Dragon Ball Extended Universe : Les Chroniques d'une Guerre

Faîtes-nous partager votre fibre littéraire en écrivant votre propre histoire mettant en scène les personnages de Dragon Ball et, pourquoi pas, de nouveaux ! Seules les fanfictions textes figurent ici.

Re: Dragon Ball Extended Universe : Les Chroniques d'une Gue

Messagepar Imate le Jeu Avr 30, 2020 12:21

Chapitre 31 : Tout miser sur cinq jetons


… Ce sang …

Les mains tremblantes, couvertes de cet épais liquide rougeâtre qu'il ne connaissait que trop bien, Danmarine, alors âgé de quelques années de moins, observait ses paumes salies d'un regard meurtri, presque comme si les vies qu'il venait d'arracher n'étaient pas loin d'être les premières.

… Tout ce sang …

Lorsqu'il releva la tête, le jeune Colonel vit la marée vermeille à l'origine de ses frissonnements incontrôlés s'étendre sur toute la surface du sol de l'avant-post dans lequel son unité avait fait irruption quelques minutes plus tôt. Une action à la précision chirurgicale qui leur avait permis d'en finir avant même que ne puisse être donnée l'alerte.

… C'est leur sang …

Il ne pouvait se résoudre à regarder ses camarades, ses frères d'arme, qu'il avait apprit à apprécier malgré ses scabreuses conditions d'intégration, pour leur chaleur humaine, le sourire qu'ils avaient su lui offrir en réconfort, en dépit des atrocités qu'ils devaient traverser, qui aujourd'hui venaient de procéder à ce massacre avec une froideur inconsidérée.

… C'est notre sang …

Tandis que chacun d'eux s'activait à déblayer les corps de leurs victimes vêtues d'armures de guerre, Danmarine demeurait ainsi, figé au beau milieu d'un enfer qu'il espérait ne plus jamais visiter depuis qu'il y avait laissé son ami. Sentant à nouveau cette chaleur qui lui glaçait le sang sur les mains, il ferma les poings, les serra de toutes ses forces, comme il les avait serré pour abattre ces hommes gisant à ses pieds.

… Le sang de nos camarades que j'ai fait couler de mes mains …

Alors qu'une ombre se manifesta par dessus lui, qui n'était tristement pas celle de son jugement, Danmarine s'adressa à son propriétaire dont il avait deviné l'identité sans même avoir à le regarder.

-Pourquoi, Général Rozū ? N'étions nous pas censés défendre des valeurs délestées par l'Empire ? Protéger des vies négligées par Freeza ? N'était-ce pas là la mission de notre organisation ?

« C'est très exactement ce que nous venons d'accomplir », déclara non sans aplomb le Général gris de peau aux larges globes oculaires bleus.

-Ils étaient au service de Freeza. Ces vies que nous avons prises aujourd'hui, sont un sacrifice nécessaire pour une cause plus grande. Une offrande de sang sans laquelle l'univers ne se verrait jamais libéré de l'entrave exercée par les chaînes de Freeza et sa famille.

-Et combien devrons nous en arracher encore ? Combien de veuves, d'orphelins, d'endeuillés, combien ce monde idéal va-t-il coûter ?

-Ce monde nous offre un choix entre paix et liberté. Mais il n'existe aucune alternative qui ne nécessite aucune perte.

-Dans ce cas, j'ignore en quoi nos actions valent mieux que celles de Freeza...Nos actions commencent à attirer les regards. Si une guerre interne éclate, alors tout ce que nous aurons fait...

« Sorbet gravit les échelons et couvre nos activités, tu n'as aucune raison de t'en soucier. » affirma alors le légendaire héros de guerre à son Colonel, dont il apercevait la confusion au fond des yeux.

-Nourrirais-tu des remords pour avoir laissé ton ami être accusé et torturé à ta place ? Quand bien même il aurait été amené à mourir, sa perte aurait été bien minime en comparaison de la tienne.

« Une vie... ! » commença promptement le futur Général d'un ton composé de rage et d'amertume
« Une vie...quelle qu'elle soit, a de la valeur. Nous qui sommes amenés à prendre la vie des autres, plus que quiconque, nous devons avoir conscience de sa valeur. »

-Tant que tu seras assez idéaliste pour voir la valeur de chaque vie sur un pied d'égalité, tu souffriras la désillusion de ne pouvoir toutes les sauver. Un jour viendra ou tu réaliseras qu'il vaut mieux sacrifier certaines vies plutôt que d'autres.

