement d’apocalypse, et une autre frappe suivit. Il visait le cœur.
L’écorce, qui lui avait semblée si indestructible, s’étiolait sous les griffes de lumière. Le sayen gagnait du terrain, inexorable. L’un des impacts, trop sonore, fit vibrer le ventre de Panka au point qu’elle cracha un ultime résidu de bile au sol. Lorsqu’elle releva les yeux, hagarde, elle vit, à travers les nuages de poussière, sa mère, exhumée de sa prison de bois, couverte de sève rougeâtre et gluante. Ce ne fut qu’une image. La seconde suivante, le sayen s’était abattu sur elle.
*******
Enfin !
Le but de son existence, la fin de la reine des démons ! Tout était là !
La rage battait dans ses tempes. Était-ce les voix ou son sens du combat qui lui soufflait les solutions à l’oreille ? Qui lui avait permis de faire céder l’écorce de la reine-arbre, et de creuser jusqu’à son coeur de chair ? Y avait-il seulement une différence, à présent ?
Son Goujin était bien devenu ce qu’il voulait être depuis toujours. Le briseur de rois. Le guerrier ultime. Le super-sayen.
Il n’avait plus qu’un ultime coup de pinceau à apporter à sa toile. Une dernière note à son requiem. Il s’élança, droit sur sa cible. Sans son armure de bois, elle était aussi vulnérable que n’importe qui aux mains du super-sayen.
Son Goujin lui atterrit dessus, replié sur Baphasi, enserrant sa tête de ses deux mains. Une simple pression, et elle éclaterait comme un fruit trop mûr, teintant ses doigts de sang et de fluides vitaux, et son nom d’une aura nouvelle.
Son Goujin le régicide.
Son Goujin le salvateur.
Tout se déroulait sur des intervalles de temps qui lui étaient réservés. L’univers avançait au ralenti, autour de lui. Même s’il n’avait pas été si fort, la compréhension, le découpage tellement plus efficace de la réalité auquel il avait accès lui aurait assuré la victoire contre n’importe lequel de ses congénères. La vision de Baphasi, le dévisageant, grimaçante, à travers cette fraction de temps privée n’en fut que plus troublante.
Il l’avait crue lente. Elle n’était qu’immobile. Comme un piège au repos. Et elle venait de se refermer.
Là où s’était trouvé le cœur de Son Goujin, il y avait un avant-bras. Il voulut refermer ses mains, emporter Baphasi dans la tombe, mais la lumière solide s’était dissipée. Il ne sentait plus rien. Même plus à la rage qui l’avait alimenté jusque-là. Incapable de comprendre ce qu’il venait de lui arriver, il sombra dans l’inconscience et la mort.
Ce ne fut qu’alors qu’il mit un mot sur ce qui s’était passé.
« Défaite. »
*******
« Bien ! »
« Tu l’as tué, cet idiot. »
« Maintenant, recommence à grandir. »
Elle n’avait plus l’envie de contredire la graine. Grandir, s’étendre, c’était là le but de toute chose, n’est-ce pas ? La graine ne faisait que lui rappeler sa véritable vocation. L’écorce se remit à grandir, et la sensation des veines et du bois qui grandissait en couches successives, sur sa peau, était devenu une seconde nature. S’étendre. Grandir. Conquérir… Enfanter.
Le bois ne s’était pas complètement refermé sur elle, et elle aperçut, au loin, à travers les nuages de poussière, une forme familière. Une poussée monumentale d’amour jaillit de sa poitrine, et l’arbre s’ébranla avec un craquement de libération. En un instant, les racines se rétractèrent et perdirent de leur incroyable vitalité.
Mais la graine avait empoisonné son cœur jusqu’à la souche, et cette nouvelle émotion contraire vint se mêler à la carricature de Baphasi qui occupait actuellement son corps. Elle avait oublié comment réagir à un sentiment positif, et la panique parla. Les quelques racines encore vivantes prirent leur élan dans un bang supersonique, droit sur l’objet du conflit intérieur qui la déchirait. Panka, sous le choc, n’esquiva pas, et fut fauchée par les tentacules de bois, qui la traînèrent face à la reine. Baphasi avait dégagé ses mains de leur chrysalide. Ce n’étaient plus que des battoirs de chair lignifiée, poisseux de sang et de sève, mais l’émotion avait tué ses sens et lui avaient donné la force de détacher quelques doigts les uns des autres, de les refermer sur le crâne de sa fille. Elle serra fort, tentant de ressentir encore cette peau, de voir une dernière fois ce visage.
« Panka ! Pourquoooi ? Je. T’avais. Ordonné. De. RESTER ! »
Les doigts végétaux entaillaient lentement les joues de la princesse. Immobilisée par les racines et par ses mains si puissantes, elle ne parvenait pas à articuler un seul mot. L’aurait-elle pu, elle n’en aurait trouvé aucun. Un long gémissement sortait en continu de sa gorge. Elle avait mal.
« Pourquoi ? Pourquoi es-tu venue ? »
Mais la mère ne parvenait plus à lâcher. Elle ne pouvait pas laisser partir ce souvenir, et elle ne parvenait à pas à lui pardonner sa désobéissance. Elle était réduite à hurler, et à l’étreindre dans une prise chaque seconde plus insupportable.
Il ne restait qu’une seule issue possible.
Les yeux de l’héritière se troublèrent, et le dernier regard, embué de larmes, qu’elle adressa à sa mère ne portait aucune condamnation. Seulement du regret, et un amour inconditionnel.
Un bref instant, une étincelle s’alluma entre elle. Noire.
Et le cauchemar de Baphasi prit fin.
*******
« Tu aurais dû le tuer. »
« Tu étais trop faible, et il va tout détruire, par ta faute. »
« Mais tu peux encore trouver cette force en toi. »
« S’il y est arrivé, tu peux le faire, toi aussi. »
« Toi aussi tu peux te transformer. »
Entre la douleur, qui lui broyait l’esprit et la sensation horrible de la vie qui le quittait petit à petit, seules les voix gardaient encore Zakriel éveillé. Elles ravivaient la dernière chandelle de lumière dans l’océan de ténèbres qui recouvraient son univers : la flamme dorée du super-sayen.
Elle survivait à peine, et les voix soufflaient toutes pour l’attiser. Il les laissait faire, car elles étaient son dernier espoir de survie.
Mieux : son dernier espoir de tuer Son Goujin.
Et puis, d’un coup, il fut seul avec sa chandelle. Sans les voix pour le conseiller, il se sentit sombrer, son étoile s’effaçant sous une lourde chape de nuages. Il ne craignait plus la mort. Il avait trop mal pour ça. La douleur était si intense qu’il ne sentit pas le senzu que Piccolo introduisit, prémâché, dans son œsophage.
