Chapitre 4 : Le prix du maintien de la paix
La vidéo avait été prise à bonne distance de la cible, mais on pouvait tout de même distinguer son armure extra-terrestre. Il surplombait l’armée qui s’était assemblée en défense du monument. Le Général vit les canons anti-aériens s’activer et il pouvait presque entendre les ordres qu’hurlaient les supérieurs pour viser avec précision la cible en mouvement. Les explosions apparurent à l’écran au moment où le bruit venait faire cracher les hauts-parleurs, déformé et désagréable.
Le Général vit la cible esquiver les tirs un par un. Et quand les batteries s’arrêtèrent pour recharger, elle s’immobilisa enfin, et il entendit un hurlement.
« REECUM…. ERASER GUN ! »
Il n’y eut pas d’autre avertissement. Une lueur apparut autour de sa tête, puis une explosion d’énergie sembla jaillir de sa bouche, formant un cône qui ne fit que s’agrandir alors qu’il approchait du sol. L’écran devint si brillant que la silhouette n’était plus qu’une ligne noire sur la gauche.
Pour le reste de l’armée, c’était encore pire. Elle disparut entièrement dans le flot d’énergie, alors que la terre tremblait sous le choc. La caméra bipa quelques secondes pour signaler une modification importante de la température, puis l’image se brouilla avant de se stopper définitivement.
L’écran clignotait, l’image toujours fixe. Un homme, un seul, se tenait dans les airs, éjectant de sa bouche une décharge d’énergie suffisante pour réduire toute une armée à un tas de cendre.
Dans le centre de commandement, un silence de mort s’était installé.
Des milliers d’hommes, morts en un instant.
Le Général avait fini par fermer les yeux, autant pour ne pas voir cette image que parce qu’il avait besoin de réfléchir, il avait besoin de se concentrer. Cela faisait un moment maintenant qu’ils savaient que les troupes du fameux Freezer disposaient d’unités d’élites, on l’en avait averti et il avait déjà commencé à réfléchir à ce qu’il pouvait faire dans un tel cas. Il n’avait simplement pas envisagé que la différence soit à ce point monumentale.
« Général ? Nous recevons une communication pour vous… »
Tout une armée et ses milliers d’âmes, détruite en un instant.
La guerre n’était pas perdue. Tout ce qu’il avait à fait, c’était les isoler dans une zone bien précise et appliquer toute la force que sa planète pouvait réunir en un seul point. Ils étaient puissants, mais ils ne pouvaient pas être invincibles. Niost avait passé la majeure partie de son histoire à construire les armes les plus puissantes qu’on puisse imaginer ; il n’y avait rien qu’ils ne puissent vaincre d’une façon ou d’une autre. Même quelqu’un d’une puissance aussi colossale devait avoir des faiblesses et ils allaient forcément trouver. En attendant, il faudrait gagner du temps.
« Général… ?
- Passez-la moi, répondit Palpi sans ouvrir les yeux. »
Combien de morts exactement ?
Il fallait un plan infaillible. Hors de question de prendre le moindre risque. Chaque frappe devait touchée pour espérer être décisive. Ce n’était pas impossible, mais cela nécessitait beaucoup de travail. Et beaucoup de sacrifice.
Voilà, il était le Général en chef à présent. Il était l’homme le plus respecté de sa planète. C’était à lui de trouver une solution pour la sauvegarder, coûte que coûte. Il y avait toujours une solution, la seule question était celle du prix.
« Général Palpi ? le salua la voix toujours atrocement polie de ce Zarbon. Maintenant que vous avez vu de quoi le commando est capable, je présume que vous serez assez raisonnable pour reconsidérer ma proposition ? »
Le prix à payer. Il fallait qu’il calcule le prix à payer.
Palpi rouvrit les yeux pour découvrir exactement la scène qu’il s’attendait à découvrir. Le patriarche drachmien s’était levé, apparemment dans l’espoir que son énorme carrure suffise à impressionner ses interlocuteurs. Une stratégie qui n’avait pas eu le moindre succès jusque là, mais qu’il n’avait eu de cesse d’employer à la moindre occasion.
« Je ne me laisserais pas insulter de la sorte, Commandant ! »
Large d’épaule et plus grand individu présent dans la salle, il avait sans doute l’habitude d’écraser par sa simple présence la plupart de ses interlocuteurs. En cela, il lui rappelait un peu Reecum, mais c’était là le seul point commun entre les deux hommes.
« Patriarche, asseyez-vous je vous prie, ordonna calmement le commandant du Bras. »
Palpi redressa des yeux brillants vers le vieil homme. Il portrait le bouc, de la même couleur orange que ses cheveux et coupés au poil prêt comme sa coiffure au carré. Un ancien militaire, évidemment, comme en témoignait l’uniforme qu’il avait choisi de porter.
En totale contradiction avec le prophète qui se tenait à gauche de Palpi. Tout aussi grand, mais à la carrure rachitique, de longs cheveux oranges glissant jusqu’en bas de son dos pâle, révélé par une toge qui devait exposer beaucoup trop de son corps aux éléments du désert.
« Tout ce que je demande, Monsieur Palpi, tenta-t-il de calmer, c’est que mes fidèles puissent pratiquer leur Foi en toute sécurité et je ne sais pas si c’est possible tant que l’avarice de certains influenceront leurs décisions.
- Commandant ! gronda le Patriarche.