Général Rozū ! Le prisonnier est prêt à être interrogé !

Sans un mot, rien de plus qu'un regard pragmatique, Rozū délaissa son protégé pour suivre le messager venu à sa rencontre, afin d'obtenir de lui les codes de désactivation du champ de force protégeant les équipements militaires qu'ils étaient venus réquisitionner.

Laissé seul pour méditer cette pénible leçon qu'il venait de recevoir, Danmarine scruta quelques instants encore le tapis rouge dans lequel trempaient ses bottes autrefois immaculées, y cherchant désespérément son reflet pour y apercevoir encore le semblant d'humanité qu'il se figurait avoir conservé.

Quand enfin il parvint à déceler entre les ondulations un visage familier, les supplications insoutenables du prisonnier torturé retentirent dans l'avant-post, pétrifiant d'effroi plusieurs acteurs de cet acte sanglant.

Le visage paralysé dans une expression d'horreur incommensurable, alors qu'il reconnut la voix dont le terrible écho venait de se répercuter, Danmarine piétina ce reflet qu'il ne pouvait se résoudre à regarder dans les yeux, tandis que retentissaient encore les cris de la victime de Rozū.

Des cris qui ramenèrent Danmarine à la réalité de l'éveil, assis en cavalier sur cette chaise sur laquelle il s'était assoupi à l'intérieur de la chambre de motel après avoir déposé sa veste de costume sur le dossier pour y poser le menton.

« Oh, ses cris t'ont réveillé ? Je pensais avoir suffisamment serré son bâillon pour les étouffer. »

Extirpé d'un songe pour le moins saumâtre, Danmarine s'étira quelque peu afin de détendre ses muscles endormis, répondant à Rubī d'une voix fatiguée que ce n'était pas une mauvaise chose.

« Ce gros balourd par contre il lui en faut plus que ça », nota la jeune femme avec un brin d'humour en regardant le massif Durian endormi lui aussi, « En revanche j'aimerai bien savoir pourquoi cet imbécile dort sur le sol. »

-Avec le temps on finit par s'habituer à ses étranges coutumes. Et ou sont les deux autres ?

« Vous savez que je vous entend bande de glandus ? », marmonna alors d'un ton grognon le Durian-seijin qui dans son sommeil léger avait su déceler ce brin de moquerie à son égard.

Pendant que le Général se regardait dans le miroir pour retendre les antennes de ses joues et vérifier qu'il était toujours présentable, la Capitaine lui raconta comment ce pauvre Fox, le cœur trop fragile pour supporter cette séance de torture, était parti vomir en vitesse, et s'était probablement endormi d'un excès de stress sur la cuvette des toilettes à en juger par le temps qu'il mettait à revenir. Ranfu, quant à lui, n'était toujours pas revenu.

-Celui-ci s'est de nouveau évanoui, il risque de rester dans les vapes un bon moment. Mais je pense avoir pu en tirer quelques informations intéressantes avant que sa caboche ne perde le signal.

-Je savais que je pouvais compter sur ton efficacité. Dès que Ranfu sera de retour, nous...

Interrompu dans son annonce d'un debriefing prochain par quelques délicats tocs contre la porte, Danmarine s'en demanda presque si l'intéressé n'avait pas tout ce temps attendu le bon moment derrière la porte.

-Cet empoté a du oublier sa clé magnétique, va donc lui ouvrir pendant que je vais voir si le renardeau ne s'est pas noyé dans la cuvette des chiottes.

Alors que le dernier endormi commençait lui aussi à revenir à lui en grommelant et pestant contre les bavards venus perturber son repos nocturne, Danmarine s'enquit d'ouvrir la porte au capitaine qui s'était décidé à revenir.

« Tu as tardé Ranfu, si tu as perdu ta clé j'espère que tu es passé en reprendre une à la... »

Nulle chute ne vint clôturer cette tirade du Général, qui en ouvrant la porte de leur chambre pour laisser entrer son Capitaine, avait tardé à réagir à la découverte de la véritable identité de l'homme venu taper à leur suite en pleine nuit.

Cet homme vêtu d'un élégant veston de cuir marron flambant neuf, arrangé par dessus une chemise en lin de couleur bleu, et accordé au béret lui couvrant toupet. Un individu dont la peau étonnamment lisse l'aurait sans doute bien caractérisé si l'étrange appareil photographique fixé sur son œil ne le faisait pas déjà.