En un instant, il était revenu à ses esprits, et repassa sous un nouveau jour ce qui venait de se produire. Son Goujin, le meurtre de Boo, la démence s’était emparée de leur esprit à tous les deux… Soudainement horrifié par la tournure qu’avaient prises ses pensées, il se releva, tremblant, et chercha à tâtons l’énergie du jeune sayen. Le regard grave de Piccolo lui confirma l’évidence.
- Il a emporté la reine dans sa tombe. C’est pour le mieux. Mais le mal qui la possédait est toujours là, lui.
Inutile de le préciser. La tornade d’énergie maléfique n’avait pas disparu, elle avait été… Pacifiée. Rétractée sous une forme latente, qui ne demandait qu’à éclore de nouveau.
L’impulsion avait jaillit dans son esprit, faible, mais trop reconnaissable. Le sayen aperçut ses reflets dans sa propre aura, et sut immédiatement qu’elle ferait à jamais partie de lui. La corruption s’était incrustée sous la peau, dans les recoins les plus sombres et inaccessibles de son âme.
Piccolo dû reconnaître le trouble du sayen, deviner que lui aussi avait été touché par l’horrible vortex de ténèbres. Il n’était pas, tout comme Goujin, capable de se confronter à la graine sans perdre l’esprit. Il n’était pas pur. Il n’était pas Goku. La main du namek le releva, ferme, sûre, stable dans ce monde qui s’effondrait. Il n’y avait pas de doute dans ses yeux à lui, quand il tendit les trois macro-capsules à Zakriel, ainsi qu’une quatrième, plus petite, qui contenait le vaisseau qui emmènerait l’humanité loin de cette folie, dans un monde paisible et inhabité qu’ils avaient baptisé Torrès.
- Pars. Je me charge de régler cette histoire.
Dans l’importe quelles autres circonstances, Zakriel aurait insisté pour faire lui-même face au danger, mais il dût s’incliner pour cette fois-ci. Piccolo avait déjà fait face à ses démons il y a de longs siècles, et avait triomphé. Lui seul pouvait mener ce combat-ci.
Loin, vers l’horizon, il vit les traînées blanches de deux vaisseaux spatiaux fusant vers Torrès. Une autre apparût, à l’est. Il était temps, pour lui aussi. Il déploya la capsule, jet un dernier regard sur les ruines de la terre, sur son ciel sali par les cendres, son sol tremblant et déstructuré par de trop nombreux impacts. Il n’y avait plus rien à sauver. La porte mécanique se referma sur ce monde, et Zakriel quitta la terre pour toujours.
*******
Boo : Mort.
Zakriel : Vivant
Goujin : Mort
Kyra : Morte
Ten Shin Han : Transcendé
Clairvoyants : deux morts, deux vivants.
Krilin : Vivant
C18 : Stable, survie probable
C17 : Mort
Piccolo : Vivant
La situation était catastrophique, mais pas totalement perdue. Les quelques sayens survivants avaient quitté la terre, ils avaient préparé de quoi reconstruire la civilisation sur Torrès, et les premières installations de capsule Corp pourraient accueillir la population. Oui, ils pouvaient tout reconstruire.
A condition que lui, Piccolo, règle la question de cette graine.
Il ne restait qu’une seule personne vivante sur le lieu, et son aura n’indiquait aucune combativité. Cette même aura, cependant, était d’une nature si incompréhensible et hostile, qu’il résolut de ne s’approcher qu’avec les plus grandes précautions. Son ki atténué, sans un bruit, il atterrit dans le labyrinthe de branches mortes plus larges que des troncs et de gravats gros comme des maisons. Un instant, il fut mis dans la peau d’un insecte, manœuvrant à travers un sol irrégulier. Cela devait être le quotidien, pour eux. Vivre dans un monde immense, où chaque obstacle leur semblait titanesque, tout en suspectant, au loin, l’existence de géants qui ne percevaient qu’à peine le relief, et donc chaque pas risquait de les exterminer, par inadvertance.
La jeune démone était là, agenouillée près du cadavre de la reine, trop absorbée par sa tâche pour suspecter l’existence du namek. Elle semblait vouloir ramener cette parodie déformée à un état fonctionnel. Ses doigts plongeaient dans la chair pour en extraire les fibres de bois, raclaient les doigts pour les rendre à une forme naturelle, et arrachaient toute l’écorce qu’elle parvenait à retirer. Lentement, méticuleusement, elle dépeçait l’abomination végétale, et refermait par de petits sortilèges de cicatrisation les zones dont elle était satisfaite.
C’était un travail éreintant, et elle l’accomplissait, pleine de dévotion. Il lui faudrait des heures à ce rythme et, obnubilée comme elle l’était, il semblait à Piccolo qu’elle irait bien jusqu’au bout.
Cela lui laissait tout le temps de saisir la graine qui gisait, non loin, hors du champ de vision de la soigneuse. Son attrait était déployé, et Piccolo pouvait la sentir, qui appelait tout le vice du monde à lui porter secours. C’était une monstruosité au-delà de la compréhension, bien au-delà de ce que Boo lui-même avait été. C’était le véritable ennemi, dans cet affrontement, et le véritable enjeu de cette guerre. Il suffisait de la voir, d’entendre cette voix pernicieuse pour s’en convaincre.
Un esprit plus commun aurait douté, faillit devant la monstrueuse présence. Pas celui du namek. Il connaissait parfaitement la partie de lui qui l’appelait à céder. Elle avait été étouffée, vaincue il y a bien longtemps. Pas lorsqu’il avait fusionné avec le dieu de la terre pour retrouver son unité, mais encore avant, dans une oasis, lorsqu’il avait rencontré Son Gohan. Là-bas, il avait découvert en lui une force qui l’avait soutenu pendant tout ce temps. Pas la force brute des sayens qu’il avait tellement envié, non. Mais la force de ne pas hésiter quand vient l’heure fatidique. Depuis ces jours où il s’était découvert, il n’avait jamais trébuché sur la voie de la justice.
Furtif et impossiblement rapide, son aura atténuée rendue invisible devant le tourbillon de la graine, il saisit cette dernière.
« Utilise-moi ! »
« Elle va ressusciter la reine ! Il faut la tuer ! »
« Vite, tu as encore une chance de te venger ! »
« Tu as encore une chance de devenir le plus fort ! »
L’impact des voix était plus fort que prévu. Elles sonnaient dans sa tête comme un organum sinistre, chacune reprenant l’autre un peu plus fort, s’arc-boutant contre les murs de sa conscience. Piccolo ne céda pas un pouce de volonté. Figé, serrant dans son poing la graine qui le dévisageait, il encaissait de plein fouet ce typhon maléfique et ne vacillait pas.
