Oui mais tu fais comme si les intérêts économiques de l'Europe avait une consistance réelle. Pour qu'un sujet ait un intérêt, encore faut-il qu'il existe, or il n'y a pas "d'Europe" qui serait le sujet d'un prédicat tel qu'on pourrait dire "l'Europe est intéressé à... etc".
Alors, l'Europe est une idée qui est
censée (j'accentue pour qu'on soit d'accord : c'est censé être le cas en théorie, mais la pratique malheureusement prouve le contraire, et désolé si je radote, mais là encore c'est la faute aux Etats nationaux qui corrompent -pas dans le sens pécunier- ) avoir une consistance. Elle est représentée après tout par deux instances : la Commission européenne et le Parlement européen (représentation des citoyens en tant qu'européens et non pas en tant que nationaux). Cette idée, c'est celle du collectif : ce qui est bon pour toute l'Europe et pas uniquement pour un seul pays. Prenons le contrôle des frontières, en restant dans les aspects économiques : l'intérêt de l'Europe serait d'avoir des frontières communes gardées par l'Europe. On économise beaucoup sur ce contrôle pour tous les pays, même ceux frontaliers (car cela implique également des aides pour les aider à garder les frontières). Ca c'est l'intérêt européen, alors que l'intérêt national peut être autre, pour des raisons politiques ou sociales par exemple.
C'est pourquoi à mon avis tu te trompes quand tu dis "l'Allemagne ne comprend pas..." : l'Allemagne comprend très bien, et c'est justement parce que ce n'est pas un bisounours économique, contrairement à nos dirigeants à nous, qu'elle s'en sort relativement (très relativement) bien.
Pour être actuellement à Berlin et avoir eu la chance de recueillir les avis de conseillers et députés allemands, tu te trompes sur ce point. Ou plus exactement, elle comprend en effet mais elle sait qu'au niveau national, elle ne peut justifier ça à un peuple qui ne comprendrait pas "pourquoi on aide des tricheurs".
Que l'Allemagne en tant que telle ait des excédents n'est pas un problème. Obliger tout le monde à en avoir (comme elle veut le faire avec la Grèce), c'est de la folie et contraire à toute logique économique. Un excédent implique un déficit quelque part, parce que cela signifie que l'Allemagne vend plus qu'elle n'achète, donc que le reste du monde lui achète plus qu'il ne lui vend (ce reste du monde est donc forcément déficitaire envers l'Allemagne). Ici, on peut quasiment réduire le Reste du monde à l'UE, dont la Grèce. Obliger la Grèce à réduire son déficit, cela implique réduire ses propres excédents, ou tout du moins ceux des pays de l'UE en général et donc de possiblement accentuer les déficits des autres. Le problème n'est donc pas là.
L'idée que l'Europe économique fera l'Europe politique est une pure folie
Tout à fait d'accord. Et tout le monde serait d'accord avec toi (sauf la France - pas les Français - que cela arrange bien).
on donne juste un instrument d'oppression à celui qui a les commandes à un moment donné.
Oui et non. Jusqu'à présent, donner les instruments économiques à l'Europe a fait énormément de bien à tous les pays. Ceux qui ont eu des problèmes - avant 2008, la crise a d'autres origines et est assez complexe - sont ceux qui cherchent encore à jouer cavaliers seuls en fait. Si on retire les instruments économiques de l'UE, ainsi que ses instruments monétaires, ce serait désastreux pour tous ces pays (et pour la Suisse. Potentiellement moins pour la Norvège, je ne connais pas assez ce pays).
En fait, si on craignait une Union Européenne, il ne fallait pas la faire. Maintenant, c'est un peu tard et on se priverait de nos instruments de lutte dans la globalisation (l'Euro, qui est la deuxième monnaie internationale, et qui ne pourra jamais être remplacée par un mark ou un franc français). D'ailleurs, ça ferait bien plaisir aux Etats-Unis qu'on s'écroule (moins à la Chine)

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En gros, mon point c'est qu'actuellement, l'économie européenne est un soutien, pas un instrument d'oppression.
En fait, à mon avis, une Europe politique n'est pas possible dans un horizon raisonnable (celui des décisions politiques, donc une dizaine, une vingtaine d'année)
Malheureusement, oui.
tout simplement parce que les peuples sont attachés à leurs nations
Ca, je suis désolé, mais c'est l'argument auquel je ne crois pas. La plupart des habitants de ces pays ne sont attachés à leur nation que depuis qu'on leur a présenté des ennemis pour pouvoir les fédérer et les calmer face aux problèmes de leurs propres pays. Je n'ai jamais entendu autant de nationalistes français que depuis la crise de 2008. Pareil pour l'Allemagne qui ne réveille son amour de la patrie que quand elle est oppressée par un autre pays (la France par exemple). Ce n'est qu'un point de vue personnel, mais pour moi on s'attache à une certaine idée ou à une certaine condition (passée ou présente), voire à la limite à la ville/la région (encore que) parce qu'elles sont proches de nous et qu'on la vit tous les jours. Mais qui vit la France ? Les bretons et les corses ? Les parisiens opposés aux provinciaux ? Ceux qui ne croient plus en leur pays et ne vont même plus voter ?
