par Super Green Ranger le Lun Jan 10, 2011 17:24
Pour nourrir le débat, j'ai résumé quelques passages de Gustave Le bon (1840-1931) que je trouve intéressant. C'est de lui qui vient l'idée de constitution mentale, mais aussi l'étude de la psychologie des foules etc...
L'embryon humain
Dans les premiers temps de leur développement, les embryons de tous les vertébrés, mammifères, oiseaux, reptiles et poissons, se ressemblent. Les systèmes nerveux de l'oiseau, du reptile, du poisson et de l'homme, par exemple, sont d'abord identiques. Il en est de même, du reste, de tous les autres organes, et l'aile de l'oiseau, la patte antérieure du chien, celle de la tortue, le bras de l'homme ne présentent au début aucune différence. Chez tous aussi, on constate l'existence d'arcs branchiaux qui ne deviendront des branchies réelles que chez les poissons. Chez tous, on trouve une queue qui ne devient permanente que chez quelques-uns. A une certaine période de leur existence, les embryons des divers vertébrés commencent à se différencier. On voit successivement se former les différences qui séparent les classes, puis celles qui distinguent les ordres, les familles, les genres et les espèces. La différenciation n'est d'abord visible qu'entre les classes ; on commence, par exemple, par distinguer l'embryon du reptile de celui de l'oiseau, mais ce n'est que bien plus tard qu'il devient possible de distinguer entre eux des embryons d'animaux de même classe, tels que le chien et
l'homme. Pendant la courte durée de son existence, l'embryon revêt successivement et rapidement des formes extrêmement variées. En étudiant avec soin les formes transitoires par lesquelles il s'élève de l'état de simple cellule à celui d'animal complet, on a reconnu ce fait essentiel, qui peut être considéré comme une des plus importantes découvertes de l'anatomie comparée, que, pendant son développement, l'embryon passe successivement par une série de formes représentant celles des divers êtres inférieurs qui l'ont autrefois précédé à la surface du globe, et qu'aujourd'hui la science lui assigne pour ancêtres. En quelques semaines, il franchit graduellement tous les échelons de l'échelle vivante. Dans les premiers temps de son existence, on constate chez lui des phases de développement correspondant à certaines conformations qu'on observe chez les poissons
adultes les plus inférieurs. Après avoir été celle des poissons, l'organisation devient celle des amphibies ; beaucoup plus tard apparaissent les caractères des mammifères.
=> En suivant aussi cette logique, l'enfant représenterait ce que l'homme primitif était.
Oscillations de la personnalité
Prétendre que notre personnalité est mobile et parfois susceptible de grands changements choque un peu les idées traditionnelles sur la stabilité du moi. Selon Le Bon, notre moi est un total, composé de l'addition d'innombrables moi cellulaires. Notre personnalité peut devenir assez variable, dépendant de l'être lui-même et du milieu. On a vu au cours de la Terreur, de bons bourgeois pacifiques devenir des fanatiques sanguinaires. La tourmente passée et, par conséquent, l'ancien milieu reprenant son empire, ils retrouvèrent leur personnalité pacifique. Ces éléments du moi résulteraient d'un résidu de personnalités ancestrales, c'est-à-dire créés par toute la série de nos existences antérieures. Il y aurait un moi ancestral et un moi artificiel formé par les éléments engendrés par la vie sociale (milieux professionnel etc...). Notre moi étant variable, et dépendant des circonstances, jamais un homme ne doit prétendre en connaître un autre. Il peut seulement affirmer que les circonstances ne variant pas, la conduite de l'individu observé ne changera guère. Le chef de bureau, rédigeant d'honnêtes rapports depuis vingt ans, continuera sans doute à les rédiger avec la même honnêteté, mais il ne faut pas trop l'affirmer. Des circonstances nouvelles venant à surgir, une passion forte envahissant son entendement, un danger menaçant son foyer, l'insignifiant bureaucrate pourra devenir un scélérat ou un héros. Les grandes oscillations de la personnalité s'observent presque exclusivement dans la sphère des sentiments. Le seul moyen de découvrir son moi réel est l'action. On ne se connaît un peu qu'après avoir observé sa conduite dans des circonstances déterminées. Prétendre savoir d'avance comment nous agirons dans une situation donnée est fort chimérique. Le maréchal Ney jurant à Louis XVIII de lui amener Napoléon dans une cage de fer était de très bonne foi, mais il ne se connaissait pas. Un simple regard du maître suffit à dissoudre sa résolution.
L'âme d'un peuple
L’âme d’un peuple représente une accumulation d’éléments ancestraux stabilisés par les siècles. Sur ce roc solide flottent les éléments mobiles des âmes individuelles créées par l’éducation et le milieu.
De la mentalité d’un peuple dérivent sa conduite et, par conséquent, son histoire.
La vie d’un peuple, ses institutions, ses croyances, ses arts et ses luttes représentent
la forme visible des forces invisibles qui le minent.
Un peuple peut transformer sa civilisation en adoptant la langue, les institutions et les arts d’un autre peuple. Il ne transforme pas pour cela son âme. Après la conquête normande les Anglais parlèrent longtemps français, mais restèrent Anglais. En latinisant les Gaulois Rome ne changea pas leur caractère.
Le Japon qui, en quelques années, passa de l’emploi des arcs et des flèches aux armes et à l’industrie modernes, n’eut pour s’assimiler une civilisation nouvelle qu’à utiliser les qualités de patience, de ténacité, de discipline léguées par ses aïeux. Il changea de civilisation, mais ne changea pas d’âme.
L’âme d’un peuple, beaucoup plus que la volonté de ses dirigeants, détermine le régime politique qu’il peut accepter.
La vision des choses par un peuple dépend plus de son tempérament psychologique, c’est-à-dire de son caractère, que de son intelligence. Ce caractère conditionne la façon dont il réagit sous les excitations du monde extérieur.
Chaque peuple a un idéal de droit, de morale et de justice trop personnel pour être accepté par d’autres nations. L’ignorance de cette loi psychologique a créé la décadence de plusieurs colonies.
La guerre actuelle aura fourni des justifications nouvelles de cette loi historique qu’un peuple ne peut adopter les institutions, les arts, la langue, la religion d’une race différente, sans leur faire subir des transformations profondes. Les dieux eux-mêmes sont condamnés à de tels changements. Transporté en Chine, le Bouddha hindou prit rapidement les caractères d’une divinité chinoise. Parvenu en Angleterre, le Jéhovah biblique est devenu un Dieu anglais, gouvernant le monde au profit de l’Angleterre. Adopté par les Germains, le Dieu charitable et doux des chrétiens s’est transformé en divinité sanguinaire et farouche, sans pitié pour les faibles, pleine d’égards pour les forts.
Les peuples ont appris par la lutte actuelle combien variait, suivant les races, le sens de certains mots abstraits : droit, liberté, justice, humanité, force et bien d’autres. Les philosophes le savaient déjà.