[fic en duo] Cogito Gero Sum

Bon, dimanche 23h j’avoue c’est pas le moment le plus sexy pour poster une fic’. Mais ma dispo étant ce qu’elle est (d’aucun(e) aura su/remarqué que je traine plus des masses dans ma section préférée… enfin si, mais en fantôme… je me rattrape bientôt). Bref…
Nouvelle fic donc. Plutôt originale dans la forme parce que…
Ecrite à 4 mains ! Yolo.
C’est donc une fic écrite en duo avec Max44a5 (Maxou pour les intimes).
Ce sera pas des masses long… mais ce sera plus long que nos dernières productions respectives dans la section. Cette fic a été écrite en mode « fais pas ton crevard et fais tourner le lead ». Comprendre qu’il y avait un chef d’orchestre pour chaque chapitre (sauf 1 ou 2 exceptions) au tour par tour. N’empêche qu’on a mis nos grains de sel dans chaque chapitre indifféremment de qui est le boss du moment. C’est un travail d’équipe donc. Enfin bon, t’as compris le délire.
Ché parti pour le premier chapitre :3
__________________________________________________
—Tu es enfin là ! s’écria l’espèce de petit koala bleu, trépignant d’impatience sur le fauteuil à roulette qu’il faisait voguer à travers la pièce comme s’il s’était agi d’un véhicule classique.
Enrobé qu’il était, l’armure impériale ne lui seyait que très peu. Il semblait d’avantage taillé pour la diplomatie que pour le combat ; celui qui venait de faire son entrée dans la salle de contrôle du vaisseau-mère était en revanche plus grand, plus fin aussi… mais n'en demeurait pas moins ingrat de corps que son acolyte. Frottant ses yeux cernés de noir, il prit tout le temps de s’étirer, avant de prendre la parole.
— Sorbet, est-ce vraiment utile de me faire convoquer à cette heure de la nuit quand tout le monde dort à poings fermés ? Je pense que tu espères trop. Détends-toi un peu. Combien de fois avons-nous risqué nos vies pour rien ? Combien de fois avons-nous essuyé déception sur déception ? Je suis fatigué de tes recherches. Ces chiffres et graphiques compliqués sur tes écrans te leurrent en te donnant l’impression que c’est du sérieux… alors qu’au fond tout ça c’est du vent. On se donne tous à fond pour essayer de sauver les meubles… mais toute la flotte pense qu’il est temps d’arrêter ces imbécilités. Et je ne suis pas loin de partager cet avis.
La tirade défaitiste de l’extraterrestre gela — dans une pose assez ridicule — le sourire béatement enthousiaste qu’arborait Sorbet jusqu’alors. Oui, depuis que la rumeur — puis la nouvelle — de la mort de Freezer s’était répandue à la façon d'une trainée de poudre, ils n’avaient eu de cesse de chercher un nouveau dirigeant — dans l’idéal puissant, intelligent et charismatique — pour remplacer l’empereur déchu. Malheureusement, les Démons du Froid avaient été anéantis en un jour funeste à jamais maudit… et aucun des êtres qu’ils avaient trouvés ne s’était révélé à la hauteur, même en ayant par deux fois revu les exigences à la baisse.
Sans compter les fois où ils s’étaient effectivement dirigés vers un lieu éloigné, dépensant temps et ressources éminemment précieuses… pour rien de plus qu'une rumeur infondée, sinon une blague téléphonique.
Oui…
…Oui mais ça… c’était avant ce soir ; épanché aux quatre coins du labyrinthique vaisseau-mère, lui-même perdu au plus profond de l’espace sombre, austère, muet ; insondable tombe pharaonique.
— Tu ne comprends rien, mon pauvre Tagoma. L’empire est perdu sans un nihilien pour le diriger. En plus, cette fois, cette fois… ce ne sera pas un échec ! Regarde ce dossier, j’ai réuni tous les textes et toutes les analyses confirmant la présence d’un membre rescapé de la famille du Seigneur Freezer… sur une planète à seulement quelques systèmes d’ici !
— Ah oui ? Et de quel bois cette planète est-elle donc faite… pour que ton messie ait ainsi été empêché de se manifester de lui-même… et beaucoup plus tôt que ça ? Je te rappelle à toute fin utile que toute la race - déjà pas très fournie à la base - de l’empereur, a été décimée, jusqu’au dernier membre, lors d’une descente du Super Sayen il y a deux ans. La grande vadrouille écarlate que ça s’appelle… tu as oublié ?
Sorbet farfouilla quelques instants dans le gros dossier jaune qu’il avait jusque ici gardé sous son aisselle — faisant tomber quelques feuilles au passage — avant d’en tirer une pour ensuite l’exhiber fièrement au nez de son camarade.
— Voici ! La preuve ! Les derniers enregistrements du vaisseau personnel d’un jeune parent du Seigneur Cold. Et par chance, c’était apparemment un conquérant et un loup solitaire, un bon vivant qui aimait les voyages, les casinos… et les bagarres de bistro. Il savait se servir de ses poings à l’occasion. Pas de ceux qui se suffisaient de ne connaître que le calice et l’or. Il fera l'affaire, je le guiderai pas à pas.
Tagoma s’empara du document pour le parcourir en diagonale… le rouler en boule, négligemment… et le jeter par dessus son épaule.
— Ces enregistrements datent d’un bon millier d’années Sorbet ! Pour qu’il ait été incapable de rentrer par lui-même, c’est soit qu’il se fiche de l’empire… soit qu’il n’a pas le niveau.
— Soit qu’il est en fait resté coincé sur Cold 444, répondit faiblement Sorbet, baissant les yeux malgré lui.
Le visage de son interlocuteur passa à ce moment-là par plusieurs expressions ; à savoir la surprise — celle avec les yeux ronds comme des soucoupes — puis l’incrédulité, l’effroi… et finalement la moquerie.