Panka l’avait surpris. Défensive, le corps nimbé de son aura noire, elle se détendait lentement, comprenant que le pouvoir qui avait subjugué sa mère ne trouvait aucune prise chez cet être-ci. Piccolo s’habituait à l’assaut de la graine, comprenait petit à petit son comportement, et élaborait un plan de contention. Peut-être la salle de l’esprit et du temps avait-elle survécu à la bataille ? Dans ce cas, sans les dragon balls, il n’y aurait plus jamais moyen de s’en échapper une fois la porte détruite. Les voix sonnaient toujours fort, sans effet.
« Qu’est-ce que tu attends ? Frappe ! »
« Elle va te tuer si tu ne prends pas l’initiative ! »
« Sans toi, les terriens n’ont aucune chance. »
« Sans nous, tu n’as aucune chance. »
« Prend notre force ! »
- Non.
Les voix se turent. Le mot leur avait communiqué le nécessaire. Elles bouillaient de rage devant cet être qui leur résistait, devant lequel toutes leurs injonctions échouaient. Une horde de dieux, aux commandes de la moitié maléfique de la Volonté d’Existence devaient admettre leur impuissance.
Une autre voix avait jailli de quelque part, profond dans son ventre de Piccolo. Une voix qui n’était pas la sienne, qu’il n’avait jamais entendu et qu’il reconnaissait, pourtant. Il restait encore une trace en lui. Infime, tue, morte et oubliée, mais la graine savait sonder l’infiniment petit à travers le silence et le passé. Il y avait eu un monstre, jadis, et elle avait reconstitué son tombeau pour l’en exhumer.
Horrible, rapide, de là d’où la voix avait retenti, il sentit une forme pousser, grandir, presser contre son torse et sa gorge. Un réflexe inarrêtable, celui de la procréation, et il ne put que contempler l’œuf sortir de sa gorge à toute vitesse, se fracasser contre une roche, et donner le jour à son occupant. La forme du nouveau-né, au début prostrée, grandit, avec une vitalité contre-nature à présent trop familière.
Piccolo, haletant, plié en deux par l’effort qu’il venait de produire et Panka, toujours agenouillée sous le choc du décès de sa mère, firent face à la résurrection du grand roi démon Piccolo senior. La graine était fichée dans son front et son fils, devenu son père, ignorait comment il l’avait laissée s’échapper.
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« Bien ! Bien ! Massacre-les, maintenant ! »
- Et maintenant, je vais les massacrer !
« Prend notre pouvoir, et règne ! »
- Avec ce pouvoir, je règnerai pour toujours !
« Tu pourras remodeler le monde comme tu l’as toujours voulu ! »
- Ce sera un royaume de ténèbres et de terreur ! Le règne de Piccolo !
La graine n’appliquait aucune pression, il n’y avait rien à convaincre : Piccolo senior était déjà complètement conquis à sa cause. Sans obstruction, il fusionnait avec cette entité, à l’aise dans le vice. En se débarrassant de son côté maléfique, l’ancien dieu de la terre avait fourni un hôte parfait au mal absolu. En un instant, le démon se fondit dans cet océan d’horreur et ne fut plus qu’une voix dans la horde, son corps devenu un réceptacle pour la graine elle-même. Ironie suprême, que la perfection de cette symbiose scellât le sort du panthéon incarné.
Les makaïoshins avaient bien identifié la menace représentée par Panka et ses flammes noires qui avaient si facilement éliminé leur premier hôte. Les voix combinées des milliers de dieux maléfiques convergèrent vers la destruction de l’héritière, alors qu’une seule d’entre elles tentait de les rediriger vers une autre menace, tout aussi dangereuse.
Pour les deux mortels témoins de la scène, ce fut immédiat. Un instant, ils assistaient à résurrection d’un mal ancien. L’instant d’après, un kiaï comme l’arène n’en avait jamais témoigné avait arraché l’essentiel de la chair des os de Panka, et envoyé valser son squelette désarticulé, relié par quelques rares tendons encore fonctionnels. Des milliers d’âmes se réjouirent, cruelles, d’avoir éradiqué si efficacement la créature qui les avait humiliées. Celle de Piccolo Senior, seule à contre sens, incapable de peser justement parce qu’elle se fondait trop dans cette flaque de vice, ne parvint pas à diriger la graine vers celui qui s’apprêtait à la vaincre.
A l’heure fatidique, il n’avait pas hésité. Résolut, noble, Piccolo avait commis le sacrifice ultime pour arrêter l’impensable. Le bras fiché dans sa poitrine, au niveau de son cœur, le namek laissa sa vie s’arrêter, retenant son envie de se régénérer. Il n’y avait rien à faire pour la graine, sinon retomber dans l’oubli, alors que son corps s’effondrait en crachant du sang.
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- Merde, il l’a tuée.
- Il reste la plupart des os, ça suffira.
Inutile de contredire Sepet. Les deux vampires s’avancèrent sur le champ de bataille vers les restes de Panka, prêts à récupérer ses ossements et à les amener à Axod. Juste au moment où il s’apprêtait à gravir les échelons, à passer du côté de ceux qui donnaient les ordres, Lestat se retrouvait propulsé en bas de l’échelle, à nouveau. C’était triste, un peu réconfortant. Plus simple, aussi. Il devait y avoir un ordre des choses là-dedans, se dit-il. Certaines personnes n’étaient tout simplement pas destinées à régner.
Il était sur le point de saisir l’avant-bras de la défunte, qu’une forme atterrit à quelques mètres de lui. Un namek, encore. A peu près d’aussi bonne humeur que celui qui venait de se transpercer le cœur. Était-ce celui-là qui l’avait sommé de quitter la terre après avoir rechargé le carburant de son moteur d’un claquement de doigt ? Impossible de le dire : ils se ressemblaient tous. Verts, grands, affreusement forts et doués d’une magie qui, si elle restait infime face à ce qu’il devinait des mages, le réduisait à un moins que rien. La main de Sepet le tira en arrière, plus vite et plus loin que ses réflexes ne l’auraient permis.
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Deux vampires, dont l’un devait être Sepet Drake, le bras droit du nécromancien. C’était mal parti, se dit Unio. Il n’était pas un guerrier dans l’âme, même si sa biologie particulière, et le sacrifice de son géniteur lui avaient accordé une force plus que respectable. Il faisait face à un guerrier vieux de plusieurs millénaires, qui bénéficiait lui aussi d’augmentations physiques considérables.
