________________________________________________________________________________________________________________________________________
Genïe se présenta devant la porte de la chambre, quelque peu fébrile. Elle posa sa main droite sur la poignée, puis… s’arrêta. Elle hésitait. Dans quel état allait-elle trouver sa jeune maîtresse cette fois-ci ? La dernière fois qu’elle avait franchi le seuil de cette chambre, la jeune femme était en pleine crise de démence et détruisait tout autour d’elle.
Maelyss n’était pas la première personne dont on lui avait confié la protection. Mais c’était la première fois que Genïe se retrouvait dans une situation aussi délicate. Et bien qu’elle ait été entraînée pour faire face à toute circonstances, la Majin n’était pas encore tout à fait habituée à assister à ce genre de scène.
Elle savait que son travail consistait en grande partie à veiller sur la Magicienne. Mais elle devait également faire en sorte d’aider cette dernière à se libérer de l’emprise que Darkon avait sur elle, cette emprise la poussant à se faire du mal à elle-même.
Maelyss était si imprévisible. Si lunatique… Elle cédait des larmes à la colère en passant par la terreur en un temps record ! Si bien que la Majin avait du mal à savoir comment s’y prendre avec elle…
La jeune Gardienne prit une grande inspiration, puis pénétra dans la chambre. La pièce baignait dans l’obscurité complète et une étrange odeur de fumée embaumait l’air. Qu’avait fait Maelyss ?
Genïe cligna des yeux, puis d’un geste fluide de la main droite, fit s’ouvrir les stores, puis - légèrement - les rideaux. Suffisamment pour laisser quelques rayons du soleil se frayer un chemin à travers les lamelles des stores. Mais pas trop pour ne pas éblouir la Saiyanne. Les yeux de Genïe pouvaient voir aussi clair dans la nuit que dans le jour, elle n’avait pas réellement besoin de tant d'éclairage pour voir sa maîtresse. Mais il fallait bien apporter un peu de lumière à cet endroit déjà sombre la moitié de la journée.
Et puis, ce n’était pas bon pour Maelyss de rester ainsi dans le noir.
Comme Genïe l’avait pressenti, la guerrière avait une nouvelle fois frappé et le chantier régnant dans la chambre était là pour le prouver. Un désordre qui exaspérait au plus haut point la Gardienne. Mais bien que cette dernière nourrissait un penchant aigu pour l’ordre et la propreté, et que son premier réflexe fut de tout ranger, Genïe se fit violence pour ne pas prêter attention à l'état de la chambre. Elle orienta plutôt son attention sur sa maîtresse.
— Bonjour Maelyss, s’exclama la Majin en s’approchant de sa protégée.
Assise sur son lit, le front collé contre ses bras enserrant ses genoux repliés contre sa poitrine, la jeune femme se recroquevilla davantage sur elle-même.
— Tu ne devrais pas t’enfermer dans le noir comme ça, ajouta Genïe, en s’asseyant à côté de la guerrière. La fille de Gokû releva légèrement la tête, les yeux perdus dans le vide.
La Majin observa un instant la combattante lorsque tout à coup, quelque chose attira son attention…
Maelyss portait un étrange collier scintillant de rouge recouvert de piques. Ce bijou - enfin, si on pouvait le nommer ainsi – Genïe avait le sentiment de l’avoir déjà vu quelque part… Mais où et quand ? Intriguée, elle fouilla dans sa mémoire pour tenter de retrouver la trace de ce mystérieux objet. Soudain, des images lui apparurent. Des flashs concernant le passé de la métisse. La démone cligna des yeux, perplexe.
— Maelyss, où est-ce que tu as eu ce collier ? questionna la Majin inquiète.
— Méchante fille… Méchante fille… Méchante fille… souffla la jeune femme, le regard perdu dans le vide tandis qu’elle balançait le haut de son corps d’avant en arrière dans un geste horriblement mécanique. Elle avait l’air en transe. Comme plongée dans une bulle… et ne semblait pas du tout avoir conscience de la présence de la Djinn à ses côtés.
— Pourquoi dis-tu ça ? demanda Genïe, déstabilisée par les propos de la métisse.
— Je suis une méchante fille… une méchante fille…
La démone posa la main sur l’épaule de la jeune magicienne pour tenter de la raisonner quand soudain, cette dernière sursauta et saisit brutalement la gorge de la Gardienne sans prévenir.
— Laisse-moi tranquille ! hurla-t-elle en crispant ses ongles dans la gorge de la Majin. Elle tenta de serrer davantage, étant persuadée qu’elle lui voulait du mal, mais lâcha subitement prise avant d’éclater en sanglots en s'apercevant qu’elle n’avait plus aucune force. Instinctivement, Genïe recula le regard horrifié, frictionnant la marque qu’avaient laissé les ongles de la métisse sur sa gorge.