—Tu vois bien toi-même que ce que tu dis est stupide au dernier degré. Je n’ai pas dormi depuis plusieurs jours, je pars. Et tu devrais faire de même, tu es un peu trop sous pression.
Que répondre à cela, de sensé ?
Cold 444 était de ces planètes dites géantes. Proche de son soleil, elle devait bien mesurer une moitié de sa taille. Cette particularité géographique la rendait brûlante d’un coté — pas loin de deux-mille degrés — et tendant vers le Zéro absolu de l’autre. Sans compter sa gravité tout bonnement abominable, et son atmosphère parcourue de vents empoisonnés et fortement acides… ; y survivre tenait du mythe.
Cette planète infernale n’avait d’ailleurs de Cold que le nom. Pas un seul être vivant n’avait foulé sa surface et toute matière de l’univers finissait pas s’y désagréger. On captait de temps à autre des rafales d’énergie à la surface de l’astre… autre preuve de l’instabilité du noyau.
— Attends, nom de Dieu ! Je sais que c’est fou dit comme ça… mais cette fois, je suis sûr de moi. Il y a définitivement un nihilien sur Cold 444. Et un nihilien vivant.
— Et c’est avec ce mot “vivant” que j’ai un problème. Je connais ce ton publicitaire. Allons Sorbet… survivre sur Cold 444 ? Si ce fameux cousin a eu la malchance de s’écraser sur cette planète… alors il est mort. A fortiori si ça date d’il y a mille ans ! Mais bordel qu’est ce que tu racontes encore comme sottise, Sorbet ! Redescend et va te coucher, il est tard.
— Et s’il ne l’était pas ? C’est un pari fou… mais… et s’il était juste… coincé… sur Cold 444 ? Nos capteurs reçoivent bien un signal, je n’invente rien Tagoma.
L’interpellé se prit la tête entre les mains. Evidemment qu’il avait envie d’y donner foi, qu’est-ce qu’il croyait celui-là. L’absence de Freezer avait rendu les choses tellement compliquées…… Mais il avait déjà trop espéré par le passé, on ne l'y prendrait plus. Et puis, vraiment, Cold 444 était la seconde définition de l’Enfer dans le dictionnaire. Si un être avait vraiment pu survivre plus de mille ans là-bas… Tagoma n’était même pas sûr de vouloir le rencontrer.
— Tagoma, je t’en prie. C’est notre seule chance et tu le sais, continua d’argumenter le codirigeant de l’empire, sentant poindre une faille dans l’apparente inflexibilité de son camarade.
Ce dernier serra les poings, la sueur perlant sur son front. Il resta ainsi quelques secondes, les yeux fermés, apparemment plongé dans une intense réflexion, à moins que ce ne fût une morsure sauvage du sommeil, à mi-parcours. Finalement, sa voix résonna d’un ton las, au cœur de la salle parfaitement insonorisée.
— Très bien.
~~~~~~~~
Il était assis en tailleur, depuis maintenant plusieurs jours. A moins que ce ne soit des heures ? Ou des semaines ? Des mois ? Ou… des années ? Il avait complètement perdu le fil. Sur cette planète, il n’y avait ni jour, ni nuit. Seulement…
Quand il était arrivé ici, il avait clairement cru mourir sur le coup. Cette gravité… ses os s’étaient presque brisés un à un, après le crash. D’ailleurs, s’il avait été en forme de réduction ce jour-là… le choc l’aurait sans nul doute tué, plus ou moins proprement. Il s’était longtemps voulu de n’avoir pas saisi cette chance…
Ses blessures avaient été épouvantables à supporter, encore plus à regarder ; et il n’avait tenu que grâce à ses nerfs en béton, attendu que sa résistance naturelle, sa puissance — et toutes ces considérations-là — n’étaient jamais plus qu’anecdotiques ici… ; quand bien même auraient-elles toutes été mathématiquement infinies, Cold 444 s’en rirait.
Les vents acides n’avaient en rien arrangé les lésions que le crash lui avait values ; aussi avait-il agonisé pour un temps indéfini… souffrant mille martyrs et puisant au plus profond de son être tari pour survivre. La sensation de blessures ne pouvant cicatriser — du fait de l’acide partout présent — était atroce au delà de l’imaginable. Pourtant, il ne lui avait pas été accordé de mourir. Son esprit avait refusé de lâcher prise, d’atteindre le zéro libérateur. Tant que corps subsistait… esprit refusait le plat silence. La plus petite pensée était une torture. Mais aucune aide extérieure n’était jamais arrivée. Sa famille l’avait-elle tenu pour mort ? Très probablement.
Un “jour”, il avait creusé un trou sous le sable et s’y était enfoui, tombant alors dans une longue phase d’hibernation ; la bonne idée que voilà… la raison, il l’ignorait, mais son corps se réparait tout d’un coup à toute vitesse. Et quand il s’était réveillé un “jour” plus tard… c’était pour naître une seconde fois ; se découvrant un physique tout autre…, comme un papillon s’extirpant de sa chrysalide.
Son corps — terrain battu par les siècles — avait fini par s’habituer aux conditions extrêmes de l’astre ; et c'est seulement à partir de cette période — plusieurs siècles après le crash, donc — que le survivant avait été en mesure de commencer son exploration des lieux ; il fit plus ou moins laborieusement le tour du propriétaire, de fond en comble, errant au hasard et au fil des “mois”. Il n’avait découvert aucune espèce intelligente, ni même aucune espèce vivante, à l’exception d’un immense ver de terre semblant posséder une résistance défiant toute logique… mais qui passait le plus clair de son temps à se déplacer sous le sol. Il l’avait tué un jour…, et n’en avait plus croisé aucun autre. Peut-être n’y en avait-il jamais eu qu’un seul…
Une fois ses blessures résorbées et sa constitution rendue parfaitement indifférente aux humeurs de Cold 444, alternativement torride et glaciale ; il avait tenté de s’enfuir de la planète en regagnant l’espace par ses propres moyens.