D'un clignement d’œil, le daguerréotypeur clicha le portrait de Danmarine, un aire acariâtre sur le visage.

-Vous savez qu'à cette heure de la nuit les gens aimeraient pouvoir profiter de leur lit en silence ? Ne reçoit-on aucune éducation de ce côté de la galaxie ?

Toujours sous le choc et désarçonné par l'outrecuidance manifeste du soit disant journaliste venu toquer à leur porte le soir – non content de les avoir espionné le matin, et fuit l'après-midi – Danmarine ne put que balbutier naïvement la question qui lui brûlait les lèvres : Que diable venait-il fabriquer ici ?

-Mais je séjourne dans la suite adjacente à la votre pardi ! Quel moyen plus efficace existe-t-il d'espionner son prochain qu'en dormant dans le lit voisin ?

Tantôt compatissant et même amusé par la désinvolture de l'inconnu, le Général, se sentant coupable de l'avoir laissé les suivre jusqu'ici en lui permettant de s'échapper par excès de bonté, commença à se sentir irrité par ces burlesques histoires d'espionnage et l'inconsciente impertinence du reporter qui ne réalisait pas les risques qu'il prenait, et l'attrapa par le col de sa chemise, se retenant d'agir de manière acrimonieuse sous le coup de l'énervement.

-Tu n'as vraiment pas l'air de comprendre dans quelle affaire tu fourres ton nez.

-Hoho ? Alors vous admettez que vous trempez bien dans quelque chose de louche ? Enfin on avance.

Déstabilisé par le soudain excès de confiance de l'éditorialiste dont l'unique œil apparent brillait d'une malice certaine, Danmarine ne réalisa pas qu'il resserra le poing sur le pli de la chemise qu'il avait saisit, pas davantage qu'il n'entendit les questions de Rubī au sujet de l'identité de l'empêcheur de tourner en rond, ou ne vit le captif revenu à lui plus vite que prévu commencer délicatement à détacher ses liens, profitant de la diversion offerte par l'imbécile heureux en quête du scoop du siècle.

Ni une ni deux, le prisonnier à la bouche bâillonnée déchira ses entraves afin de s'emparer de la chaise sur laquelle il était attaché, et la brisa violemment sur la nuque de sa tortionnaire qui s'effondra, avant de bondir par dessus son corps renversé en direction de la sortie de cette poussiéreuse suite de motel aux murs verdâtres couverts d'humidité dont il ne supportait plus la vue, sous les yeux encore à demi fermés et brumeux de Dodoria qui n'avait pas encore suffisamment émergé pour réagir.

Dans sa course effrénée vers la porte, il ramena cependant Danmarine à la réalité, ce dernier lâchant alors subitement celui qu'il s'apprêtait à sermonner afin de faire face au fuyard. Plus malin qu'il n'en avait l'air, celui-ci dégagea, d'un geste sec de la tête vers le côté, le bâillon qui lui obstruait la bouche, dans laquelle il dissimulait entre ses dents trois des aiguilles de flux de la jeune rousse qu'il était parvenu à extirper de son corps pendant que ses geôliers lui tournaient le dos.

Trois épines qu'il convertit en projectiles en les crachant énergiquement vers l'homme barrant la route qui se trouvait entre lui et sa seule issue. Grâce à ses réflexes aussi aiguisés que ces aiguilles, Danmarine put à temps s'en protéger du revers de son bras, alors percé par trois fois, et envahi par une douleur si intense que le Général vacilla, se rattrapant au meuble qui se trouvait à droite de la porte d'entrée, sous la fenêtre au carreau masqué par les stores crasseux dont l'entretien ne semblait que peu intéresser le personnel du motel.

Sans même prendre la peine de l'interpeller, le fuyard s'apprêtait à dégager du poing celui qui par son intervention inespérée lui avait fourni son unique chance de s'échapper, lui qui ne représentait plus dorénavant qu'un obstacle de trop en se tenant devant la porte.

Mais alors qu'arrivait à sa droite le Général Danmarine déjà remis de cette blessure de pacotille et prêt à en découdre, et que venait de sa gauche l'imposant Durian-seijin aux manches de sa chemise retroussées pour mieux pouvoir lui en coller une en pleine face, le vulgaire contrebandier se trouva alors piégé dans un étrange cube d'énergie aux reflets iridescents, dont l'apparition inexpliquée stoppa les assauts des deux militaires en tenues civiles, et apaisa le journaliste au béret qui relâcha alors la main qu'il avait déjà raidie le long de son corps pour se défendre alors qu'il avait semble-t-il déjà anticipé l'attaque de son agresseur sans peine.