- Asseyez-vous, j’ai dis ! »
C’était la première fois qu’il haussait la voix depuis le début de cette réunion, mais loin d’être la première fois qu’il en avait eu envie. Ils n’arrivaient à rien malgré les propositions les plus raisonnables qu’il avait envisagé. Ces deux là n’avaient aucune confiance l’un envers l’autre, mais plus grave encore : ils n’avaient pas confiance en la capacité de l’Empire à jouer l’arbitre entre eux. Le prophète, particulièrement, paraissait voir en cette réunion une opportunité de titiller son opposant sans répercussion. Non que le patriarche ait cherché à faire le moindre effort de son côté.
Le plus simple pour Palpi aurait été sa proposition : un accès réglementé au monument, semaine par semaine ou mois par mois, avec les forces impériales proches pour s’assurer que tout ce qui dépassait les limites seraient contrôlés aussitôt. Malheureusement, il n’arrivait pas à l’imposer.
« Je pensais que nous étions réuni aujourd’hui pour discuter entre adultes, asséna le Commandant. Je constate que nous avons déjà perdu bien trop de temps sans atteindre la moindre concession. D’un côté comme de l’autre. »
Plus petit que les deux individus, il aurait sans doute été effrayé, s’il n’était pas l’un des soldats d’élite de l’Empire. Largement capable, donc, de les écraser tous les deux contre les murs, ou de les faire passer à travers si l’envie lui en prenait. Malheureusement, cette menace implicite n’était plus suffisante pour de nombreuses planètes.
« Commandant, respectueusement, reprit le prophète de sa voix de baryton. Je ne remets pas en cause votre dévotion au maintien de la paix, mais je sais que vous ne serez pas toujours sur Passaros. Nous savons tous comme l’Empire est… étiré, depuis quelques années. Vos opérations de maintien de la paix ne peuvent s’appuyer que sur une présence constante et surtout puissante. »
Le regard froid du niostien se releva pour observer le prophète à nouveau. Qu’il soit sincère ou non, il venait d’insulter les forces impériales déjà sur place, et Palpi savait exactement pourquoi. Depuis la rébellion, l’armée impériale n’avait plus la force qu’elle avait un jour démontrée, mais surtout les dernières décisions de l’Empereur et la création future d’une assemblée donnaient l’impression aux planètes qui faisaient partie de l’Empire des Cold que l’armée n’était plus qu’un symbole. Un reliquat d’une époque qui s’était terminée avec la mort du Roi.
Il était temps de leur rappeler à la réalité des choses.
« Je comprends vos inquiétudes, à tous les deux, et je veux les adresser précisément. Si vous le voulez bien, je souhaiterais vous montrer quelque chose. »
Sur cette déclaration faite sur un ton trop doux pour être honnête, le petit Commandant se leva de son siège et se mit à flotter à un bon mètre du sol. Il se retourna vers le mur derrière lui et fit signe aux deux dirigeants de le suivre. D’une pression sur un bouton, le mur gris se transforma en baie vitrée, le filtre disparaissant lentement pour laisser apparaître le vaste désert qui entourait la zone.
Palpi porta la main à son détecteur et activa la communication.
« Anik, tu es en position ?
- Prêt, chef.
- Commence quand tu veux. »
Dans les airs à plusieurs kilomètres de là, un point minuscule apparaissait, flottant à une centaine de mètre du sol. Impossible de distinguer la silhouette fine du reptile d’ici, mais Palpi savait que c’était lui. Il se retourna à demi vers les deux passaris.
« Vous dites vrai, nos forces armées sur la planète ne sont pas ce qu’elles ont été, et je connais l’énergie que peut déployer votre peuple. Vous avez longtemps fait de très bonnes recrues pour l’Empire. Cependant, je dois vous rappeler que vous n’êtes pas la seule planète dans ce cas, nos meilleurs soldats sont issus d’une grande diversité de planètes, aux quatre coins de l’Empire. De plus, grâce à nos dernières innovations en matière de pods, toutes les planètes de l’Empire sont à moins de 10 jours de voyage du Bras de Kalta. »
L’espace d’une seconde, quelque chose sembla briller près du point si lointain, comme une étoile qui clignotait dans le ciel. L’air tout autour de lui se mit à vibrer, ce qui se voyait même de là où ils étaient. Les nuages derrière lui paraissait osciller dans le ciel comme des vagues de plus en plus déchaînées.
« Ce qui veut dire que si nous apprenons la rupture d’un accord, je peux me présenter en moins de deux semaines. En compagnie de mon collègue, Anik. »
Dans son oreille, il n’entendait rien depuis un moment, mais un cri finit par lui parvenir. Un mot qu’il reconnaissait bien : “INFERNO !”
La colonne de flamme apparut brutalement dans les airs. Son point d’origine trop bien défini. Elle fila vers le sol en une lance de feu qui parvenait à faire pâlir même le soleil. Puis elle atteint les dunes, dans un silence total, projetant un mélange de sable et de fumée sur des centaines de mètres de distance.
La déflagration mit quelques temps à les atteindre. Ils étaient protégés par le bâtiment, mais tous les drapeaux flottant partirent brusquement vers l’arrière, certains arrachés à leurs attaches. Palpi ferma les yeux à temps pour éviter d’être aveuglé. Il ne pouvait se boucher les oreilles cependant, et la détonation lui donna l’impression d’être brusquement compressé entre deux murs.
Quand il rouvrit les yeux, les deux passaris derrière lui étaient ébahis, les yeux humides. Ils avaient même reculés de quelques pas, malgré la protection offert par la baie vitrée. Devant eux, les dunes avaient fondues. Il ne restait qu’un plateau d’obsidienne, presque parfaitement circulaire, d’un noir luisant qui paraissait refléter le soleil, ainsi qu’une petite étoile qui brillait encore entre les mains d’Anik.