Bien mal lui en prit.
En plus de la chaleur sans commune mesure en haute sphère, de terribles orages électromagnétiques l’avaient instantanément foudroyé, le ramenant rapidement à la réalité du fossé d’échelle cosmique qui se dressait entre Mère-Nature et ses enfants, même les plus irrévérencieux. Il avait lutté des heures durant, perdu dans cet univers orangé, orageux ; balloté sans aucun contrôle, son corps subissant l’incroyable toute-puissance de l’astre qui l’humiliait toujours plus à mesure de l’écoulement du sable dunaire plus bas.
Il finit un jour pas échouer au sol, au hasard des vents ; il embrassa alors cette terre rouge plus que de raison, comme pour la rassurer quant au fait qu’il ne l’a quitterait jamais plus… avant d’en venir à la conclusion qu’il lui serait effectivement à jamais impossible de fuir cette planète jalouse… aux cycles menstruels assassins. Impossible… sans un vaisseau apte à résister à la météo.
Pour tuer le temps et chasser la folie, il s’adonnait à des jeux rudimentaires, la philosophie ne le tentant pas plus que ça. En parallèle, cherchait-il — toujours aussi désespérément — à solutionner l’énigme d’une sortie de prison sans vaisseau ; et dans cette quête de solution, il avait pris le parti de laisser son esprit s’égarer à volonté… espérant buter un jour sur une idée hors des clous, une ficelle originale ou un tour qui lui permettrait de passer le barrage des éléments.
Faute de réponses… ses réflexions se prolongeaient beaucoup trop longtemps. Et une réflexion beaucoup, beaucoup trop longtemps prolongée… fini automatiquement par se muer en méditation spirituelle, sans que le sujet ne perçoive la ligne ainsi franchie, comme on ne peut percevoir le moment où l’on s’endort vraiment ; et à ce palier supérieur que figuraient les divers degrés d’états modifiés de conscience, son esprit s’évasait toujours plus amplement… et la conscience qu'il avait des éléments alentours se renforçait toutes les secondes. Et de secondes en années… Il avait appris à ressentir et classifier des choses dont il ignorait jusqu'à l'existence… et qu’il n’aurait jamais cru être à même de conceptualiser sans livre poussiéreux. Et pourtant… le silence était finalement très éloquent, pour qui avait le temps d’écouter jusqu’au bout sans s’endormir.
Eloquent mais mortel aussi.
Si en altitude, le bruit devenait vite insupportable…, par moments le sol était d’un silence profondément affolant.
Ah… Non. Pas cette fois.
Cette fois… il entendait un léger sifflement, comme une vibration dans l’air… qui se rapprochait rapidement.
Ses yeux s’ouvrirent aussi laborieusement que deux stores détraqués ; ses pupilles rouges — quasiment impossibles à différencier de l’iris de ses yeux — se posèrent calmement sur le pod partiellement endommagé qui venait d’atterrir tout près de lui… écartant bientôt automatiquement sa porte, dans un chuintement désagréable.
Sans mot dire, il se redressa souplement, puis fit léviter son corps jusque dans l’intimité du petit vaisseau, apparemment vide d’occupants.
Tagoma n’en croyait pas ses yeux. Même lorsque le vaisseau de secours — à demi carbonisé — s’était enfin posé dans leur petit hangar personnel, il avait refusé de se laisser aller à l’espoir ; ça lui avait déjà trop coûté. En restant pessimiste : ce “petit” vaisseau d’urgence — certainement le dernier et le plus épais du genre, que comptait le patrimoine impérial — avait simplement détecté la plus grande source d’énergie sur la planète ; s’était assuré qu’elle allait embarquer ; puis était revenu sur ses pas. Ce pouvait être n’importe quoi, à l’intérieur, nonobstant la publicité mensongère de Sorbet qui ne faisait même plus vœu de probité. Et avoir sacrifié un vaisseau aussi précieux uniquement pour sauver une pomme trop radioactive donnait déjà à Tagoma des envies de meurtre.
Mais quand la porte s’était soudain affaissée, dans un claquement sec, Sorbet fut le premier sur les genoux ; les larmes aux yeux, pour peu que ses yeux aient été à même d’en générer. Il ne savait pas ce qui se tenait devant lui…
… mais ce n’était pas une pomme… ; déjà ça.
Ensuite… plus qu’un nihilien, un être divin… vraiment divin, nimbé d’une aura surpuissante… écrasante même, littéralement. Et tout divin qu’il se présentait, c’était quand même bel et bien un nihilien, aucun doute, son aveuglante beauté masculine le précédait ; la ressemblance avec l’ex-empereur était notable, à la différence que le corps de ce nihilien-ci était totalement doré d’un pôle à l’autre, sa peau parfaitement lisse luisant de tous ses feux comme un petit soleil… voire un véritable lingot d’or grandeur nature.
A vrai dire… il fallait bien avouer que Cold lui-même n’avait jamais imposé une telle prestance ! Le torse du nihilien en or était barré d’une cicatrice rose vif, s’étirant du sommet de l’épaule gauche jusqu’au milieu du ventre. Cette blessure ne faisait que témoigner de l’enfer qu’avait certainement été Cold 444… mais surtout du caractère forcément exceptionnel de l’être qui y avait survécu… près de mille ans.
Ses yeux ardents se posèrent sur les deux dirigeants qui frémirent. Il pouvait les tuer d’un seul mouvement du regard. Un clignement de paupières et ils seraient vaporisés sur le champ. Inutile de fuir, inutile de combattre, inutile de négocier ou de finasser. Maintenant qu’ils y étaient, maintenant qu’ils avaient mis les doigts dans l’engrenage, la soumission était la seule option littéralement viable.
— Seigneur… ! commença Sorbet, toujours à genoux.
Il s’interrompit en voyant que le Démon du Froid avait levé une main impérieuse.
— Combien de temps ?
