Plop :3
Chapitre en avance ; hakuna matata !
2
Alerte Tsunami
“Édition spéciale : tournoi des trois meupo-dresseurs !”
“H. Gero, 16 ans, passe d'illustre inconnu à star interplanétaire en deux minutes chrono !”
“Scandale Gouvernemental, le fils de Tao Feï Meï se prend pour un meuporg !”
“John Staar, l'interview exclusive !
« Bah mince alors…, moi si j'ai accepté de participer à cette loterie c'était juste pour faire rire les copains. J'avais qu'1% de chances de remporter le tirage au sort donc je pensais que c'était safe. Bon bah… maintenant que j'y suis, hein… […] »”
“La malédiction des plumes noires frappe un étudiant en pleine cérémonie : Rachid Deuff s'est volatilisé ! Troll ou drame ?!”
Kochin n'alla pas plus loin et referma le journal. Il venait pourtant à peine de l'ouvrir, mais la lecture des premiers gros titres acheva de le convaincre que cette fournée de pages n'aurait rien à lui apprendre qu'il ne savait déjà. Cette édition de la gazette de l'URR n'avait quelque réel intérêt que pour les gens du campus qui n'avaient pas pu — ou pas voulu — participer à la cérémonie d'ouverture de la coupe du monde des meuporgs. Ceux-là pouvaient lire et apprendre des choses ; au contraire de ceux qui — comme Kochin — avaient pu assister de visu à tous les événements ainsi relatés. Ce qui n'enlevait rien au talent fou des étudiants du département de journalisme, qui avaient su, comme à leur habitude, mettre sur pied — en deux heures à peine — un nouveau tirage de la revue interne de l'université ; lequel tirage s'était écoulé comme autant de petits pains dans tous les bâtiments du campus, des cantines aux sections administratives en passant par les chambres résidentielles comme celle dans laquelle paressait présentement Kochin, étalé sur le lit accolé au seul mur disposant de fenêtres. Il était 02h42. La cérémonie avait pris fin aux environs de minuit et demi. L'édition spéciale de la gazette avait été distribuée aux environs de 02h30. La prochaine serait pour dans quatre heures, aux premiers rayons du soleil. Cette imminente édition-là, Kochin ferait probablement l'effort de la lire (croissant en main)… contrairement à la précédente.
Le surdoué déposa son journal — et ses lunettes — sur la commode
Albert XVI placée au pied du lit à baldaquin ; lui-même de bien belle et bien antique facture. Kochin se redressa pour ouvrir l'une des fenêtres en fer forgé ; il passa alors la tête dans l'embrasure et resta ainsi un bon moment, à genoux sur le matelas, coudes sur la lucarne jacobine, laissant le vent se promener dans sa rousse crinière et rafraîchir son visage au teint de porcelaine. De cette hauteur — 25 mètres — et depuis ce poste d'observation, le petit matheux pouvait embrasser du regard une bonne portion de l'aile Nord du campus ; aile dans laquelle il se trouvait présentement lui-même, puisqu'il était question du secteur réservé aux résidences. Lesquelles résidences allaient du trois au six étoiles. Ce dernier niveau de prestige n'étant par ailleurs à la portée d'aucune bourse, dans la mesure où il ne concernait qu'un seul bâtiment : la tour du muscle, visible depuis la fenêtre de Kochin. Cette tour n'était pas accessible aux étudiants et très rares étaient les gens à y être jamais entrés. Kochin faisait partie desdits rarissimes élus. Aussi saurait-il affirmer que cet édifice de 10 étages n'était que la pointe de l'iceberg. La véritable “tour” de 10 niveaux se trouvait sous le bâtiment apparent. Les 10 niveaux du dessus constituaient les quartiers privés de l'état-major de Red, ce dernier logeant au dixième étage. Les 10 niveaux du dessous constituaient quant à eux autant de sous-sols recelant autant de secrets d'autant plus importants qu'on descendait d'un sous-sol à un autre. Le secret caché au sous-sol n°1 — le plus proche de la surface — étant de fait moins confidentiel que celui caché au sous-sol n°2. Et tutti quanti. Ironiquement, Kochin n'avait aucune idée de ce qui se trouvait aux sous-sols allant du n°1 au n°10, tandis qu'il était parfaitement au courant de ce qui se tramait au sous-sol n°11, car il y avait un sous-sol n°11, dont la particularité tenait en ceci qu'en plus de contenir un secret de premier ordre, l'existence-même de cet ultime sous-sol relevait du secret des dieux. Même le gardien du sous-sol n°10 ignorait qu'il y avait encore quelque chose à voir… sous ses pieds.