« Eh bien, on dirait que je vous dois, sinon la vie, au moins le fait de garder intact mon joli minois, jeune damoiselle. » ricana-t-il tout en immortalisant cet instant d'un cliché discret.

Derrière tout cela, Rubī, en moins de deux remise sur pied, et dont la main tendue en direction du prisonnier à nouveau capturé indiquait qu'elle était la responsable de l'apparition de ce fameux parallélépipède constitué de flux.

-T'as bien failli me péter la nuque espèce de sac à merde, soit pas surpris de te retrouver vidé de son sang dans une benne à ordures quand j'en aurai fini avec toi !

-Inutile de jurer ainsi, Rubī. Remet le en place et tâche de veiller à ce que cette fois il ne puisse plus bouger d'un seul millimètre, c'est clair ?

Estimant à haute voix ces instructions limpides, Rubī s'exécuta sans attendre, suivie par le regard fasciné de Dodoria.

-Eh ben, on vous apprend ce genre de techniques dans la CIRD ?

-Pas exactement, je le dois plutôt à l'époque ou le Général Byōna m'a prise sous son aile. C'est l'une des choses qu'il m'a enseignées, parmi beaucoup d'autres.

-Décidément je sais pas quoi penser de ce Byōna, j'ai d'abord cru que c'était rien de plus qu'un minus, puis une enflure sans honneur, mais finalement il a l'air d'être un sacré guerrier.

« Ne te laisse pas charmer par sa prestance militaire, Dodoria », l'avertit son Général qui écoutait la conversation tout en ôtant les aiguilles de flux logées dans son bras.

-Byōna n'est qu'un belliciste au pragmatisme exacerbé. Cet homme n'a ni valeur ni honneur, il est prêt à tout pour défendre les intérêts de l'empereur, dissimulant ses actes derrière un verni de noblesse, quoi qu'il doive sacrifier pour y parvenir.

-Et pas toi peut-être ?

-Disons qu'il y a certaines choses pour lesquelles je réfléchirais à deux fois.

Moyennement certain de voir ou Danmarine voulait en venir, Dodoria lui rendit un regard circonspect accompagné d'un vague grommellement en guise d'acquiescement, tandis que l'illustre inconnu initialement venu pour les espionner l'avertit des saignements incessants de son bras qui risquaient de colorer d'un indélébile rouge la manche de sa chemise.

-Te connaissant tu devrais avoir cicatrisé d'ici quelques heures, pas de quoi en faire tout un plat, pas vrai mon chou ? Je veux dire, mon Général, bien sur.

-Je devrai quand même panser ces plaies, une tâche de sang risquerait d'attirer l'attention. Dodoria, garde un œil sur notre invité, puisqu'il semble tant tenir à nous suivre, il va passer la nuit en notre compagnie.

Abandonnant ainsi son ami reporter aux bons soins du barbare rose de peau qui réduisit drastiquement la distance entre eux jusqu'à pouvoir sentir son souffle sur son visage, Danmarine gagna la salle d'eau de leur chambre ou il put s'enfermer. Sa veste de costume posée sur le rebord de la baignoire, il put déboutonner la manche de son bras blessé afin de la relever, lentement, de façon à éviter d'étaler davantage de sang sur elle.

Devant le miroir, l'avant bras tremblant, Danmarine le retint de son autre main, observant son reflet et celui des brûlures marquant sa peau là ou les aiguilles l'avaient heurté, d’où son sang s'écoulait toujours. Une fois qu'il eut passé son bras sous l'eau, l'Actinidia-seijin chercha dans l'armoire à pharmacie de quoi bander ses blessures. Alors qu'il commença à enrouler le tissu autour de son bras, il observait ses plaies sans défaillir, sans cligner des yeux de peur de la rater. Désespérément, il l'attendait. Cette chaleur, cette émanation de fumée, cette sensation de sa chair se refermant d'elle même. Mais il banda son bras jusqu'au bout. En silence. Puis, sa blessure pansée et sa chemise réajustée, le Général eut tout juste le temps d'observer son joli minois dans le miroir avant d'entendre un cri qui l'interpella, le ramenant en vitesse à la chambre, ou il découvrit le reporter tenu plaqué contre le mur par l'épais bras épineux de Dodoria coincé sous son menton.

-Qu'est-ce que tu viens de me dire avorton ?!