Il avait parlé d’une voix lente, mais assurée et régulière. Pour ceux qui en doutaient encore, Il avait apparemment toujours toute sa tête.
A vérifier plus en détails, quand même.
— M…mille ans, Seigneur.
Ses yeux — déjà très colorés — rougeoyèrent…, et les deux compagnons en eurent des sueurs froides.
— Pourquoi ?
— Je… Je suppose que votre famille vous croyait mort et…, déglutit bruyamment Sorbet en s’interrompant un instant, irrationnellement submergé par la pression.
— Non. Pourquoi maintenant ?
Cette fois, ce fut Tagoma qui prit la liberté de s’exprimer.
— L’Empire est en lambeau, Seigneur. Nous avions besoin de votre aide pour…
Il s’interrompit en se laissant à son tour impressionner et intimider par la légère expression de surprise qui venait de s’immiscer sur le visage de son nouveau maître… ; lui dont Tagoma n’avait jamais connu, jusqu’alors, qu’une expression placide, au point de penser que c’était la seule que son visage pouvait former. Après s’être maladroitement arrêté une fois… Tagoma ne trouva pas la force de reprendre.
— L’Empire ? Que fait donc cet imbécile de Cold ?
— Il…… il est mort, Seigneur. Comme toute votre espèce. Tué par…
La voix de Sorbet se brisa tant sous l’émotion d’exprimer ce qui leur avait valu des nuits blanches à ne plus les compter… que sous le regard — indéfini de pupille et de direction — qui le perturbait d'autant qu'il semblait donner beaucoup trop d’importance aux mots.
— Le Super Sayen, acheva Tagoma. Un habitant de la Terre.
Cette fois-ci, ce fut la rage qui consuma le survivant de l’enfer, sous le poids des souvenirs qui ressurgissaient. Super Sayen… Super Sayen. Un être aux cheveux blonds… et à la puissance toute singulière ? A l’époque, ils avaient vaincu un super sayen.
Quand bien même sa force avait tellement porté au ridicule sa propre légende — passée d’hyperbole à euphémisme — qu’il avait su résister, de trop longues heures durant, aux efforts conjointement sués par le survivant de Cold 444 et son oncle, Cold lui-même.
Le Super Sayen était dangereux. Et lorsqu’il fleurissait quelque part ou ailleurs… il fallait tout cesser et le traquer — fût-ce à l’autre bout de l’univers — pour l’exterminer au plus vite… avant qu’il ne prolifère. Lorsque le sujet était abordé en table ronde, cette position politique avait de tout temps fait s’entendre comme cochons Cooler et le présent survivant de l’enfer ; et c’était à peu près la seule, accessoirement.
— Nous nous dirigeons immédiatement vers la Terre. Je vais abattre ce singe primitif, ordonna le nihilien doré avant de jeter un regard vers le hublot duquel Cold 444 était visible ; pour ensuite murmurer un énigmatique « à tout l’heure, je ne t’oublie pas… » d’un air encore plus froid et concerné que lorsqu’il mentionnait le Super Sayen… quelques instants plus tôt.
— Sauf votre respect, Seigneur, c’est une très bonne idée… mais il y a des affaires plus urgentes à régler dans l’immédiat ! répliqua Tagoma, se redressant légèrement. Votre empire ! Votre empire est…
Il ne finit jamais sa phrase. Le nihilien venait de vaporiser l’ex-commandant d’un simple mouvement de bras, le désintégrant totalement de la tête aux pieds… il n’en restait que les chaussures.
— Personne n’est juge de ce qui est une bonne idée ou non…… sinon le temps, siffla doucement le nihilien… comme s’il n’avait tué Tagoma que pour ça et pas pour l’effronterie de l’avoir contredis à demi-mot juste après. Toi, tu feras désormais le travail pour deux. Quelqu’un d’autre à une objection ? scanda-t-il en élevant inutilement la voix tout en baissant lentement le regard droit vers Sorbet.
Le koala bleu se rendit compte que sa première intuition — quant à l’importance que le nihilien au regard imprécis accordait aux mots — était fondée ; il avait peut-être échappé à la mort plusieurs fois sans le savoir et pouvait remercier la maîtrise qu’il avait sur sa langue fourchue. Il n’avait lui-même senti aucune effusion d’énergie ou quelque volonté meurtrière… à travers la pièce ; ni naître ni s’éteindre. Il y était pourtant très sensible et voyait souvent quelques secondes à l’avance la mort d’un sous-fifre. Mais là… il n’avait rien entendu, rien vu, même pas une petite lumière précédant la mort de Tagoma. C’était de la magie, purement et simplement.
Il s’inclina encore plus bas… et plus bas encore, avant de reprendre la parole.
— Je suis émerveillé par tant de puissance, Seigneur ! Et votre peau… Êtes-vous devenu un être divin ou quelque chose comme ça ?
Le Démon mutant le fixa un instant, interloqué.
— …… Non. Du tout. C’est seulement dû aux radiations prolongées et aux facéties de Cold 444. Je reprendrai bientôt mon teint normal.
…… Je te vois déçu. Mais ne t’en fais pas…
— Sorbet, Seigneur. Déçu, je n’oserais pas, Seigneur.
— Sorbet. Ne t’en fais pas… le Super Sayen non plus, n’a rien d’un Dieu…
Le mutant rejoignit le poste de commandement, timidement accompagné par son nouveau serviteur et guide. La timidité des débuts.
— Seigneur… Sous quel nom dois-je vous annoncer ?
Il esquissa un sourire, avant de s’assoir — non pas sur le siège réservé au dirigeant de l’empire — mais sur la chaise des plus banales qui se trouvait juste à gauche, celle normalement réservée à Sorbet en fait ; lequel se voyait du coup bien dans l’embarras… n’ayant aucune d’idée d’où s’assoir. L’héritier regarda dans le vague un moment…, un trop long moment peut-être. Avait-il encore vraiment toute sa tête… c’est ce que se demandait encore Sorbet.