Et sous les pieds dudit gardien il y avait : le projet “Meupo-Tsunami” ; lequel projet n'avait pas de secret pour Kochin puisque le jeune garçon y était mêlé jusqu'au cou, enrôlé sur invitation. Bioinformaticien de génie et chouchou du professeur Margareth Taha, ou les deux qualités ayant ouvert les portes du sous-sol n°11 au jeune camarade d'Aaron Wheelo. Aurait-il été autre chose qu'étudiant en bioinformatique… que Kochin n'aurait jamais été approché par les responsables du projet Meupo-Tsunami, lequel projet requérait des experts en bioinformatique, pas des experts en géologie, non plus en physique quantique. Aurait-il été autre chose que chouchou du professeur Margareth Taha que Joachim Kochin n'aurait jamais été approché non plus. Car des bioformaticiens aussi géniaux que lui il y en avait treize à la douzaine au campus. Sauf que miss Taha s'avérait être l'ingénieur en chef du projet Meupo-Tsunami. Ce dernier poste aurait-il été dévolu, par exemple, au Pr. Dimitri Stein, que l'étudiant approché n'aurait alors probablement pas été Kochin… mais Feebee Strauss, la favorite de Stein.
Joachim pouvait donc remercier sa chance.
Ou la maudire très fort, sa “chance”, car le projet Meupo-Tsunami n'est pas de ceux que l'on découvre avec enthousiasme, plutôt de ceux qu'on découvre avec effroi et que l’on aimerait bien oublier aussitôt, avant de devenir fou. D'ailleurs Kochin s'était vu proposer l'option d'oublier. L'URR possédait notoirement, dans ses tiroirs, un sinon des “instruments” énigmatiques tout à fait à même de provoquer une amnésie contrôlée. Mais le choix d'oublier était aussi assorti d'un sérieux bémol car il impliquait de retourner se fondre dans l'infinie masse des moutons ignorants. Ceux-là même qui allaient tous se prendre dans la gueule le projet Meupo-Tsunami. Tous, du Gouvernement à l'Empire en passant par la plèbe, sans oublier la Team-Z et compagnie. Tous se le prendre dans la gueule ; par surprise. Par surprise et très bientôt : dans trois jours pile ; donc deux jours après la cérémonie de clôture de l’imminente coupe du monde des meuporgs. Oublier et ne pas participer au projet. Ne pas participer au projet et avoir la conscience propre. Pilule bleue. Ne pas oublier et participer au projet. Participer au projet et participer par conséquent à la fin du monde. La fin d'un monde. Pilule rouge. Kochin avait hésité 3 jours et 3 nuits, avant d'enfin se présenter au bureau de Margareth Taha, en plein orage, à minuit passé, pour prendre la pilule rouge, celle qui lui garantissait une place à l'abri de l'imminente apocalypse. Deux places même. Deux places pour “l'arche de Noé” que constituait le sous-sol n°11. Deux tickets pour la survie. Kochin ne savait pas encore ce qu'il ferait du ticket en trop. L'autre par contre il savait très bien quoi :
L'autre était pour Aaron.
Aaron, ou l'une des 2 seules personnes à avoir jamais daigné traîner avec Joachim plus d'une semaine, une fois passée la saveur exotique d'avoir sous le coude un copain un peu borderline et timide. Aaron, dont les parents siégeaient à la cour royale, celle-là même qui allait être balayée en même temps que tout le reste par le passage du Tsunami. Oui, Aaron allait assurément finir orphelin dans trois jours ; montre en main. La fortune de ses parents n'allait leur être d'aucun secours. Face au Tsunami… Karl et Olga Wheelo allaient se découvrir aussi impuissants et démunis que n'importe quel prolétaire embarqué dans le même bateau destiné au même naufrage. Les même Karl et Olga qui étaient pourtant bien les dernières personnes que Joachim avait envie de voir être fauchées par le Tsunami ; eux qui avaient su piocher gracieusement dans leur fortune — sous intercession expresse voire impérieuse d'Aaron — pour permettre au fils unique de fonctionnaires aux fins de mois difficiles qu'était Kochin… de se payer des études et une chambre dans la plus grande université du monde. Oui, l’envie de payer sa dette envers Aaron Wheelo était en fin de compte la seule raison pour laquelle Kochin avait accepté de prendre la pilule rouge au lieu de la bleue. Lesquelles pilules s'étaient avérées n'être en fin de compte que de vulgaires bonbons à la menthe. Trait d'humour signé Pr. Taha.
Non, oublier le projet Meupo-Tsunami n'était pas une option.
“Maudites soient ces trois dernières lunes car seule la pleine lune a sourit…” fredonna vaguement Kochin, en levant les yeux vers le ciel cristallin. La lune était grande et pleine. Et rouge. Rouge comme les yeux verts de Joachim. La faute au vent. Peut-être. Ce même vent chapardeur qui passa bientôt en force pour arracher deux filets de larmes des yeux du roux, comme deux fruits mûrs.
L'insaisissable voleur mordit dans son butin puis recracha.
Trop amer.
Kochin quitta sa fenêtre tout en la laissant entrouverte pour aérer la pièce. Prenant bientôt place en position pharaonique sur le rebord du lit double, il récupéra sa paire de lunettes sur le meuble Albert XVI, l'enfila, puis orienta le regard vers la seule source de lumière dans la pièce : la télévision — celle installée dans le “coin multimédia” de la chambre — coin présentement occupé par Gero… qui se tenait en tailleur sur la moquette et jouait encore à la console.