« Nous ne pouvons empêcher toutes les incartades, mais je peux vous assurer que nous pouvons punir la faction responsable. Avec un délai. Si ce délai vous paraît intolérable, nous pouvons nous assurer que l’endroit soit définitivement inaccessible à qui que ce soit. Maintenant que vous vous souvenez de quoi le commando est capable… Est-ce que cette proposition vous paraît raisonnable ? »
Palpi se retourna enfin définitivement vers le prophète et le patriarche, assuré de voir de la peur dans leurs yeux.
« Nous… Nous pouvons sans doute trouver une issue plus raisonnable, lâcha enfin le patriarche après un long moment de silence, les épaules tombantes.
- Vous m’en voyez ravi. Asseyons-nous, je vous prie. »
Il n’y avait pas à dire : on pouvait mettre un nombre sur la puissance de n’importe qui, mais pour l’effet, rien ne valait une bonne vielle démonstration.
Toute la foule avait suivit avec anxiété l’explosion. Ils étaient nombreux à avoir été repoussés par son souffle, se rattrapant aux passaris les plus puissants pour ne pas être emportés. La clameur qui avait suivit était familière à Tao. La peur. Pas n’importe laquelle. La peur de la mort. La réalisation soudaine et brutale que l’on était absurdement inférieur à son opposant et que l’affronter était futile.
Un sentiment bien trop familier au tueur à gage.
Cela faisait longtemps qu’il ne l’avait pas perçu aussi puissamment dans une foule comme celle-ci. Les imbéciles. Avaient-ils oubliés ce qu’était l’Empire ? La mort de Cold avait définitivement fait perdre la mémoire aux plus idiots.
Même son client, apparemment. Lorsque la poussière et le sable s’étaient enfin dissipés pour laisser apparaître le plateau de pierre noire, Tao avait brièvement aperçu les petits yeux sombres de son employeur sous sa capuche. Il y avait vu de la peur. Heureusement, les interfaces oculaires qui remplaçant les yeux du cyborg ne pouvaient pas exprimer la même chose.
Il n’était pas étonné, dès l’instant où le Bras était sur place, cela voulait dire qu’Anik était là. Le lézard était sans doute l’un des plus puissants guerriers en activité. Surclassé uniquement par la famille de l’Empereur. Et par la saïyenne. Le seul membre du commando impérial que Tao n’oserait approcher sous aucun prétexte. Non qu’il avait envie de se frotter aux autres non plus. Yantz et lui s’accordaient sur ce point : il n’y avait rien à gagner à affronter directement l’Empire, sinon une mort potentiellement douloureuse.
Cela ne changeait rien au plan de son client, par chance. Celui-ci avait attendu au milieu de la troupe de fidèle, assemblée sur la face sud du gigantesque temple. A cette occasion, Tao avait découvert ce que la foule dissimulait : des travaux d’excavation. Creuser dans le sable était complexe et long, mais ils étaient une centaine à s’y mettre en toute discrétion. Son employeur suivait cela avec la plus grande attention, mais Tao ne voyait pas bien ce qu’ils pouvaient découvrir de plus. Oui, le Cube semblait s’étendre plus bas mais la façade restait la même pierre noire et les mêmes inscriptions ne faisaient que se poursuivre dans les profondeurs, sans vraiment changer.
Tout cela s’était interrompu quelques minutes plus tôt, alors qu’une nouvelle clameur parcourait la foule. Leur prophète était de retour, après des négociations avec l’Empire et le Patriarche. Voilà qui expliquait certainement la démonstration de force qui avait précédé.
Déjà, une masse d’imbéciles filaient pour s’agglutiner autour de la tente de leur leader. Tao s’apprêtait à faire une remarque quand il vit son client faire de même. Avec un soupir exaspéré, il lui emboîta le pas.
Juste à temps pour voir le prophète arriver. Il volait vers eux, sa longue chevelure orangée flottant délicatement derrière lui, ses mains tournées vers ses fidèles avec un sourire délicat. Tao ne voyait pas ce qu’ils lui trouvaient.
Soudain, son regard doux sembla devenir acéré, alors qu’il avisait le petit client. Il inclina alors la tête et accéléra pour toucher terre devant sa tente.
« Mes amis ! appela-t-il d’une voix devenue très forte. J’ai obtenu de l’Empire le droit de continuer à vénérer les ancêtres qui nous ont offerts cet endroit en paix ! »
Il avait ajouté quelque chose, mais le cri de la foule noya la suite de ses mots, même quand Tao tenta de concentrer ses capteurs auditifs sur lui. Il lui fallut attendre un long moment pour que ça se calme
« Je vais vous donner les détails prochainement, mais laissez-moi le temps de méditer et de prier. Nous allons devoir nous déplacer bientôt, mais je veux offrir à chacun d’entre vous le temps de faire de même. Priez et profitez, le temple dans son entier sera à nous ! Nous allons découvrir ces secrets et les offrir à l’univers ! »
Le prophète s’inclina, profitant allègrement des clameurs qui s’élevaient à presque chacun de ses mots. Les fidèles étaient bien éduqués cependant, car aucun n’osa s’approcher après cette demande, et si des remerciements fusaient de tous les côtés, ils finirent par se taire et se disperser.
Personne ne faisait attention à eux, les contournant sans broncher. C’est à peine si le client fit l’effort de bouger. Ils étaient deux silhouettes, recouvert de la même cape blanche au milieu d’un millier d’autre. Ils attendirent simplement une dizaine de minutes, puis Tao le suivit à l’intérieur de la tente du prophète.