La démone déglutit tout en fixant la jeune femme. Ce n’était guère la première fois que Maelyss s’en prenait à elle. Mais elle ne l’avait encore jamais agressée de cette manière… Soudain, ses yeux s’arrondirent comme des soucoupes, lorsqu’elle vit sa jeune maîtresse se mutiler en s’arrachant violemment les poils de sa queue de singe. Elle se figea sur place.
— Maelyss, arrête ! Tu es en train de te faire du mal, arrête ! s’exclama-t-elle tout en stoppant les gestes de la jeune femme avec ses mains.
— Il va me reprendre… Non… IL VA ME REPRENDRE ! cria la fille de Gokû en plaquant ses mains contre ses tempes avant de s’arracher quelques mèches de cheveux. Il va me reprendre. Ne le laisse pas faire ! Je veux pas y retourner… sanglota-t-elle en se cachant le visage à l’aide de ses mains, tout en secouant la tête.
— Chut… calme-toi, tout va bien ! répondit Genïe d’une voix calme et douce tout en la prenant dans ses bras avant de caresser ses cheveux pour l’apaiser.
Elle relâcha son étreinte, puis regarda la Saiyanne. Son visage était sombre et ses yeux, noirs comme la nuit. Elle tenta de retirer le collier du cou de Maelyss, mais la Saiyanne recula vivement avant de plaquer son dos contre le sommier de son lit à baldaquin.
— Non ! Je dois le garder, c’est lui qui l’a dit ! Tu ne dois pas l’enlever !
— Maelyss, il te fait du mal ! C’est lui qui te dépossède de ta force et de tes pouvoirs, je dois le retirer !
— Non… NON ! Vas-t’en… VA-T’EN ! Laisse-moi tranquille ! se décolla la combattante pour empêcher la Majin d’ôter l’objet de son cou.
La Djinn plissa les yeux.
— Bon, cette fois, ça suffit !
Genïe posta ses deux mains tendues à plat à chaque extrémités de la tête de la fille de Gokû, quand une lumière jaunâtre jaillit de la paume de ses mains et anima le corps de Maelyss qui lâcha prise avant de s’écrouler sur le lit, amorphe, les yeux plongés dans le vide.
— Je suis désolée, je n’avais pas le choix… s’excusa la démone tout en caressant la tête de sa maîtresse. Elle retira le collier, puis le fit disparaître dans un claquement de doigts avant de reporter son attention sur sa protégée. Son regard se posa tout à coup sur ses bras, portant les traces de blessures infligées par Darkon. Un subtil mélange de brûlures et de griffures désormais gravées dans la chair de la jeune femme. Sans compter sa queue de singe fendue en deux. Mais ceci n’était rien comparé au reste de son corps…
Tant de mutilation choquait au plus haut point la Gardienne. Et malgré toute sa magie et sa bonne volonté, elle ne parvenait pas à faire disparaître ces ignobles marques. Pourtant, il fallait à tout prix trouver une solution !
Une idée lui traversa subitement l’esprit : bien sûr elle savait pertinemment que dissimuler temporairement ou définitivement ces horribles cicatrices ne serait pas la réponse aux problèmes de Maelyss. Et que rien ne pourrait effacer ces empreintes, car ces dernières imprégnaient également son esprit. Mais elle refusait de la laisser dans cet état. Et si cela pouvait l’aider ne serait-ce qu’un tout petit peu à combattre ce mal qui rongeait ses entrailles, il fallait essayer !
— Calme-toi... Je suis là à présent, il ne te fera plus de mal, je te le promets !
…
……..
………………….
— Genïe ? Genïe ?
La voix de Maelyss tira brusquement la Majin de ses pensées. Cette dernière ouvrit les yeux et tourna la tête en direction de son amie tandis que l’aura bleuâtre qui l’encerclait s’estompait.
— Je peux entrer ? s’enquit la Magicienne.
— Oui bien sûr !
La fille de Gokû s’exécuta avant de franchir le pas de la porte.
— Quand je suis allée dans ta chambre, il y a une heure, tu n’y étais pas. Tu es sortie ?
— Oui, j’avais quelque chose à faire, fit Maelyss en réponse à la question de la Gardienne.
— Oh… Je vois. Et bien sûr tu ne m’as pas avertie.
— Je n’en voyais pas l’utilité. Et puis, tu m’aurais dérangée…
La Gardienne tiqua ferme.