À 2 heures du matin…
— T'es sérieux… ? souffla Kochin, accessoirement persuadé du fait qu'il aurait à répéter cette phrase au moins trois fois avant d'enfin parvenir à harponner l'attention de Gero.
— Si ça te pose un problème, tu connais la sortie. Tu as peu de chances de la louper, c'est tout droit, souffla Hiéronimus en indiquant flegmatiquement du doigt la sortie en question, à savoir : la porte de la chambre.Net et sans bavure. Même pas un regard avec ça. Kochin grinça des dents, réajusta ses lunettes, et ravala sa fierté. Il n'avait définitivement pas la force de se lancer dans une joute verbale à 2 heures du matin. De toute façon Gero avait l'avantage du terrain : cette chambre n'était pas celle du petit protégé de Margareth Taha ; Kochin n'était là qu'en visiteur nocturne, squattant la coloc' de ses deux copains du département “meuporg affairs”.
— Puisque tu ne jures que par le droit du sol, aie au moins un peu de considération pour ton coloc' qui dort juste à côté. La lumière de ton écran est trop agressive et tu vas le réveiller si tu ne baisses pas le son.Entre deux low-kicks numériques, Gero tourna la tête en direction du lit d'Aaron Wheelo et se rendit compte que Kochin ne mentait pas : Aaron dormait ; dans la position des insouciants. Ce constat, loin de porter la main d'Hiéronimus au niveau d'un quelconque bouton “mute”, la porta plutôt au niveau du plateau repas qui traînait à portée… sur la moquette. Gero s'empara de la part de tarte de Wheelo et prolongea le mouvement jusqu'à sa bouche tout en achevant son adversaire à l'écran de sa seule main libre, par spam d'un combo simpliste opérable même avec les pieds. Le saugrenu de la scène valut aux lunettes de Kochin un léger décrochage tandis que le visage du rouquin se décomposait passablement. Il essayait de se retenir de rire ; à grand-peine. Le côté pince-sans-rire de Gero était irrésistible… et Kochin s'en voulait d'être le seul de la petite bande à s'en rendre compte.
— Alors, qu'est-ce que ça fait de passer de blaireau de compétition à star du bahut, en deux minutes chrono ? lança Joachim, au petit bonheur la chance… de ne pas se prendre un vent. Il paraît que tu as même eu du mal à revenir dans ta chambre après la cérémonie d’ouverture, tellement tout le monde s'arrachait tes vêtements dans les escaliers.
— …
— Alors… c'était qui ?
— Qui… quoi ?
— Qui t'as aidé à trafiquer le tirage au sort de la coupe du monde pour forcer ton nom à sortir ? Vous avez piraté le logiciel qui a servi à effectuer la loterie, c’est ça ? Tu ne me feras pas croire que c'est par hasard que ton nom est sorti. Tu n'étais même pas sur la liste des 100 étudiants sélectionnés par la direction de l’URR. Et tu ne me feras pas avaler qu'il s'agit d'un bug dans les bases de données. Tu ne me feras pas non plus croire que tu as pu tricher tout seul. Tes connaissances en informatique ne dépassent pas les miennes. Or j'aurais été incapable d'infiltrer le système de sécurité du comité.
— …
— …
— Bulma.
— ……… Tss.
— Hm, il y a du rageux dans cette pièce, souffla Gero en relançant un duel à l'écran, en mode de difficulté “Insane” tout en se prenant paradoxalement le personnage le plus faible du jeu ; le tout dans l'espoir d'avoir un peu de challenge.
— Moi ?! Hahahaha…… tu es timbré, mon ami. Jamais je n'aurais fait en sorte d'être le représentant de l'URR à la coupe du monde, même si j'en avais eu l’opportunité. Trop de pression. Beaucoup trop de pression. De toute façon les compétitions de meuporgs ne m'intéressent pas plus que la gloriole…
— Eh bien moi tout cela m'intéresse. Et j'ai bien l'intention de rouler sur Wheelo, Tao Paï Paï et ce… John Staar.
— Et tu vas leur rouler dessus avec “ça” ? souffla Joachim en se levant pataudement du lit de Gero pour se rendre au pied de la commode postée à quelques pas de la télévision ; commode au sommet plat sur lequel roupillait en boule la petite créature aux écailles dorées que le rouquin un peu enrobé venait de qualifier de “ça”.
— Tu m'as déjà posé cette question.
— Ta réponse ne me satisfait toujours pas. Et je connais au moins une autre personne qu'elle ne satisfera pas non plus.
— …
— Non sérieusement, t'as vu la tête que Red a tirée depuis son balcon quand il t'a vu débarquer sur l'estrade avec… “ça” ? Alors qu'en face John Staar avait rameuté son quatuor d'élite, et que Tao Paï Paï se faisait précéder par la réputation de son père ? T'imagines la honte que t'as foutue à l'URR - et donc à son directeur - en ne te présentant sur l'estrade avec rien de plus impressionnant que “ça” ? Tu sais, tu as eu ton quart d'heure de gloire, oui, d'accord. Mais je ne suis pas sûr que ce soit pour de bonnes raisons. À moins que tu ne sois de l'école “en bien ou en mal, l'essentiel c'est qu'on parle de moi”. Mais du coup on risque aussi bientôt de parler de toi comme du gars qui s'est fait one-shooter par ses adversaires dans le premier quart de seconde qui aura suivi le coup de sifflet marquant le départ de la coupe du monde des meuporgs.
