par San999 le Mar Juil 08, 2014 21:48
En fait, cela fait partie des trucs qui tous seuls ne sont pas sexistes. Mais quand tu analyses tout un ensemble d'oeuvres, tu commences à voir un schéma. Typiquement la "girlfriend in the refrigerator" est un terme utilisé pour désigner un trope qui est tellement répandu dans la fiction, que si dans une oeuvre seule, cela n'est pas forcément sexiste, le tout mis ensemble le devient. Ce trope consiste dans le fait de tuer, faire violer, subir des violences horribles de toutes sortes à des personnages féminins, dans le but unique de développer des personnages masculins, alors que les émotions, les pensées et les souffrances des personnages féminins ne sont traitées que du point de vue de ce que voient les personnages masculins. Si on ne connaît pas ce trope, si on ne s'en est pas rendu compte, on peut parfaitement le reproduire, tout en étant un(e) parfait(e) féministe dans l'âme, car c'est quelque chose qui s'est répandu dans "l'imaginaire collectif". Bien sûr, il y a des personnages masculins qui meurent ou subissent des horreurs pour faire se développer d'autres personnages (la plupart du temps masculin, mais il arrive que cela soit pour des personnages féminins, même si c'est plus rare), et il existe des histoires où on fait subir un traumatisme ou fait mourir un personnage féminin, dans le seul but de développer ce personnage-là. Mais de façon générale, cela va dans le sens souffrance/mort du personnage féminin dans le seul but de développer un ou des personnages masculins.
Ici, c'est tout à fait typique. Qui est la personne qui souffre le plus? Barbara. Quel est l'événement le plus horrible? Ce que le Joker a fait à Barbara. Pourtant, alors que cet événement aura beaucoup plus d'incidence sur elle que sur les autres, et que c'est probablement l'un des événements les plus graves (si ce n'est le plus grave) et les plus marquants du personnage, l'histoire dans laquelle il a eu lieu, n'est absolument pas centrée sur elle, et elle n'en est qu'un personnage secondaire. Elle est le personnage secondaire de son propre traumatisme, celui qui changera toute sa vie. L'agression qu'elle a subi ne sert que de prétexte à nourrir une histoire de "rivalité" haine/fascination entre deux personnages masculins (Batman/Joker) et secondairement à développer l'horreur que vit le commissaire, ainsi que sa force psychologique (que Moore a trouvé le temps de montrer malgré le peu d'espace, alors qu'il n'a rien fait pour Barbara). Après, je sais pas quelles décisions ont été prises à l'interne, et peut-être qu'il s'est arrangé avec un autre auteur, pour que lui, traite l'histoire de l'angle de Barbara. Mais Killing Joke en lui-même est une histoire de développement psychologique de trois personnages masculins, basé sur un événement qui pourtant a beaucoup plus de conséquences sur un personnage féminin, qui ne sera pas développé dans l'histoire même.
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San999 le Mer Juil 09, 2014 9:25, édité 1 fois.