Mais reculer n’était plus une option. Il avait fallu qu’il assiste, passif, à l’exécution du super-sayen par Abel pour prendre enfin le courage de s’interposer contre le mal là où il le percevait. Le vampire était fort, certes, et surement bien supérieur techniquement, mais Unio était déterminé, et s’était appliqué dans ses entraînements depuis qu’ils s’étaient mis en chasse de l’immortel. Il fallait impérativement arrêter les mages dans leurs plans et, en l’instant présent, la tâche en incombait à Unio.
Il se ressaisit, adopta une sa garde la plus sûre, et concentra sa respiration vers la fluidité de son corps. Le vampire était plus technique, plus intelligent, meilleur sorcier ? Cela n’importerait pas. Dès le début de l’engagement, le corps d’Unio s’assouplirait, fort des techniques apprises auprès de Psychée. Au lieu de craquer sous les coups de son ennemi, il se plierait, souple, et viendrait l’enlacer comme un serpent constricteur. Vampire ou pas vampire, avoir tous les os brisés devrait la handicaper, au moins le temps pour Unio de sécuriser une victoire définitive. Oui, il utiliserait le corps puissant qu’il avait hérité, et les techniques simples mais fiables de sa tutrice pour reverser la balance et sauver le monde.
Sepet s’était avancé, seul. D’un mouvement souple des épaules, qui trahissait une longue pratique, il se défit de son manteau de cuir rouge, et fit lentement jouer ses articulations.
- Un namek ? Il en reste d’autres, des comme toi ?
Unio se contenta d’affirmer sa garde.
- Ecoute, j’adorerais parler avec toi, mais je suis pressé. Alors on va dire que tu es le dernier, comme ça je n’aurai pas à fouiller toute la planète une fois que tu seras mort. Ça te va ?
Et soudainement, Unio ne fut plus face à un homme. Le cou du patriarche s’allongea sur plus de deux mètres, ses mâchoires se disloquèrent pour prendre une forme nouvelle, des d’écailles apparurent sur sa peau, et la forme draconique fut révélée au grand jour.
Les vampires de haut niveau étaient capables de métamorphose. Un détail, avait cru Unio lorsqu’on le lui avait enseigné. Mais le détail devait peser quelques tonnes, maintenant, et il crachait une tornade de flammes surnaturelles droit sur lui.
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- On m’annonce à l’instant que plusieurs objets volants non identifiés quittent la terre, en direction de Cooler-121. Leurs motivations sont inconnues. Tout-de-suite, notre expert en terriens, Dr. Gulzawo. Que pensez-vous de ce nouveau développement ?
- Et bien c’est tout à fait inquiétant. Nous savons depuis longtemps que les terriens se reproduisent très vite, et…
Une pression assertive sur la télécommande fit taire le poste de télévision.
Turionna avait eu sa dose de journaux télévisés pour au moins deux semaines. Et les démons par-ci, et les terriens par-là… En attendant, elle était toujours gardienne de nuit dans un magasin d’électronique pourri, perdue sur planète pourrie, et elle passait ses nuits à regarder la télé sur ce poste pourri, alors que les hologrammes dernier-cri la narguaient sur l’étagère.
Avachie sur son siège, elle grattait négligemment ses bourrelets en cherchant désespérément de quoi se changer les idées. Il lui restait trois cigarettes au fond du tiroir. C’était peu pour tenir la nuit, mais après tout… Elle se pencha vers le bureau pour s’en saisir.
Fumer nuit gravement à la santé. Mais en cette occasion, ce fut la différence entre une mort rapide et sans douleur, et une longue agonie pleine d’interrogations. En effet, si la gardienne de nuuit ne s’était pas penchée vers son bureau à ce moment précis, l’explosion de l’écran de télévision l’aurait gravement brûlée, au lieu de l’assommer sur le coup.
Sonnée, elle fut assassinée rapidement et sans douleur, sans jamais comprendre ce qui lui était arrivée. Cela lui épargna un interminable combat contre la légion de robots-aspirateurs qui convergeaient vers son bureau, et qui auraient entrepris de l’étrangler avec une garrotte savamment improvisée à l’aide de fils électriques. Il y avait même fort à parier qu’elle eut été consciente pour sentir l’un d’entre eux insérer un poinçon dans sa gorge et récupérer le précieux sang par une série d’aspiration contrôlées qui allaient bien au-delà de la précision accessible à ces engins.
Transportant chacune quelques gouttes, dans un effort dont la parfaite coordination compensait leur faible motricité, les machines entreprirent de tracer un complexe pentacle sur le sol. Plus loin, dans le magasin, quelques jouets s’activaient péniblement, leurs moteurs fonctionnant au-delà de leur fragile conception pour assembler une machine d’un genre nouveau. Il fallut seulement une heure aux petits bras mécaniques pour achever leur œuvre. La machine, comme un insecte de plastique et d’acier, haute d’un mètre de haut tout au plus, trotta sur ses six pattes jusqu’au centre du pentacle, guidée par une batterie de détecteurs et de caméras. Le sang avait presque perdu de ses propriétés, mais l’incantation qui jaillit de ses haut-parleurs ne tremblait pas et, après un craquement sec, un portail vers le Makaï s’ouvrit en grand pour Axod.
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La terre avait de bonnes propriétés d’isolant thermique, et de perturber grandement la détection du ki. C’était heureux. Unio n’aurait pas pu s’échapper par le sol ou les airs, contre un tel ennemi. Mais très peu de gens pensaient à creuser, lorsqu’ils étaient menacés, et quiconque capable de se déplacer vite dans ce milieu avait à sa disposition une porte de sortie insoupçonnée.
Le dragon creusait de ses griffes et incinérait toujours plus de sol retourné, mais il était loin d’être assez rapide pour rattraper Unio, sous cette forme. Le vampire était lourd, lent, et bâti pour courir, grimper et planer. Unio, transformé en taupe géante, écartait le sol déstructuré avec aisance. Ses moustaches lui conféraient une bonne idée de la position de l’adversaire, et lui confirmait qu’il prenait une avance considérable. Lorsqu’il se sentit en sécurité, il bifurqua soudainement, prenant bien garde d’écarter des pierres et l’argile avec délicatesse, quitte à ralentir l’allure.
Sepet ne changea pas de direction. Il était semé.
Par précaution, Unio effectua creusa encore sur plusieurs kilomètres avant de ressurgir du sol, et de reprendre sa forme normale.
Encore un échec, mais il était toujours vivant. Il devait bien l’admettre : les serviteurs des mages étaient encore beaucoup trop forts pour lui. Il allait lui falloir des alliés, et vite. Avant que le nécromancien ne ressuscite davantage de ses confrères. Et des alliés, il en avait déjà deux en tête. Les sayen, pour commencer, et…
Et l’immortel de Pandora. Il était là, large, passif, avec cet air blasé qui ne le quittait jamais. Mais, Unio en avait été témoin, il pouvait quitter cette stase en in instant, pour combattre avec une fureur incroyable. Impossible de deviner ce qui se tramait derrière ces yeux nacrés. Même le nécromancien s’y était fait prendre, et n’avait pas vu venir la trahison de l’immortel, le namek en était témoin. Il fallait préciser son allégeance de toute urgence.