— Bien, ça fait toujours plaisir, s’offusqua-t-elle en tournant le dos à sa maîtresse avant de croiser les bras en boudant.
— En fait tu m’aurais gênée car je n’aurais pas pu me décider sur… ceci ! révéla Maelyss.
La Djinn rose écarquilla les yeux lorsqu’elle vit un gros paquet de couleur violette entouré d’un ruban rose apparaître sous son nez.
— Mais qu’est-ce que c’est ?
— À première vue, je dirais qu’il s’agit d’un cadeau.
— Oh ! C’est… c’est pour moi ?
— Non, pour l’oiseau bleu qui vient de passer devant la fenêtre, ironisa la fille de Gokû.
— Mais Lylyss, mon anniversaire n’est que dans trois mois…
— Et alors ? Y’a-t-il vraiment besoin d’une fête pour offrir un cadeau à ceux qu’on aime ? Allez, ouvre-le !
Genïe fixa sa maîtresse avec de grands yeux, ne sachant quoi dire. Elle reporta finalement son regard sur le gros paquet. Ses doigts fins ôtèrent délicatement le nœud ainsi que le papier qui le recouvrait. Elle retira les petits bouts de scotch qui maintenaient la boîte solidement fermée et souleva le couvercle. Son visage s’illumina et ses yeux -grands ouverts- brillèrent comme mille diamants à la vue de l’objet se trouvant au fond du carton.
Une licorne.
Une magnifique licorne en peluche rose pâle rattachée à un petit coussin en satin blanc. Un bébé en réalité. Un animal mystique aux yeux bleu ciel portant un élégant collier de perles en quartz rose autour du cou ainsi qu’une pierre Améthyste incrustée au milieu du front.
— Waaaaaaahhhhhhh !
Fut le seul son qui trouva le chemin des lèvres de Genïe, ne trouvant nul autre mot à dire pour exprimer son émotion et son émerveillement face à ce splendide cadeau. Un présent qui semblait quelque peu dérisoire, surtout lorsqu’il était adressé à un adulte. Mais la plupart des Majins étaient encore très enfantins malgré leur âge avancé. Et Genïe ne faisait pas exception à cette règle… Ces créatures mystiques la fascinaient au plus haut point. Et la collection de licornes en cristal de toutes les couleurs trônant fièrement sur l’étagère de sa chambre achevait de convaincre les plus sceptiques. Et vu le regard flamboyant de sa meilleure amie, Maelyss sut qu’elle avait touché dans le mille.
— Elle est magnifique, Lylyss ! Où est-ce que tu l’as trouvée ? questionna Genïe en serrant la peluche contre elle.
— Ah ça, c’est mon secret ! répondit la Saiyanne. Elle te plaît alors ?
— Je l’adore !! Mais pourquoi ce cadeau ?
— Parce que j’en avais envie. J’avais besoin de m’aérer les idées, alors je suis sortie me promener en ville et je suis tombée sur ce magasin qui vendait des peluches uniques sur lesquelles des pierres et cristaux étaient incrustés. Et j’ai vu cette licorne. Sa couleur m’a tout de suite rappelé celle de ta peau. Et puis je me suis dit que ça changerait de celles en cristal que tu as sur ton étagère alors. Et comme je sais que tu adores les licornes… j’ai craqué !
— C’est vraiment gentil ! Je ne sais pas quoi dire…
— Alors ne dis rien, s’exclama Maelyss en souriant. Et je voulais aussi m'excuser.
— T'excuser ? De quoi ?
— On ne peut pas dire que je sois toujours un cadeau et je suis même parfois très dure. Mais je te remercie de prendre soin de moi et et d'être toujours là malgré tout.
— Lylyss, c'est mon boulot d'être à tes côtés pour t'aider, fit remarquer Genïe.
— Peut-être.Mais ça représente beaucoup pour moi. Et il y a peu d'amis comme toi.
— Je sais ! Je suis extraordinaire ! acquiesça la Majin tout sourire.
— Oui, mais c'est pas une raison pour prendre la grosse tête hein ! taquina Maelyss. Attention, bientôt, tu ne vas plus pouvoir passer les portes !
Une moue provocatrice se dessina sur le visage de Genïe en signe de réponse.
— Bon je te laisse, je vais aller préparer le dîner, annonça Maelyss en se dirigeant vers la porte de la chambre.
— Essaye de ne pas brûler la plaque cette fois… indiqua la Gardienne d’un ton railleur.
La Saiyanne s’arrêta net et se retourna :
— Insinuerais-tu que je suis mauvaise cuisinière ?
— Lylyss, je ne veux pas te faire de la peine, mais ce n’est plus un secret pour personne.
— Je me suis améliorée pourtant !