Il s’attendait à le trouver occupé à boire quelque chose pour fêter sa réussite, ou peut-être à prier comme il l’avait prétendu, mais le grand passari était planté devant l’entrée et il tomba à genoux dès qu’il les vit.
« Seigneur Garlic. Tout est prêt.
- Excellent, ricana la petite créature en repoussant sa capuche. »
Le nom fit tiquer Tao, mais le visage vert-bleu ne lui disait rien. Le crâne étendu, les oreilles longues et pointues ; il ressemblait à une figure de démon que son frère avait un jour évoqué, mais sans les antennes. Cela dit, il y avait tellement d’espèces aliens qu’il ne connaissait pas : ce n’était sans doute pas une bonne idée de se faire une image sur la base de souvenirs aussi anciens.
« La serrure est disponible mais l’Empire interviendra dès que je l’ouvrirai, gronda le petit client d’une voix trop aiguë. Je suppose que vous n’avez pas réussi à les éloigner.
- Non Seigneur et nous devons quitter les lieux, temporairement. Mais j’ai averti que j’aurais besoin de temps pour calmer mes fidèles. Vous avez donc le temps nécessaire. »
Le prophète, si fier il y a encore quelques minutes, était prostré au sol, son regard vert fixé sur le client de Tao comme si c’était son dieu vivant.
« Je vais avoir besoin d’une distraction.
- Tout ce que vous voulez, Seigneur Garlic. Dites-moi ce que vous avez besoin et je le ferais !
- Rien de plus, indiqua simplement la petite créature. »
Elle leva la main vers Tao, dans une geste qu’il reconnu aussitôt. Le tueur à gage poussa un soupir et déploya un doigt métallique vers le prophète.
Le rayon d’énergie jaillit sans qu’il ait même le temps de comprendre. Fin et d’un jaune brillant, il traversa l’espace entre eux et la cage thoracique du passari aussi facilement l’un que l’autre. Une minuscule éclaboussure de sang tâche la tente à quelques centimètres du trou qu’elle avait formé.
La victime, comme toutes les précédentes, trébucha vers l’arrière. La douleur venant après la surprise dans ses yeux écarquillés. Il tomba à genoux, le regard fou allant de Tao à son client comme s’il cherchait encore à comprendre ce qui était arrivé. Un hoquet de douleur lança du sang sur la cape immaculé de Garlic. Puis, quelque chose que Tao Paï Paï n’avait encore jamais vu chez une de ses cibles : un sourire satisfait.
« Je vais connaître le secret de l’immortalité, Seigneur Garlic ?
- Hm… Oui, tout à fait. Tu as bien servi. Ta récompense t’attend. »
Son employeur avait eu l’air tout aussi surpris en entendant ça, mais il s’était vite repris et affichait maintenant un sourire carnassier, les yeux fixés sur sa victime. Tao n’en croyait pas un mot, mais le prophète ne semblait pas douter. Il l’observa jusqu’à ce que la lueur de vie dans ses yeux disparaisse.
« Imbécile, commenta Garlic avant de se tourner vers Tao. Préparez-vous à repousser tout ceux qui voudraient m’arrêter. »
Tao n’eut que le temps d’hausser les épaules, avant que Garlic ne change brusquement de voix, la rendant encore plus aiguë, et ne se mette à crier.
« A l’assassin ! Les drachmiens ont tués notre prophète ! »
Garlic décolla ensuite, se propulsant à travers la tente, puis à travers le camp en direction de la base des excavations. Tao suivit aussi vite que possible, observant les fidèles se rassembler autour de la tente en hurlant.
Le mercenaire termina de découper en deux l’un des rares fidèles qui avaient eu la mauvaise idée de rester auprès de leur travaux archéologiques. Garlic n’avait pas envie du moindre contretemps. Pas quand la mission était si proche du but.
Heureusement, la clameur qui grandissait progressivement dans le camp camouflait tous les bruits suspects qu’ils pouvaient faire.
« Beau travail, commenta-t-il en passant au-dessus du cadavre. »
Son regard était déjà concentré sur le gigantesque mur noir et les gravures si délicates qui le parcouraient en tout sens. Ils étaient descendus juste assez profondément pour retrouver ce qui l’intéressait. D’une main délicate, il suivit une ligne qui dessinait progressivement la silhouette d’une tête couronnée. Plus bas. Plus bas.
Là Un renfoncement. Léger, mais perceptible à main nue. Invisible tant la pierre était sombre.
Sortant de sa cape l'artefact que le mercenaire lui avait rapporté. Il l’approcha de son récipient. La pierre brilla d’un éclat violacé, alors qu’elle venait naturellement prendre sa place.
Clac.
Garlic Jr. prit une inspiration. Il tourna le regard un bref instant vers Tsuru, vérifiant que le tueur à gages surveillait bien ses arrières mais, aussi, qu’il ne regardait pas dans sa direction. Ce n’est qu’ensuite qu’il remonta sa manche.
La formule avait été inscrite dans sa chair à l’aide d’une petite lame acérée, pour s’assurer qu’il ne l’oublierait pas. Il poussa un soupir et la prononça à voix basse.
Il n’avait pas terminé que les gravures autour de l’artefact se mirent à luire. Le Cube commença à vibrer. A son sommet, deux éperons de pierre noire jaillirent du sol et s’élevèrent lentement dans les airs.
Derrière lui, il entendait des cris. De la peur, de la colère, des pleurs. Le camp était en ébullition et bientôt l’armée passari aurait une insurrection sur les bras.