— Pff. L'important ce n'est pas le niveau du meuporg. C'est celui du dresseur.
— Oui mais il y'a des limites. Ton truc là… y'a pas moyen qu'il passe le cyclope de John Staar.
— Ce n'est ni un truc… ni un “ça”… c'est un Griffondor.
— Son classement ?
— …… top 1000.
— Ça n'existe pas, le top 1000. Le top 300 par contre oui, et le cyclope de John Staar en fait partie. J'y connais rien hein… tout ce que je dis je le tiens de lectures sporadiques, mais si tu veux mon avis même les meuporgs de Wheelo ont l'air plus intimidants que ton griffon d'or. Si ce truc est vraiment ton meilleur meuporg, tu vas te faire bouffer, Gero. Je te conseille d'emprunter à Wheelo un ou deux de ses meuporgs. Quand il se réveillera demande-lui de t'en prêter. Avec un peu de chance il acceptera de te faire la charité… au moins pour t'éviter la honte du siècle demain.
— Ça ne marche pas comme ça. Déjà on ne peut pas se filer des meuporgs comme on se passerait un stylo en classe. Pour qu'un transfert soit possible le meuporg à échanger ne doit pas avoir fait l'objet d'une synchro type 2. Or Wheelo synchronise systémati… eh voilà, bravo Kochin : il me reste plus qu'une barre de vie…
— O……k…, apparemment le tournoi de demain est le cadet de tes soucis, je note…, souffla Kochin en détachant passablement son attention du camarade de chambre de Wheelo, pour alors se laisser aller à son petit vice usuel : fouiller dans les affaires - donc dans la vie - des gens ; dans les tiroirs de la commode en l'occurrence.
— …
— Bon alors… tu aurais fait tout ça juste pour avoir ton petit quart d'heure de gloire sur l'estrade ? Non… tu ne me feras pas croire ça. Ma douce et voluptueuse Bulma n'aurait pas pris le risque de se faire choper par le Bureau fédéral anti-cybercriminalité juste pour te permettre de te faire ta petite réputation de sexy bad-boy intrépide au bahut.
— Ta douce et voluptueuse… ? Hahaha…… ha…
— Allez Gero, crache le morceau, ça va deux minutes le style mystérieux et ténébreux.
— Ténébreux toi-même…
— Pourquoi tu as fait en sorte d'être sélectionné pour la coupe du monde tout en sachant que tu ne feras rien d'autre que t'y ridiculiser avec ton pathétique griffon d'or ?
— …
— …
— Pour l'argent. Pour les 3 milliards.
— Toi ? Le fils d'Arthyus Alexander Gero ? Tu es en galère d'argent ? Et l'héritage alors ?
— Tout l'argent de l'assurance-vie est parti dans un compte bloqué au nom de mon petit-frère.
— … Sérieusement ?
— Mes parents m'avaient déjà prévenu que ça se passerait comme ça, avant leur accident.
— Le traitement contre la mucopolysaccharidose 3 coûte aussi cher que ça ? Au point de bouffer tout l'héritage ?
— Le banquier de mon père m'a appelé la semaine dernière. Il a été très clair : le compte bloqué est déjà dans le rouge et si je ne trouve pas très rapidement 118 millions de zenis pour rallonger le traitement, ils vont débrancher Stan.
— …
— …
— Je…
— Laisse tomber. J'ai pas envie d'en parler. C'est toi qui m'as forcé à le dire. Wheelo au moins a eu la décence de ne pas me poser de questions.
— J'appelle pas ça de la décence…
— …
— Alors… attends… ok, donc si je comprends bien… c'est pour ça que tu te retrouves avec rien de plus qu'un Griffondemescouilles ? Tu as vendu tous tes meilleurs meuporgs mécaniques… pour payer les antidouleurs de ton frère ? C'est à ça que tu emploies tout ton argent ? Même celui de ta bourse d'étude ?
— …
— Tu manges au moins ? Tu gardes assez d'argent pour manger ? La manière dont tu t'es jeté sur la tarte de Wheelo tout à l'heure…
— Referme-ça Kochin ! s'agaça Gero en constatant du coin de l'œil que son camarade farfouillait dans le tiroir contenant tout une panoplie d'objets spé rangés avec un soin confinant au TOC.
— C'est quoi ? souffla Joachim en exposant une sorte de friandise à la texture éminemment étrange.
— …
— …
— L'équivalent d'une meupoball en beaucoup moins cher et en beaucoup moins puissant, débita Gero en détachant un œil sur deux de son écran.
— En langage noob ça donne quoi ?
— Si tu arrives à faire bouffer ce truc à un meuporg organique farouche, il s'assagira jusqu'à ce que le chewing-gum perde totalement sa saveur. Toi par contre c'est pas d'un chewing-gum que t'as besoin mais d'un paquet de curly. XXL.