« Hoho, toutes mes excuses Caporal, j'ignorais que vous aviez les oreilles encrassées » rétorqua joyeusement le journaliste avant d'abandonner son visage jovial pour une expression plus malicieuse et assurée,
« Écartes-toi, ton odeur m'incommode. »

La phrase de trop. Dodoria arma son second bras, décidé à réduire en bouillie le crâne de l'impertinent photographe quitte à prendre le risque de tâcher les murs de la chambre. Tant pis, il indemnisera le propriétaire sur ses propres deniers.

Un énième retournement survint alors, lorsque la porte s'ouvrit juste à côté du barbare, surpris par cette arrivée impromptue qui le coupa dans son élan, pour le plus grand soulagement de son sac de frappe ambulant, sauvé pour la seconde fois aujourd'hui par une personne aux cheveux rouges.

-Ranfu ? Ou étais-tu passé au juste ? Aurais-tu oublié que nous sommes en mission ?

« Mon Général, je... » tenta de justifier le Capitaine, sitôt interrompu par son supérieur qui lui rappela que l'heure était au briefing et non aux faux-fuyants. Une fois que chacun eut pris place quelque part, au bord d'un lit, sur une chaise assis à l'endroit ou à cheval sur celle-ci, ou encore sur une table les jambes croisées, la réunion débuta.

Les premières informations évoquées furent celles obtenues par Rubī à l'issu de la séance d'interrogatoire. Son prisonnier, membre d'une guilde de contrebandiers repérée par la jeune espionne durant ses préparatifs pour la mission, lui a appris qu'ils travaillaient depuis quelques temps au service d'une société immobilière possédant plusieurs grands casinos de la planète, la « Cash'In Company », pour laquelle ils effectuent régulièrement des livraisons de matériel scientifique et informatique dans plusieurs de leurs locaux.

« La...Cash'In...Company...tu dis ? »

Cette voix chevrotante émergeant des toilettes interrompit l'espionne, attirant les regards vers la personne dont provenait la dite voix, qui quittait la pièce dans laquelle il comatait depuis plusieurs heures en se tenant au mur. Le renard au pelage vert visiblement enfin remis de ses émotions, avait entendu des bribes de cette conversation qui lui évoquèrent un détail lui semblant important de soulever. À l'issu d'une infiltration par les conduits d'aération d'un hangar dans lequel avait pénétré une bande d'individus suspects transportant des caisses portant le blason «CC», Fox leur dit avoir appris que cinq cargaisons distinctes devaient être livrées le lendemain, chacune dans un casino différent.

-Vous pensez...que l'une d'elles pourrait nous mener à Citrus ?

« A vrai dire... » rebondit Ranfu, accompagnant ses mots d'une main approbatrice sur l'épaule de Fox, « Je pense qu'on tient une piste sérieuse ».

De la poche intérieure de sa veste de costume grise, le Capitaine extirpa un carnet à la couverture de cuir bordeaux qu'il tendit à son Général. À la demande de ce dernier qui commença à feuilleter avec curiosité le livret, Ranfu s'expliqua devant toute l'équipe. Alors qu'il avait décidé de s'exiler un moment et de vagabonder dans les rues touristiques illuminées durant la nuit, de façon à calmer son esprit perturbé par les nouveaux souvenirs qu'avait ravivé Rubī, quelques voix parvenues à ses oreilles depuis une étroite ruelle étrangement obscure l'y avait attiré. Et c'est précisément là qu'il trouva de quoi évacuer sa colère. Ou plutôt les personnes sur lesquelles il put la déverser.

-Une seconde, même s'il s'agissait d'un gang local, j'ai du mal à t'imaginer rosser les premiers venus simplement pour te défouler. Qu'est-ce qu'ils ont dit pour te mettre dans cet état ?

Un instant de gêne et de honte. Le visage presque aussi rouge que sa chevelure, Ranfu chercha ses mots de façon à répondre à son Général tout en s'épargnant au mieux le ridicule dont il craignait d'être la victime. Mais il comprit vite alors qu'il commença à formuler sa phrase, à la vue du visage de Dodoria se déformant progressivement, qu'il n'échapperait pas à ses railleries.

-Minute papillon, que je comprenne bien. Tu veux dire que t'es tombé sur les caïds auxquels Rubī avait cassé la gueule, j'ai bon jusque là ?

« Dodoria... » tenta d'interrompre Danmarine, sans que cela ne soit visiblement efficace au grand dam de Ranfu dont le teint commençait à paraître incandescent.