Le démon continuait son incantation, contenant le sourire qui menaçait d’étirer ses lèvres. Il n’avait besoin que de quelques minutes de plus. Les secrets de l’univers allaient être offerts à ces imbéciles.
Le Général vit la cible esquiver les tirs un par un. Et quand les batteries s’arrêtèrent pour recharger, elle s’immobilisa enfin, et il entendit un hurlement.
« REECUM…. ERASER GUN ! »
Il n’y eut pas d’autre avertissement. Une lueur apparut autour de sa tête, puis une explosion d’énergie sembla jaillir de sa bouche, formant un cône qui ne fit que s’agrandir alors qu’il approchait du sol. L’écran devint si brillant que la silhouette n’était plus qu’une ligne noire sur la gauche.
Pour le reste de l’armée, c’était encore pire. Elle disparut entièrement dans le flot d’énergie, alors que la terre tremblait sous le choc. La caméra bipa quelques secondes pour signaler une modification importante de la température, puis l’image se brouilla avant de se stopper définitivement.
L’écran clignotait, l’image toujours fixe. Un homme, un seul, se tenait dans les airs, éjectant de sa bouche une décharge d’énergie suffisante pour réduire toute une armée à un tas de cendre.
Dans le centre de commandement, un silence de mort s’était installé.
Des milliers d’hommes, morts en un instant.
Le Général avait fini par fermer les yeux, autant pour ne pas voir cette image que parce qu’il avait besoin de réfléchir, il avait besoin de se concentrer. Cela faisait un moment maintenant qu’ils savaient que les troupes du fameux Freezer disposaient d’unités d’élites, on l’en avait averti et il avait déjà commencé à réfléchir à ce qu’il pouvait faire dans un tel cas. Il n’avait simplement pas envisagé que la différence soit à ce point monumentale.
« Général ? Nous recevons une communication pour vous… »
Tout une armée et ses milliers d’âmes, détruite en un instant.
La guerre n’était pas perdue. Tout ce qu’il avait à fait, c’était les isoler dans une zone bien précise et appliquer toute la force que sa planète pouvait réunir en un seul point. Ils étaient puissants, mais ils ne pouvaient pas être invincibles. Niost avait passé la majeure partie de son histoire à construire les armes les plus puissantes qu’on puisse imaginer ; il n’y avait rien qu’ils ne puissent vaincre d’une façon ou d’une autre. Même quelqu’un d’une puissance aussi colossale devait avoir des faiblesses et ils allaient forcément trouver. En attendant, il faudrait gagner du temps.
« Général… ?
- Passez-la moi, répondit Palpi sans ouvrir les yeux. »
Combien de morts exactement ?
Il fallait un plan infaillible. Hors de question de prendre le moindre risque. Chaque frappe devait touchée pour espérer être décisive. Ce n’était pas impossible, mais cela nécessitait beaucoup de travail. Et beaucoup de sacrifice.
Voilà, il était le Général en chef à présent. Il était l’homme le plus respecté de sa planète. C’était à lui de trouver une solution pour la sauvegarder, coûte que coûte. Il y avait toujours une solution, la seule question était celle du prix.
« Général Palpi ? le salua la voix toujours atrocement polie de ce Zarbon. Maintenant que vous avez vu de quoi le commando est capable, je présume que vous serez assez raisonnable pour reconsidérer ma proposition ? »
Le prix à payer. Il fallait qu’il calcule le prix à payer.
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Palpi rouvrit les yeux pour découvrir exactement la scène qu’il s’attendait à découvrir. Le patriarche drachmien s’était levé, apparemment dans l’espoir que son énorme carrure suffise à impressionner ses interlocuteurs. Une stratégie qui n’avait pas eu le moindre succès jusque là, mais qu’il n’avait eu de cesse d’employer à la moindre occasion.
« Je ne me laisserais pas insulter de la sorte, Commandant ! »
Large d’épaule et plus grand individu présent dans la salle, il avait sans doute l’habitude d’écraser par sa simple présence la plupart de ses interlocuteurs. En cela, il lui rappelait un peu Reecum, mais c’était là le seul point commun entre les deux hommes.
« Patriarche, asseyez-vous je vous prie, ordonna calmement le commandant du Bras. »
Palpi redressa des yeux brillants vers le vieil homme. Il portrait le bouc, de la même couleur orange que ses cheveux et coupés au poil prêt comme sa coiffure au carré. Un ancien militaire, évidemment, comme en témoignait l’uniforme qu’il avait choisi de porter.
En totale contradiction avec le prophète qui se tenait à gauche de Palpi. Tout aussi grand, mais à la carrure rachitique, de longs cheveux oranges glissant jusqu’en bas de son dos pâle, révélé par une toge qui devait exposer beaucoup trop de son corps aux éléments du désert.
« Tout ce que je demande, Monsieur Palpi, tenta-t-il de calmer, c’est que mes fidèles puissent pratiquer leur Foi en toute sécurité et je ne sais pas si c’est possible tant que l’avarice de certains influenceront leurs décisions.
- Commandant ! gronda le Patriarche.
- Asseyez-vous, j’ai dis ! »
C’était la première fois qu’il haussait la voix depuis le début de cette réunion, mais loin d’être la première fois qu’il en avait eu envie. Ils n’arrivaient à rien malgré les propositions les plus raisonnables qu’il avait envisagé. Ces deux là n’avaient aucune confiance l’un envers l’autre, mais plus grave encore : ils n’avaient pas confiance en la capacité de l’Empire à jouer l’arbitre entre eux. Le prophète, particulièrement, paraissait voir en cette réunion une opportunité de titiller son opposant sans répercussion. Non que le patriarche ait cherché à faire le moindre effort de son côté.