— On parle du repas d'hier avec les nouilles ressemblant à de la bouillie, les légumes sans goût et le poulet carbonisé ?
— Ou pas… conclut la fille de Gokû en aparté tout en se mordant la lèvre inférieure.
— Une chance que je sois Majin et que je mange plus de sucré que de salé, sinon je serais morte de faim depuis longtemps…
— Heh, que veux-tu on ne peut pas être parfait ! nota la Saiyanne en haussant légèrement les épaules et les bras alors qu’un large sourire se peignait sur ses lèvres.
— C’est vrai, acquiesça Genïe en se grattant le menton d'un air songeur. Mais comme tu es en train de devenir une bonne pâtissière, je crois que je vais quand même rester.
— Non mais dis donc toi ! Tu crois que tu es plus maligne que moi ! lâcha la fille de Gokû en lançant le coussin bleu qu’elle venait de faire apparaître dans sa main pour le lancer sur la Majin. Les yeux de Genïe s’arrondirent comme des soucoupes.
— Ah, tu le prends comme ça... fit-t-elle en s'emparant de l'objet tout en fixant son amie avec un sourire taquin.
Une bataille d'oreillers s'engagea.
D’abord sur le lit de Genïe, avant de se poursuivre jusqu'au milieu de la chambre. Un jeu que la Gardienne affectionnait tout particulièrement et dans lequel elle excellait ! Maelyss tenait bon, mais Genïe était une adversaire particulièrement redoutable à ce jeu. Elle prenait d'ailleurs un malin plaisir à se dédoubler afin d'accroître ses angles d'attaques. Une technique imparable et des plus efficaces.
— Stop ! Stop ! Temps mort ! alerta Maelyss en se téléportant à l'autre bout de la chambre pour échapper aux assauts de la Gardienne.
— Quoi ? Tu abandonnes ? fit Genïe d'un air faussement surpris. Elle se volatilisa, puis dans un clignotement, surgit derrière la guerrière avant de l'assaillir à coups d'oreillers. Alors, tu abandonnes ? Tu abandonnes ? s'esclaffa-t-elle en voyant sa meilleure amie se protéger à l'aide de ses mains avant s'écrouler par terre en riant.
— Genïe, c'est pas du jeu ! J'ai dit temps mort ! protesta la fille de Gokû en subtilisant l'un des oreillers à son "adversaire" pour lui rendre les coups tandis que la Djinn continuait à l'assaillir de coups pour la faire céder.
— Dis que tu abandonnes et je te laisserai tranquille ! lança Genïe, le sourire jusqu'aux oreilles.
— Oui, tu as gagné ! J'abandonne ! J'abandonne répondit Maëllyss en se roulant par terre, complètement hilare.
Il fallut bien trois minutes aux deux amies pour reprendre leurs esprits. Genïe observa sa Maîtresse assise en face d'elle. Cela faisait longtemps qu'elle ne l'avait pas vu aussi joyeuse et détendue. Et elle adorait la voir ainsi. La fille de Gokû prit une grande inspiration avant d'esquisser un sourire. Elle n'aimait pas se laisser aller et risquer de perdre le contrôle d'elle-même. Mais ces instants lui faisaient tellement de bien... Elle avait la sensation de redevenir une enfant insouciante. Oublié les tracas quotidiens. Balayé les peurs et les responsabilités ! Elle se sentait elle-même. Genïe avait raison finalement. Peut-être devait-elle s'autoriser à lâcher prise plus souvent... Les yeux de la Magicienne s'écarquillèrent et un nouveau fou rire s'échappa de ses lèvres.
— Ah, c'est malin ! Regarde ce que tu as fait des coussins ! lâcha-t-elle en désignant l'oreiller déchiqueté se trouvant devant elle avant de le lancer sur son amie.
— Quoi ? Mais j'ai rien fait, moi ! C'est toi qui a fait ça avec ta force... répliqua la Gardienne en renvoyant l'objet à son expéditrice en riant.
— Bon, allez c’est pas tout, mais le dîner ne va pas se faire tout seul ! s’exclama la guerrière en se relevant.
— Essaies de faire quelque chose de simple Lylyss.
— Promis !
— Ah et Tayrun m’a dit de te dire qu’il voulait que tu viennes séjourner quelques temps sur Vergas.
— Ah ? Et pourquoi ?
— Je ne sais pas. Il m’a juste dit qu’il fallait que tu viennes au plus vite, car il avait quelque chose de très important à te confier et qu’une surprise t’attendait là-bas…
Maelyss fronça les sourcils. Qu’avait-il de si important à lui confier ? Et quelle était cette surprise ?...