-Et donc, dans le noir, les gus t'ont confondu avec elle et ça t'a tellement foutu les boules que t'as passé tes nerfs sur eux ?

Le sourire mesquin et satisfait du gros Durian-seijin irritait déjà le grand roux aux longs cheveux attachés, qui devinait aisément qu'il n'en avait pas encore fini, tandis que Dodoria peinait à articuler tant son rire incontrôlable à s'en tenir les cotes lui titillait les zygomatiques.

-Alors ils ont confondu la rouquine avec l'autre rouquine ? A ton avis, c'est parce que Rubī est si couillue qu'elle en paraît masculine, ou bien c'est parce que t'as l'air d'une gonzesse avec ce look ?

« QUOI QU'IL EN SOIT ! » fulmina Ranfu qui voyait son Général lisant d'un œil distrait le contenu du journal tout en se retenant discrètement de rire aux bouffonneries du barbare dont l'attitude béotienne ne manquait pas d'amuser leur supérieur.

-Des noms de clients, des coordonnées...sans doute de routes commerciales illégales, des numéros de commandes...voilà, des notes au sujet de leur marchandise, datées de cette semaine.

-Qui écrit encore sur du papier ? Ces types sont vraiment si arriérés ?

-Détrompe toi, Fox. La pègre a régulièrement recourt au papier plutôt qu'aux tablettes électroniques pour s'assurer de ne pas être hackés ou traqués par les autorités locales ou par une bande rivale. Mais ces pratiques sont aussi monnaie courante dans l'armée lorsque nous opérons en territoire ennemi sur une planète technologiquement avancée.

Poursuivant ses explications et l'analyse du carnet, Danmarine se pencha sur les noms de codes attribués à ces marchandises. S'il lui était impossible de les identifier précisément, il remarqua que chacune d'elles était attribuée à un casino différent. Une liste de cinq établissements.

-Cinq casinos. Le même nombre que les cargaisons que tu as pu apercevoir dans cet entrepôt, Fox. Il s'agit sans aucun doute des lieux de livraisons. Et là, en bas de page, cette suite de lettres et de chiffres inscrits en rouge, il s'agit d'un code similaire à ceux que vous employez dans les services secrets, pas vrai Rubī ?

La jeune femme, qui allait acquiescer la pertinente analyse des éléments que Danmarine recoupait habilement entre eux, s'étonna subitement et prévint son Général de se retourner. La menace, qui n'en était finalement sans doute pas une, se retrouva prisonnière par le col de sa chemise entre les trois gros doigts roses de la main droite de Dodoria qui l'empêcha de s'élancer vers Danmarine malgré son évidente excitation.

-Permettez moi d'ajouter, sinon celui de poivre, mon grain de sel de reporter aguerri et habitué au terrain sur lequel vous évoluez ! Voyez vous, les sources journalistiques du journaliste que je suis m'ont appris alors que j'enquêtais sur les affaires pour le moins louches se déroulant ici sur la planète naine Coola 77, que plusieurs de mes confrères auraient aperçu à quelques reprises des individus on ne peut plus louches accéder à une entrée privée en saisissant un code de sécurité afin d'y déposer divers paquets ! Et dans quels lieux exactement me direz-vous ?

-Je pense qu'on a saisi, des casinos.

« Bingo ! », rebondit le journaliste sans prêter attention au manque d'enthousiasme dans la réaction du Général, « Des casinos ! Vous avez toucher le GROS lot ! Et non pas le GRElot, mon cher Général ! »

À la fois agacé et amusé par les manières du reporter photo qu'il peinait à cerner, Danmarine se montra néanmoins intrigué par ses informations.

-Je n'aurai aucun mal à vous communiquer les adresses de chaque casino, et je pourrai partager avec vous les informations dont je dispose, à condition que vous me laissiez vous accompagner. Rien de tel qu'un scoop de première main après tout ! Et puis, ne serait-ce pas à votre avantage de m'avoir sous la main pour me surveiller ?

« C'est entendu, mais c'est avec moi que tu iras, je tiens à te surveiller personnellement, à la moindre ânerie je t'assure que je t'étripe ! »

Cet ordre suivi d'un avertissement du Général brusqua légèrement le reporter, qui d'une manière perturbante sembla étrangement apprécier cela. Sur ces mots, Danmarine posa le carnet sur la table de réunion, exposant devant tous la liste des casinos ou ils devraient se rendre.