Le plus simple pour Palpi aurait été sa proposition : un accès réglementé au monument, semaine par semaine ou mois par mois, avec les forces impériales proches pour s’assurer que tout ce qui dépassait les limites seraient contrôlés aussitôt. Malheureusement, il n’arrivait pas à l’imposer.
« Je pensais que nous étions réuni aujourd’hui pour discuter entre adultes, asséna le Commandant. Je constate que nous avons déjà perdu bien trop de temps sans atteindre la moindre concession. D’un côté comme de l’autre. »
Plus petit que les deux individus, il aurait sans doute été effrayé, s’il n’était pas l’un des soldats d’élite de l’Empire. Largement capable, donc, de les écraser tous les deux contre les murs, ou de les faire passer à travers si l’envie lui en prenait. Malheureusement, cette menace implicite n’était plus suffisante pour de nombreuses planètes.
« Commandant, respectueusement, reprit le prophète de sa voix de baryton. Je ne remets pas en cause votre dévotion au maintien de la paix, mais je sais que vous ne serez pas toujours sur Passaros. Nous savons tous comme l’Empire est… étiré, depuis quelques années. Vos opérations de maintien de la paix ne peuvent s’appuyer que sur une présence constante et surtout puissante. »
Le regard froid du niostien se releva pour observer le prophète à nouveau. Qu’il soit sincère ou non, il venait d’insulter les forces impériales déjà sur place, et Palpi savait exactement pourquoi. Depuis la rébellion, l’armée impériale n’avait plus la force qu’elle avait un jour démontrée, mais surtout les dernières décisions de l’Empereur et la création future d’une assemblée donnaient l’impression aux planètes qui faisaient partie de l’Empire des Cold que l’armée n’était plus qu’un symbole. Un reliquat d’une époque qui s’était terminée avec la mort du Roi.
Il était temps de leur rappeler à la réalité des choses.
« Je comprends vos inquiétudes, à tous les deux, et je veux les adresser précisément. Si vous le voulez bien, je souhaiterais vous montrer quelque chose. »
Sur cette déclaration faite sur un ton trop doux pour être honnête, le petit Commandant se leva de son siège et se mit à flotter à un bon mètre du sol. Il se retourna vers le mur derrière lui et fit signe aux deux dirigeants de le suivre. D’une pression sur un bouton, le mur gris se transforma en baie vitrée, le filtre disparaissant lentement pour laisser apparaître le vaste désert qui entourait la zone.
Palpi porta la main à son détecteur et activa la communication.
« Anik, tu es en position ?
- Prêt, chef.
- Commence quand tu veux. »
Dans les airs à plusieurs kilomètres de là, un point minuscule apparaissait, flottant à une centaine de mètre du sol. Impossible de distinguer la silhouette fine du reptile d’ici, mais Palpi savait que c’était lui. Il se retourna à demi vers les deux passaris.
« Vous dites vrai, nos forces armées sur la planète ne sont pas ce qu’elles ont été, et je connais l’énergie que peut déployer votre peuple. Vous avez longtemps fait de très bonnes recrues pour l’Empire. Cependant, je dois vous rappeler que vous n’êtes pas la seule planète dans ce cas, nos meilleurs soldats sont issus d’une grande diversité de planètes, aux quatre coins de l’Empire. De plus, grâce à nos dernières innovations en matière de pods, toutes les planètes de l’Empire sont à moins de 10 jours de voyage du Bras de Kalta. »
L’espace d’une seconde, quelque chose sembla briller près du point si lointain, comme une étoile qui clignotait dans le ciel. L’air tout autour de lui se mit à vibrer, ce qui se voyait même de là où ils étaient. Les nuages derrière lui paraissait osciller dans le ciel comme des vagues de plus en plus déchaînées.
« Ce qui veut dire que si nous apprenons la rupture d’un accord, je peux me présenter en moins de deux semaines. En compagnie de mon collègue, Anik. »
Dans son oreille, il n’entendait rien depuis un moment, mais un cri finit par lui parvenir. Un mot qu’il reconnaissait bien : “INFERNO !”
La colonne de flamme apparut brutalement dans les airs. Son point d’origine trop bien défini. Elle fila vers le sol en une lance de feu qui parvenait à faire pâlir même le soleil. Puis elle atteint les dunes, dans un silence total, projetant un mélange de sable et de fumée sur des centaines de mètres de distance.
La déflagration mit quelques temps à les atteindre. Ils étaient protégés par le bâtiment, mais tous les drapeaux flottant partirent brusquement vers l’arrière, certains arrachés à leurs attaches. Palpi ferma les yeux à temps pour éviter d’être aveuglé. Il ne pouvait se boucher les oreilles cependant, et la détonation lui donna l’impression d’être brusquement compressé entre deux murs.
Quand il rouvrit les yeux, les deux passaris derrière lui étaient ébahis, les yeux humides. Ils avaient même reculés de quelques pas, malgré la protection offert par la baie vitrée. Devant eux, les dunes avaient fondues. Il ne restait qu’un plateau d’obsidienne, presque parfaitement circulaire, d’un noir luisant qui paraissait refléter le soleil, ainsi qu’une petite étoile qui brillait encore entre les mains d’Anik.