— Et ça ? enchaîna Kochin en exposant cette fois quelque sorte de montre à gousset.
— Un radar niveau 5. Wheelo !! Y'en a marre, dis au rouquemoute de se casser de ma chambre !!Wheelo — qui ne dormait que d'un œil — sursauta ; moins du fait du coup de gueule de Gero que de l'intrusion soudaine d'une personne dans la pièce, par la seule fenêtre ouverte. Le regard encore très flou d'Aaron ne tarda alors pas à croiser les pupilles bleu persan de son professeur titulaire au département “meuporg affairs” ; professeur répondant au nom — ou plutôt au surnom — de colonel Violet. L'espèce d'écureuil-koala-ornithorynque statufié sur l'épaule de la jeune femme — Veronica Blanc de son vrai nom — s'était quant à lui vu affublé — toujours par les étudiants du campus — du doux surnom de Jean Claude Van Chéper. Ou comment faire simple quant on peut faire compliqué, sachant que le vrai nom de ce meuporg était autrement plus sobre : Pakerfeiss, meuporg organique de niveau 7, classe voleur, élément terre & eau, version mécanique immatriculée : C-238.
— Salut les puceaux ! scanda Veronica Blanc en s'engouffrant pour de bon dans la pièce.La maîtresse de JC Van Chéper prolongea son élan et se rua vers la personne la plus proche de sa position : Gero. Ce dernier, pris de panique, n'eut que le temps de quitter la moquette d'un bond ; à peine eut-il ensuite amorcé un pas en arrière, par réflexe défensif, que Veronica lui avait déjà enroulé un bras autour du cou, tel un boa constrictor ; de ceux qui vous veulent du bien.
— Remarque je vous traite de puceaux mais vu les bonds exponentiels qu'ont fait vos cotes de popularité respectives durant la cérémonie d’ouverture… votre vertu risque bien de ne plus faire long feu. Bon et sinon, toujours pas dans les bras de Morphée ? Le repos du guerrier tu en fais quoi, monsieur ? sourit la jeune femme en balançant un poing énergique dans le bide de son pince-sans-rire d'élève, lequel se fendit alors simplement d'un rictus timoré, ignorant la douleur que lui avait procuré cette tape qui se voulait probablement amicale. C'est la pression qui t'empêche de dormir ? Tu es prêt j'espère ? Bug dans les bases de données ou pas, il va falloir assurer demain… enfin… tout à l'heure. Toi aussi Aaron ! Et fais pas genre tu dors, je t'ai vu faire semblant de te recoucher dès que je suis entrée. Ne t'inquiète pas, je ne suis pas venue vous donner des devoirs à faire, juste vous encourager, sourit à nouveau le colonel Violet en resserrant son bras autour du cou d'un Gero virant de suite au bleu. Bon allez les jeunes, levez-vous, il y a le directeur qui…, embraya Veronica avant de s'arrêter en plein vol, réalisant à l'instant la présence de Kochin, tapi dans l'ombre près d'une commode aux tiroirs ouverts. Et lui là… c'est qui ?
— Ton futur mari, lâcha Kochin en mimant un bisou avec ses lèvres, à l'endroit de cette jeune professeur dont le pyjama à pois verts avait pourtant de quoi laisser les hormones mâles au repos. Tandis que Wheelo — qui faisait toujours semblant de dormir — et Gero, se demandaient comment ils allaient se partager les affaires de Kochin après son imminent décès, Veronica Blanc lançait un regard désorienté au pupille de Margareth Taha, l'air de dire
“dis-moi au juste pour quelle raison je ne devrais pas te péter les dents et te faire renvoyer de l'université, gamin ?”— J'en ai plus rien à foutre de rien. Cherchez pas à comprendre. La réponse vous viendra à tous dans trois jours…, répondit nonchalamment Joachim, devinant la teneur de la question qui s'articulait dans le regard bleu de Violet.
— C'est un “surmené” Véro, laisse tomber, souffla Gero en se dégageant de la “prise du boa” pour retourner s'affaler devant son écran.
— …… Ah. Il est de ce département-là… hm. T'aurais pu le dire plus tôt, là c'est trop tard……… Eh, toi là ! Tu te rassoies pas !
— Pas sommeil…
— Non c'est pas ça. Le directeur veut te voir dans son bureau, tout de suite. C'est ce que j'étais venue dire à la base. Toi aussi Wheelo, debout ! Monsieur Red veut te parler. Hé tu m'entends ?! Ho ! … Bon, Gero, allons-y ensemble, c'est sur mon chemin, Wheelo te rejoindra quand il se décidera à arrêter de faire semblant de dormir. Et toi le surmené, va te coucher, et que je ne t'y reprenne plus à te torcher le cul avec le couvre-feu, vu ? Je sais même pas comment tu as fait pour doubler les gardiens de ce bâtim…… Hé ! Debout ! tempêta Violet en se jetant toutes dents dehors sur l'oreille gauche de Gero, pour alors le tracter jusqu'à la sortie de la chambre à la force de ses mâchoires et surtout de l'élan d'Hiéronimus, qui avait tout intérêt à ne pas se laisser distancer sous peine de perdre son précieux appendice.En sortant, Véronica Blanc prit la peine de rabattre la porte… laquelle se referma sur les bougonnements de son captif.