« Cinq casinos, pour cinq membres de l'équipe, chacun va se charger seul d'un lieu. »

Alors que Danmarine était sur le point d'attribuer une destination à chaque agent de l'équipe, Dodoria, qui jeta un œil curieux au livret, laissa soudainement une folle effervescence prendre possession de lui, alors qu'un nom parmi la liste attira son attention, réclamant à renforts de grands gestes de se rendre lui même dans ce casino. Un comportement si enjoué qui ne correspondait guère au guerrier Durian provoqua un instant de gêne et d'incompréhension dans l'assemblée, jusqu'à ce que Danmarine, au départ décontenancé, n'accepte sa requête, pensant voir dans cette exubérance momentanée un signe d'enthousiasme et de motivation.

Quand enfin tous eurent confirmation de la destination qui les attendrait le lendemain, et que les adresses leur furent communiquées par le reporter dont l'identité n'était toujours pas connue avec en bonus quelques renseignements utiles sur les lieux et le personnel de ces établissements, le Général mit un terme au briefing, donnant à chacun quartier libre pour la soirée, avec cependant interdiction de s'éloigner du motel.

Ni une ni deux, Dodoria n'hésita pas un instant sur l'activité qui l'attendait, et s'empressa de retourner se coucher sur le sol afin de poursuivre sa nuit. Sentant l'odeur persistante des WC incrustée dans son pelage, Fox quant à lui préféra prendre une douche au préalable, une opération que n'affectionnait que très peu le Durian-seijin, habitué à ne procéder qu'à un lavement par semaine. Ranfu, de son côté, bien décidé à se reprendre en main après ces instants de faiblesses afin de redorer son blason de Capitaine flambant-neuf, se chargea de remettre en place leur prisonnier et de s'occuper du « confort » de leur nouvel invité imprévu qui devrait passer la nuit ici avec une chaise pour seule paillasse, nouvelle qui n'avait bien entendu pas l'air de ravir le journaliste, protestant vainement auprès du grand roux bien décidé à faire preuve de son habituel excès de zèle.

Et alors que ce petit monde préparait tranquillement la nuit qui les attendait et les séparait du jour qui serait primordial pour leur mission, les deux derniers membres de cette joyeuse bande s'étaient isolés sur le balcon, admirant en silence et côte à côte, accoudés à la rambarde extérieure du pavillon surélevé du motel, les sublimes lueurs à la palette de couleurs si diversifiée des néons et autres illuminations donnant vie à la planète casino.

Les musiques électroniques modernes rythmant la vie nocturne de la ville lumière, les nombreuses annonces passant par les hauts-parleurs disséminés aux quatre coins de la cité, tout ce boucan semblait étouffé par la distance séparant le motel des quartiers branchés de Coola 77. Une disposition qui offrait un calme relatif et une luminosité agréable aux deux spectateurs qui n'avaient pas encore rompu le silence. Jusqu'à ce que le plus haut gradé des deux ne prenne la parole.

-On ne s'était pas retrouvé comme ça depuis une éternité. Je veux dire, ailleurs que sur le front. En comparaison d'Ikonda, tout paraît si...paisible.

-Vous ne seriez tout de même pas en train de flirter avec moi mon Général ? Pas au beau milieu d'une mission.

Pris d'une si subtile gêne que la jeune femme n'était pas certaine d'avoir réussi son coup, Danmarine, moins perturbé qu'il ne l'aurait été par le passé face aux sous-entendus de sa Capitaine, s'efforça de plonger ses yeux dans les siens et de soutenir pour une fois son regard malicieux.

-Je pense que nous avons dépassé ce stade, tu ne crois pas ?

Qu'entendait-il par « dépassé » ? Rubī disposait de trois points forts indéniables. L'espionnage, le combat, et la séduction. Trois qualités qui s'avérèrent plus qu'utiles durant ses années au sein des services secrets de l'Empire. Mais elle se trouva subitement paralysée à l'idée que les choses puissent « dépasser » l'étape de la séduction. Une réalité qu'elle avait cherché à fuir ces dernières années, elle qui avait pour habitude de prendre les devants.

Pourtant, c'était un fait. Il est vrai qu'à la surprise de bien des soldats, une chose autre que la mort avait su fleurir sur Ikonda ces trois dernières années. Sans un mot, sans un regard, après un moment d'hésitation durant lequel Danmarine se demanda s'il ne s'était pas bercé d'illusions, Rubī mêla délicatement sa main gauche à la main droite de l'Actinidia-seijin, tout en maintenant le regard droit devant elle en direction des lumières de la ville, toujours de leurs deux bras accoudés sur cette rambarde.