Et finalement… il répondit.
—Winter.
Nouvelle fic donc. Plutôt originale dans la forme parce que…
Ecrite à 4 mains ! Yolo.
C’est donc une fic écrite en duo avec Max44a5 (Maxou pour les intimes).
Ce sera pas des masses long… mais ce sera plus long que nos dernières productions respectives dans la section. Cette fic a été écrite en mode « fais pas ton crevard et fais tourner le lead ». Comprendre qu’il y avait un chef d’orchestre pour chaque chapitre (sauf 1 ou 2 exceptions) au tour par tour. N’empêche qu’on a mis nos grains de sel dans chaque chapitre indifféremment de qui est le boss du moment. C’est un travail d’équipe donc. Enfin bon, t’as compris le délire.
Ché parti pour le premier chapitre :3
__________________________________________________
Chapitre 1 : La der des ders, juré, craché
—Tu es enfin là ! s’écria l’espèce de petit koala bleu, trépignant d’impatience sur le fauteuil à roulette qu’il faisait voguer à travers la pièce comme s’il s’était agi d’un véhicule classique.
Enrobé qu’il était, l’armure impériale ne lui seyait que très peu. Il semblait d’avantage taillé pour la diplomatie que pour le combat ; celui qui venait de faire son entrée dans la salle de contrôle du vaisseau-mère était en revanche plus grand, plus fin aussi… mais n'en demeurait pas moins ingrat de corps que son acolyte. Frottant ses yeux cernés de noir, il prit tout le temps de s’étirer, avant de prendre la parole.
— Sorbet, est-ce vraiment utile de me faire convoquer à cette heure de la nuit quand tout le monde dort à poings fermés ? Je pense que tu espères trop. Détends-toi un peu. Combien de fois avons-nous risqué nos vies pour rien ? Combien de fois avons-nous essuyé déception sur déception ? Je suis fatigué de tes recherches. Ces chiffres et graphiques compliqués sur tes écrans te leurrent en te donnant l’impression que c’est du sérieux… alors qu’au fond tout ça c’est du vent. On se donne tous à fond pour essayer de sauver les meubles… mais toute la flotte pense qu’il est temps d’arrêter ces imbécilités. Et je ne suis pas loin de partager cet avis.
La tirade défaitiste de l’extraterrestre gela — dans une pose assez ridicule — le sourire béatement enthousiaste qu’arborait Sorbet jusqu’alors. Oui, depuis que la rumeur — puis la nouvelle — de la mort de Freezer s’était répandue à la façon d'une trainée de poudre, ils n’avaient eu de cesse de chercher un nouveau dirigeant — dans l’idéal puissant, intelligent et charismatique — pour remplacer l’empereur déchu. Malheureusement, les Démons du Froid avaient été anéantis en un jour funeste à jamais maudit… et aucun des êtres qu’ils avaient trouvés ne s’était révélé à la hauteur, même en ayant par deux fois revu les exigences à la baisse.
Sans compter les fois où ils s’étaient effectivement dirigés vers un lieu éloigné, dépensant temps et ressources éminemment précieuses… pour rien de plus qu'une rumeur infondée, sinon une blague téléphonique.
Oui…
…Oui mais ça… c’était avant ce soir ; épanché aux quatre coins du labyrinthique vaisseau-mère, lui-même perdu au plus profond de l’espace sombre, austère, muet ; insondable tombe pharaonique.
— Tu ne comprends rien, mon pauvre Tagoma. L’empire est perdu sans un nihilien pour le diriger. En plus, cette fois, cette fois… ce ne sera pas un échec ! Regarde ce dossier, j’ai réuni tous les textes et toutes les analyses confirmant la présence d’un membre rescapé de la famille du Seigneur Freezer… sur une planète à seulement quelques systèmes d’ici !
— Ah oui ? Et de quel bois cette planète est-elle donc faite… pour que ton messie ait ainsi été empêché de se manifester de lui-même… et beaucoup plus tôt que ça ? Je te rappelle à toute fin utile que toute la race - déjà pas très fournie à la base - de l’empereur, a été décimée, jusqu’au dernier membre, lors d’une descente du Super Sayen il y a deux ans. La grande vadrouille écarlate que ça s’appelle… tu as oublié ?
Sorbet farfouilla quelques instants dans le gros dossier jaune qu’il avait jusque ici gardé sous son aisselle — faisant tomber quelques feuilles au passage — avant d’en tirer une pour ensuite l’exhiber fièrement au nez de son camarade.
— Voici ! La preuve ! Les derniers enregistrements du vaisseau personnel d’un jeune parent du Seigneur Cold. Et par chance, c’était apparemment un conquérant et un loup solitaire, un bon vivant qui aimait les voyages, les casinos… et les bagarres de bistro. Il savait se servir de ses poings à l’occasion. Pas de ceux qui se suffisaient de ne connaître que le calice et l’or. Il fera l'affaire, je le guiderai pas à pas.
Tagoma s’empara du document pour le parcourir en diagonale… le rouler en boule, négligemment… et le jeter par dessus son épaule.
— Ces enregistrements datent d’un bon millier d’années Sorbet ! Pour qu’il ait été incapable de rentrer par lui-même, c’est soit qu’il se fiche de l’empire… soit qu’il n’a pas le niveau.
— Soit qu’il est en fait resté coincé sur Cold 444, répondit faiblement Sorbet, baissant les yeux malgré lui.
Le visage de son interlocuteur passa à ce moment-là par plusieurs expressions ; à savoir la surprise — celle avec les yeux ronds comme des soucoupes — puis l’incrédulité, l’effroi… et finalement la moquerie.
—Tu vois bien toi-même que ce que tu dis est stupide au dernier degré. Je n’ai pas dormi depuis plusieurs jours, je pars. Et tu devrais faire de même, tu es un peu trop sous pression.
Que répondre à cela, de sensé ?