Aussitôt la porte close, le silence tomba dans la chambre comme un couperet.
Il s'étira, tandis que le temps s'éclipsait.
Et puis…
— Je rêve où elle avait un Desert Eagle qui dépassait de son pantalon de pyjama ?— Cherche pas…, murmura Aaron, d'une voix ensommeillée, tout en se cherchant lui-même la force de quitter sa couette.
— …
— …
— Attends, pourquoi elle a dit : “ T'aurais pu le dire plus tôt, là c'est trop tard” ? Et pourquoi je me suis senti comme… allégé… juste avant qu'elle ait dit ça ? marmona Kochin tout en refermant les tiroirs de la commode de Gero, après y avoir remis un peu d'ordre.
— Parce qu'elle t'a volé ton zgeg …, souffla Wheelo de sa voix toujours aussi lourde. Van Chéper peut voler n'importe quoi, sous conditions, et là je te passe les détails mais les conditions étaient remplies. Ne t'inquiète pas, quand je croiserai le colonel d'ici à l'heure du petit-déjeuner officiel précédant l'ouverture du tournoi, je lui dirai de te rendre ton micro-pénis. J'espère juste pour toi que ta vessie n'est pas pleine, parce que tu vas devoir te retenir un peu.
Kochin rit d'abord.
Vérifia ensuite.
Hurla enfin.
Sa bouche hurla ; mais son esprit était à ce point ailleurs que le rouquin ne s'entendit même pas crier. L'âme de Kochin ne se noyait pas dans un océan de panique eu égard à la disparition de son “paquet”. Elle faisait à contrario la planche sur un océan de mélancolie eu égard au second ticket. Car si Joachim avait déjà décidé que le premier ticket, pour une place au chaud dans l'Arche, irait à Aaron ; il n'avait toujours pas soufflé à Margareth Taha le nom du bénéficiaire de la seconde place pour l'An Zéro.
Dans le bureau de Miss Taha se trouvait un registre dans lequel étaient inscrits les noms des rares et heureux élus : ceux-là qui avaient déjà une place de réservée dans cette Arche censée sauver du déluge supposé advenir 48 heures pile après la cérémonie de clôture de la coupe du monde des meuporgs ; coupe du monde censée démarrer juste après l'imminent petit-déjeuner dont venait à l'instant de parler le camarade de chambre de Gero.
Le nom d'Aaron Wheelo était déjà inscrit dans ce registre.
Mais Kochin avait encore le droit d'inscrire un nom de plus.
Qui ?
Cette seule question, formulée en un seul mot, avait coûté à Joachim bien plus qu'une seule nuit blanche. Une question en trois lettres… pour une réponse en quatre. Et Joachim avait eu beau se chercher des prénoms en quatre lettres dans ses registres de naissance, ces derniers ne faisaient état d'aucun. Il avait eu beau chercher toutes les traductions linguistiques possibles de son nom sur internet… dans l'espoir d'en trouver une qui tienne en quatre lettres, in fine : rien de rien. Le surdoué des maths qu'il était avait eu beau tenter de simplifier son prénom comme on simplifierait une fraction : “Joachim” s'était avéré irréductible.
Gero.
Quatre lettres.
Ainsi soit-il. Si là étaient les voies du seigneur, Joachim, qui se réclamait d'une famille dûment religieuse, allait s'y plier ; de bien mauvaise grâce. Le nom de Gero ne lui avait pourtant pas été intimé via rêve prophétique. Non plus dans une mare de café. Ces quatre lettres s'étaient juste imposées à son esprit, tandis qu'il se laissait encore dériver telle une planche de bois mort sur son océan de grisaille, composée à 100% d'encre noire ; l'encre des mots qu'il avait couchés un mardi soir dans son journal intime… qu'il préférait accessoirement nommer “outre-tombe d'un raisin pas bien mûr pour une figue déjà bien pourrie”.
Oh, je voulais le garder pour moi, ce second ticket. Jalousement. Bien sûr. Qui n'aurait pas fait ça ? Qui n'y aurait pas au moins pensé juste une seconde ? Toi et moi, Wheelo. Je nous voyais sortir beaux et vivants de l'Arche, et marcher vers tes rêves, quels qu'ils soient, peu m'importait. Le tableau était beau. D'ailleurs avant que la réalité ne me rattrape je nous voyais même sortir de l'Arche à trois. Je nous voyais — toi, Gero et moi — beaux et fringants, respirer l'air messianique de l'An Zéro, et profiter ensuite de nos jeunesses éclatantes et des années qu'il nous resterait à vivre, pour faire tout ce que bon nous aurait semblé. Comme refaire le monde, pour de vrai… ou au pire : le soir avec des amis, autour d'un Monopoly et d'une bouteille de blanc. Il était beau ce tableau-là.