-Tu...tu devrais avoir honte de profiter de ton grade pour m'intimider...

Soudain pareil à une pivoine, le Général dégagea sa main et recula d'un pas, se défendant, haut et fort, d'avoir tenté d'une quelconque façon d'abuser d'elle en profitant de son statut. Mais le regard que lui rendit la Capitaine, tout à coup bien assurée alors que sa voix hésitante lui avait paru sincère, sema de nouveau le doute dans son esprit.

-Eh bien, me voilà rassurée, finalement tu n'as pas changé, ça marche toujours aussi bien.

« C'est », « Je », « Ce n'est pas », de vagues balbutiements décousus qui même reliés ensemble ne formaient aucune phrase cohérente. Rien d'autre ne sortit de la bouche de Danmarine, à nouveau berné par Rubī qu'il connaissait pourtant depuis plusieurs années maintenant, mais qui parvenait encore et toujours à prendre l'ascendant psychologique sur lui.

Néanmoins elle l'avait écouté. Elle s'approcha de nouveau de lui, à découvert, le visage plus doux qu'à son habitude. Nul jeu ni artifice, pleine et entière. Vraie. N'était-ce pas encore plus intimidant ? Sans aucun doute, pourtant Danmarine se sentit la force de caresser sa joue. De passer ses doigts dans ses longs cheveux rougeoyants. D'approcher lentement ses lèvres.

Un instant pur, isolé du reste, sans Général ni Capitaine, mais simplement deux personnes. Un instant parfait, mais surtout, un instant brusquement interrompu, alors que Rubī se dégagea des bras de Danmarine pour former une fine aiguille de flux entre ses doigts et la lancer vers la porte entre-ouverte de leur chambre, d’où s'échappa un cri beaucoup trop aiguë pour la voix à laquelle il appartenait.

« Mais t'es complètement fêlée ma parole ! »

-Tu y réfléchiras à deux fois la prochaine fois que tu essayeras d'épier une espionne professionnelle, gros pervers de Durian-seijin !

« Pe-pervers ? »

Un instant, aussi éphémère qu'un battement d'ailes, envolé sans prévenir. Mais qui ne sombrerait pas dans l'oubli, gravé dans le cœur déjà mainte fois entaillé de Danmarine, qui cette nuit battrait sereinement, comme si le lendemain n'était pas déjà en train d'éclipser de sa lumière menaçante cette nuit chaleureuse.

Car à l'aube, alors que toute l'équipe au pied levé s'était réunie devant le motel une dernière fois avant d'éclater et de laisser chacun partir dans une direction, aucun d'eux ne pouvait imaginer à quel point leur prochaine paisible nuit réparatrice se ferait attendre.

Danmarine n'était pas familier des jeux d'argents, mais il s'était informé avant de venir sur cette planète ou ces activités font loi. Il existe cinq jetons au poker.


Un blanc.
Un rouge.
Un bleu.
Un vert.
Et un noir.


Danmarine n'était pas un grand parieur. Jouer la prudence quand cela était possible lui paraissait préférable. Mais cette fois, il devrait composer avec le maître régissant la planète casino : Le hasard. Cinq destinations. Cinq personnes. Et un temps d'action trop limité pour réfléchir plus longuement.

Cinq jetons. Sans garantie de récupérer sa mise. Un pari audacieux dont il accepta les risques.
Cinq jetons. Mais Danmarine avait confiance en ses cartes. Tout se jouerait sur cette action.

Cinq jetons. Tapis.
Un Général...ne doit jamais faillir à son devoir - Les Chroniques d'une Guerre

Un Durian nait pour combattre, un Durian vit par sa force, et quand le jour viendra, aucun de nous ne versera de larmes, car un Durian meurt pour la gloire ! -
Le Briseur de Crânes

Le troisième œil d'un Mittsume-jin, jamais ne dort, jamais ne pleure, jamais ne se clôt. - L'Œil qui ne pouvait pleurer

Il est au moins une chose dont je ne manque jamais. - Hit up on Time
Avatar de l’utilisateur
Imate
Modérateur
Modérateur
 
Messages: 2695
Inscription: Ven Sep 04, 2015 0:23
Localisation: Amiens, Somme, Picardie

Précédent

Revenir vers Fanfictions

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 25 invités