- Oui. Je suis de votre côté. Mort aux mages !
Il avait prononcé les mots aussi vite que possible, conscient que sa survie ne tenait qu’à un fil. Que l’ancien guerrier se soit retenu de l’abattre immédiatement était déjà une chance énorme. Dans ce conflit, rien ne devrait être laissé au hasard, et Unio comprenait bien la nécessité de garder le maximum d’informations secrètes. Il n’avait plus qu’à espérer que l’Immortel juge sa vie assez précieuse pour contrebalancer le risque de découverte. Plusieurs longues minutes passèrent, durant lesquelles il dut affronter le regard de pierre de l’être qui le surplombait.
- Est-ce que tu sais ce que je veux ?
Il déglutit lentement. Le test était presque passé, il ne lui restait qu’à espérer que ses déductions seraient exactes.
- Vous voulez mourir. Et vous avez besoin de la Singularité pour ça. Vous avez besoin qu’elle se produise selon vos termes, et pas ceux des mages.
- Pas mal… Et toi, qu’est-ce que tu y gagnes ?
- Ils sont maléfiques. Même les mieux intentionnés d’entre eux soutiennent le pouvoir des autres, les abominations. Ils sont suprémacistes à l’extrême. S’ils gagnent, il n’y aura plus que leur pouvoir à eux, et aucun espoir pour le reste du monde.
Lentement, l’immortel hochait la tête d’approbation. Pour la première fois, Unio vit trace d’émotion se dessiner sur ce visage, alors que le fossile vivant se penchait vers lui.
- C’est bien plus que ça. S’ils parviennent à décider de la Singularité, ils prendront totalement le contrôle sur l’univers à venir. Il n’y aura plus d’espoir de changement, plus de contre-pouvoir, plus jamais d’autre Singularité. Il n’y aura plus que les mages, qui grandiront, devenant sans cesse plus puissants, pour l’éternité.
L’univers n’est pas indestructible. Un jour, je le sais, il viendra une Singularité qui sera la dernière. Tu ne la verras jamais, et aucun esprit mortel n’est assez vaste pour concevoir à quel point ce jour est éloigné, mais moi, je le sais. C’est ma dernière lueur dans les ténèbres. Et Primus compte me l’arracher.
Si tu me rejoins, Unio, tu condamnes le monde à mort. Es-tu sûr de vouloir faire ce choix ?
Le namek avait déjà pris sa décision, mais il prit le temps d’affronter le regard du gréen plusieurs longues secondes, avant d’articuler sa réponse.
- Après vous avoir entendu, qui voudrait encore de l’immortalité ?
*******
- J’ai tous les os, c’est bon ! Elle commence à repousser.
Lestat finit de pousser la malle dans laquelle il avait entassé les restes de Panka à l’intérieur de leur vaisseau spatial. Axod avait amené l’engin jusqu’à eux, et leur avait intimé de partir le plus vite possible une fois que les deux éléments clés auraient été sécurisés. Le premier attendait bien tranquillement dans sa malle. Pour ce qui était du second…
La scène était assez ridicule. Honteux de son incapacité à abattre le namek, Sepet n’avait pas argumenté lorsqu’Axod lui avait assigné ce sale boulot : récupérer la graine, en l’occurrence.
La ramasser à mains nues était hors de question, naturellement. Mais, et heureusement qu’Axod s’en était douté, ramasser l’objet à l’aide d’un accessoire comptait aussi comme de s’en saisir. Plusieurs essais et suggestions éduquées avait permis de déterminer que la distance à la graine, ainsi que la composition et le volume de l’outil employé permettaient de moduler l’influence maléfique.
C’était logique.
Logique.
Mais même en répétant le mot autant de fois dans sa tête, observer Dracula, prophète du nécromancien, s’échiner à ramasser la graine à l’aide d’un balai et d’une spatule de cuisine avait quelque chose de surnaturel. Celui-ci parvint à garder l’équilibre sur un ou deux pas, accusa un blocage d’une seconde, et les câbles électriques, sortis du vaisseau et scotchés à son pantalon lui infligèrent une puissante décharge électrique.
C’était l’idée d’Axod, pour éviter les risques de corruption. Et aussi pour punir le vampire, soupçonnait Lestat. Le problème était que ça ne marchait pas. A ce rythme, il faudrait plusieurs heures pour y arriver, et si un super-sayen débarquait… Il fallait trouver un truc. Vite.
…
Oh !
*******
Sepet avait l’air d’un lapin face aux phares d’une voiture. A sa décharge, « ça » désignait les deux tibias de la fille du nécromancien, dont la chair repoussait doucement, formant un mince film rosé que Lestat devait décoller de ses mains en permanence. Il fallut une approbation d’Axod pour que l’ordre s’imprime, et que le vampire accepte de l’appliquer. Plein de révérence, il saisit délicatement les os, et les approcha de la graine. Quand ils ne furent qu’à une largeur de main, un réflexe de défense s’activa et une bouffée de flammes noires éclata depuis les os, inondant la zone. N’importe qui aurait péri immédiatement, mais par chance, les deux vampires étaient techniquement déjà morts.
En fait, ils avaient été spécifiquement conçus pour résister aux flammes noires. Ce n’était pas le cas de la graine, en revanche.
Sous le feu de la nécromancienne, elle avait flétri, et son appel ténébreux était maintenant complètement imperceptible.
Interdits devant ce nouveau développement, les vampires s’autorisèrent quelques secondes d’observation silencieuse. Puis, voyant que la situation était stable (au-delà de la lente reformation de la chair) :
Ce fut la voix d’Axod qui leur répondit.
- Presque. Vous devez encore me les livrer, je vous transmets l’adresse.
*******
- Ils devraient arriver dans un ou deux jours.
- Dis-leur de patienter dans l’Arène, la bataille est pour très bientôt.
- Entendu. Je leur transmets le message.
Khaine, Lucie et Axod étaient accoudés en terrasse, dans la forteresse des sayens. Une centaine de combattants de la bande des oubliés était rassemblée, absorbée par ses entrainements matinaux. Cent trente guerriers de légende, chacun capable de soumettre l’Arène par leur seule force. Ils étaient la crème de la crème, ceux qui avaient un vrai potentiel, et auxquels Khaine avait dédié toute son attention. Parmi eux, les super-sayens légendaires se démarquaient par leur calme, et par la subtile manière qu’avaient tous les autres de leur faire de la place. Dans cette communauté de surdoués, ils s’étaient imposés comme les aristocrates.