Mais voilà, j'appris bientôt que les places pour l'Arche étaient limitées… et que je n'avais que deux tickets à dispenser. Alors j'ai pensé “tant pis pour l'ami Gero…”. Le tableau était moins beau, oui ; il n'y avait plus que deux fringants personnages au premier plan. Mais comme c'était toi et moi, la peinture restait admirable. Pour autant, par honnêteté intellectuelle, je m'astreignis à dépeindre dans ma tête l'envers de ce tableau, en inversant simplement ma personne avec celle de Gero, ce dans le seul espoir que cette dernière peinture alternative m'apparaisse tout de suite comme objectivement moins belle que celle d'avant ; avec ceci pour conséquence que le martyr de Gero n'ait plus de quoi me peser sur la conscience, car mon choix de me préférer à lui n'aurait alors, au final, été dicté que par la raison du Beau ; non par celle de l'instinct de survie, encore moins celle de la jalousie que j'éprouvais concernant votre complicité…
Oh, je sais bien que nous sommes grands amis, toi et moi, Wheelo. Ah, ça je n'en doute pas. Mais j'ai aussi compris, tout seul comme un grand, qu'entre Gero et moi, je ne suis qu'à la seconde place, pour toi. Ça, tu ne me l'aurais pas dis toi-même. Tu n'aurais d'ailleurs probablement pas accepté que je te le dise moi-même, mais c'est ainsi. Ni toi ni moi n'y pouvons rien.
Quand tu insultes Gero pour une broutille ou une autre, j'écoute tes mots.
Des mots durs, des mots décomplexés, des mots que tu n'oserais pas me dire à moi.
Ose-donc.
Mais ose-donc !
Tu n'as jamais osé.
Ces mots tu les réserves à Gero.
Je devrais m'en réjouir, et pourtant tout ce que je vois c'est un mur cordial, entre toi et moi.
Un mur invisible que je ne devinais pas avant d'avoir buté dessus. Et maintenant je ne vois plus que ça.
Je ne sais pas où est-ce que ça a merdé. Il y a un cap que nous n'avons jamais passé. Ça doit être ma faute.
Mais comment aurais-je pu lutter contre le bulldozer Gero ? Le combat était inégal ; les dés pipés. La place de meilleur ami, oui… je l'avais perdue d'avance. Et pourtant je sais — d'ailleurs c'est une évidence à laquelle nous souscrirons tous — que sur le papier nos personnalités à toi et moi sont infiniment plus compatibles que ne le sont vos personnalités à Gero et toi. Mais comment lutter contre quelqu'un qui vit avec toi pratiquement 24 heures sur 24 ? Quand moi je ne vous vois tous les deux qu'aux heures de pause et de récréation ? Assurément, cette bataille-là, la bataille pour la première place, je l'avais perdue d'avance. Vos interminables disputes ne me trompent plus ; ne me bercent plus ; ne me rassurent plus. Je suis n°2. Je le sais et ça fait mal.
Mais pas assez mal pour voler à Gero sa place dans l'Arche. Même si je pourrais le faire, si je le voulais.
Ce qu'il y a de bien avec la vérité c'est qu'elle ne vous demande pas votre avis avant d'exister.
Du moins, à moi, elle n'a rien demandé. Elle s'est juste manifestée, tandis que je m'évertuais encore naïvement à mener à terme l'étude comparée des deux tableaux : celui qui me faisait apparaître - moi - à tes côtés, au sortir de l'Arche après le passage du Tsunami ; et celui qui ne dépeignait au contraire que le fils d'Arthyus et toi, embrassant du regard le premier soleil de l'An Zéro, depuis le pont principal de cette même Arche. J'avais la certitude que l'étude comparative de ces deux tableaux me donnerait raison. J'étais persuadé qu'elle me fournirait la preuve définitive que toi et moi étions infiniment plus beaux que vous ne l'étiez Gero et toi. J'ai donc bûché la question au bout du bout, sans me douter qu'en creusant sur ce terrain-là, je ne creusais en réalité que ma propre tombe. Bien entendu, le résultat de la comparaison fut sans appel : Gero n'est pas seulement plus proche de toi que je ne le suis ; il est surtout bien plus intelligent que moi. Toi et moi le connaissons assez pour savoir que son QI surclasse le mien de très loin. Il en est à 180, non ? Et je suis sûr qu'il saura faire monter les enchères à 190, quand il sera question de trouver la manière la plus horrible de faire payer à Red la mort de Stanley.
Parce que oui, Stanley fera partie des malchanceux qui n'auront pas le droit de monter dans l'Arche, et qui auront donc rendez-vous avec la mort, incarnée par le Tsunami. Que Gero remporte les 3 milliards du tournoi ou pas ne changera rien au fait qu'il n'y aura pas de place pour son petit-frère dans l'Arche, au finish. Ces 3 milliards ne seront pour ainsi dire qu'un coup d'épée dans le Tsunami, si Gero les gaspille en frais médicaux dans les jours à venir. En fait, l'idéal serait que ce soit toi qui gagnes le tournoi. Tu partageras alors ton argent avec ton camarade de chambre… j'ose croire. Et autant la part que tu lui aura donnée aura aussi toutes les chances d'être bêtement jetée par la fenêtre, puisqu'il investira aussitôt tout cet argent dans la guérison de son frère ; autant la part que tu auras gardée pour toi subsistera et servira à financer tes grands projets, tes grands rêves totalitaires ; qui finiront naturellement par devenir vos grands projets et vos grands rêves totalitaires, à tous les deux. Toi par amour de toi-même ; et ma foi, tu as bien raison de t'assumer, parce que tu le vaux bien, ceci dit sans ambiguïté. Lui parce qu'il ne manquera assurément pas d'y voir un nouveau jeu qui saura peut-être enfin le faire galérer un peu, sans qu'il ait pour autant à en sélectionner le personnage le plus nul.