« Nous ne pouvons empêcher toutes les incartades, mais je peux vous assurer que nous pouvons punir la faction responsable. Avec un délai. Si ce délai vous paraît intolérable, nous pouvons nous assurer que l’endroit soit définitivement inaccessible à qui que ce soit. Maintenant que vous vous souvenez de quoi le commando est capable… Est-ce que cette proposition vous paraît raisonnable ? »
Palpi se retourna enfin définitivement vers le prophète et le patriarche, assuré de voir de la peur dans leurs yeux.
« Nous… Nous pouvons sans doute trouver une issue plus raisonnable, lâcha enfin le patriarche après un long moment de silence, les épaules tombantes.
- Vous m’en voyez ravi. Asseyons-nous, je vous prie. »
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Il n’y avait pas à dire : on pouvait mettre un nombre sur la puissance de n’importe qui, mais pour l’effet, rien ne valait une bonne vielle démonstration.
Toute la foule avait suivit avec anxiété l’explosion. Ils étaient nombreux à avoir été repoussés par son souffle, se rattrapant aux passaris les plus puissants pour ne pas être emportés. La clameur qui avait suivit était familière à Tao. La peur. Pas n’importe laquelle. La peur de la mort. La réalisation soudaine et brutale que l’on était absurdement inférieur à son opposant et que l’affronter était futile.
Un sentiment bien trop familier au tueur à gage.
Cela faisait longtemps qu’il ne l’avait pas perçu aussi puissamment dans une foule comme celle-ci. Les imbéciles. Avaient-ils oubliés ce qu’était l’Empire ? La mort de Cold avait définitivement fait perdre la mémoire aux plus idiots.
Même son client, apparemment. Lorsque la poussière et le sable s’étaient enfin dissipés pour laisser apparaître le plateau de pierre noire, Tao avait brièvement aperçu les petits yeux sombres de son employeur sous sa capuche. Il y avait vu de la peur. Heureusement, les interfaces oculaires qui remplaçant les yeux du cyborg ne pouvaient pas exprimer la même chose.
Il n’était pas étonné, dès l’instant où le Bras était sur place, cela voulait dire qu’Anik était là. Le lézard était sans doute l’un des plus puissants guerriers en activité. Surclassé uniquement par la famille de l’Empereur. Et par la saïyenne. Le seul membre du commando impérial que Tao n’oserait approcher sous aucun prétexte. Non qu’il avait envie de se frotter aux autres non plus. Yantz et lui s’accordaient sur ce point : il n’y avait rien à gagner à affronter directement l’Empire, sinon une mort potentiellement douloureuse.
Cela ne changeait rien au plan de son client, par chance. Celui-ci avait attendu au milieu de la troupe de fidèle, assemblée sur la face sud du gigantesque temple. A cette occasion, Tao avait découvert ce que la foule dissimulait : des travaux d’excavation. Creuser dans le sable était complexe et long, mais ils étaient une centaine à s’y mettre en toute discrétion. Son employeur suivait cela avec la plus grande attention, mais Tao ne voyait pas bien ce qu’ils pouvaient découvrir de plus. Oui, le Cube semblait s’étendre plus bas mais la façade restait la même pierre noire et les mêmes inscriptions ne faisaient que se poursuivre dans les profondeurs, sans vraiment changer.
Tout cela s’était interrompu quelques minutes plus tôt, alors qu’une nouvelle clameur parcourait la foule. Leur prophète était de retour, après des négociations avec l’Empire et le Patriarche. Voilà qui expliquait certainement la démonstration de force qui avait précédé.
Déjà, une masse d’imbéciles filaient pour s’agglutiner autour de la tente de leur leader. Tao s’apprêtait à faire une remarque quand il vit son client faire de même. Avec un soupir exaspéré, il lui emboîta le pas.
Juste à temps pour voir le prophète arriver. Il volait vers eux, sa longue chevelure orangée flottant délicatement derrière lui, ses mains tournées vers ses fidèles avec un sourire délicat. Tao ne voyait pas ce qu’ils lui trouvaient.
Soudain, son regard doux sembla devenir acéré, alors qu’il avisait le petit client. Il inclina alors la tête et accéléra pour toucher terre devant sa tente.
« Mes amis ! appela-t-il d’une voix devenue très forte. J’ai obtenu de l’Empire le droit de continuer à vénérer les ancêtres qui nous ont offerts cet endroit en paix ! »
Il avait ajouté quelque chose, mais le cri de la foule noya la suite de ses mots, même quand Tao tenta de concentrer ses capteurs auditifs sur lui. Il lui fallut attendre un long moment pour que ça se calme
« Je vais vous donner les détails prochainement, mais laissez-moi le temps de méditer et de prier. Nous allons devoir nous déplacer bientôt, mais je veux offrir à chacun d’entre vous le temps de faire de même. Priez et profitez, le temple dans son entier sera à nous ! Nous allons découvrir ces secrets et les offrir à l’univers ! »
Le prophète s’inclina, profitant allègrement des clameurs qui s’élevaient à presque chacun de ses mots. Les fidèles étaient bien éduqués cependant, car aucun n’osa s’approcher après cette demande, et si des remerciements fusaient de tous les côtés, ils finirent par se taire et se disperser.
Personne ne faisait attention à eux, les contournant sans broncher. C’est à peine si le client fit l’effort de bouger. Ils étaient deux silhouettes, recouvert de la même cape blanche au milieu d’un millier d’autre. Ils attendirent simplement une dizaine de minutes, puis Tao le suivit à l’intérieur de la tente du prophète.
Il s’attendait à le trouver occupé à boire quelque chose pour fêter sa réussite, ou peut-être à prier comme il l’avait prétendu, mais le grand passari était planté devant l’entrée et il tomba à genoux dès qu’il les vit.
