Pour ce qui est de l'idée de liberté d'expression, j'ai changé d'avis ou plutôt, vous et d'autres personnes sur d'autres forums (le forum à l'origine de ce débat et un autre) m'ont fait me rappeler quelque chose que je savais déjà. On ne peut pas tout simplement censurer des propos a priori, tout simplement parce qu'on ne sait pas ce que veut dire cette personne. De plus, lui interdire par avance de s'exprimer, c'est avorter tout débat possible et donc la possibilité d'éventuellement lui faire voir son erreur. Et donc, lui laisser couver ce genre de pensée. Et puis, il y a aussi une certaine rigidité des lois qui ne permettent pas forcément de saisir toutes les nuances. Comment différencier un discours raciste d'un discours anti-raciste mais passant par un pastiche raciste? Généralement, c'est quelque chose que les humains peuvent juger grâce au contexte, mais une loi est incapable de tenir compte de tous les contextes. (Bon, ceci dit, cela ne s'étend pas à un discours du type "on doit pendre tous les homosexuels".)
Cela dit, cela ne veut pas dire que l'on doive simplement "tolérer" des propos intolérants comme le proposait l'un de mes détracteurs sur le forum d'où tout ceci est parti. (Je dois dire que je l'ai bien aimée celle-là. Le droit d'être intolérant...) Simplement, à partir d'un certain moment où la loi ne peut plus trancher, cela devient de la responsabilité de tous. On ne peut pas juste se taire et se dire "il peut parce que la loi le lui permet". La loi lui permet, uniquement parce qu'elle manque de la précision qui permettrait de le condamner et qu'elle ne résoudrait pas le problème de base (elle est anti-débat), pas parce qu'on juge à travers elle qu'il n'y a rien de mal dans X discours. Donc, devant des propos homophobes, racistes, sexistes ou autres, même involontaires, je trouve qu'il est de bon ton que chacun fasse remarquer que ces propos ne sont pas tolérables et faire comprendre en quoi ils ne le sont pas. Et pas juste faire mollement: "C'est moche, mais après tout, il peut penser ce qu'il veut." À partir d'un certain point, le relativisme devient du je-m'en-foutisme.
Je poursuivrai juste sur ce que dis Mitsu sur le fait que l'on a plus peur de s'asseoir à côté d'un Noir ou d'un Arabe qu'à côté d'un Blanc (j'apporterai la nuance, que c'est surtout à côté d'un Noir ou d'un Arabe jeune de sexe masculin et habillé d'une certaine façon (donc, pas en costard-cravate)). En fait, en soit, c'est déjà une pensée raciste, mais qui est partagée même par des gens non-racistes et même par des Noirs et des Arabes! Ce n'est pas une simple question de statistiques, car statistiquement, il y a bien plus d'accident de voitures que d'avion, mais cela n'empêche pas que l'on ait plus d'appréhension de prendre l'avion que de monter en voiture. C'est tout simplement parce que notre société est imprégnée par ce type de pensée, du coup, même sans être raciste soi-même, on peut penser ça.
Je connais deux exemples de personnes non-racistes avec des pensées racistes qui sont assez emblématiques. Déjà, une fille noire que j'avais interviewée à une certaine époque, adoptée par des parents blancs, pas spécialement élevée dans un environnement raciste et jamais victime de racisme. Pourtant, elle nous a quand même révélé qu'elle ressentait un certain malaise face aux personnes de couleur et qu'elle ressentait presque cela comme une tare. L'autre exemple est celui d'une collègue de l'uni, qui comme moi est en Sciences Sociales et donc étudie ce genre de phénomènes et est évidemment anti-raciste. Elle s'est auto-analysée et a remarqué qu'elle-même avait tendance à se sentir mal à l'aise lorsqu'un jeune homme noir s'asseyait à côté d'elle dans le métro.
Bref! Ces deux exemples, ainsi que ce que dit Mitsu, tendent à prouver que le problème du racisme ne se résume pas aux racistes purs et durs. C'est un phénomène bien plus complexe qui imprègne toute la société, même les non-racistes. Et c'est évidemment pareil pour le sexisme et l'homophobie. Et ce qui est fou, c'est que même des gens qui étudient le phénomène en sont imprégnés. (Même si on le remarque et qu'après on s'auto-analyse... -_- Quand on est en sciences sociales, notre vision du monde change et c'est un peu comme si on avait un radar et qu'on passait notre temps à tout analyser. Particulièrement les études genre, on remarque tout le temps du sexisme ordinaire (donc, du sexisme qui n'est ni de la misogynie ni du machisme)...)
Bon, ce n'est pas un message pessimiste pour dire que ce sera toujours comme ça. Mais juste pour dire que combattre le racisme, l'homophobie et le sexisme, c'est pas juste condamner les racistes, les homophobes et les sexistes. C'est bien plus complexe que cela et cela prendra du temps, mais cela ne viendra pas tout seul sans discussions de fond.