CHAPITRE XVIII
Enfants de l'ombre
Le Bingo Book n’était plus l’apanage des traqueurs de prime. Désormais, il trônait dans les mains d’un homme au pouvoir absolu, assis derrière un bureau dont les dorures neuves reflétaient une lumière crue et silencieuse.
Le bureau du Hokage n’était plus celui d’autrefois. Reconfiguré à l’image de son maître, il imposait le silence et l’obéissance. Les murs, drapés de rouge et de noir, vibraient d’une tension invisible.
Deux silhouettes se tenaient devant le bureau, figées dans une solennité contrainte.
L'une d'elles, Hiashi Hyûga, gardait la tête droite, son regard dur affrontant sans vaciller les anneaux concentriques d’un Rinnegan légendaire qui perçait sous l’ombre du chapeau Hokage.
– Ta résistance fut digne de ton clan, murmura Madara, sa voix grave résonnant comme un écho funèbre.
Je la comprends... et je la respecte.Hiashi ne répondit pas. Il n’en avait pas besoin. Son silence, plein de dignité, suffisait à faire comprendre que ce n’était pas – encore – une soumission.
Madara détourna alors légèrement le regard vers la seconde silhouette, plus jeune, dont la mâchoire serrée trahissait quelques tremblements imperceptibles. L’ancienne Mizukage, Mei Terumi, portait encore les marques d’un passé sanglant — et d’un avenir désormais effacé.
– Et toi... la dernière Mizukage, lâcha-t-il avec un rictus.
Pas mal.Elle serra les poings de frustration, les ongles s’enfonçant dans sa chair, sa rage seulement dépassée par sa peur.
– Votre résistance était vaine, ajouta Madara avec une indifférence glaciale.
Seul Hashirama aurait pu me vaincre... avant que je ne m’éveille à son pouvoir.Le bureau du Hokage n’était plus qu’un trône. Zetsu, blafard et silencieux, se tenait à sa gauche. À sa droite, Sasuke Uchiha, le regard froid et fermé, observait la scène comme un juge désabusé. L’Akatsuki, elle, n’avait plus besoin de se dissimuler. Elle arpentait fièrement les rues du village, désormais centre du monde Shinobi, capitale d’un empire né de cendres et de sang.
Et pourtant, Madara n’avait besoin d’aucune garde. Il était, à lui seul, une armée, et même bien plus que cela.
Hiashi et Mei le savaient. Ils l’avaient vu à l’œuvre.
– Je suis déçu par la faiblesse de Konoha, reconnut Madara après un instant, son regard se perdant un moment vers les fenêtres ouvertes sur un ciel rougeoyant.
Je m’attendais à davantage de Shinobis valeureux.
– Au temps de sa conquête, le Saiya-jin a décimé toute menace potentielle... murmura Hiashi.
Ce qu'il reste en ce monde, ce sont principalement des civils, notamment des femmes et des enfants.Un silence plus lourd encore tomba dans la pièce.
– En parlant d’enfants... reprit Madara en ouvrant lentement le Bingo Book.
Il en manque à l’appel. C’est... fâcheux.La première image de son ancien rival et sa prime, si haute qu’elle en devenait presque irréelle, contractèrent instinctivement la mâchoire de Sasuke, telle une lame froide.
* Naruto… ! ****
– Kyûbi devient trop instable, constata Jiraiya, les traits tendus.
Le chakra qui se déversait dans les ruines du complexe souterrain était insoutenable. Même les ANBU d’élite, aguerris aux pires batailles, peinaient à tenir face à cette marée rougeoyante.
Minato se tenait à ses côtés, le regard perçant, les muscles tendus comme une corde prête à rompre. En un même mouvement, les deux hommes firent un pas en avant.
Mais ils s’arrêtèrent aussitôt.
Quelque chose venait d’arriver.
Un autre chakra couvrait l’espace comme une nuée de feuillage noir, écrasant l’atmosphère, repoussant même partiellement la fureur de Kyûbi.
Jiraiya se crispa. Il avait d’abord pensé à Son Gokû mais ce n’était pas ça.
Minato, plus lucide, plus sensible, perçut plus précisément l’aura.