Et puis, il y avait Vron.
Lui, personne n’osait lui adresser la parole. Il recevait une sorte de respect, de dévotion, même, qui ne rappelait que trop Khaine lui-même. Les regards se tournaient vers lui, souvent, car tous savaient que le combat à venir avait de grandes chances d’en revenir à cette question :
« Sont-ils capables de vaincre Vron ? »
Si la réponse était oui, alors ils seraient tous impuissants, et le destin du monde reposerait entre les seules mains des mages. Si la réponse était non… Eh bien, il serait le seul véritable héros de la bataille.
Et quelle bataille ce serait ! Khaine les avait avertis de la taille, de la puissance de l’ancien monde. De la créature qui les attendait, par-delà le voile. De cet archéen assez puissant pour outrepasser un bannissement vital, pour peu que son pouvoir soit correctement canalisé. Il leur avait aussi parlé du canal de son pouvoir. Des dragon balls, d’une puissance bien au-delà de tout ce que l’Arène avait connu.
- Tu as levé une armée redoutable, Khaine. Elle sera à la hauteur, je le sens.
L’estimation d’Axod était tout sauf anodine : elle faisait appel à une puissance de calcul immense, bien plus précise que ce qu’un seul cerveau pourrait élaborer, et fit beaucoup pour rassurer les deux mages. Ils se perdirent un peu plus dans la contemplation de cette armée, la fierté de Khaine. Le silence grandit, énorme et obscène, jusqu’à ce qu’Axod, de sa voix si détachée, ne décide de crever l’abcès.
- J’ai cru comprendre que la fille d’Abel avait hérité de ses… Capacités ?
Tout était faux, calculé. Les hésitations étaient là parce qu’il le voulait, parce qu’il désirait les mettre face à leurs propres incertitudes. C’était la question faussement innocente d’un professeur à deux élèves qu’il savait coupables. Ce fut Lucie qui lui répondit.
- Une vraie copie conforme. Elle n’a pas encore saisi tout son potentiel, mais…
Sec, incisif, Axod lui coupa la parole.
- Est-ce qu’elle peut invoquer Finale ?
- Oui.
Cette fois-ci, c’était Khaine qui lui avait répondu. Axod lui répondit avec beaucoup plus de révérence qu’à sa consœur.
- Deux nécromanciens, donc. Ça commence à faire beaucoup.
- Je trouve aussi.
Difficile de contre-argumenter sur ce point.
- Sepet la maintient endormie, mais je vais réfléchir à une solution plus… Définitive. Quant à notre modèle original, il a déjà prouvé son manque de sang-froid et de dévotion. Je suggère que nous le laissions à son gardien, sur la Terre, pour l’instant. Ce serait plus sage. Et comparé aux prisons d’Eden, cela ne doit pas l’indisposer.
Encore une pique, suivie d’une approbation silencieuse. Axod adorait lui rappeler les sacrifices auxquels il avait dû consentir, et s’en servir pour en exiger toujours plus. Manipulateur, impitoyable, et entièrement dévoué à la cause. A l’utopie à venir, qui sauverait le monde de sa mortalité et justifierait tout. A la volonté de Primus.
- Tu es celui d’entre nous qui lui ressemble le plus.
Inutile de préciser de qui Khaine parlait, ils savaient tous les trois. Les multiples pattes mécaniques et senseurs qui constellaient le corps d’Axod se conformèrent en ce qui évoquait un sourire.
- Merci. Même si ce n’était pas un compliment.
*******
Trois minutes.
L’alarme sonnait depuis trois longues minutes, et ce simple fait terrorisait Matsu. Il espérait juste qu’elle sonnerait encore un peu plus longtemps. Droit, vêtu de la tenue la plus passe-partout qu’il ait pu se procurer, il se sentait trop visible, comme un imposteur. Il lui semblait qu’à tout instant, un passant allait le pointer du doigt, dévoiler son identité.
Et ce n’était pas que le stress, ni le syndrome de l’imposteur qui prédatait sa santé mentale depuis qu’il fréquentait des mages. Il risquait vraiment de se faire démasquer par le premier venu, parce qu’il avait grandi ici. Le petit faubourg avait changé, depuis ces quelques années. C’était plus joli, plus calme aussi. Il y avait comme une atmosphère de sérénité qui se dégageait de ces ruelles, de ces maisons colorées dont les façades n’arboraient pas les craquelures ou les impacts auxquels il avait été habitué dans sa jeunesse.
Cela devait faire moins de travail pour l’entreprise familiale, pensa-t-il, brièvement. Les petits conflits entretenaient d’habitude une demande constante en ravalements de façades, et c’était ce qui avait à la fois permis de subvenir aux besoins de huit bouches à nourrir, et de payer ses études à Matsu.
L’alarme sonnait toujours dans sa poche. Ça devait faire presque quatre minutes. Pas le temps, il divaguait. Alors, pour la première fois en cinq ans, il frappa à la porte de la maison familiale. Lozza, sa petite sœur lui ouvrit. C’était une adolescente, maintenant, et elle s’était coiffée d’une énorme crinière parsemée de tresses rouges. Ça lui allait bien mieux que la coupe au bol qu’elle avait dans ses souvenirs. Ses grands yeux étaient toujours les mêmes, eux. Pâles, constellés de veines, ils donnaient toujours cette impression qu’elle était terrifiée par ce qu’elle voyait. Elle clignait beaucoup, pour les garder humides.
Ils se dévisagèrent quelques longes secondes, incapables de trouver les mots.
- Matsu ? Tu… Tu vas bien ?
C’était la voix de son grand-père. Immobile, il fixait l’embrasure de la porte, hésitant entre le bonheur et l’inquiétude devant la mine consternée de son petit-fils. L’alarme sonnait toujours, sinistre.
- C’est pour maintenant. Il faut qu’on s’en aille. Tout de suite. Où sont les autres ?
Il ne leur avait envoyé que quelques lettres, en cinq ans, et il n’avait pas osé s’arranger pour en recevoir de son côté. Le mage lui avait formellement interdit de contacter ses proches. Il s’était déjà donné tellement de mal pour cacher Matsu, ce n’était pas pour que la supercherie soit éventée à la première occasion !
Aller à l’encontre des instructions d’un mage, c’était suicidaire. Mais Abel n’en avait rien à faire de lui. Il le négligeait parfois pendant des mois, lorsqu’une affaire le pressait trop, et c’était dans ces occasions qu’il avait pris le risque de faire passer les si précieuses lettres.
Et dans une de ces lettres qu’il les avait avertis. Qu’il leur avait dit qu’il viendrait, un jour, un cataclysme sans précédent, et qu’il viendrait les sauver.