Cold 444 était de ces planètes dites géantes. Proche de son soleil, elle devait bien mesurer une moitié de sa taille. Cette particularité géographique la rendait brûlante d’un coté — pas loin de deux-mille degrés — et tendant vers le Zéro absolu de l’autre. Sans compter sa gravité tout bonnement abominable, et son atmosphère parcourue de vents empoisonnés et fortement acides… ; y survivre tenait du mythe.
Cette planète infernale n’avait d’ailleurs de Cold que le nom. Pas un seul être vivant n’avait foulé sa surface et toute matière de l’univers finissait pas s’y désagréger. On captait de temps à autre des rafales d’énergie à la surface de l’astre… autre preuve de l’instabilité du noyau.
— Attends, nom de Dieu ! Je sais que c’est fou dit comme ça… mais cette fois, je suis sûr de moi. Il y a définitivement un nihilien sur Cold 444. Et un nihilien vivant.
— Et c’est avec ce mot “vivant” que j’ai un problème. Je connais ce ton publicitaire. Allons Sorbet… survivre sur Cold 444 ? Si ce fameux cousin a eu la malchance de s’écraser sur cette planète… alors il est mort. A fortiori si ça date d’il y a mille ans ! Mais bordel qu’est ce que tu racontes encore comme sottise, Sorbet ! Redescend et va te coucher, il est tard.
— Et s’il ne l’était pas ? C’est un pari fou… mais… et s’il était juste… coincé… sur Cold 444 ? Nos capteurs reçoivent bien un signal, je n’invente rien Tagoma.
L’interpellé se prit la tête entre les mains. Evidemment qu’il avait envie d’y donner foi, qu’est-ce qu’il croyait celui-là. L’absence de Freezer avait rendu les choses tellement compliquées…… Mais il avait déjà trop espéré par le passé, on ne l'y prendrait plus. Et puis, vraiment, Cold 444 était la seconde définition de l’Enfer dans le dictionnaire. Si un être avait vraiment pu survivre plus de mille ans là-bas… Tagoma n’était même pas sûr de vouloir le rencontrer.
— Tagoma, je t’en prie. C’est notre seule chance et tu le sais, continua d’argumenter le codirigeant de l’empire, sentant poindre une faille dans l’apparente inflexibilité de son camarade.
Ce dernier serra les poings, la sueur perlant sur son front. Il resta ainsi quelques secondes, les yeux fermés, apparemment plongé dans une intense réflexion, à moins que ce ne fût une morsure sauvage du sommeil, à mi-parcours. Finalement, sa voix résonna d’un ton las, au cœur de la salle parfaitement insonorisée.
— Très bien.
~~~~~~~~
Il était assis en tailleur, depuis maintenant plusieurs jours. A moins que ce ne soit des heures ? Ou des semaines ? Des mois ? Ou… des années ? Il avait complètement perdu le fil. Sur cette planète, il n’y avait ni jour, ni nuit. Seulement…
… Le vide.
Quand il était arrivé ici, il avait clairement cru mourir sur le coup. Cette gravité… ses os s’étaient presque brisés un à un, après le crash. D’ailleurs, s’il avait été en forme de réduction ce jour-là… le choc l’aurait sans nul doute tué, plus ou moins proprement. Il s’était longtemps voulu de n’avoir pas saisi cette chance…
Ses blessures avaient été épouvantables à supporter, encore plus à regarder ; et il n’avait tenu que grâce à ses nerfs en béton, attendu que sa résistance naturelle, sa puissance — et toutes ces considérations-là — n’étaient jamais plus qu’anecdotiques ici… ; quand bien même auraient-elles toutes été mathématiquement infinies, Cold 444 s’en rirait.
Les vents acides n’avaient en rien arrangé les lésions que le crash lui avait values ; aussi avait-il agonisé pour un temps indéfini… souffrant mille martyrs et puisant au plus profond de son être tari pour survivre. La sensation de blessures ne pouvant cicatriser — du fait de l’acide partout présent — était atroce au delà de l’imaginable. Pourtant, il ne lui avait pas été accordé de mourir. Son esprit avait refusé de lâcher prise, d’atteindre le zéro libérateur. Tant que corps subsistait… esprit refusait le plat silence. La plus petite pensée était une torture. Mais aucune aide extérieure n’était jamais arrivée. Sa famille l’avait-elle tenu pour mort ? Très probablement.
Un “jour”, il avait creusé un trou sous le sable et s’y était enfoui, tombant alors dans une longue phase d’hibernation ; la bonne idée que voilà… la raison, il l’ignorait, mais son corps se réparait tout d’un coup à toute vitesse. Et quand il s’était réveillé un “jour” plus tard… c’était pour naître une seconde fois ; se découvrant un physique tout autre…, comme un papillon s’extirpant de sa chrysalide.
Son corps — terrain battu par les siècles — avait fini par s’habituer aux conditions extrêmes de l’astre ; et c'est seulement à partir de cette période — plusieurs siècles après le crash, donc — que le survivant avait été en mesure de commencer son exploration des lieux ; il fit plus ou moins laborieusement le tour du propriétaire, de fond en comble, errant au hasard et au fil des “mois”. Il n’avait découvert aucune espèce intelligente, ni même aucune espèce vivante, à l’exception d’un immense ver de terre semblant posséder une résistance défiant toute logique… mais qui passait le plus clair de son temps à se déplacer sous le sol. Il l’avait tué un jour…, et n’en avait plus croisé aucun autre. Peut-être n’y en avait-il jamais eu qu’un seul…
Une fois ses blessures résorbées et sa constitution rendue parfaitement indifférente aux humeurs de Cold 444, alternativement torride et glaciale ; il avait tenté de s’enfuir de la planète en regagnant l’espace par ses propres moyens.
Bien mal lui en prit.