Peut-être que c'est en parlant aux gens sur Internet ? Mais on ne sait pas du tout si la personne est française ou pas...
Les gens sont attachés pour moi à plusieurs choses par le concept de nation : leurs habitudes (que la nation leur permet de conserver) et une certaine solidarité de fait dans les moments difficiles. Pour moi, les idées de l'Europe sont assez différentes : accepter les habitudes des autres et surtout apprendre à les connaître (je prêche pour ma paroisse, j'avoue) , et vive avec un changement quasi permanent (à noter qu'effectivement ça peut être négatif parfois).
et que de toute façon l'Europe a failli dans sa mission (qui est la mission primordiale de l'Etat) de protection des populations.
Rien à redire là-dessus, mais c'est pas parce que ton gamin te ramène un 2/20 que tu le déshérites.
500 000 migrants portugais !
Je veux bien que tu précises là.
Les USA ne peuvent pas avoir ces problèmes parce qu'il y a un Etat Fédéral et que si tu demandes à un Texan ou à un habitant de l'Illinois, il est Américain.
Là, ça dépend desquels. Le Texas qui veut se barrer des Etats-Unis n'est pas forcément d'accord avec toi. BTW, c'est bien une Europe fédérale qui serait une belle voie de sortie, pas une Europe dictatoriale.
En somme, en Europe, il n'y a pas d'intérêt commun, ça n'a pas de sens de parler d'intérêt commun.
Exactement comme aux USA. Et pour les intérêts communs, comme je te l'ai dit, si, on en a. Et de base on est de toute façon plus forts à plusieurs que tous seuls. Bon courage pour résister à la Russie, aux Etats-Unis ou à la Chine dans les années à venir sans l'UE. Déjà qu'avec, et telle qu'elle est actuellement, ce serait une gageure, mais alors uns par uns, on se fera défoncer militairement ou économiquement.
Au passage, par exemple (j'attends de voir l'accord final pour confirmer), le TTIP a été renégocié et essaye de s'accorder à nos standards européens. On aurait apparemment obtenu des concessions sur tout ce qui est qualité des produits. Pareil, le tribunal des multinationales est apparemment en train d'être renégocié (encore une fois : à suivre. Je dis juste ce que j'ai entendu aux dernières nouvelles). Si la France avait négocié seule, on aurait soit pas d'accord du tout, soit un éléphant en train de s'asseoir sur notre joli coq.
Ce qui ne veut pas dire qu'on ne puisse pas faire des programmes européens et qu'on ne peut pas renforcer la coopération intra-européenne, voire qu'on édicte des normes de protectionnisme.
Faire ça dans un contexte multilatéral sans instance organisatrice et médiatrice est terriblement difficile. Sans le président du conseil européen, beaucoup d'accords n'auraient jamais vu le jour et des dirigeants auraient claqué la porte depuis longtemps.
Pour la BCE, je suis pas d'accord, c'est elle qui a coupé les liquidités à Chypre et en Grèce, ce sont pas du tout les sauveurs des peuples et des nations
Je suis en gros désaccord avec le gestion de la crise de l'euro, mais la BCE a clairement bien agi sur pas mal de choses. Chypre et la Grèce, elle a bien agi mais pas de la bonne manière. Mais il fallait couper ou au moins limiter pendant quelques jours les liquidités. Si on ne faisait pas ça, on avait un gros risque que Chypre et la Grèce fassent défaut pour de bon et que cela les plonge pour longtemps dans la crise.
Bon après, le Conseil européen et la Commission européenne se sont vautrés dans leur gestion et du coup ça n'a pas été suivi d'effet. Mais la BCE a été quasiment irréprochable compte tenu de la situation et de ses prérogatives.
Sans compter que ses statuts lui empêchent de prêter directement à des Etats, ce qui est quand même le comble.
Ouais, c'est de la merde. On remercie la Bundesbank pour ça d'ailleurs (et elle ferait bien d'arrêter d'essayer de traîner la BCE en justice d'ailleurs).
Si la solution à l'Europe c'est plus d'Europe, je suis sceptique. Et si c'est avancer dans le cadre institutionnel actuel, c'est une pure folie, et on court droit à la dictature que tu craignais. L'Europe, en l'état, n'est pas une démocratie.
L'Europe dictature est un risque, comme pour tout système. Mais un système fédéral -bien pensé. Pas la Russie ou l'Irak- a bien moins de risque de tomber en dictature qu'une monar... Pardon, une république présidentielle. Il faut avancer dans beaucoup de choses de manière économique, mais là pour le coup il va falloir clairement aussi revoir le système politique européen : remplacer le conseil des ministres par un conseil des parlements ce serait pas mal déjà (non mais sérieux, les gouvernements ont déjà suffisamment de pouvoir en Europe au niveau exécutif sans qu'on leur en rajoute au niveau législatif, sans blague), et limiter le monopole des législations de la Commission (qui est également censée être l'exécutif et non le législatif), c'est aussi essentiel.
Il y a du boulot, et je suis sceptique sur la volonté de s'y atteler. Je crains clairement pour l'UE mais pour moi elle reste notre meilleure chance de nous en sortir.
Le meilleur système resterait un système de contre-balance avec des Etats qui surveillent l'UE et l'UE qui surveille les Etats, mais on en est loin.