– Ils sont trois, murmura-t-il.
Un rire discret résonna dans la pénombre.
– Juste à temps, commenta Kabuto.
– Veuillez nous excuser pour notre retard... intervint la voix émergeant dans la pénombre.
Beaucoup de choses se sont passées à Konoha.À cette évocation, Minato sentit une tension se resserrer autour de son cœur.
* Konoha... ! *L’ombre s’avança enfin, faisant place à la silhouette d'un enfant nettement plus jeune que Naruto.
Minato se raidit immédiatement.
– Qui es-tu ? demanda-t-il, surpris.
Mais ce fut une autre voix, douce, presque rassurante, qui lui répondit derrière lui.
– Vous ne vous connaissez pas ?C’était Yugito.
Naruto, toujours consumé par l’influence grandissante de Kyûbi, remua violemment. Un grondement guttural s’échappa de sa gorge, alors que ses yeux rougeoyaient.
Mais il n’eut pas le temps d’agir.
Un souffle de sable jaillit dans l’air, et le plaqua au sol comme une main démoniaque.
– Couché, le renard, lança une voix cinglante, presque hystérique.
Une silhouette fine, menaçante, se détacha alors de l’obscurité. Ses cheveux roux encadraient un visage pâle aux traits déformés par un sourire dément.
***
Madara était revenu plusieurs pages avant, passant devant celle de Yugito pour s'arrêter sur celle qui la précédait.
Il s'agissait aussi d'un visage familier pour Sasuke...
***
C’était Gaara, le garçon qui avait combattu Raditz lors de la grande bataille, avant de disparaître sans laisser de trace.
Le regard de Minato se durcit. Il fit un pas en avant, prêt à intervenir. Gaara semblait à deux doigts de céder à une folie latente.
– Ne te laisse pas corrompre à ton tour, enfant du désert ! trancha aussi fermement qu'un katana la voix sévère de Yugito.
Gaara détourna lentement les yeux vers elle. Son sourire s’effaça.
– C’est bon, souffla-t-il.
Le Shukaku... est juste un peu excité.Son ton était redevenu calme et froid — celui du Gaara que Minato avait brièvement connu.
Puis ce fut au plus jeune de prendre la parole. Il s’avança d’un pas, les yeux plantés dans ceux du Hokage déchu.
***
Le livre de Madara dévoilait son plus jeune recherché : un garçon au visage encore juvénile, bien plus jeune que Gaara.
***
– Je suis Konohamaru Sarutobi.Le silence fut total.
Minato et Jiraiya échangèrent un regard stupéfait. Jiraiya n'en avait entendu parler que comme l’enfant turbulent, autrefois accroché aux jambes de son grand-père. Ce gamin avait survécu et, visiblement, il était devenu un ninja, et même plus...
– Je suis aussi un Jinchûriki, continua-t-il, sa voix sans tremblement.
Minato sentit son cœur se serrer tandis que son confirmait son ressenti.
***
– Sarutobi... lut Madara, intrigué.
Comme Sasuke Sarutobi...
– Son arrière-petit-fils, précisa son homonyme Uchiha.
Madara esquissa un rictus pensif. Un instant, son esprit effleura les souvenirs d’un autre temps, quand ce nom imposait le respect.
– D’après nos informations, ajouta Zetsu,
cet enfant serait le Jinchûriki de Sanbi.***
Kabuto, dans un coin de la pièce, afficha un sourire plus large.
– L'un des cadeaux de Danzô Shimura, précisa-t-il avec une fausse candeur.
Malheureusement, il semble que Madara soit bien informé. Heureusement, il n'est pas au courant du deuxième...Le regard de Konohamaru se tourna vers lui. Il n’avait rien d’un enfant à cet instant. Et pourtant, ses pupilles brillaient encore d'une étincelle pure, celle du petit garçon qu’il avait été.
– Je suis le chef de la Racine.***
– Vous transmettrez un message au peuple, déclara Madara, refermant lentement le livre, à l'adresse de ses nouveaux sujets.
Demain matin, sur la place centrale, aura lieu l’extraction publique du Jinchûriki d’Hachibi.