« Seigneur Garlic. Tout est prêt.
- Excellent, ricana la petite créature en repoussant sa capuche. »
Le nom fit tiquer Tao, mais le visage vert-bleu ne lui disait rien. Le crâne étendu, les oreilles longues et pointues ; il ressemblait à une figure de démon que son frère avait un jour évoqué, mais sans les antennes. Cela dit, il y avait tellement d’espèces aliens qu’il ne connaissait pas : ce n’était sans doute pas une bonne idée de se faire une image sur la base de souvenirs aussi anciens.
« La serrure est disponible mais l’Empire interviendra dès que je l’ouvrirai, gronda le petit client d’une voix trop aiguë. Je suppose que vous n’avez pas réussi à les éloigner.
- Non Seigneur et nous devons quitter les lieux, temporairement. Mais j’ai averti que j’aurais besoin de temps pour calmer mes fidèles. Vous avez donc le temps nécessaire. »
Le prophète, si fier il y a encore quelques minutes, était prostré au sol, son regard vert fixé sur le client de Tao comme si c’était son dieu vivant.
« Je vais avoir besoin d’une distraction.
- Tout ce que vous voulez, Seigneur Garlic. Dites-moi ce que vous avez besoin et je le ferais !
- Rien de plus, indiqua simplement la petite créature. »
Elle leva la main vers Tao, dans une geste qu’il reconnu aussitôt. Le tueur à gage poussa un soupir et déploya un doigt métallique vers le prophète.
Le rayon d’énergie jaillit sans qu’il ait même le temps de comprendre. Fin et d’un jaune brillant, il traversa l’espace entre eux et la cage thoracique du passari aussi facilement l’un que l’autre. Une minuscule éclaboussure de sang tâche la tente à quelques centimètres du trou qu’elle avait formé.
La victime, comme toutes les précédentes, trébucha vers l’arrière. La douleur venant après la surprise dans ses yeux écarquillés. Il tomba à genoux, le regard fou allant de Tao à son client comme s’il cherchait encore à comprendre ce qui était arrivé. Un hoquet de douleur lança du sang sur la cape immaculé de Garlic. Puis, quelque chose que Tao Paï Paï n’avait encore jamais vu chez une de ses cibles : un sourire satisfait.
« Je vais connaître le secret de l’immortalité, Seigneur Garlic ?
- Hm… Oui, tout à fait. Tu as bien servi. Ta récompense t’attend. »
Son employeur avait eu l’air tout aussi surpris en entendant ça, mais il s’était vite repris et affichait maintenant un sourire carnassier, les yeux fixés sur sa victime. Tao n’en croyait pas un mot, mais le prophète ne semblait pas douter. Il l’observa jusqu’à ce que la lueur de vie dans ses yeux disparaisse.
« Imbécile, commenta Garlic avant de se tourner vers Tao. Préparez-vous à repousser tout ceux qui voudraient m’arrêter. »
Tao n’eut que le temps d’hausser les épaules, avant que Garlic ne change brusquement de voix, la rendant encore plus aiguë, et ne se mette à crier.
« A l’assassin ! Les drachmiens ont tués notre prophète ! »
Garlic décolla ensuite, se propulsant à travers la tente, puis à travers le camp en direction de la base des excavations. Tao suivit aussi vite que possible, observant les fidèles se rassembler autour de la tente en hurlant.
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Le mercenaire termina de découper en deux l’un des rares fidèles qui avaient eu la mauvaise idée de rester auprès de leur travaux archéologiques. Garlic n’avait pas envie du moindre contretemps. Pas quand la mission était si proche du but.
Heureusement, la clameur qui grandissait progressivement dans le camp camouflait tous les bruits suspects qu’ils pouvaient faire.
« Beau travail, commenta-t-il en passant au-dessus du cadavre. »
Son regard était déjà concentré sur le gigantesque mur noir et les gravures si délicates qui le parcouraient en tout sens. Ils étaient descendus juste assez profondément pour retrouver ce qui l’intéressait. D’une main délicate, il suivit une ligne qui dessinait progressivement la silhouette d’une tête couronnée. Plus bas. Plus bas.
Là Un renfoncement. Léger, mais perceptible à main nue. Invisible tant la pierre était sombre.
Sortant de sa cape l'artefact que le mercenaire lui avait rapporté. Il l’approcha de son récipient. La pierre brilla d’un éclat violacé, alors qu’elle venait naturellement prendre sa place.
Clac.
Garlic Jr. prit une inspiration. Il tourna le regard un bref instant vers Tsuru, vérifiant que le tueur à gages surveillait bien ses arrières mais, aussi, qu’il ne regardait pas dans sa direction. Ce n’est qu’ensuite qu’il remonta sa manche.
La formule avait été inscrite dans sa chair à l’aide d’une petite lame acérée, pour s’assurer qu’il ne l’oublierait pas. Il poussa un soupir et la prononça à voix basse.
Il n’avait pas terminé que les gravures autour de l’artefact se mirent à luire. Le Cube commença à vibrer. A son sommet, deux éperons de pierre noire jaillirent du sol et s’élevèrent lentement dans les airs.
Derrière lui, il entendait des cris. De la peur, de la colère, des pleurs. Le camp était en ébullition et bientôt l’armée passari aurait une insurrection sur les bras.
Le démon continuait son incantation, contenant le sourire qui menaçait d’étirer ses lèvres. Il n’avait besoin que de quelques minutes de plus. Les secrets de l’univers allaient être offerts à ces imbéciles.
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