« Quand l’alarme sonnera, tu te cacheras immédiatement, avec tous les objets que je vais citer, dans le coffre-fort sous le chalet. Et tu ne bouges pas jusqu’à ce que je vienne te chercher, c’est compris ? Tu n’auras pas plus de dix minutes. »
Dix minutes. Connaissant son maître, il en avait deux fois plus devant lui. Vingt minutes au total. C’était une fenêtre de temps très courte pour trouver sa famille, la rassembler, la convaincre, la ramener et la cacher dans le coffre. C’était aussi immensément long, maintenant qu’il savait en quoi l’alarme consistait.
C’était un détecteur basique relié aux plans anticipés, une clochette reliée à la toile du temps, la plus stable des structures universelles. Quelque chose allait bouger, et cela était assez massif pour faire trembler les fondations du monde par anticipation. Matsu avait une idée des énergies nécessaires pour que qu’un écho soit perceptible une minute à l’avance. Assez pour réduire la Citadelle en poussière. Il y avait une raison pour laquelle la divination était considérée comme une discipline de charlatans, à l’université. Il était déjà complexe de percevoir le moindre reflet d’un évènement quelques secondes en avance, et la difficulté augmentait exponentiellement avec le temps. Même les meilleurs devins ne prodiguaient que des approximations extrêmement vagues, sur une poignée d’heures au mieux.
Mais l’alarme n’était pas un devin d’élite. C’était une clochette primitive bricolée à la hâte par un mage distrait. Et elle sonnait déjà depuis quatre minutes.
*******
- C’est le département de divination !
- Et qu’est-ce qu’on en a à faire ?
Ces parasites n’avaient pas été fichus d’anticiper l’attaque des makaïoshins, à l’époque. Pourquoi Adjack leur accorderait-elle la moindre importance ? Surtout qu’elle s’était mise dans une position très délicate.
Toute la garde de la citadelle n’était pas sous ses ordres. Et sa tentative d’assassinat contre le nécromancien était très mal passée auprès des plus stricts de ses confrères. Le fait que son camp compte Ellac en plus d’elle-même avait découragé les loyalistes de les attaquer d’office, mais ils restaient cinq fois plus nombreux et très peu disposés à les laisser partir gratuitement. Encerclés, les combattants levés par le seigneur de guerre et elle-même commençaient à avoir la bougeotte. La situation pouvait exploser à tout instant. Tout compte fait, elle avait peut-être intérêt à détourner l’attention vers les devins.
Le sorcier de l’université, essoufflé dans ses longues robes bleu nuit, était suffisamment alarmé pour interrompre la bataille de regard entre gardes et insurgés. Même après s’être fait rabrouer par le dirigeant loyaliste, il reprit de plus belle.
- Non, vous ne comprenez pas : ils sont tous vu la même chose !
Alors ça par contre, c’était exceptionnel.
- Qu’est-ce qu’ils ont vu exactement ?
Hagard, sous les yeux intrigués de la centaine de combattants rassemblés, il haletait, cherchait les mots pour ce que ses camarades lui avaient transmis, à travers leur transe démente. Avant qu’il n’y parvienne, une image vint se substituer à toute explication verbale.
Il n’y avait pas de soleil au Makaï. La vision de l’aube qui pointait à l’horizon, n’en était que plus saisissante. C’était une vague de lumière, dont la couronne surplombait les murs de la Citadelle de ses rayons blancs.
Cois, devant le spectacle, ils partagèrent l’intuition de leur insignifiance, face à ce qui se déroulait, loin, par-delà ces murailles.
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Sept mille cinq cents élus. Sept mille cinq cents guerriers dorés, nimbés de la grâce du Lion, et elle, Val’Aël, avait l’immense privilège d’en mener le cortège. Elle rayonnait, droite, les yeux pétillants de gloire, menant la grande armée qui la suivrait au cœur de l’enfer. Et quel enfer ce serait ! On l’avait avertie des immenses pouvoirs détenus par les mages. De leur nombre, de leur magie, du savoir occulte qu’ils détenaient. On lui avait parlé de Khaine. Du plus grand guerrier de tous les temps qui les attendait, là-bas, par-delà le voile. Celui qui avait scellé l’ancien monde, avec sa propre vie en guise de serrure.
Mais ils seraient à la hauteur de la tâche. Khaine n’avait été invincible que pour un temps, et il ne s’était jamais confronté à ce nouveau genre de héros. Chacun d’entre eux avait fait résonner son nom à travers les cent mille royaumes, s’était démarqué comme la plus redoutable créature de sa génération. Ils avaient tous fait plier le monde, et s’étaient à leur tour plié devant le Lion. Ils étaient tous, chacun à sa manière, de l’envergure de ce guerrier légendaire, que ce soit en matière de victoires martiales, de grandeur d’âme ou d’agilité d’esprit. Ils avaient le Lion, à leur côté. Cette certitude d’invincibilité, cette puissance brute qui coulait dans leurs veines, et qui les éloignait tellement du moindre mortel. Leur temps de réaction nul était complété par une force inarrêtable et une chair qui, à leur impulsion, adoptait la souplesse de la soie ou la dureté du diamant. Et par-dessus tout, ils avaient la foi, comme seule une armée de miracles vivants pour l’avoir.
Ils défilaient, de leur pas vif, imprévisible, infatigable. Dix jours de marche, à travers trente bulles différentes, où, à chaque pas, une nouvelle foule les acclamait. Plus nombreux que les grains de sable dans un désert, ils s’entassaient sur les trottoirs, sur les balcons, se pressaient par centaines aux fenêtres des gratte-ciels, des palais et des vaisseaux trans-bulle qui noircissaient le ciel. Partout à la ronde, elle recevait, un mot d’amour, un regard plein d’espoir, des encouragements. Val’Aël serait partie seule et sous la huée, sans hésitations, si le Lion le lui avait ordonné. Mais il aurait été malhonnête de prétendre que ces acclamations ne renforçaient pas encore sa conviction. Elle ne voyait qu’une infime fraction de l’ancien monde, mais c’était une idée des enjeux du combat à venir.
Les mages voulaient détruire tout ça. Toutes ces merveilles, ces civilisations, ces peuples, ces histoires, ces vies, ces âmes… Aucun sacrifice n’était trop grand pour leur petite quête de pouvoir. Méprisables vermines. A chaque exclamation qu’elle entendait (et elle distinguait individuellement chaque voix, dans la nuée) elle découvrait que sa détermination pouvait encore grandir. Le sort de l’univers reposait sur elle, et la possibilité d’un échec ne parvenait plus à se concrétiser dans son esprit.