En plus de la chaleur sans commune mesure en haute sphère, de terribles orages électromagnétiques l’avaient instantanément foudroyé, le ramenant rapidement à la réalité du fossé d’échelle cosmique qui se dressait entre Mère-Nature et ses enfants, même les plus irrévérencieux. Il avait lutté des heures durant, perdu dans cet univers orangé, orageux ; balloté sans aucun contrôle, son corps subissant l’incroyable toute-puissance de l’astre qui l’humiliait toujours plus à mesure de l’écoulement du sable dunaire plus bas.
Il finit un jour pas échouer au sol, au hasard des vents ; il embrassa alors cette terre rouge plus que de raison, comme pour la rassurer quant au fait qu’il ne l’a quitterait jamais plus… avant d’en venir à la conclusion qu’il lui serait effectivement à jamais impossible de fuir cette planète jalouse… aux cycles menstruels assassins. Impossible… sans un vaisseau apte à résister à la météo.
Pour tuer le temps et chasser la folie, il s’adonnait à des jeux rudimentaires, la philosophie ne le tentant pas plus que ça. En parallèle, cherchait-il — toujours aussi désespérément — à solutionner l’énigme d’une sortie de prison sans vaisseau ; et dans cette quête de solution, il avait pris le parti de laisser son esprit s’égarer à volonté… espérant buter un jour sur une idée hors des clous, une ficelle originale ou un tour qui lui permettrait de passer le barrage des éléments.
Faute de réponses… ses réflexions se prolongeaient beaucoup trop longtemps. Et une réflexion beaucoup, beaucoup trop longtemps prolongée… fini automatiquement par se muer en méditation spirituelle, sans que le sujet ne perçoive la ligne ainsi franchie, comme on ne peut percevoir le moment où l’on s’endort vraiment ; et à ce palier supérieur que figuraient les divers degrés d’états modifiés de conscience, son esprit s’évasait toujours plus amplement… et la conscience qu'il avait des éléments alentours se renforçait toutes les secondes. Et de secondes en années… Il avait appris à ressentir et classifier des choses dont il ignorait jusqu'à l'existence… et qu’il n’aurait jamais cru être à même de conceptualiser sans livre poussiéreux. Et pourtant… le silence était finalement très éloquent, pour qui avait le temps d’écouter jusqu’au bout sans s’endormir.
Eloquent mais mortel aussi.
Si en altitude, le bruit devenait vite insupportable…, par moments le sol était d’un silence profondément affolant.
Ah… Non. Pas cette fois.
Cette fois… il entendait un léger sifflement, comme une vibration dans l’air… qui se rapprochait rapidement.
Ses yeux s’ouvrirent aussi laborieusement que deux stores détraqués ; ses pupilles rouges — quasiment impossibles à différencier de l’iris de ses yeux — se posèrent calmement sur le pod partiellement endommagé qui venait d’atterrir tout près de lui… écartant bientôt automatiquement sa porte, dans un chuintement désagréable.
Sans mot dire, il se redressa souplement, puis fit léviter son corps jusque dans l’intimité du petit vaisseau, apparemment vide d’occupants.
Il était enfin libre.
~~~~~~~~
~~~~~~~~
Tagoma n’en croyait pas ses yeux. Même lorsque le vaisseau de secours — à demi carbonisé — s’était enfin posé dans leur petit hangar personnel, il avait refusé de se laisser aller à l’espoir ; ça lui avait déjà trop coûté. En restant pessimiste : ce “petit” vaisseau d’urgence — certainement le dernier et le plus épais du genre, que comptait le patrimoine impérial — avait simplement détecté la plus grande source d’énergie sur la planète ; s’était assuré qu’elle allait embarquer ; puis était revenu sur ses pas. Ce pouvait être n’importe quoi, à l’intérieur, nonobstant la publicité mensongère de Sorbet qui ne faisait même plus vœu de probité. Et avoir sacrifié un vaisseau aussi précieux uniquement pour sauver une pomme trop radioactive donnait déjà à Tagoma des envies de meurtre.
Mais quand la porte s’était soudain affaissée, dans un claquement sec, Sorbet fut le premier sur les genoux ; les larmes aux yeux, pour peu que ses yeux aient été à même d’en générer. Il ne savait pas ce qui se tenait devant lui…
… mais ce n’était pas une pomme… ; déjà ça.
Ensuite… plus qu’un nihilien, un être divin… vraiment divin, nimbé d’une aura surpuissante… écrasante même, littéralement. Et tout divin qu’il se présentait, c’était quand même bel et bien un nihilien, aucun doute, son aveuglante beauté masculine le précédait ; la ressemblance avec l’ex-empereur était notable, à la différence que le corps de ce nihilien-ci était totalement doré d’un pôle à l’autre, sa peau parfaitement lisse luisant de tous ses feux comme un petit soleil… voire un véritable lingot d’or grandeur nature.
A vrai dire… il fallait bien avouer que Cold lui-même n’avait jamais imposé une telle prestance ! Le torse du nihilien en or était barré d’une cicatrice rose vif, s’étirant du sommet de l’épaule gauche jusqu’au milieu du ventre. Cette blessure ne faisait que témoigner de l’enfer qu’avait certainement été Cold 444… mais surtout du caractère forcément exceptionnel de l’être qui y avait survécu… près de mille ans.
Ses yeux ardents se posèrent sur les deux dirigeants qui frémirent. Il pouvait les tuer d’un seul mouvement du regard. Un clignement de paupières et ils seraient vaporisés sur le champ. Inutile de fuir, inutile de combattre, inutile de négocier ou de finasser. Maintenant qu’ils y étaient, maintenant qu’ils avaient mis les doigts dans l’engrenage, la soumission était la seule option littéralement viable.
— Seigneur… ! commença Sorbet, toujours à genoux.
Il s’interrompit en voyant que le Démon du Froid avait levé une main impérieuse.
— Combien de temps ?
Il avait parlé d’une voix lente, mais assurée et régulière. Pour ceux qui en doutaient encore, Il avait apparemment toujours toute sa tête.