À côté de ça, il se trouve que je ne m'aime pas plus que ça, moi. Et je ne vois pas non plus la vie comme un jeu. Alors quoi ? Quelle place pourrions-nous bien me trouver dans vos projets ? Sinon celle de cinquième roue du carrosse ? Faut voir les choses en face, je ne serai d'aucune utilité précise dans ce scénario. Je n'ai pas de rêves, moi. Pas d'aspirations particulières sinon vivoter tranquillement dans mon coin, avoir un jour ma petite famille, sans déranger personne, tout en attendant des autres qu'ils ne me dérangent pas, en retour. Toi tu n'es pas comme moi. Tu as des rêves fous Wheelo. Et celui qui pourrait t'aider à les réaliser, j'ai bien compris que ce n'était pas moi. Je ne serai au mieux que l'assistant, le boulet aux chevilles, l'assujetti. Gero lui serait un véritable associé pour toi ; les ailes incombustibles qui te permettront de te hisser plus haut que le mont Olympe, pour ensuite voler aussi prêt du soleil qu’il te plaira. Ces ailes-là, c'est lui, pour peu que je lui offre mon ticket à son insu. Moi qui me sais capable de te trahir, Wheelo. Pour une femme par exemple, j'en serai capable, j'en suis sûr, je me connais, je le sens venir gros comme une maison. Gero - lui - à part peut-être pour un nouveau Zældah sur console, je vois pas…
Voilà, ça y est, c'est décidé, et je ne reviendrai pas dessus : Gero, ainsi que toi et tes rêves, allez tous les trois voir le jour se lever en J+1 de l'An Zéro. Vous allez survivre au Tsunami de Red en montant dans cette Arche qui vous servira de cheval de Troie ; au sortir duquel vous sauterez à pieds joints dans le plat de Red ; pour ensuite vous asseoir tous les deux sur la nouvelle table-monde que notre cher requin rouge de directeur aura fait dresser selon ses goûts à lui, une fois le Tsunami passé. Et libre à vous ensuite — une fois monsieur le directeur hors-jeu — de refaire le menu à votre sauce si celui apprêté par Red ne vous convient pas. J'ose croire que la table-monde — une fois dressée selon vos règles à vous — aura de quoi valoir le coup d'œil. Je ne serai malheureusement pas là pour voir ça.
Ça se saurait depuis le temps si les méchants pouvaient gagner à la fin, alors perdu pour perdu, autant que ce soit moi à la place de Gero ? Oh, Penses-tu… ; non, les “bad ends”, Hiéronimus saura les voir venir ; n'en a-t-il pas l'habitude avec ses jeux-vidéos ? Il saura les voir venir de loin et les neutralisera dans l'œuf sans transpirer sinon sans même s'en rendre compte. Moi, au contraire, en bon talon d'Achille que je suis, je n'aurai de cesse de les attirer maladroitement, ces faux pas décisifs, ces tragiques culs-de-sac ; et l'un de ces faux pas finira bien par avoir notre peau, plus tôt que tard. Certes, votre histoire à Gero et toi ne peut que mal finir, ça je suis d'accord, c'est un principe universel. Mais à tout le moins finira-t-elle de belle manière, j'en suis sûr.
Moi je ne pourrais pas t'offrir une belle fin.
Je ne pense pas pouvoir t'offrir ça.
Si tu vises les fins mémorables à la Joseph Kojer, c'est Gero qu'il te faut.
Avec moi, au mieux, tu auras du Jeanne Ratcliffe.
Et pour ce qui est du chemin avant la fin, alors oui, à nous deux Wheelo, nous serions capables de décrocher la Lune. Mais Gero et toi, c'est le Soleil que vous sauriez mettre à genoux. La messe est dite ; les astres ont parlé. Ils ont unanimement tapé 1 pour Gero. Quant à moi j'ai bien peur qu'à part ma mère au ciel, rien ni personne dans l'univers n'aura tapé 2 pour Kochin. Et si avec tout ça tu te demandes encore, au bout du compte, quelle a été ma décision finale quant au second et dernier ticket pour l'An Zéro, alors pour avoir ta réponse il te suffit de regarder sur le siège à ta droite… ou à ta gauche. Car à la minute où tu lis ces lignes de mon journal, Gero est probablement assis à côté de toi au cœur de l'Arche sous-marine mise à flot ; il roupille, ou il joue à la Joystation Vita. Et moi…
… Et moi, eh bien, j’appartiens déjà à l'histoire.
__________________________________________________________________
Alerte Tsunami