Un portail s’ouvrit, devant eux, et ils s’y engagèrent sans ralentir le pas. C’était le dernier de la longue série. Les dix jours de défilé s’étaient écoulés, et il était maintenant temps de partir. C’était l’heure de la bataille finale.
La cathédrale s’élargissait sur leur armée, les engouffrait dans sa grandeur. Partout, l’or se disputait au blanc aveuglant qui perçait des fenêtres. Et eux, les élus, semblaient une extension naturelle du bâtiment. Dans leur port, leur forme transcendée, ils étaient autant de statues à SON effigie, animées dans l’intimité du sanctuaire. Dans ce tableau parfait, Bellica ressortait comme une verrue.
Hideuse, vêtue d’une lourde armure carmine dont les plaques s’arrangeaient dans des configurations qui, justement parce qu’elles s’adaptaient parfaitement à sa morphologie si singulière, révoltaient les sens par leur grotesque. La visière de releva pour dévoiler son crâne et libérer cette énorme méduse de cheveux éparse et transparents, qui se mit à flotter doucement, ballotée par des courants invisibles. Il y avait comme quelque chose de transcendant dans la laideur de cette intrusion, remarqua l’élue. Elle perçait d’une plaie de réel une scène qui aurait sinon, été blasphématoire de perfection. Ils étaient en guerre. Une guerre pour la survie, pas seulement celle du Lion, mais de tout l’ancien monde. C’était le troisième volet d’un conflit immense, mené contre l’ennemi ultime, qui devait être vaincu à tout prix. Primus. Et, ironie, c’était l’arme façonnée par ce dernier dans le but d’affronter le Lion qui les accompagnait au combat.
« Je me chargerai du nécromancien. », avait dit Bellica. Val’aël voyait à présent comment elle comptait s’y prendre. Puisqu’il était impossible de tuer cet homme, elle avait conçu de quoi l’enfermer pour toujours. C’était un sarcophage ambulant, fait de ronces noires et cruelles. Inorganique (car qui se risquerait à envoyer un être vivant contre le maître de la mort ?), il se tenait droit sur ses deux jambes, suivant sa créatrice sans le moindre soupçon d’intelligence à corrompre. En vérité, sans tête, et au vu de la longueur de ses bras qui se terminaient par les mêmes appendices griffus que ses jambes, on aurait pu le retourner sans voir de différences, et la masse de ronces grouillantes qui composait le gros de sa masse, au centre, viendrait plus que certainement remplacer tout membre sectionné. Seule comptait vraiment, dans l’assemblage, cette ouverture de deux mètres par un qui lui tenait lieu de torse. Entourée de ronces, elle avait l’allure d’une gueule béante, avide, qu’une seule proie saurait rassasier. Il suffisait de la voir pour se persuader qu’une fois piégé dans ce tombeau sur mesure, le nécromancien ne pourrait jamais s’en extirper.
Voilà qui règlerait le cas de l’un des mages les plus problématiques. Pour ce qui était de Khaine, son adversaire désigné les attendait lui aussi dans la cathédrale. Il aurait dû mener le défilé, mais depuis qu’il avait reçu
SA bénédiction, sa présence était devenue écrasante, incendiaire même. Sans qu’aucune lumière à proprement parler se dégageât de lui, il irradiait de l’aura du Lion, qui subjuguant quiconque se tenait en sa présence. Val’aël, ainsi que tous les autres élus, en étaient renforcés, regardaient le soleil dans les yeux, acceptant avec plaisir
SA présence. Mais même un esprit pieux comme celui de Bellica semblait sur le point de défaillir devant ce canal de vérité brute. Les autres, le bas-peuple… Ils auraient été annihilés. La simple vision de ce qu’était devenu leur champion aurait embrasé leurs âmes et consumé leurs corps. Il était préférable de conforter les masses dans leur vision restreinte de la vérité, et de répartir de fardeau de la salvation du monde entre ceux qui sauraient le supporter.
Au-dessus du masque radieux d’Ach’aël, sept sphères larges l’un peu plus d’un mètre gravitaient en silence, illuminées d’une à sept étoiles qui brillaient sans parvenir à éclipser le champion. Calme, pieds nus sur le sol sacré, celui qui portait l’espoir de l’ancien monde marcha jusqu’au saint des saints. Là, ouvrant grand les bras vers le ciel, et les dragon balls qui brillaient, gorgées de puissance endormie, il prononça la formule qui saurait les éveiller.
Sheïtan. Le lionceau. Le fils qui aurait dû prendre
SA relève, et qui avait choisi le camp de Primus, de la même manière que Bellica avait trahi ce dernier pour prendre de parti du Lion. Les ennemis que chacun s’était destinés avaient retournés leur veste pour passer dans le camp opposé, et il suffisait de voir comment cela leur avait réussi pour saisir l’indéniable supériorité du Lion. Bellica, reine parmi les cent milles, dirigeante incontestée de l’une des plus opulentes nations de l’ancien monde ; Sheïtan tranché en deux : son corps torturé dans les profondeurs de l’abîme et son âme broyée par son géniteur. En mourant, il avait partiellement payé sa dette : il avait libéré un fragment du Dragon, lié à sa vie par Primus, comme à celles des six autres survivants de la Singularité précédente.
Ce fragment, le Lion lui avait insufflé
SA vie et
SA force. Et le voilà qui trônait, vivant, dans la cathédrale. Abraxas, le dragon sacré. Un serpent à tête de lion, aveuglant, qui brillait d’une intelligence malsaine. Ressuscité par la puissance du Lion, son esprit se reformait, doucement. Chaque invocation, chaque contact avec le monde extérieur et chaque occasion le l’altérer lui rappelait un peu plus ce qu’il avait été.
La situation était absolument désespérée pour qu’ils se résolvent à utiliser un outil si dangereux. Mais il fallait bien les pouvoirs combinés du Lion et du Dragon pour forcer un bannissement vital. Les yeux de la bête, dans laquelle on devinait le soubresaut d’une malice ancienne, toisèrent le maître des élus pendant de longues secondes avant que sa voix ne sonne dans la pièce, grave mais étonnamment mondaine dans cette scène légendaire.
« Quel est ton souhait ? Je l’accomplirai. »
Et de son timbre sûr, clair rugissant de ferveur, Ach’Aël répondit.
« Extrait-nous du bannissement. Amène-nous à Khaine. »
Combien de temps passa, à compter de ces paroles ? Une seconde ? Une heure ? Un jour ? Personne n’aurait su le dire, tant l’univers lui-même semblait retenir son souffle pour le monstrueux instant à venir. Le silence s’étira dans tous les coins de l’immense cathédrale jusqu’à ce que la voix d’Abraxas vienne casser leur immobilité.