A vérifier plus en détails, quand même.
— M…mille ans, Seigneur.
Ses yeux — déjà très colorés — rougeoyèrent…, et les deux compagnons en eurent des sueurs froides.
— Pourquoi ?
— Je… Je suppose que votre famille vous croyait mort et…, déglutit bruyamment Sorbet en s’interrompant un instant, irrationnellement submergé par la pression.
— Non. Pourquoi maintenant ?
Cette fois, ce fut Tagoma qui prit la liberté de s’exprimer.
— L’Empire est en lambeau, Seigneur. Nous avions besoin de votre aide pour…
Il s’interrompit en se laissant à son tour impressionner et intimider par la légère expression de surprise qui venait de s’immiscer sur le visage de son nouveau maître… ; lui dont Tagoma n’avait jamais connu, jusqu’alors, qu’une expression placide, au point de penser que c’était la seule que son visage pouvait former. Après s’être maladroitement arrêté une fois… Tagoma ne trouva pas la force de reprendre.
— L’Empire ? Que fait donc cet imbécile de Cold ?
— Il…… il est mort, Seigneur. Comme toute votre espèce. Tué par…
La voix de Sorbet se brisa tant sous l’émotion d’exprimer ce qui leur avait valu des nuits blanches à ne plus les compter… que sous le regard — indéfini de pupille et de direction — qui le perturbait d'autant qu'il semblait donner beaucoup trop d’importance aux mots.
— Le Super Sayen, acheva Tagoma. Un habitant de la Terre.
Cette fois-ci, ce fut la rage qui consuma le survivant de l’enfer, sous le poids des souvenirs qui ressurgissaient. Super Sayen… Super Sayen. Un être aux cheveux blonds… et à la puissance toute singulière ? A l’époque, ils avaient vaincu un super sayen.
Quand bien même sa force avait tellement porté au ridicule sa propre légende — passée d’hyperbole à euphémisme — qu’il avait su résister, de trop longues heures durant, aux efforts conjointement sués par le survivant de Cold 444 et son oncle, Cold lui-même.
Le Super Sayen était dangereux. Et lorsqu’il fleurissait quelque part ou ailleurs… il fallait tout cesser et le traquer — fût-ce à l’autre bout de l’univers — pour l’exterminer au plus vite… avant qu’il ne prolifère. Lorsque le sujet était abordé en table ronde, cette position politique avait de tout temps fait s’entendre comme cochons Cooler et le présent survivant de l’enfer ; et c’était à peu près la seule, accessoirement.
— Nous nous dirigeons immédiatement vers la Terre. Je vais abattre ce singe primitif, ordonna le nihilien doré avant de jeter un regard vers le hublot duquel Cold 444 était visible ; pour ensuite murmurer un énigmatique « à tout l’heure, je ne t’oublie pas… » d’un air encore plus froid et concerné que lorsqu’il mentionnait le Super Sayen… quelques instants plus tôt.
— Sauf votre respect, Seigneur, c’est une très bonne idée… mais il y a des affaires plus urgentes à régler dans l’immédiat ! répliqua Tagoma, se redressant légèrement. Votre empire ! Votre empire est…
Il ne finit jamais sa phrase. Le nihilien venait de vaporiser l’ex-commandant d’un simple mouvement de bras, le désintégrant totalement de la tête aux pieds… il n’en restait que les chaussures.
— Personne n’est juge de ce qui est une bonne idée ou non…… sinon le temps, siffla doucement le nihilien… comme s’il n’avait tué Tagoma que pour ça et pas pour l’effronterie de l’avoir contredis à demi-mot juste après. Toi, tu feras désormais le travail pour deux. Quelqu’un d’autre à une objection ? scanda-t-il en élevant inutilement la voix tout en baissant lentement le regard droit vers Sorbet.
Le koala bleu se rendit compte que sa première intuition — quant à l’importance que le nihilien au regard imprécis accordait aux mots — était fondée ; il avait peut-être échappé à la mort plusieurs fois sans le savoir et pouvait remercier la maîtrise qu’il avait sur sa langue fourchue. Il n’avait lui-même senti aucune effusion d’énergie ou quelque volonté meurtrière… à travers la pièce ; ni naître ni s’éteindre. Il y était pourtant très sensible et voyait souvent quelques secondes à l’avance la mort d’un sous-fifre. Mais là… il n’avait rien entendu, rien vu, même pas une petite lumière précédant la mort de Tagoma. C’était de la magie, purement et simplement.
Il s’inclina encore plus bas… et plus bas encore, avant de reprendre la parole.
— Je suis émerveillé par tant de puissance, Seigneur ! Et votre peau… Êtes-vous devenu un être divin ou quelque chose comme ça ?
Le Démon mutant le fixa un instant, interloqué.
— …… Non. Du tout. C’est seulement dû aux radiations prolongées et aux facéties de Cold 444. Je reprendrai bientôt mon teint normal.
…… Je te vois déçu. Mais ne t’en fais pas…
— Sorbet, Seigneur. Déçu, je n’oserais pas, Seigneur.
— Sorbet. Ne t’en fais pas… le Super Sayen non plus, n’a rien d’un Dieu…
Le mutant rejoignit le poste de commandement, timidement accompagné par son nouveau serviteur et guide. La timidité des débuts.
— Seigneur… Sous quel nom dois-je vous annoncer ?
Il esquissa un sourire, avant de s’assoir — non pas sur le siège réservé au dirigeant de l’empire — mais sur la chaise des plus banales qui se trouvait juste à gauche, celle normalement réservée à Sorbet en fait ; lequel se voyait du coup bien dans l’embarras… n’ayant aucune d’idée d’où s’assoir. L’héritier regarda dans le vague un moment…, un trop long moment peut-être. Avait-il encore vraiment toute sa tête… c’est ce que se demandait encore Sorbet.
Et finalement… il répondit.
—Winter.