Inikisha, ton post vaut de l'or. Avec ta permission, je l'enregistre et si l'occasion se présente, je le distribuerai à mes élèves un jour.
Pour répondre à RMR :
je veux pouvoir constater avec mes yeux la démarche exprimée, les sentiments invoqués, sans devoir en passer par une notice explicative. C'est là où je ne suis plus l'analogie art/science, et j'ai peut-être tort, mais là où je comprends qu'à un certain niveau scientifique, il faille une notice explicative, je crois personnellement que l'art ne devrait jamais avoir besoin de ça
Je comprends cette réticence. Mais déjà, je dirais que l'art n'est pas conçu pour se retrouver dans un musée : il y atterrit un jour, en général quand son auteur est reconnu, mais cet atterrissage reste accidentel, bien que commode pour le commun des mortels (nous). Voyez l'art nouveau par exemple : il a été conçu et pensé pour l'habitat, pour le confort de la vie de tous les jours, et son sens ne se révèle pleinement que dans ce cadre. À ce propos, si vous avez la chance de visiter Toronto, ne manquez pas le Spadina Museum, qui porte mal son nom : c'est une résidence qu'on a tâché (avec succès) de laisser aussi vivante que possible, "représentative des goûts de quatre générations de Canadiens aisés", où différents styles artistiques se côtoient de façon harmonieuse, bien que l'art nouveau y soit prépondérant, et où toutes choses forment un tout, jusqu'à l'architecture : les coloris des tapisseries, la dimension des fenêtres, la position des tableaux, des meubles, et la disposition des bibelots, tout contribue à créer une atmosphère de confort et de bien-être. Pour les habitants de l'époque, cela allait de soi. Pour nous autres, en revanche, à moins d'être très cultivés, il nous faut une "notice" : les explications du guide, sans qui on ne se douterait même pas de l'usage de certains objets, sans qui on ne saurait pas non plus avec certitude à quel usage était réservée telle pièce : détente ou travail? Et c'est là où je veux en venir : la "notice explicative" s'avère hélas nécessaire au néophyte, et à lui seul, quand il aborde un genre ou un courant qu'il ne connaît pas, mais l'objet d'art n'est pas fait pour être apprécié du néophyte : il est d'abord conçu dans un "hic et nunc", à un moment et à un lieu donné, pour un public, cultivé ou non, qui en aura une compréhension, voire un usage plus ou moins direct de par les codes qu'il partage avec l'artiste (bien sûr, un artiste peut aussi viser une reconnaissance future, comme Stendhal, ou chercher délibérément à choquer son public, comme le faisait le futurisme ; dans les deux cas, il ne s'agit, à mon sens, que de variantes sommes toutes mineures quant à l'effet recherché). En fait, si nous étions tous des as en histoire de l'art, nous n'aurions besoin d'aucun notice, pour la bonne raison que nous aurions déjà intégré toutes les explications possibles ; mais dans tous les cas, il me semble que les œuvres du passé susceptibles de toucher tout le monde en tout temps ne représentent que la partie émergée de l'iceberg, et que pour les comprendre et les apprécier pleinement, et pour comprendre et apprécier tout le reste, il faut adopter cette approche "indirecte" qui passe par la documentation...tout simplement parce qu'une œuvre n'est jamais crée ni appréciée en dehors d'un cadre de références, qui dans bien des cas n'est plus le nôtre - ou ne l'est pas, parce que ce cadre est celui d'un groupe baigné d'une "culture artistique" différente ou tellement pointue qu'elle peut sembler (à juste titre) déconnectée de la nôtre. C'est pour ça que ce sapin "moderne" me semble un choix malheureux : seule une minorité pourra l'apprécier (et encore, à condition qu'il ne soit pas considéré comme un raté artistique...ce qu'il me semble être, mais je n'y connais pas grand chose et là n'est pas la question), ce qui va, à mon sens, à l'encontre de "l'esprit de Noël".
Je ne sais pas si j'ai été très clair, et j'espère ne pas avoir dit trop de bêtises moi-même!